Life isn't that easy. — Charlie & Lexie

Ce matin j'ai rendez-vous pour un ultime scanner avant plusieurs mois, et je suis assez content de me dire que les choses rentrent vraiment dans l'ordre. Malgré mes amnésies que personne ne sait expliquer. Apparemment, avoir repris le sport est une bonne chose.

Je sors de mon rendez-vous chez la psy, j'y suis allé d'une pierre deux coups, et je m'arrête à l'étage du service d'Alexis pour lui faire un coucou, comme d'habitude. C'est l'effervescence là-dedans, tout le monde s'agite et c'est dans la salle de pause.

— Ronda ?

J'intercepte l'une des infirmières présente que je connais bien.

— Ah ! M. Wheeler ! Comment allez vous ?
— Assez bien, en fait. Qu'est-ce qu'il se passe ?
— L'une de nos infirmières vient de faire un malaise. Ah bah, c'est votre amie, Alexis.
— Elle est là ? Je peux la voir ?
— Elle ne veut voir personne, elle assure que tout va bien. Elle ne veut surtout pas qu'on prévienne son compagnon. Cette petite va se tuer au travail, un jour.
— Quel genre de malaise ?
— Certainement le surmenage ! Elle court partout, on a eu toutes nos pauses en même temps et je l'ai à peine vu manger aujourd'hui.

Quand elle dit ça, je grimace.

— A peine comment ? Elle a grignoté quelque chose ou pas du tout ?
— Non, maintenant que j'y pense, elle a dit qu'elle avait bien mangé avant de venir. Je dois allez chercher notre chef, elle ne veut pas rentrer chez elle, mais je pense qu'elle a vraiment besoin de se reposer.
— Elle est venue en scooter ?
— Non, ça fait un peu plus d'un mois qu'elle vient en transport ou que son compagnon l'accompagne. Elle doit être vraiment fatiguée, elle a une sale mine.
— Ok, je vais prévenir Charlie, il va venir la chercher. Il ne lui laissera pas le choix.

Elle acquiesce et moi je m'éloigne rapidement pour quitter l'enceinte de l'hôpital et téléphoner à Charlie.

Comme je l'ai promis à Alexis, j'ai arrêté de travailler de nuit. Il me restait encore quelques contrats à honorer que j'ai évident fait, mais je n'ai plus accepté de nouveaux clients depuis. Avec l'aide d'un pote, j'ai modifié tout mon site pour proposer exclusivement de la photo de mariage originale. Son idée était une pépite et je ne l'ai pas laissé me filer entre les doigts.

Je passe mes journées à explorer internet à la recherche d'endroits fous et quand Lexie est en repos, on part en repérage tous les deux. J'aime partager ça avec elle. Là, je viens de tomber sur un château bien caché pas très loin de Londres, qui irait tout à fait dans un thème médiéval fantastique. On doit absolument aller voir ça de plus près !

L'envie me brûle déjà les doigts. Je finis de répertorier le tout, avec l'idée de lui envoyer au plus vite, mais mon téléphone sonne avant que je ne finisse la moindre chose. pendant un instant, j'hésite à laisser sonner, mais en voyant que c'est Logan, je repousse bien vite cette idée.

— Bien le bonjour mon petit puceron !

Il répond vite, ce con, je sais à peine comment lui annoncer les choses.

— Ça va ?

— Ouais ! Je bosse sur mon nouveau projet pour le boulot, je suis excité comme un gamin. Et toi ?

Je demande en regardant la date et en voyant qu'on est mercredi.

— Ton mec est en cours et tu te fais chier ?

— Ouais, ça va. Dis.. je suis à la clinique là, j’avais des examens à faire bref, je suis allé voir ta meuf mais elle venait de faire un malaise. Elle veut pas qu’on te prévienne apparemment.. moi je l’ai pas vu, je sais qu’elle aurait pété un cable. Mais bon, elle veut pas rentrer ni rien.

Je perds mon sourire instantanément et mes pieds se retrouvent bien vite par terre, au lieu de sur mon bureau.

— Mais ils sont pas au courant qu'elle est enceinte ou quoi ? Ils veulent la faire crever sous la masse de boulot ? Elle en fait pas suffisamment pour eux peut-être ?

Je peste, puis je me rends compte que c'est surtout ma panique qui parle.

— Tu sais si elle va bien, quand même...?

— Euh... mais elle leur a pas dit ? Enfin je pense pas parce que personne n’avait l’air au courant. Sa collègue m’a dit qu’elle était fatiguée et qu’elle mangeait peu...

J’hésite un peu avant de mettre les pieds dans le plat.

— Elle dit qu’elle a trop mangé chez elle et elle ne mange rien. Elle mange avec toi..?

