Croyance.

Je fronce les sourcils, me demandant bien où il veut en venir.

— Ouais... ?

— C'est lui le Logan d'Adam.

Je lui serre un verre d'eau.

— Ah ouais. Ok. Ils ont une grosse différence d’âge, non ?

Dans mes souvenirs d’ado, c’était un vieux déjà. Enfin, un papa quoi.

- Ils ont 13 ou 14 ans d'écart il me semble.

Je me souviens qu'à l'époque ça m'avait marqué car je voyais Logan comme un homme et Adam comme un adolescent. Mais je hausse les épaules, c'est leur vie.

- On va se servir ?

— Beurk !

Je dis en me levant. Tellement pas mon truc les vieux. J’ai du mal à comprendre ce que peuvent leur trouver les gens. On va se servir et c’est fou de se souvenir de ce qu’on s’autorisait avant alors que maintenant, plus y a de friture meilleur c’est.

— Tu continue de courir ? Ou de faire un peu de sport ?

Je demande alors qu’on retourne s’asseoir.

Je la regarde s'éloigner amusé, elle dit vraiment tout ce qu'elle pense maintenant. Je ne me sers pas beaucoup, mais des choses qui me donnent envie. On se réinstalle à table, je secoue la tête.

— Non, plus du tout. Et toi ?

Je pense que oui, car même si elle est plus fine qu'avant, son corps est tonique.

— Ouais, je cours pas mal ! Puis je fais des squats en portant les cageots de légumes.

Je dis en riant.

— Je continue de m’étirer aussi. Souvent. Sinon j’ai mal partout.

Donc je continue de faire le grand écart et d’être souple. On sait jamais, ça peut servir.

La première chose qui me vient en tête, c'est l'envie d'aller courir avec elle. Si avant rien n'avait d'importance, maintenant le sport commence à me manquer. Mais je sais que mon corps n'en est pas capable pour l'instant, je connais mes limites. Je vois déjà rien qu'au travail, les malaises qui me prennent souvent, alors courir ce serait trop. Sans compter que je fume maintenant.

— Ce n'est pas trop dur comme travail ?

Je hausse les épaules.

— Oh bof. Ça dépend des jours. Mais je m’apitoie pas sur mon sort. On est une bonne équipe et les mecs s’arrangent pour porter les gros trucs pendant que je range.

— Madeleine m'a dit qu'ils recherchaient une personne pour remplacer Mme Thirwell à la bibliothèque car elle va prendre sa retraite. Si jamais ça t'intéresse, tu aurais des horaires normaux, et surtout ce serait moins dur. Elle me l'a dit tout à l'heure.

— Mouais... j’sais pas. Faut que j’y réfléchisse. J’aime bien avoir tous mes après-midi et être tranquille avec peu de collègues.

Je souris un peu.

— Tu me vois dans une bibliothèque ?

Je ne la vois pas ailleurs quand dans un studio de danse.

— Je crois oui, tu as toujours aimé lire.

C'est surtout que ce serait moins fatiguant pour elle et que la paye est meilleure aussi. J'ai envie qu'elle s'en sorte. Je grignote un peu en même temps.

Je hausse un peu les épaules.

— Mouais. Je sais pas. J’aurais l’impression d’être une imposture là-bas.

J’attrape mes baguettes pour manger.

Je fronce les sourcils.

— Pourquoi tu serais une imposture ?

— J’en sais rien, je ne me sens plus tellement à ma place dans ce genre d’endroit. Peut-être que c’est bête mais j’ai l’impression que tout est... je sais pas. C’est différent depuis que je suis toute seule.

Je lui fais un petit sourire.

— Sauf que tu n'es plus toute seule maintenant.

Je souris.

– C’est vrai.

Peut-être qu’avant j’aurais rougi. Aujourd’hui, j’ai conscience que je n’ai plus aucune chance.

— Je dois postuler quand ?

J'incline la tête sur le côté.

— Tu en as vraiment envie, pas seulement parce que je te l'ai proposé ?

Je ne veux pas qu'elle se sente obligée. C'est pour elle.

— J’ai pas encore dire oui. Je veux juste savoir combien de temps j’ai pour y réfléchir.

C’est vrai qu’avant je n’aurais pas pris en compte ce que je voulais vraiment, mais aujourd’hui, j’ai évolué.

Je hoche la tête.

— Je demanderai à Madeleine demain. Je leur ai dit qu'on habitait ensemble, je crois que ça leur ferait plaisir de te revoir.

À l'époque où l'on été ensemble, ils l'appréciaient beaucoup.

— C’est gentil. Mais je sais pas si c’est honnête de ma part. J’ai tellement détesté leur fils... puis j’aime pas voir des gens qui m’ont connu avant. Y a toujours une forme de pitié dans leurs yeux...

— Je comprends.

Je n'ai revu qu'eux et Gabriel, et leurs regards étaient durs à supporter.

— Alors j'irai juste voir Madeleine demain, comme ça je pourrais te dire demain soir.

Sans le réaliser je pique une crevette dans son assiette car moi je n'en ai pas pris.

J’acquiesce.

— Ok, merci.

Il pique dans mon assiette et je ne râle pas parce qu’il mange à peine. Je l’ai maté en sortant de la douche, il a vraiment fondu.

— Tu pourras lui demander le salaire aussi ?

Je hoche la tête.

— Je lui demanderai toutes les informations.

Si pour moi je n'ai jamais considéré tous les petits boulots comme des sous-métiers, elle mérite beaucoup mieux que les fruits et légumes dans un super marché.

— Merci.

Je finis les quelques trucs que j’ai pris en entrée.

— Je vais me chercher des nouilles et quelques fritures bien grasses. Tu veux un truc ? Ou venir te resservir ?