Soirée entre amis.

— J'ai pas envie de rire Gabriel par contre.

Je laisse entendre sans quitter la route des yeux.

— Parce que je suis vraiment impliqué et que je crois que tu comprends pas la position dans laquelle je me trouve.

Je soupire tristement.

— Ouais. Comme si j’étais pas impliqué et que ma position était plus simple.

Mon propre mec doute de moi. Je croise les bras et je regarde par la fenêtre. S’il n’a pas envie de désamorcer la dispute, alors j’ai pas envie de faire d’efforts non plus. Je suis fatigué et triste. Peut-être que je n’aurais pas dû mettre d’huile sur le feu, mais c’est trop tard. Je ne peux pas revenir en arrière et comme à chaque fois, tout le monde me déteste un peu plus. On ne sera pas invités pendant plusieurs semaines. Matthew va être distant quelques jours. Je me noierais dans mes cours. La seule chose qui changera cette fois-ci, c’est que j’irai pas voir mon frère parce que je n’y suis plus le bienvenu. Je ne l’appellerai pas non plus. À nouveau je me sens seul et je déteste ça. J’essaie de changer et on me dit de ne pas le faire, que c’est comme ça qu’on m’aime et quand je suis moi-même, c’est précisément ce qu’on déteste. Je suis méchant, provocateur et insupportable. J’en ai conscience. En repensant à ce soir, je ne sais même pas pourquoi j’ai ouvert ma bouche, c’est juste plus fort que moi. Et je regrette. J’ai honte, même. Tellement que ma gorge se serre et j’ai vraiment envie de chialer. En ce moment, je chiale tout le temps et c’est insupportable, ça aussi. J’ai l’impression d’être à nouveau trois ans en arrière, seul, à me noyer dans ma merde sans savoir comment m’en sortir.

Quand Matthew se gare enfin, je sors rapidement de la voiture et je fonce vers les escaliers du parking. J’ai pas envie de prendre l’ascenseur et je cours jusqu’en haut. Quand j’arrive, la porte déjà est ouverte, Matthew a été plus rapide, et Balthazar me saute dessus mais je ne suis pas d’humeur alors je l’ignore simplement.

Je crois que j’aurais aimé pleurer, être honnête avec Matthew pour le rassurer et m’assurer qu’il m’aimait encore un peu mais je peux pas ; si jamais il s’en sert encore contre moi devant tout le monde, j’y arriverai pas. Je me suis confié à lui et il l’a dit devant tout le monde. Je n’ai plus envie que ça arrive.

Alors je vais simplement dans le bureau et je sors mes cours de la semaine pour commencer à les synthétiser et les potasser. J’en ai pour plusieurs heures et je pourrais me concentrer sur autre chose que cette personne que je suis et que je hais tant.


LOGAN

On voit passer Matthew et Gabriel en voiture et ça me soulage un peu que l’autre zigoto ne soit pas en roue libre ce soir. Je passe un bras autour des épaules d’Adam pour le serrer contre moi.

— J’sais pas ce qu’il lui a pris à Max, mais il a foutu un sacré bordel...

— Je ne dis pas que ta position est simple. Simplement qu'à l'évidence tu finiras soit avec lui, soit avec moi. Moi, si tu pars, j'aurais juste mes yeux pour pleurer sur mes souvenirs et sur ce qu'on avait construit tous les deux.

Et s'il ne veux pas l'entendre, tant pis. S'il veux prendre ça à la rigolade, très bien. Mais je ne le suivrais pas. Et s'il croit que passer l'éponge en se foutant de ma gueule est la chose à faire, il a tout faux.

Et comme il agit comme un gamin et qu'il va directement s'enfermer dans le bureau en ignorant et Balthazar et moi, je suppose que c'est pas ce soir que ça ira mieux. J'ai clairement pas l'âme d'un mec qui passe après quelqu'un d'autre et si ça continue, ce sera soit Austin soit moi. Même si je ne suis même pas sûr que je serai son choix.


ADAM

— J'ai même plus envie d'entendre parler de ce connard.

Je peste en me blotissant volontiers contre Logan. À part lui, personne n'a été vraiment là pour moi. Et mon frère a préféré descendre mon mari que me défendre face à mon ex. Quelle solidarité...