Je sais qu’elle lui a déjà fait le coup, il m’a raconté à quel point ça avait été difficile. Il s’en est toujours voulu d’avoir mangé avec elle matin midi et soir sans réaliser qu’en fait, elle ne mangeait pas vraiment, elle faisait semblant.

— Peut-être que c’est rien, ne la braque pas. Mais soit attentif à nouveau ce soir. Je pense qu’elle n’est vraiment pas bien car ils allaient chercher sa chef pour la forcer à rentrer chez elle.

À partir de l'instant où Logan parle de nourriture, c'est comme si mon cerveau se deconnectait. Je l'entends me parler, mais je ne suis pas certain de comprendre tout ce qu'il me dit.

— Elle peut pas avoir recommencé...

Je ne sais pas si je le dis pour me convaincre ou parce que j'attends que Logan me dise que non, elle ne peut pas. J'ai pas pu ne rien voir. Pas une seconde fois. Pas alors qu'elle est enceinte et que ça peut être dangereux non seulement pour elle, mais aussi pour le bébé.

— J'aurais forcément remarqué, hein ?

— Non.. t’aurais pas forcément remarqué. T’sais que c’est dur d’en guérir, peut-être que la grossesse lui a fait peur ? Y a que toi qui saura, de toute façon. T’es le seul à savoir comment lui parler et comment prendre soin d’elle.

— Elle m'en aurait pas parlé ? Elle porte notre enfant putain et...

Je sens ma gorge se serrer. Je ne sais même pas comment j'arrive à ne pas pleurer.

— Je vais aller la chercher à l'hôpital. Je vais voir ce que ça donne ce soir, si elle m'en parle et... Merci de m'avoir prévenue Logan. Ça aurait pu durer des mois sans que je ne sache rien.

— Peut-être que ça dure déjà depuis longtemps... puis pourquoi elle te l’aurait dit ? Pour elle c’est pas un problème, si elle te dit rien c’est pour ne pas que tu t’inquiètes, c’est ce que tu m’as dit...

J’essaie de me mettre à sa place, ça doit être difficile.

— Tiens moi au courant, ok ? Si t’as besoin, n’hésite pas.

Je repense à l'insecte que je lui ai fais manger, à la crise que ça a amené et je me sens coupable. Et si tout venait de là ? Si ça datait encore d'avant la grossesse et que le bébé n'a été que le dernier facteur pour engendrer sa chute. Je savais qu'elle n'allait pas supporter de voir son corps changer. Je savais, et je n'ai ri n vu...

— Je vais aller la chercher. Je vais essayer de rester calme et de parler avec elle. Je dois essayer de ne pas la brusquer. Je dois essayer.

Je soupire, alors que j'attrape à la volée mes clés de voiture.

— Je te tiens au courant d'ici la fin de journée. Merci mec !

Je m'apprête à couper court, avant de reprendre vivement en espérant qu'il n'ai pas raccroché.

— Attends Logan !

— Tu vas y arriver.

Il l’a fait une fois alors je n’ai aucun doute sur sa capacité à recommencer à nouveau.

— Ouais ?

— Tu voudrais pas juste... Attendre que j'arrive pour partir ?

Je demande, presque suppliant.

— Si elle veux pas m'appeler, mais que sa chef la force à partir, j'ai pas envie qu'elle rentre à pied ou en bus dans son état. Alors si jamais tu la vois sortir, tu vois...

— Bien sûr, mec. J’vais attendre que t’arrives. Je vais m’installer à l’accueil avec un café. J’ai rien de mieux à faire.

Je le remercie une dernière fois et je raccroche. Je crois que je vais vite sur la route, sans doute beaucoup trop, mais je suis incapable d'être rationnel. Je pense à Lexie, à ce qu'elle fait peut-être, à ce dont elle a conscience ou non. J'ai peur pour elle, pour notre enfant, pour notre couple.

En moins d'un quart d'heure, jarrive à l'hôpital et je me gare à la première place que je trouve. Tout ce que je veux, c'est mettre tout ça au clair.

En entrant dans la hall, je vois Logan au loin et je me dirige directement vers lui. Jamais je n'oublierais ce qu'il vient de faire aujourd'hui.

— Tu l'a vu dans le coin ? Elle a essayé de sortir ?

Je secoue la tête.

— Non, elle doit être encore là-haut et putain, Charlie, ne conduis pas dans cet état, ok ? Tu te calmes, parce que sinon je ne vous laisse pas repartir.

— Je ne sais pas si je vais pouvoir me calmer au vu de la situation, en fait. Je ne sais pas par où prendre les choses ! Je sais même pas quoi lui dire !

J'essaie de retourner les choses dans ma tête, mais rien ne semble logique.

