Little Liar.

Le lendemain au lycée, je vais voir le coach dans les vestiaires. C'est le seul à savoir ce qu'il s'est passé, car j'ai manqué beaucoup d'entrainements cet été.

— Anderson, je suis content de te revoir. Comment va ton épaule ?
— J'ai vu le médecin hier, je peux nager à nouveau.
— C'est une super nouvelle, apporte moi ton certificat médical et tout sera bon.

Je détourne le regard.

— Bien sûr, je vous l'apporte demain.

Je vais vers mon casier mais il m'arrête.

— Demain quand je l'aurais tu veux bien ? Tu connais les règles.

Je hoche la tête et quand je sors des vestiaires, je tombe nez à nez avec Jenny, je ne l'ai pas revu depuis qu'on a rompu, elle n'a répondu à aucune de mes messages. Je rajuste mon sac sur mon épaule.

— Salut...

Aujourd’hui, c’est la rentrée. Je dois reconnaître que j'étais un peu mal d’apprendre que j'étais dans la même classe qu’Austin. J’ai passé tout l’été à tenter de tirer un trait dessus, mais je ne comprends toujours pas ce qu’il s’est passé. J’ai passé l’été en France, loin de tout ça et ça m’a fait beaucoup de bien. Je me suis dit qu’aujourd’hui serait un autre jour et que tout irait bien. J’ai juste oublié que ne pas donner de nouvelles à des filles qui n’étaient amies avec moi que vis à vis d’Austin fait de moi quelqu’un de seul et l’arrivée est vraiment très dure. Avant, je retrouvais Austin. Maintenant, je reste toute seule.

C’est encore pire lorsqu’au détour d’un couloir, je me retrouve face à lui. Il est encore plus beau qu’avant et ça me tord l’estomac. Je baisse rapidement les yeux.

— Salut.

Elle baisse les yeux et ça me fait de la peine. Malgré tout, je tiens toujours à elle, même si en la voyant là, je réalise que c'est de l'amitié.

— Tu veux qu'on aille boire un chocolat ?

Il nous reste 45 minutes avant notre prochain cours.

— Hm.. Gabriel n’est pas avec toi ?

Je demande malgré tout. Je sais qu’il saurait parfaitement me mettre mal à l’aise et je n’ai pas besoin de ça aujourd’hui. Ni plus jamais.

Je secoue la tête.

— C'est une longue histoire.

— Oh.. d’accord. Je veux bien alors.

Je dis avec un petit sourire. C’est toujours mieux que d’être seule. Même si je peux entendre ma voix trembler.

— Tu sors de l’entraînement ?

Je secoue encore une fois la tête.

— Non, pas aujourd'hui.

On sort du lycée pour aller au café juste en face, ce n'est pas le Starbucks où je travaillais, je n'y ai pas remis les pieds depuis ce soir-là. Après avoir commandé, on s'installe à la table où on s'installait toujours avant. Comme un reflex.

— Comment ce sont passées tes vacances en France ? Tu es restée à Paris ?

On se retrouve à notre table habituelle et il commande même pour nous deux. Au fond de moi, j’espère qu’il réalise qu’on a toujours une chance tous les deux.

— Bah.. c'était comme d’habitude. Je suis restée à étudier pour la rentrée et j’ai fait un stage de danse. Je me suis bien occupée. Et toi ?

On parle un peu d'elle et de son stage de danse. Je sais qu'elle réussira, elle est une excellente danseuse. Elle vit pour la danse et quand je la regarde, je réalise que je ne peux pas arrêter la natation. Un silence s'installe, je tourne ma cuillère dans ma tasse.

— Mon père est revenu. Il m'a frappé, Gabriel l'a retrouvé et s'est vengé, et maintenant il a un bracelet électronique. Il est coincé à la maison, c'est pour ça qu'il n'est pas au lycée.

On parle un moment avant qu’il m’avoue plusieurs choses qui me bouleversent sincèrement. Dans un geste naturel, ma main se pose sur la sienne.

— Bon sang, mais tu vas bien ? Comment tu encaisses tout ça ? Tu as été blessé ?