— J'ai toujours eu la décence de le respecter. Même en le quittant, j'ai pas joué avec lui. Et je peux comprendre qu'il soit en colère, mais pas comme ça. Pas devant tout le monde. Il a juste fini par faire comme tout le monde, se servir de mes faiblesses pour me mettre plus bas que terre et je trouve ça nul. Parce que ça continuait d'être quelqu'un que je respectais. Et c'est plus le cas aujourd'hui.

Je soupire.

—Mais bon, c'est moins pire que mon frère qui essaie de frapper son mec je suppose. Ou que le retour d'Austin. Ou que tout à la fois...

Au bout d’un moment, mes yeux me piquent, je suis épuisé et j’ai mal partout. Je baisse les yeux vers ma montre. Ma montre cadeau de Matthew pour mon anniversaire. Ma montre préférée. Mon cadeau préféré. Parce qu’il m’avait dit pour rire qu’avec ça je pourrais regarder le temps qu’on passe ensemble défiler et même si j’avais rigoler... le temps passe vraiment et j’aime que ce soit à ses côtés. Parfois - souvent - il met fin à la dispute et revient vers moi et ce soir c’est pas le cas et ça m’effraie. Ça m’effraie tellement que j’ai peur qu’il m’aime moins et sans doute avec la fatigue, je me mets à pleurer.

Je fonce directement dans la chambre et je m’en fiche qu’il dorme ; je me glisse entre ses bras pour lui faire un câlin en espérant qu’il ne me repousse pas.

— Pardon.

Je murmure en m’accrochant à lui.


LOGAN

Je soupire avant de déposer un baiser sur son front. J’ai bien noté tout ce qu’il avait dit à propos de Max et je crois que pour la première fois depuis qu’on est de nouveau ensemble, il a aperçu mon point de vue. Il m’a soutenu face à son frère. Il a agi comme l’homme dont je suis tombé amoureux et je n’ai pas l’intention de me détacher de lui ce soir.

— De toute façon, il va bientôt déménager et on les verra moins. Ton frère va se calmer, comme toujours. Mais là... on dirait qu’il a un problème psychiatrique, non ? Il était pas violent comme ça. Fin j’sais pas. Depuis qu’Austin est parti, j’avais l’impression qu’il avait plus de mal à garder son calme ou qu’il était plus dans la provocation qu’avant mais là... c’était un autre niveau. Nan ?

Je n'ai pas éteint la lumière depuis longtemps et je somnole tout juste quand Gabriel rentre en trombe et qu'il vient se blottir contre moi. Et quand je l'entends me demander pardon, j'ai un pincement au cœur. Je suis sincèrement touché de ce qui est en train de se passer. Il vient me faire un câlin de lui même, en me demandant pardon...

— Pardon de quoi ?

Je demande quand même, la voix un peu dans le gaz. Parce que dire pardon c'est un grand pas, mais si en plus c'est pour une bonne raison c'est encore mieux.

Et pour lui montrer que ce n'est pas une réaction négative, je resserre mes bras autour de lui et je le rapproche encore un peu plus de moi. Ma main trouve ses cheveux et joue avec, j'adore ça.


ADAM

— Austin est revenu. Je suis pas d'accord avec ce qu'il fait, mais j'imagine que ça doit pas être facile que ton ex qui t'as abandonné et que t'as sûrement cru mort à un moment refasse surface. Je sais même pas si je suis rassuré pour Austin, ou si ça me fait chier qu'il vienne foutre la merde trois ans plus tard. C'est quand Matthew a parlé de lui qu'il a pété un plomb... Tout est sûrement lié. Il aurait dû être suivi après son départ et la mort de Darcy je pense, mais tu le connais.

Gabriel parler de ses sentiments ? Faut s'accrocher. Même pour un psy.

— Mais au moins je me suis rendu compte avec leur histoire que t'avais raison. Que tu m'ai quitté ou pas, j'aurais dû me battre. J'aurais pas dû me contenter de rendre tes clés à Moïra comme un rageux, mais passer chaque soirée devant la porte de ton bureau à attendre que t'en sorte pour te voir. Je suppose que j'étais trop malheureux pour le faire et retourner vers Max, ça a été la facilité. J'ai été lâche et je te demande pardon mon cœur.

