Try Again — Adam & Gabi #2

— T'as faim ?

— Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Ça va, Marie. J'suis fatigué, c'est tout.

— Tu sais, j'ai pas été très maligne avec Adam et j'ai du mal à ramasser les morceaux, mais j'ai pas envie que ça arrive avec toi. Si t'as besoin de parler. Même de tes histoires de coeur, je t'écouterai.
— D'accord.

— C'est parce que t'es fâché avec Adam, maman m'a dit ?
— Marie, j't'assure que ça va. C'est rien. Ça va passer, ok ?
— Ok. Mais tu peux venir discuter quand tu veux. Tu peux venir dormir à la maison, aussi. Y a pas de soucis, les filles seraient contentes.
— Ça va.

— Je sais que t'as plus douze ans et que ça marche plus, mais si je deviens ton chauffeur personnel pendant un moment, t'acceptes de passer au dessus du fait que je sois un con ?

— Et tu vas être mon chauffeur pour m'emmener où, hein ? Du salon jusqu'à ma chambre ? J'ai pas le droit de sortir et de toute façon, j'ai même pas besoin de quelqu'un. J'ai mon vélo.

— Mais si t'as un truc à dire, j't'écoute.

—Aller jusqu'à Londres en vélo ça fait loin. Ça pourrait te changer un peu les idées d'aller là bas non ? Si je cherche une excuse bien élaborée, je suis sûr que maman te laissera sortir avec moi.

— Je ne suis pas certain que le parvis de la paroisse soit le meilleur endroit pour parler de ça, mais je crois avoir compris que mon petit frère était amoureux et j'aimerais l'aider à y voir plus clair.

— A Londres ? Tu veux m'emmener à Londres ? Mais pour faire quoi ?

— Y a pas à y voir clair. J'pense que c'est une passade, c'est tout.

— Parce qu'on étouffe ici ? Crois pas que je te connais pas assez pour voir que t'es en train de te renfermer sur toi-même. Je te dis pas de partir toute la vie, mais sortir un peu de White Falls et de cette paroisse à la con ça ferait de mal à personne.

— On a envie de s'envoyer en l'air quand c'est une passade, on parle pas d'amour. Et puis on potasse pas suffisamment longtemps dessus pour se dire qu'on aimerait bien en parler. Tu crois pas ?

— Mouais. Bah si t'arrives à convaincre les parents, pourquoi pas.

— Ouais. Mais il est en couple et hétéro. Puis c'est comme mon frère. Du coup, c'est bon. J'pense qu'il n'y a pas grand chose à en dire.

— Je suppose que celle là, je l'ai pas volé.

— Donc on arrête d'en parler ? On fais comme si tu m'avais jamais rien dit, tu te confies à Sainte Marie et puis on continue de s'éviter encore un mois ou deux ?

— Y a rien à dire, sérieux. J'sais même pas pourquoi j'suis venu à la base. Qu'est-ce que tu peux y faire ? Hein ? Tu vas aller lui parler pour moi et lui expliquer qu'il faut essayer et que c'est pas grave s'il largue sa meuf parfaite ?

— Franchement Adam, y a rien à faire. Je vais m'y faire, encaisser et trouver quelqu'un d'autre. Ça va aller. Et c'est pas la peine de faire un caca nerveux de jaloux avec Marie, j'lui ai rien dit. Elle est simplement venu me dire qu'elle avait déjà merdé avec toi et qu'elle voulait pas que ça recommence. C'est drôle d'ailleurs, comme tu rames pour que je te pardonne alors que t'en veux encore à Marie.

—Peut-être que je rame parce que j'ai pas envie de reproduire la même chose. J'ai annoncé à ma famille que j'étais homosexuel il y a cinq ans et aujourd'hui, y'a toujours aucun d'eux qui est venu me dire un jour que ça allait aller, que j'allais pas en crever et qu'il m'aimait quand même. Alors ouais, excuse-moi, mais j'ai pas envie que quand t'auras mon âge tu te dises que je suis le pauvre connard qui t'entendais chialer le soir, mais préférait se ranger du côté de la raison.

— Tu diras à maman que je me casse, j'ai pas envie de faire sembler d'aimer Jésus pour elle aujourd'hui.

— Moi j'vais rien lui dire parce qu'elle est assez grande pour remarquer toute seule que t'es plus là.

