Sick boy - Adam & Logan

Je ne sais pas ce qui me réveille. Le bruit de la vaisselle ? L'envie de vomir ? La chaleur ? Peut-être tout à la fois. Je mets un instant à me demander pourquoi je me sens si mal, et les images d'il y a je n'sais combien de temps me reviennent en tête.

J'ai pas envie d'être malade, pas envie d'affronter cette journée, pas envie d'entendre tout le monde aller bien sauf moi. Je me sens pas bien et c'est inssuportable.

Quand j'arrive à me mettre debout, tout en ayant la tête au dessus de la bassine qu'il y a au pied du lit, je ne perds de temps à rejoindre la salle de bain. J'ai toujours aussi chaud et j'ai la mauvaise sensation d'être au dessus d'un immense brasier.

Du coin de l'oeil je vois Logan et Olivia devant les dessins animés, mais je ne prends pas la peine de m'y attarder. Je suis pourri de l'intérieur.

Quand je vois la porte de la chambre s’ouvrir, je me redresse doucement.

— Hey.. ça va ??

Il ne répond pas et va dans la salle de bain. Je laisse Olivia a ses dessins animés et je me lève pour le rejoindre.

— Adam ? Tout va bien ?

Logan rentre dans la salle de bain derriere moi et quand il me demande si tout va bien, je lève les yeux au ciel.

— J'ai l'air d'aller bien, là ?

Je demande, sarcastique, alors que je relève la tête de la cuvette des toilettes.

— Non, en effet, t’as pas l’air bien. Et tu vas te calmer parce que sinon tu vas vraiment passer une mauvaise journée, t’as compris ? J’suis pas ton pote.

Je réponds du tac-o-tac. Moi aussi, j’ai été mal, j’ai été ronchon, mais pas désagréable.

— Et moi j'suis pas ton gosse, t'es pas obligé de me parler comme si j'avais huit ans.

Je suis essoufflé rien qu'en parlant, parce que je vomis de la bile par à-coups et ça m'empêcher de reprendre mon souffle correctement.

— Tu veux que je te dise quoi d'autre ? Que j'ai envie de pleurer parce que je supporte pas d'être malade ? Tu le sais déjà. Alors non, je vais pas bien...

— Je viens gentiment m’assurer que ça va, je viens te demander si t’as besoin d’aide et si t’as besoin de quoi que ce soit, parce que c’est ça que ça englobe un « ça va » dans ce genre de circonstances, on est d’accord ?

Je n’arrive même pas à avoir mal au cœur de le voir comme ça tellement il m’a gonflé.

— J’vais te mettre tout ce dont t’as besoin sur la table et je m’abstiendrai de te demander comment tu te sens.

Je dis avant d’aller directement dans la cuisine lui préparer ses médicaments.

— J'suis pas encore devin.

Il est déjà parti quand je marmonne ça, mais tant pis. J'ai conscience que je suis peut-être un peu de mauvaise foi, mais aujourd'hui j'ai pas l'esprit à capter ou s'arrête le tolerable et l'intolérable.

Je passe encore une bonne dizaine de minutes dans la salle de bain, peut-être même plus, avant d'arriver à me remettre sur pied et quand je sors, je vais directement dans la cuisine chercher de quoi éviter que ça ne recommence trop rapidement.

Je suis retourné m’asseoir près d’Olivia. Elle traîne plus qu’elle ne mange, mais on est samedi et je ne la vois pas souvent alors avoir un câlin de sa part aussi long m’arrange bien.

— Coucou Adam ! Est-ce que t’as pas trop mal au ventre ? Ça va ? Moi j’ai bien dormi.

Elle dit en se redressant pour le regarder. Moi, je fixe l’écran en bouillonnant encore.

Quand j'entends la petite voix d'Olivia, je fais un effort monstre pour ne pas faire ma tête de con. Ce n'est pas de sa faute si elle est malade et je ne veux pas qu'elle pense que ça me dérange qu'elle soit ici. Et c'est pas tant la faute de son père non plus, mais disons que j'ai eu plus de mal à me contrôler face à lui.

— J'ai très mal au ventre ma puce. Et j'arrête pas de vomir, alors je vais vite prendre des médicaments et retourner au lit. Tu vas faire quoi toi ?

Je fais une grimace et ça la fait rire. Ça me suffit pour récupérer ce que Logan a laissé sur la table et avaler le tout plus lentement que cette nuit.

— Merci quand meme, pour les médicaments.

— Je vais faire un dessin, jouer à la marchande, promener Poisson. Avec papa on va te faire à manger.

Je me retiens de répondre que moi je ne vais rien faire du tout. Je l’ignore même quand il me remercie.