Je souris doucement en venant devant lui pour trouver ses lèvres. J'ai envie qu'on s'enfuit tous les deux, comme on le faisait parfois, avant. En s'evadant sans que personne sache où on était.

Dans ses bras je me sens toujours petit et bien en sécurité alors quand il accepte mon câlin, j’ai déjà l’impression que ça va mieux.

— Pardon de t’avoir jeté un verre au visage et d’avoir dit des choses qui t’ont blessé. De t’avoir mis la honte tout à l’heure devant nos amis.

Puis d’être le plus merdique des petits amis. Mais ça je le dis pas à haute voix parce que s’il l’entend et le réalise, j’ai pas envie qu’il me quitte.


LOGAN

Je crois que ça m’inquiète pour Gabriel. C’est un petit con, mais il ne parle jamais à personne et le retour d’Austin doit le bouleverser complètement. Je n’imagine pas quand Madeleine et Paul vont l’apprendre.

— T’as pas été lâche, mon amour. J’ai pas été facile non plus et t’avais tous les droits de ne pas avoir envie de revenir.

Je le serre dans mes bras avant de le couvrir de baisers.

— Aujourd’hui, on est mariés, parents de trois enfants. Je suis heureux et j’espère que toi aussi. Alors tout va bien.

— Je t'en veux pas d'avoir dit des choses qui m'ont blessé. T'as raison, je préfère que tu sois honnête plutôt que tu me mentes ou me caches des choses. Et si c'est ce que tu ressens, t'as pas à t'en excuser. C'est juste que vu la vérité qui a été dite, tu peux pas t'attendre à ce que je réagisse bien.

Je suis honnête moi aussi, voilà tout.

— J'en avais déjà parlé à Édouard, parce que je pouvais pas garder ça pour moi. J'imagine qu'avec un peu d'alcool et la façon dont t'as cru pouvoir te mêler du trio amoureux de ton frère, ça m'a fait perdre le contrôle.

Y'a rien de plus vrai. J'ai pas pu m'empêcher d'ouvrir ma bouche et je le regrette pas.

— Mais au moins, j'ai pas failli devenir un compagnon violent. J'ai juste été à la limite de l'homme battu.



ADAM

— Je suis comblé. C'est encore mieux que mes rêves de gosses, parce que t'es là.

Je n'arrive pas à me décrocher de lui.

— Je sais qu'il a merdé, encore, mais si Gabou est dispo ça te dérangerait que je l'invite à manger à la maison. Demain, ou dans la semaine ? J'ai pas envie qu'il croit encore que je veux plus le voir, alors que je veux juste qu'il comprenne que ses mots peuvent avoir des conséquences. Et puis il a surent besoin de parler un peu...

Il m’accable et j’avais pas du tout envie de ça. Je voulais qu’il me rassure et en fait, il en rajoute une couche et je me sens vraiment minable. Edouard avait déjà dû lui dire que j’étais un connard et ça me ronge qu’il ait confié à quelqu’un d’autre ce que je lui avais dit.

Il me donne le coup de grâce en sous-entend que je suis un compagnon violent et ses bras, qui me rassuraient jusqu’alors, m’étouffent. Je me détache de lui lentement et je me relève.

— Désolé.

Parfois je me dis que je ne suis pas fait pour être en couple. Avec lui ou avec n’importe qui d’autre. Je suis nul pour aimer les gens, pour prendre soin d’eux. C’est le flou complet dans mon esprit et j’aimerais mieux ne plus être là.

— Je voulais pas faire ça.

Je quitte la chambre et j’invite Balti à me suivre quand j’enfile mon manteau et mes chaussures. J’arrive pas à me supporter aujourd’hui et j’ai pas envie que quelqu’un soit témoin de ça.


LOGAN

Je secoue la tête.

— Non, au contraire. Il a l’air complètement paumé, je pense qu’il a besoin de son grand frère.

— Hey tu fais quoi là ?

En l'entendant ouvrir la porte de l'appartement je sors bien plus vite de mon sommeil et je me lève au quart de tour. Il a son manteau et ses chaussures, Balti sur les talons.

— Tu comptes aller ou comme ça à cette heure là ?

Et je fais le mec détendu, mais j'ai qu'une trouille c'est qu'il me réponde qu'il va voir Austin.