— Je ferais attention. Je ferais toujours attention à elle et...

J'ai raté. Deux fois. Ça fais deux fois que je rate. Comment je peux avoir laissé passer ça.

— Je vais être prudent sur la route.

— Tu vas la chercher, tu lui fais un câlin et tu la ramènes. Tu connais les signes alors cet après-midi midi tu l’observes ; est-ce qu’elle a excessivement froid, est-ce que t’arrives à toucher son ventre sans qu’elle s’y attende, la fatigue compte pas car elle est enceinte... C’est toi qui sait tout ça. C’est toi qui m’en as parlé. Mais quand on a le nez dedans, quand on est impliqué, on voit rien, c’est pas de ta faute, c’est comme ça. C’est pour ça que les psy ne s’occupe pas de membres de leur entourage... Ne te blâme pas de ne pas avoir vu tout de suite, soit fier de réagir à temps.

Parce qu’elle est enceinte et que ça peut être grave.

— Et si je me trompe, tant mieux, sinon tu sauras quoi faire. Donc inutile de paniquer. Et si t’as besoin, n’hésite pas, surtout. À n’importe quelle heure, n’importe quand. Même si c’est une sortie ciné pour vous changer les idées.

— Je pensais pas que ça pourrait revenir. Je crois que je m'étais dit qu'elle était guérie et que c'était derrière nous tout ça !

Je soupire, en souriant sincèrement à Logan.

— Je suppose que j'ai pas le choix de toute façon. Va bien falloir que quelqu'un fasse quelque chose et elle en sera incapable tant qu'elle ne s'en rendra pas compte, alors...

Je pars déjà vaincu, comme si au fond de moi je savais que c'était trop tard pour espérer autre chose.

— Je crois qu'on va oublier la bouffe qu'on devait se faire prochainement. Où alors faudra que je gère ça avec minutie.

J'essaie de rire, mais le cœur n'y est vraiment pas.

— Je file la voir. Je suppose qu'elle va me jeter d'être ici et pas comprendre comment j'ai su, mais tant pis.

— On n’oublie pas la bouffe. On fera un apéro dînatoire avec de la finger food et Adam ne verra rien du tout. Faut pas vous exiler, ok ? Tu t’en rends compte à temps.

Je le serre dans mes bras pour lui donner du courage.

— Tu peux dire que j’ai su et que je t’ai prévenu. Tiens moi au courant surtout !

— Faut pas qu'elle sache un jour que tu sais Logan. Elle osera plus jamais te regarder dans les yeux si c'est le cas...

Je prends son accolade avec plaisir et je le remercie mille fois dans ma tête. Des millions de fois sûrement.

— Promis ma couille. T'es le meilleur.

Je le remercie une dernière fois et je file rapidement au premier. C'est là qu'est son poste permanent. Les files l'auront forcément déposée dans la salle de repos de l'étage.

J'ai à peine mis le pied dans le service qu'une des filles avec qui elle bosse depuis longtemps me reconnaît et vient me voir tout de suite. Elle ne cherche même pas à savoir comment j'ai pu savoir, elle conduit juste jusqu'à une chambre vide, où ils l'ont installé pour qu'elle reprenne du poil de la bête.

— Bébé ?

Je demande en passant le pas de la porte.

Travailler dans un hôpital peut-être un avantage comme un inconvénient. Aujourd’hui, c’est clairement un inconvénient. Tout le monde s’inquiète, veut me donner des médicaments, me faire des prises de sang, me faire manger. C’est insupportable. Je veux juste me reposer et ne plus avoir de nausées.

Je suis allongée et je somnole quand j’entends la voix de Charlie. Je crois que je suis vraiment soulagée de le voir, malgré tout.

— Oh non.. ils t’ont prévenu ? Je ne voulais pas que tu t’inquiète...

— Heureusement qu'ils m'ont prévenu !

Je réponds sans essayer le moins du monde d'impliquer Logan.

— T'es livide Lexie, avec des cernes qui descendent jusqu'aux joues. Tu peux pas continuer... Ça va mon bébé ?

Tendrement je viens la prendre dans mes bras et je retiens les larmes. J'ai peur de ce que pourrait confirmer cette journée.

— Tu leur a annoncé que tu étais enceinte ? Tu leur a donné les certificats et papiers nécessaires ?

Je poursuis, en espérant malgré tout qu'elle l'ai fait, mais qu'ils n'aient pas réagis sur le coup.

J’hésite un peu parce que je sais qu’il ne va pas forcément bien le prendre.

— Non... non j’ai rien donné parce que je voulais attendre la première écho pour être sûre et j’ai rien dit. Mais ils y peuvent rien, hein.