— Papa il a dit que tu dois te reposer et qu’on va s’occuper de toi.
— Termine de manger, ma puce.
— Ok papaaaa !

Elle se réinstalle correctement.

— Je ne suis pas certain que papa s'occupe de moi, non. Mais j'appelerais mon papa si je suis trop malade ! Ou Gabriel !

Je souris à Olivia, pour la forme, et je me dépêche de finir de prendre les médicaments. Si j'appelle Gabriel, il va me dire d'aller me faire voir. Mon père, il va me passer ma mère. Et ma mère... Elle va en faire un drame et je vais être encore plus grognon. Je m'en fous, je peux me débrouiller tout seul.

— Je retourne me coucher.

J'annonce quand même, même si a priori on va se faire la gueule pendant un moment.

— Va jouer dans ta chambre, ma puce.

Elle ne cherche même pas à comprendre et elle part en courant, trop heureuse de ne pas être obligée de terminer ses céréales. Quand je l’entends jouer, je me lève et je vais dans la chambre immédiatement.

— La prochaine fois que tu te serres d’elle pour me lâcher un pic, j’te cartonne Adam. Si tu veux pas que je te traite comme un gamin de huit ans alors n’agit pas comme si t’en étais un. Putain. Mais t’essaie de me faire passer pour quoi aux yeux d’Olivia quand tu dis un truc comme ça ? On dirait Moïra ! T’as utilisé Olivia qui n’a rien demandé pour me faire passer pour un enfoiré qui ne s’occupe pas de toi. Très mature, Adam. Vraiment.

Et ça me peine. Qu’il m’insulte, qu’il soit désagréable avec moi, ça me fout en colère mais passe encore. Il est chiant quand il est malade, c’est comme ça. Mais qu’il utilise ma fille, ça ne passe pas.

— Je pense que t’as besoin de dormir, en effet. Et peut-être que tu te réveilleras de meilleure humeur.

— C'est vrai que c'est mieux de me comparer à la connasse qui t'as tout volé, y compris ta fille. T'as qu'à me filer son numéro et je vais boire un thé avec elle, histoire qu'on discute d'a quel point t'es un enfoiré qu'on déteste.

Je relève à peine le visage, parce que j'ai pas envie qu'il voit que ça me blesse autant qu'il dise ça.

— Tu pourrais même pas me regarder dans les yeux et me dire que tu t'es pas dit une seule seconde que j'avais qu'à aller me faire foutre pour que tu t'occupes de moi ! Alors arrête de faire comme si c'était l'affront suprême ce que je viens de dire putain.

Je capte brièvement son regard, juste assez pour qu’il puisse lire sur mes lèvres un « va te faire foutre » silencieux. J’attrape ensuite une stylo et son calpin qui traîne tout le temps pour noter le numéro de Moïra que je connais encore par cœur.

— Tiens. Elle a plein de chose à dire sur moi. Puis au moins vous aurez en commun que je suis un enfoiré que vous détestez et que je ne m’occupe pas de vous, c’est un bon point de départ, non ?

Il vient tellement de me blesser que son excuse d’être malade ne prendra pas. Hier encore il me quémandait de lui promettre que je l’aimerais encore si jamais il était désagréable et c’est lui qui me dit qu’il me déteste et qu’il irait bien en discuter avec mon ex-femme. Même si ses mots ont dépassé sa pensée, ça me fait mal.

— Bon week-end, Adam. T’expliqueras à tes parents pourquoi on n’est pas là demain et tu nous excuseras auprès d’eux.

Je quitte la chambre, mon portable à l’oreille pour appeler un taxi. Je n’ai aucun mal à convaincre Olivia d’aller se balader. Je prends son sac à peine défait et on part à l’aventure dans la bonne humeur ; on a juste eu le temps de s’habiller et le taxi était déjà là. Olivia vit déjà dans une ambiance compliquée la semaine, je n’ai pas du tout envie qu’elle subisse d’autres tensions les seuls week-end où on se voit.

— Non mais vraiment là ? C'est de la connerie...

Il sort de la chambre et je me laisse tomber dans l'oreiller. Quand je l'entends commander un taxi malgré tout, je me dis qu'il se fout de ma gueule. Puis je les vois s'habiller Olivia et lui et je me dis qu'il se fout de ma gueule. Puis finalement, avant même que je ne puisse dire ouf ils partent. La porte claque, il n'y a plus aucun bruit dans la maison si ce ne sont les animaux et je ne sais pas quoi faire.

Je me dis qu'ils vont forcément revenir, parce qu'ils n'ont nulle part où aller. Je l'ai blessé, il m'a blessé, est-ce que c'est vraiment au point d'en faire un scandale ? Je ne pense pas. Ils vont forcément rentrer. Et j'espère de tout mon cœur, parce que je m'endors avec la boule au ventre.