ADAM

Je souris à Logan, parce que j'ai le meilleur des maris.

— T'es parfait.

J'embrasse ses lèvres avec tendresse.

— Je lui enverrais un message demain matin. C'est pas sûr qu'il réponde si je l'appelle.

Il me fait sursauter quand il arrive en courant. Je hausse les épaules.

— Je sais pas. Marcher dehors un peu.

Je marmonne en fixant mes chaussures.


LOGAN

— T’as raison. Commence par un message.

On arrive enfin à la maison et je vais directement m’asseoir dans le canapé pour étendre mes jambes.

— J’ai cru qu’on arriverait jamais. C’est fou ce que j’ai mal aux articulations aujourd’hui.

— Tu veux pas juste prendre un bouquin ? Ou aller sur la terrasse ?

Je sais que White Falls ne craint rien, mais quand même. Vu l'heure.

— Ou même juste revenir te coucher. T'es autant crevé que moi Gabi, tes cernes t'arrivent au milieu des joues.


ADAM

Les enfants sont chez mes parents, alors je me contente d'ouvrir le jardin à Poisson et de directement venir m'installer auprès de Logan.

— Tu veux que je te masse un peu ? Ça fait longtemps et ça pourrait te faire du bien.

Je secoue la tête lentement.

— J’aimerais mieux sortir un peu.


LOGAN

— Ton ptit vieux ne va pas dire non.

Je dis en riant.

— Heureusement qu’on a tes parents quand même. On a la belle vie là.

Malheureusement, je ne peux pas le séquestrer et l'empêcher de sortir. Alors je me contente de hocher les épaules.

— Traîne pas trop, d'accord ?

Je lui demande en venant embrasser son front.


ADAM

— T'inquiète, ton jeunot est là pour toi ! Pour le meilleur et pour le pire.

Je souris en attrapant ses jambes pour les déposer sur mes genoux.

— Ils nous permettent de redevenir un jeune couple. C'est sympa de temps en temps. On est un peu moins fou, mais on peut toujours faire des folies !

On se retrouve pour de vrai ces derniers temps et chaque fois je suis comblée.

Je hoche la tête. Je serais pas très long alors. Mais je me sens comme déconnecté ; j’accepte son baiser et je m’en vais. Balthazar me suit apparemment alors on sort tous les deux et j’ai la sensation que l’air frais me fait du bien. Je marche pour me vider l’esprit et y a rien qui va. J’essaie de ne pas penser à tout ça mais je me sens submergé, ce soir. J’étouffe dans cette vie où je ne trouve pas ma place. Je me sens nul et je suis fatigué de faire du mal aux gens que j’aime. Je suis une déception pour tout le monde et maintenant qu’Austin est rentré, mes parents iront un peu mieux. Adam et Marie sont heureux dans leur famille et n’ont plus besoin de moi parce que je les dérange et Matthew trouvera quelqu’un de son âge qui ne sera pas violent avec lui et qui l’aimera mieux que moi. Tout le monde est capable de vivre sans moi alors quand j’arrive sur le pont du canal, c’est pas difficile d’enjamber la rembarde.

— Balti, tu restes assis. Je reviens.

Je reviens, oui. Je me lache dans le vide et la rencontre avec l’eau gelée me coupe le souffle. Je pensais qu’il serait difficile de se laisser couler mais pas le cas. Je suis complètement engourdi par le froid et je bois la tasse plusieurs fois avant de réaliser à quel point c’est douloureux. J’ai plus envie. J’ai peur tout seul et il fait noir. J’ai froid, je suis emporté. J’essaie de remonter et je suis incapable de savoir où est la surface. J’ai pas envie de faire ça à mes parents. Pas encore. Je pleure et je manque d’air et par miracle, je sens qu’on me traîne vers le haut. Je suis trainé, sorti. C’est flou. Je crois que je dégueule de l’eau du canal pendant des heures. J’ai froid. J’arrive pas à revenir à moi. Sauf après une gifle. Puis deux.

— On appelle ! Restez avec moi !
— Non pas les secours. Je suis tombé. Tout va bien !

Il y a un couple là. Apparemment des joggers. Il est jamais trop tôt pour courir.