Je secoue la tête et récupère ma main pour boire une gorgée de chocolat.

— J'ai rien eu de grave, c'est pour Gabriel que je m'en veux. J'essaie de me convaincre que ce n'est pas de ma faute, mais je me sens coupable.

C'est pas évident de parler de tout ça, même à Jenny.

Il retire sa main et je crois que ça me peine un peu. Mais je comprends.

— Non, t’y peux rien. Tout ce qu’il s’est passé est indépendant de ta volonté. Jamais tu n’aurais voulu ça. Tu n’y peux rien pour ton père ou bien pour la réaction de Gabriel.

Je prends mon chocolat pour en boire un peu.

— Tu ne m’as pas répondu. Tu as été blessé ?

S’il évite le sujet, c’est certainement pour une bonne raison.

Elle essaie de me résonner, mais ça ne change rien. J'ai beau savoir que je ne suis pas responsable des actions de mon père, si je m'étais défendu cette nuit là, rien de tout ça ne serait arrivé. J'ai honte d'avoir eu peur. J'essaie de lui sourire.

— À l'épaule, mais c'est rien de grave, c'est guérit.

Je lève les yeux au ciel. Je le connais par coeur et là, je sais qu’il ment.

— T’as plus le droit de nager, pas vrai ?

Je reste un moment silencieux, je fixe mon chocolat.

— Je dois juste tenir jusqu'à la fin du mois.

Il y a la compétition avec les recruteurs des universités, il suffit qu'ils me voient nager, s'ils me sélectionne, je ne pourrais plus perdre ma bourse.

— Bah... il suffit juste que tu bosses ton endurance à fond, sans trop toucher à ton épaule. Puis le jour J tu donnes tout ce que t’as et le tour est joué. Après tu te reposes et tu fais ce qu’il faut.

Je lui souris.

— C’est exactement ce que j’ai fait quand je m'étais foulé la cheville avant une représentation. C’est ma prof de danse qui m’avait conseillé. Avant le spectacle elle m’avait donné un décontractant musculaire et.. tout s’est bien passé. On avait gagné la compétition.

- Est ce qu'il te reste des décontractants musculaires ?

Je demande d'un ton détaché.

— Non, mais je peux en avoir.

Je la regarde un long moment, je sais qu'elle a compris, je le vois dans ses yeux. Et je sais aussi qu'elle comprend, parce que c'est une sportive elle aussi.

— Vraiment ? Sans te mettre en danger ou prendre de risques, je veux dire.

— Vraiment, oui.

Je lui souris sincèrement.

— Tu sais, le médecin de ma mère n’est pas très regardant de ce qu’on demande alors je n’aurais pas de mal à en avoir. Des crèmes de massage anti-inflammatoires aussi.

- Merci beaucoup Jenny.

J'ai conscience que ce n'est pas bien ce que je suis en train de faire. Mais c'est la seule solution que j'ai trouvé. Si je perds cette bourse, je ne pourrais jamais aller à la fac.

— De rien, c’est normal.

Je peux totalement me mettre à sa place et, surtout, je ferai n’importe quoi pour lui.

— Tu auras besoin d’autre chose ?

Je secoue la tête avant de me mordre la lèvre, parce que je n'aime pas mentir.

— Tu es la seule au courant.

C'est dur pour moi de cacher ça à Gabriel, je ne suis même pas certain de savoir ce que je suis en train de faire.

Je hoche la tête. Je sais pertinemment que je suis la seule à pouvoir le comprendre. Puis on se connaît par coeur, c'est parfois plus facile de se confier parce qu'on a tout partager pendant trois ans. Même lorsqu'il préférait ne pas tout me dire, j'avais appris à interpréter ses silences.

— Je n'en parlerai pas, ne t'inquiète pas. De toute façon, c'est rare que les autres comprennent. Tu as quand même le droit de faire du sport ? Je veux dire... le coach va te laisser nager ?

— Je vais falsifier mon certificat ce soir. C'est juste le temps de cette compétition, Une fois que je saurais si des recruteurs m'ont remarqué ou pas, j'arrêterai.