Quand on rentre le dimanche, il est 16 heures. Olivia déboule comme une tornade dans la maison. Elle balance son sac dans un coin et va tout de suite faire plein de câlins à Poisson.

Nous avons passé un super week-end et Olivia n’y a vu que du feu. Son avions est dans quatres heures alors il est temps qu’on y aille, mais je tenais à ce qu’elle dise au revoir à Adam ; si lui, ça ne le gêne pas de l’amener dans nos disputes, ce n’est pas mon cas.

— Tu vas dire au revoir ?
— ADAAAAAM !!

Elle court dans la chambre ; j’espère qu’il ne dormait pas.

Quand j'entends le bruit des clés dans la porte, mon estomac bondit. Logan et Olivia sont partis depuis hier matin, je n'ai pas eu la moindre nouvelle et je suis resté enfermé ici comme un con depuis la veille. Ça m'a permis de réfléchir à pas mal de choses et d'avoir honte de moi assez fort.

À dire vrai, je ne pensais même pas que Logan rentrerait avec Livie, mais qu'il irait directement l'emmener à l'aéroport. Je crois que je pensais même qu'il n'allait jamais rentrer... Pas jamais jamais, mais jamais pas tout de suite. Il a déjà passé des jours, voire des semaines, sans me donner la moindre nouvelle, alors bon.

Bouquin en main, mon pc est par terre au pied du lit et diffuse de la musique pendant ce temps quand Olivia rentre en criant mon prénom. Je n'ai pas vomis depuis plusieurs heures, alors je suppose que je peux au moins lui faire un gros câlin.

— Ça va ma puce ? Tu t'es bien amusée avec papa ?

Je demande, un sourire aux lèvres, en la serrant contre moi.

— Oui ! C’était super chouette ! Dommage que t’étais malade. Tiens.

Elle lui tend un dessin qu’elle a fait sur lequel elle a representé leur famille. Elle n’est absolument pas doué en dessins alors les bonhommes ressemblent à des patates.

— Ça c’est papa et ça c’est toi et moi ici qui donne la main à vous deux et Poisson et Pandore. Voilà. Tu peux la mettre sur la table de chevet.

Elle lui fait un énorme câlin.

— Je vais revenir dans quinze jours ne soit pas triste. Il faut guérir vite !! Tu vas m’appeler aussi ?

J'ai les larmes qui me montent aux yeux en voyant son dessin. Je me prends une nouvelle gifle en me rendant compte que ma connerie m'a également privé d'Olivia, de sa fraîcheur et de tout ce qu'elle apporte à notre famille.

— Il est magnifique Olivia ! Je vais même le mettre dans un cadre !

Je la serre très fort contre moi, en me promettant d'insister pour l'avoir au téléphone la prochaine fois que Logan l'appelle. Je suis toujours un peu sur la réserve, à cause de Moïra de l'autre côté, mais si ça fait plaisir à Olivia, alors elle passe bien avant sa mère. Je n'ose même pas lever les yeux ou tenter de regarder ou peut être Logan.

— Promis, je t'appelle dès que c'est fait pour te dire combien ça fait beau sur la table de chevet. Et dans quinze jours, on pourra même peindre tous les deux un dessin que tu pourras accrocher chez maman ! Comme ça on aura chacun le notre !

— Ok trop super !! Je vais faire des dessins de mes jours d’école pour les raconter dans un livre et faire comme toi !!
— Livie ??

J’appelle de l’entrée.

— Faut pas qu’on soit en retard, ma puce.
— Ok !!

Elle fait un dernier câlin à Adam, encore plein de bisous et elle s’en va tristement. Elle a toujours beaucoup de mal à quitter la maison et c’est pire à chaque fois. Aujourd’hui, elle a beaucoup pleuré et j’ai eu un mal fou à la quitter. Quand je rentre à la maison, je suis encore chamboulé par cette séparation qui n’a ressemblé à aucune autre. Pour ne plus y penser je me lance dans le rangement de sa chambre ; le vide qu’elle laisse à chaque fois est énorme.

Il est tard lorsque Logan rentre. Tellement tard que j'ai de nouveau cru qu'il ne rentrerait pas ici. Je n'ai aucune idée de la façon dont je dois amener les choses et en même temps, je sais très bien que quoique je fasse, Logan ne laissera pas cela passer comme ça. Je ne suis pas là d'avoir de nouveau une vie de couple paisible.

J'ai assez potassé pour avoir compris que tout était de ma faute. C'était moi qui était malade, moi qui était grognon, moi qui ai lancé les hostilités et même si je ne m'en suis pas rendu compte sur le coup, moi qui ai été blessant en premier lieu.