— Tombé ? On vous a vu enjamber la barrière !
— Non !, je pleure soudainement et ça ne m’aide pas à mieux respirer. Je suis tombé !

Quand Balthazar fonce sur moi et me lèche le visage, je réalise ce que j’ai fait et mes larmes redoublent.

— Pas les secours. Pas eux. Je vais bien. Appelez mon conjoint. Il va venir.

Je donne le numéro et après qu’ils aient délibéré entre eux, ils acceptent. J’aurais voulu parler pour ne pas l’inquiéter mais c’est l’homme qui le fait. Il lui annonce que je suis tombé dans le canal et qu’il faudrait venir me chercher car je ne veux pas des secours. Il dit aussi d’amener des vêtements chauds car je risque l'hypothermie et que leur veste ne suffisent pas à me réchauffer.

LOGAN

Je lui souris.

— J’ai hâte qu’on fasse notre week-end tous les deux.

C’est mon cadeau de noël et on n’a pas encore pris le temps de s’organiser.

Gabriel n'en fait qu'à sa tête, comme d'habitude. Ça fait déjà une heure qu'il est parti et moi je l'attends. Je sais pas pourquoi je n'ai pas eu envie qu'il parte, je ne sais pas pourquoi j'ai eu peur qu'il lui arrive quelque chose, mais j'ai un mauvais pressentiment. Je n'arrive ni à fermer l'œil, ni à m'intéresser à la série à la con qui passe à la télé à cette heure si avancée de la nuit. Ou si tôt le matin, je ne sais même plus. Et comme j'ai entendu son téléphone sonner dans le bureau quand j'ai essayé de l'appeler, ca n'aide en rien.

Il n'est pas beaucoup plus tard quand mon téléphone sonne. Un numéro inconnu. Et c'est sans doute l'instinct, mais je décroche tout de suite parce que je pense à Gabi. Et quand j'entends la voix légèrement paniqué d'un homme qui m'explique qu'il est tombé dans le canal, je perds mon souffle. Parce que je sais que c'est impossible qu'il soit tombé sans s'aider un peu.

J'affirme à ce type que je suis juste à côté et que j'arrive de suite. En réalité, il est encore en train de me parler que j'ai déjà attrapé des gros pulls à moi et du chocolat . S'il est en hypothermie, il va falloir qu'il mange un peu pour se redonner de l'énergie. J'essaie d'être logique, mais en réalité c'est juste pour ne pas m'effondrer avant d'arriver là-bas.

Je crois que je ne ferme même pas la porte de l'appartement parce que je m'en fous. Je veux juste retrouver mon conjoint, le serrer dans mes bras et lui dire qu'il est absolument tout pour moi.

Avec la voiture, parce qu'il est hors de question qu'il marche, je roule si vite que je dois arriver au canal à peine cinq minutes après que l'homme m'ai appelé. Grâce à ses indications, je sais exactement où ils sont et en laissant la voiture tourner pour le chauffage et que les phares nous éclaire, je me précipite un peu plus bas. Y'a que Gabriel qui compte pas, pas encore ma peur ou mon envie de pleurer. Juste mon bébé...

— Gabriel!

Et quand je le vois enfin, je cours plus vite encore, avant de me laisser tomber à genoux juste devant lui pour l'aider.

— Comment il va ?

Je demande aussitôt, parce qu'il ne semble pas en état de me le dire lui même.


ADAM

— J'ai hâte aussi. Juste toi et moi, pendant trois jours ! Je vais t'épuiser à ne pas te lâcher un instant.

Je souris en nous y voyant déjà. Ça va nous faire tellement de bien.

— Ça va comme ça ? Ça aide les engourdissements à passer ?

C'est Alexis qui m'a appris à faire des massages particuliers pour quand ça arrivait. Je lui ai demandé un jour où les enfants dormaient et où on avait enfin un peu de temps tranquille, nous aussi.

J’ai l’impression d’avoir perdu la notion du temps ; peut-être qu’il a mis une heure à arriver, peut-être deux minutes. Je sais simplement que mon cœur se remet à battre quand il m’écrase entre ses bras. Je sens à nouveau quelque chose et je réalise à quel point j’ai fait n’importe quoi.

