DISTANCE Gabriel / Austin

La compétition est dans une semaine et demi. À chaque entrainement mon épaule est de plus en plus douloureuse. J'ai réussi à trouver des anti-douleurs puissants par un gars de la fac qui en revend. Je n'ai plus d'appétit et le soir j'évite de laisser Gabriel me toucher, même Darcy je m'arrange pour ne plus la porter. Ce soir on est vendredi, elle passe la nuit chez Marie, j'ai conscience que je ne pourrais pas repousser Gabriel éternellement, on regarde un film dans mon lit.

— Je reviens.

J'embrasse son front avant de me relever, je m'enferme dans la salle de bain, je prends un autre cachet. Je me passe de l'eau sur le visage en soupirant, puis je tire la chasse d'eau avant de le rejoindre.

Ça fait plusieurs semaines que ça ne va plus avec Austin. On se parle à peine, il n’a plus tellement envie que je le touche, si bien que j’ai été surpris qu’il me propose de regarder un film avec lui ce soir.

Il est à peine contre moi et quand il se lève, son baiser ne ressemble qu’à une vague habitude. Je suis fatigué de cette relation où j’ai l’impression d’aimer à sens unique. Je me sens seul, affreusement seul, et je ne peux pas être ailleurs qu’ici. Je déteste être enfermé.

Quand il revient, je le laisse se réinstaller comme il le veut et je me contente de profiter du peu auquel j’ai le droit. Austin s’isole, je le vois bien, et je suis sûr que c’est parce qu’il n’ose pas me dire qu’il veut rompre.

Quand le film se termine, on a à peine parlé alors je ne veux pas m’éterniser.

— Tu commences tôt demain aussi ?

Je me réinstalle contre lui, je pose ma tête contre son torse, et mon bras autour de son ventre. Quand le cachet fait effet, mon corps se détend un peu. Je n'arrive pas à suivre le film, je n'aime pas ce qu'il se passe en ce moment, je n'aime pas ce que je fais. Je ne pensais pas que ce serait si dur. Je sais que je suis en train de me faire du mal, mais je ne peux pas arrêter maintenant, pas à une semaine de la compétition. Je relève la tête vers lui.

— Oui, je voudrais aller nager un peu avant les cours.

— Hm.

Il sait ce que j’en pense, d’aller nager. Même s’il est encadré et qu’il ne force pas, j’ai toujours peur qu’il se reblesse.

— T’y vas souvent en ce moment, tu devrais pas...

Je me relève et j'essaie de lui sourire.

— Il ne reste plus qu'une semaine, après ça ira mieux.

— Une semaine à quoi... ?

— La compétition, c'est vendredi prochain.

Je me rassoie au bord du lit.

— Je nagerai moins après, c'est promis.

J’ai l’impression de me prendre un coup. J’ai manqué un truc ou quoi ?

— Attends mais quelle compétition ? Tu vas la faire ? C’est pour ça que tu t’entraines ? Genre... tu forces sur ton épaules ?

Je fronce les sourcils, on en a parlé, le jour où on s'est engueulés à ce sujet et au sujet de Jenny.

— Bien sûr que je vais la faire, je te l'ai dit, il y aura des recruteurs.

— Non mais t’es pas bien ou quoi ? Tu vas bousiller ton épaules ! Je pensais que t’avais compris et que tu faisais des séances de rééducation dans l’eau.. !

— Je t'ai parlé de recruteurs, tu sais bien qu'ils ne viennent pas pour nous voir babiller dans l'eau. Je t'ai parlé de ma bourse aussi, je ne peux pas l'avoir sans nager.

— Puis comme ça, tu vas avoir une bourse, mais tu vas pas réussir à en profiter étant donné que ton épaule sera trop abîmée.

Ça m’inquiète tellement qu’il peut le lire sur mon visage. Je me sens trahi et vraiment bête d’avoir cru que, en effet, il ne faisait que de la rééducation. Certainement qu’il continue à parler avec Jenny aussi. C’est pour ça qu’il rentre tard. Parce qu’il est avec elle. C’est pour ça qu’il me repousse discrètement et qu’on n’a pas fait l’amour depuis un moment. Tout s’explique et mon cœur se serre vraiment fort.

Quand je vois l'inquiétude dans ses yeux je prends sa main.

— Je pensais que tu l'avais compris, je suis désolé. Après la compétition, je ne m'entrainerai plus je te le promets. Je serai plus souvent à la maison.

Car j'ai conscience que ça me prends beaucoup de temps et que je suis moins présent, alors qu'il est coincé ici.

Je hausse les épaules.

— Tu fais ce que tu veux de toute façon.

Moi, j’peux pas bouger. Je suis enfermé ici et il fait sa vie sans me consulter parce que de toute façon, il n’a pas à le faire. Moi, j’avais besoin de lui maintenant. Parce que c’est maintenant que je suis seul.

Je soupire.

— Ne réagis pas comme ça s'il te plait...

— Quelle réaction je dois avoir alors ?

— Je pensais que tu avais compris et que tu me soutenais.

Si j'avais su qu'il y avait un malentendu, je l'aurais éclairci plus tôt.

— Je te soutiens dans ta convalescence ! Pas ça ! C’est trop dangereux. Tu réalises pas l’impact que ça peut avoir sur ta vie.

C’est comme si moi je continuais de faire le con avec mon platre.

Je soupire et je me relève.

— Cette bourse est importante pour moi Gabi.

— Toi et ta santé vous êtes importants pour moi.

Je réponds très sérieusement.

— T’as mal...?

Je le regarde dans les yeux avant de les baisser et de hocher la tête.

Je soupire ; bien sûr qu’il a mal. Il est certainement en train d’assassiner son épaule, ses ligaments, son articulation.

— Bon sang, Austin ! Mais tu ne vas pas nager demain, c’est hors de question !

Oui j'ai mal, et ça m'agace d'être incapable de lui mentir. Tout comme je réalise que j'ai besoin de son soutien et de sa confiance. J'ai besoin qu'il me comprenne et je sens que ce n'est pas possible.

— D'accord.

J'irai nager après demain.

Ça me soulage qu’il capitule aussi facilement.

— Je vais te mettre de la crème chauffante, ça détendra ton muscle. Tu devrais immobiliser ton épaules quelques jours pour la laisser au repos complet, elle en aurait besoin.

Je me lève pour aller dans sa salle de bain.

— Tu les ranges où ?

Je demande en ouvrant les tiroirs. Je réalise que je ne suis pas souvent venu dans cette pièce.

Il part dans la salle de bain, et quand j'entends les tiroirs s'ouvrir je me relève en une seconde. Je referme rapidement celui qu'il a ouvert et j'attrape la crème chauffante dans celle d'à côté.

— Tiens.