Quand je finis par me décider à sortir de notre chambre, il est déjà rentré depuis plus d'une demie heure. C'est dur d'assumer mes erreurs et quand je l'entends dans la chambre d'Olivia, je crois que j'y vais à reculons.

— Hey..

Ma voix est faible, tout comme mon petit coup sur la porte pour signaler ma présence. Mais je me dégonfle, tel le lâche que je suis.

— Je voulais pas te déranger, excuse-moi... C'est juste pour te prévenir que je vais dormir sur le canapé cette nuit, je crois que c'est mieux. Un médecin est passé et je suis arrêté jusque mardi inclus, alors si jamais tu te lèves et que je suis encore là, c'est normal.

Il ne réponds pas et je m'apprête à quitter la pièce.

— J'espère que vous avez passé un bon week-end avec Olivia, sincèrement. Je suis désolé d'en avoir gâché le début...

Je suis dos à lui et je crois que cette approche n’était pas franchement la meilleure. Venir me trouver pour me dire qu’il dort ailleurs, comme si c’était ce qui arrangerait les choses me peine encore plus. Pas d’excuse, pas de discussion. Il continue d’agir comme un ado et ça m’effraie. On va se marier, je lui confie ma fille, on veut des enfants. Et sa conclusion à ce qu’il s’est passé, c’est qu’il dort sur le canapé ? Ok. Ne communiquons pas alors. Ne dormons même pas ensemble.

— Tu es malade, tu seras mieux dans la chambre. Je vais dormir ici.

Le lit d’Olivia est un vrai lit d’une personne. Ce sera très bien.

— J’espère que tu vas mieux.

Forcément qu'il ne saisi pas la perche. Et quelle perche ? Celle invisible que je jette à cent mètres de lui ?

Je ne sais même pas quoi lui répondre, parce que rien ne va dans notre échange. Ni son ton, ni le mien, ni ce dont on discute. A l'évidence, on a déjà dormi séparément cette nuit et ça ne nous a pas aidé à y voir plus clair. Enfin, si, moi j'y ai vu plus clair, mais ça ne m'empêche pas d'être con, alors bon.

Je reste au pied de la porte d'Olivia quelques secondes, alors que Logan range toujours dos à moi, muet comme une carpe. Je compte au moins trois fois jusqu'a dix dans ma tête, en espérant me lancer à la fin du comptage. Et finalement ça sort au sept et je ne sais même pas comment j'en trouve la force.

— Ce que j'ai dis était méchant et je suis désolé. Ça ne changera rien, j'en ai conscience, mais j'ai beaucoup réfléchis pendant deux jours et je n'avais pas à te parler ainsi. Ni à toi, ni devant ta fille, et encore moins alors que tu n'avais rien fait qui pouvait justifier un tel comportement de ma part. J'aurais mille choses à te dire et en même temps, rien ne sort vraiment... Je suppose que c'est la première fois depuis qu'on se connait que je suis conscient de porter tous les torts et que je ne sais pas comment m'y prendre alors je m'excuse, encore une fois. Parce que tu ne méritais pas ça.

Je l’écoute et je ne sais pas si c’est parce que c’est encore frais, mais ça me glisse dessus. Je ne suis pas touché par ses excuses parce que j’ai eu trop mal. Il s’est comporté comme l’aurait fait Moïra devant Olivia, à la prendre à partie injustement et en l’impliquant dans une dispute d’adulte, puis il a enchaîné en affirmant qu’il me détestait et ça me résonne encore en tête. Même en colère, on pense un peu ce qu’on dit, non ?

— J’accepte tes excuses et si j’ai dit ou fait quelque chose qui t’as agacé à ce point-là, j’en suis désolé.

Je ne le regarde pas, moi voix est neutre, monotone. Presque éteinte. Ça ira mieux demain. Aujourd’hui, j’ai encore beaucoup de mal mal à encaisser le départ d’Olivia.

— J'ai mal pris que tu me compares à Moïra, pour plein de raisons évidentes...

Il ne me regarde même pas et ca me fait tellement mal que je pourrais me mettre à chialer. je suis vraiment un gros con.

— Mais à l'évidence aussi, tu a eu raison de le faire. J'ai pas pensé une seule seconde que ce que je faisais, c'était impliquer Olivia. J'étais juste... Agacé. A aucun moment je me suis dit que c'était l'image que ça renverrait et c'est à mille lieux de ce que je suis.

Je soupire, la gorge serrée.

— C'est pas ça l'image que je veux que tu ai de moi et c'est pas non plus celle que je veux renvoyer à notre famille. Je suis désolé...

Je murmure à nouveau, sans savoir quoi dire ou faire de plus.