— Je pense qu’il est très choqué. Il ne voulait pas qu’on appelle les secours. Il est resté longtemps sous l’eau. J’ai cru que je n’arriverai pas à le remonter mais... il est là. Il a recraché beaucoup d’eau et ce chien ne l’a pas quitté.

Moi je tremble comme jamais. J’ai mal au corps, je suis fatigué. Fatigué de cette nuit, de pleurer, de tout.

— Je veux rentrer.

Je murmure.


LOGAN

— Tu peux pas plus m’épuiser que le vent qui nous sert de fille.

Je dis en riant.

— Ouais, ça me fait du bien. Est-ce que tu... là.

Je guide sa main jusqu’à un point de ma hanche et ça me fait super mal jusqu’à ce que ça me soulage.

— Oh la vache. Si on n’était pas déjà mariés, je t’aurais demandé en mariage rien que pour ça. Comment t’as appris ça ?

Ce genre de geste ne vient pas naturellement.

J'écoute attentivement ce qu'on me dit, alors que je débarrasse Gabriel de ses vêtement trempés pour lui passer les gros pulls. Il ne se débats même pas.

—On va rentrer mon bébé. Tous les trois, avec Balti.

Même Balthazar semble sceptique, il est à côté de nous, mais il sent que Gabriel n'est pas en forme.

— Merci beaucoup pour ce que vous avez fait. Je sais pas comment vous remercier.

Quand mon regard accroche ceux du couple, je peux y lire que j'ai raison. Il n'est pas tombé tout seul. Et s'ils n'avaient pas été là, je n'aurais certainement plus Gabriel à l'heure actuelle.

— Tiens, mange ça. Ça va te faire du bien, je te promets.

Je murmure à Gabriel en sortant un chocolat de ma poche, que je lui ouvre.


ADAM

— Elle a de qui tenir il faut dire !

Je rigole avec un sourire taquin. Depuis qu'Edouard l'appelle Twister, elle se prends pour le vent. Notre enfant est géniale.

— Je sais que ça aurait aussi été parce que tu m'aimes trop et que tu ne peux plus te passer de moi.

Je continue de travailler exactement à l'endroit qu'il m'a indiqué et je peux constaté par moi même qu'il n'est plus crispé à cause de la douleur. J'aime voir son visage se détendre.

— C'est Lexie qui m'a appris. Je lui ai demandé s'il y avait des gestes particuliers à adopter pour qu'un simple massage devienne quelque chose qui puisse te soulager réellement. J'ai eu un bon prof apparemment !

Je l’écoute sans me débattre et je prends le chocolat qu’il me donne. Je veux simplement rentrer à la maison, avec lui. Et Balti. J’ai trop froid, j’ai beaucoup de mal à réagir et je ne suis rassuré qu’une fois en voiture. Je ne veux pas aller aux urgences, ils vont m’enfermer. Je le sais et je veux pas.

— Je voulais pas.

Je marmonne difficilement tellement je claque des dents.

— J’te jure. C’est juste que je savais plus quoi faire d’autre.

J’arrête pas de pleurer et maintenant que mes membres se réchauffent, ça me brûle et c’est presque insupportable.


LOGAN

— Oui mais ça vient seulement en deuxième position.

Je dis en riant.

— Donc t’as un kiné à la maison, mais tu demandes à une infirmière de te montrer les techniques ? J’vous pensais plus malin, monsieur Wheeler.

— Je te crois. On va en parler à la maison mon bébé.

Tout aussi vite qu'à l'aller, on arrive à l'appartement en un rien de temps et je ne lui laisse même pas le choix quand je le prends dans mes bras pour monter. Je ne sais plus quoi penser et que croire. On ne saute pas sans en avoir au moins un peu envie.

— T'as moins froid... ?

Je lui demande alors qu'on sort de l'ascenceur, Balti sur nos talons. Aussitôt à la maison, je l'emmène dans notre chambre.

— Une douche ça te ferait du bien ?

En vérité j'en sais foutrement rien putain. Je suis pas médecin, ou pompier ou j'sais pas quoi. J'ai aucune idée de ce qu'il faut faire et c'est encore pire. Je me contente simplement d'être doux et de caresser ses cheveux pour qu'il ne se sente pas seul. Ça, je sais le faire.


ADAM

— Mais je suis malin, monsieur Wheeler.

Je souris en me redressant pour l'embrasser.