— J'te pensais un peu plus intelligent que ça, moi. J'croyais qu'à ton âge on avait compris que l'amour c'était pas que dans les mots. J'veux dire.. même moi je sais que maman m'aime quand même. T'en connais toi, beaucoup de mère qui assumerait à ce point le regard des gens sans jamais se démonter ? Putain mais elle est là tous les jours de la semaine alors qu'aux yeux des gens elle est la pauvre Madeleine dont les deux fils sont gays. Elle est là chaque jour et chaque jour elle parle de nous. Elle n'a pas honte. Bien sûr qu'elle aurait aimé que les choses soient autrement... c'est évident, mais elle avait accepté Max et elle l'impliquait dans la vie de famille malgré tout. Elle est là et ça, c'est une putain de preuve d'amour.

— C'est quand la dernière fois que tu m'as dit que tu m'aimais ?

— T'sais.. moi aussi j'aime bien me mentir à moi-même pour justifier mon comportement envers eux. C'est plus facile de les faire chier quand je me dis que de toute façon, ils m'aiment pas. Mais j'sais au fond que c'est pas le cas. Toi, t'as l'air de véritablement croire que t'es différent et que c'est pour ça qu'ils t'aiment moins, mais tu te trompes. Du coup, j'préférais que tu le saches.

— Faut croire que si certains passent leur adolescence à faire de la merde, c'est plus facile pour d'autres de se sentir persécuté.

— Donc... tu veux bien me ramener à la maison ? Ou bien t'allais quelque part ?

— J'allais errer sans but devant la télé. Monte !

— Bah on va errer à deux alors ? Y a personne, papa est sorti avec ses amis du club d'échec.

— Putain, on a des parents un peu étrange j'crois. T'sais le genre quand ils disparaissent, tu fouilles dans leur vie parfaite saine et bien rangée et il pratique le SM.

L'image horrible et désagréable de mes parents habillés en cuir et nous préparant un quatrième enfant me vaut un hoquet de dégoût. Pour seule réponse, je donne un coup dans l'épaule de Gabriel.

— Tu veux que je déménage demain ou quoi bordel ? Je préfère encore tomber sur toi en train de t'envoyer en l'air avec je ne sais qui, plutôt que de les imaginer se... Merde !

Je grimace encore et démarre finalement la voiture sans un regard vers la paroisse. Je viens d'y prendre une leçon de taille et c'est pas Dieu qui me l'a enseigné celle là.

— T'as mangé ? Tu veux qu'on passe se chercher un truc au fast food avant de rentrer ?

— Tu tomberas jamais sur moi en train de m'envoyer en l'air. Moi, je sais fermer une porte à clé.

— Ouais ! Trop marre de manger équilibré. On se prend un bon gros fish & chips là ! Puis tu vas me parler de toi. J'crois que t'as un mec, non ?

— Quand t'es pris dans la passion t'as pas le temps de fermer à clé. Tu connaîtrais ça quand tu seras plus grand.

— Actuellement on peut pas vraiment parler de mec, on en est loin je dirais même.

— Loin ? Pourquoi ? C'est le début ? C'est un plan cul ? Il assume pas d'être gay ?

— Je sais pas trop, en fait. T'emmenes à l'hôtel une fille avec qui tu veux construire quelque chose toi ?

— Ça dépend de l'hôtel.. il se paye à l'heure ?

— Non, plus sérieusement... Moi j'ai pas les moyens, mais c'est clair que je le ferai pour éviter de ramener la personne chez moi. J'pense que l'hôtel, ça cache un truc. Peut-être qu'il a honte de sa baraque ? Ou bien qu'il n'en a pas ? Peut-être qu'il vit pas dans cette ville ?

—Il travaille ici et je suis presque sûr qu'il y vit aussi. Mais je sais pas, c'est bizarre quand j'y pense. Je ne connais pas grand chose de lui et inversement, mais il sait quand même où je vis.

—Quoiqu'il en soit, c'est pas mon mec.

— Hm... mais t'aimerais bien que ce soit ton mec ? Ou alors t'as plus envie que ce soit un plan cul et ça te convient comme ça ? Parce que c'est cool aussi. Enfin.. j'sais qu'on est différent là-dessus mais parfois, c'est cool de juste s'envoyer en l'air comme ça.

— Ça me convient pas d'être un plan cul. Pas sur le long terme, je veux dire

J'ai jamais trop pensé à ça, mais l'idée que ce soit mon mec un jour me donne pas envie de fuir.

— Les plans cul, c'est pas sur le long terme. Ça finit mal, sinon.

— Mais t'en sais rien, toi. Hein ?

— T'sais, quand tu veux un truc, parfois, suffit de le demander. Parce qu'attendre que ça se passe comme tu veux, c'est le meilleur moyen que ça n'aille pas comme tu l'as imaginé dans ta tête.

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