— Comment je tire les épingles de mon jeu si c'est à toi que je demande toutes mes techniques ? Faut bien que je te surprenne encore un peu de temps en temps.

Je hausse les épaules. Je sais pas. Je me sens mal, j’ai la nausée.

— Je crois que je veux vomir.

J’ai un peu de mal à reprendre mes esprits. À cause du froid et de la confusion que je ressens. Pour l’instant, je n’ai pas envie de penser à ce que j’ai fait.

Matthew m’aide à aller aux toilettes et je vomis encore pendant ce qui semble être une éternité.


LOGAN

Le sommeil nous gagne rapidement et on décide d’aller se coucher. C’était une soirée mouvementée. Et on s’endort assez vite.

Je suis réveillé dans la nuit parce que je sens qu’Adam ne dort pas. Il tourne en rond et... j’en sais rien. Ça ne va pas. Je le sens.

— Mon cœur ?

Je me tourne vers lui, il a son portable à la main et je n’ai pas besoin de savoir ce qu’il hésite à faire pour le comprendre. Moi aussi, depuis qu’on est parti, j’ai un drôle de pressentiment. J’attrape mon portable et nous ne sommes pas les seuls. Romie m’a envoyé un message.

— Vas-y. Appelle-le. Au pire il t’insultera et ça ira mieux. Appelle Gabi.

Le téléphone de Gabriel sonne alors qu'il est en train de vider la totalité de son estomac. Mais je reste là, auprès de lui. Ça dure encore et encore. Mais son téléphone sonne une seconde, puis une troisième fois alors je finis par y aller. Et quand je vois que c'est Adam, j'attends pas une seconde.

— Gabou ? Ça va ?
— C'est Mattie. Et non, ça va pas. Je sais pas quoi faire.

Je réponds alors que ma gorge se serre. C'est pas le moment de craquer putain.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Il est arrivé quelque chose à Gabriel ?
— Il est tombé dans le canal. Il a voulu sortir et c'est un mec qui m'a appelé. Je crois qu'il est pas vraiment tombé. Et je sais pas quoi faire. Il vomit et il a froid ! Il est pas bien !
— T'as appelé quelqu'un ?

Je ne réponds pas, parce que non, j'ai appelé personne. Et je ne sais pas qui je pourrais appeler.

— MERDE MATTHEW T'AS APPELÉ QUELQU'UN OU PAS ?
— Non putain ! Je sais pas qui joindre, je veux pas que Gabriel s'en aille.
— Ok, il est où là ?
— Avec moi ! Il vomit encore.

Je précise en courant jusqu'a la salle de bain. On ne peut pas vomir autant...

— Tu le couches pas Matthew tu m'as compris ? J'appelle Édouard, il saura ce qu'il faut faire. Toi, tu le laisses pas s'endormir. Et tu le fais boire ! S'il vomit, il se déshydrate et il faut pas ! Il boit et il dors pas ! Tu peux faire ça pour lui ?
— Il boit et il dort pas ! OK. Je fais quoi après ?
— Juste ça ! Un de nous va arriver, on va vous aider ok ! Si c'est pas Édouard, je trouverais quelqu'un d'autre.
— D'accord. Je vous attends.
— Dis à Gabou que...
— Que ?
— Rien. Je lui dirais moi-même, t'en fais pas. T'as mon frère entre les mains Mattie, déconnes pas. On fait au plus vite. Et si ça empire, demande lui quoi faire. Il est bientôt médecin !

Adam raccroche à peine que je retrouve Gabriel par terre, en priant pour que quelqu'un arrive vite.

— Ça va aller mon bébé, je suis là.


ADAM

Logan est collé contre moi, je sais qu'il a tout entendu. Et quand je tourne la tête, je vois qu'il est déjà en train d'essayer d'appeler Édouard.

— Matthew a dit qu'il était sûrement pas tombé...

Je précise à Logan, comme si ça rendait les choses plus réelles et que j'en prenais conscience. Je pleure déjà de toute façon.

— Je peux pas rester ici et attendre Logan, faut qu'on aille là-bas.

Je dis alors qu'il a enfin Édouard en ligne.

Je m’assois par terre et je me sens un peu mieux. Mais j’ai toujours froid.

— Fais-moi un câlin, ça va me réchauffer.

Je vois qu’il est complètement perdu et c’est la première fois que je le vois comme ça. C’est de ma faute et je m’en veux vraiment.

— Ça va allez. T’as vu Le Jour d’Après ?

Je sais que oui, c’est lui qui me l’a montré.

— C’est pareil. Ça va me réchauffer. Ça va aller. Avec une couverture.


LOGAN

Quand je comprends, ça me fend le cœur.

— Bien sûr qu’il a sauté. Ça fait trois ans que ça nous pend au nez. Et Austin revient.

Je me lève rapidement en prenant mon téléphone.

— Parce que tu crois que je peux rester ici ? Allez, on y va.

J’attrape mon téléphone et j’appelle Romie qui répond dans la seconde.

— Mets le haut-parleur, Mimie.
— Fait ! Qu’est-ce qu’il se passe ? C’est Adam ?
— Gabriel. Il sauté dans le canal, des gens l’ont repêché. Il voulait pas qu’on appelle les secours alors Matthew est rentré avec lui. Faut que t’y ailles Eddie. Il a dû boire des litres de flottes, il arrête pas de vomir et il est sans doute en hyperthermie. On en sait pas plus. On y va, mais vous êtes plus près.
— On est en chemin !

Romie raccroche et je range mon portable dans la poche de mon jogging. Heureusement qu’on n’a pas les enfants.

— Edouard et Romie y vont. Ils y seront dans deux minutes.

Je fais ce qu'il me dit, comme par automatisme. J'enlève mon t-shirt, je file chercher notre couette et quand je reviens, je relève juste ce qu'il faut de son pull pour coller mon torse au sien.

— C'est bon comme ça ?

Je demande sans le lâcher, en passant la couverture autour de nous. Je le berce un moment, avant de repenser aux mots d'Adam.

— Tu veux boire un peu ? Ça va faire du bien, comme le chocolat.

Et il n'a pas le temps de répondre qu'on frappe à la porte. Je me contente de crier que c'est ouvert. C'est soit Adam soit Édouard, je suppose.


ADAM

Quand on sort de le maison, j'ai les clés de la voiture en main.

— On prends la voiture, ça ira plus vite d'aller là-bas. C'est OK ?

Je demande à Logan, même si je sais déjà la réponse. Il est autant impliqué que moi, je sais qu'il nous soutient parce que Gabriel est autant sa famille que la mienne.

— J'aurais préféré qu'il ne rencontre jamais Austin... Je pourrais jamais lui pardonner d'avoir rendu mon frère comme ça.

— Un thé, avec du sucre.

Je dis sans pour autant le lâcher. Pour la première fois depuis qu’on m’a remonté, je tremble juste un peu moins.

— C’est nous !

C’est la voix de Romie. Je comprends pas ce qu’elle fait là.

— Tu l’as appellé ?


LOGAN

— Bien sûr qu’on prend la voiture et c’est moi qui conduis. T’es pas en état.

Je récupere les clés et on s’installe en voiture.

— Personne te demande de pardonner ou d’impliquer qui que ce soit dans ce qui arrive. Concentre toi juste sur ton frère, ok ? Là, il va pas avoir besoin de haine autour de lui.

Je prends sa main pour la pauser sur ma cuisse pendant que je conduis.

— Non, pas elle.

Et je ne comprends pas pourquoi elle est là. Adam avait dit qu'il envoyait quelqu'un pour nous aider, pas qu'ils allaient venir à quarante.

— Ton frère a appelé, je sais pas pourquoi... Il m'a demandé si t'allais bien et après il a dit qu'il appelait Édouard, pour pas qu'on aille à l'hôpital.

Gabriel comprends de lui même et ça me fends le cœur de me dire que même ça, j'ai mal fait. Parce qu'il va me détester que tout le monde soit au courant.

— Je suis désolé.


J'ai juste le temps de murmurer alors qu'on frappe à la porte de la chambre.


ADAM

— Il va nous détester d'être tous là. Il va se sentir mis à nu et c'est une des choses qu'il déteste le plus.

Je laisse entendre alors qu'on atteint presque leur appartement. Ma main n'a pas quitté la cuisse de Logan. Mais on a tous besoin d'être là.

— J'ai peur Logan... Il ne peut pas rester comme ça.