Frères, enfin presque.

23h. Je grimpe à la gouttière de la maison des Saint-Clair et pour la première fois, ce n'est pas celle de Gabriel. Je sais qu'il est là ce soir, j'aurais pu rentrer simplement mais je ne veux pas qu'il me voit. Je grimpe comme je peux jusqu'à la fenêtre d'Adam, je manque de me casser la gueule plein de fois, encore plus avec le froid, j'ai les mains gelées. J'ouvre sa fenêtre et je me casse la figure à l'intérieur de sa chambre. Il est assis sur son lit.

— Merde, c'est dangereux. T'as jamais personne qui grimpe par ta fenêtre ou quoi ?

Je râle en chuchotant, en me relevant et en rajustant mes vêtements.

Il m'engueule pendant que je rajuste mes vêtements. Je le regarde blasé quand il parle de sexe puis il se met à rire.

— Mais parle pas si fort, Gabi va t'entendre !

Je râle encore toujours en chuchotant, avant de m'étaler sur son lit après avoir retirer mes chaussures. Je prends le gros tas de papier qui traine.

— Qu'est-ce que tu lis ?

Je tourne autour du pot.

Je le regarde plusieurs secondes avant de reporter mon attention sur le livre.

— Admettons que ce type qui est passé par la fenêtre, a quelque chose à demander à l'étudiant mais qu'il ne sait pas comment s'y prendre, tu crois que l'étudiant pourrait l'aider ?

Je secoue la tête, non pour une fois ce n'est pas elle, même si je réalise que j'aurais préféré car au moins je sais comment agir avec ma mère. Je soupire longuement et j'arrête enfin de faire semblant de m'intéresser à son livre.

— C'est Gabi...

Je n'arrive pas à trouver les bons mots et ça m'agace.

— Je vois bien qu'il ne va pas bien en ce moment, mais il m'ignore complètement. Je ne sais même pas ce qu'il a ou ce qu'il se passe.

— Des dizaines, je m'emporte sans crier, il n'a répondu à aucun, ni à mes appels, ni à mes tweets.

J'envisage même de rentrer dans sa chambre sans prévenir, mais je sais que je ne ferais que le braquer encore plus.

— Je comprends pas, il n'a jamais mis des distances comme ça entre nous. Tu sais s'il m'en veux ou s'il est en colère contre moi ?

J'ai le ventre serré, je le réalise maintenant. C'est la première fois de ma vie que j'ai l'impression de pouvoir le perdre et ce n'était jamais arrivé avant. Ça me fait peur.

— Ou alors il a fait une connerie qu'il a d'autre honte de m'avouer ? Il a rencontré quelqu'un de pas fréquentable ?

Je soupire résigné. Il a raison, c'est moi qui ai le plus de chances d'être au courant entre nous deux.

— Qu'est-ce que je devrais faire d'après toi ? Insister ? Le laisser tranquille ?

Depuis toujours quand j'ai besoin de conseils c'est à Adam que je m'adresse, il est toujours à l'écoute et trouve toujours les bons mots.

— T'as raison.

Comme toujours, et quand j'étais petit ça me rendais limite fou. Je vais insister, Gabriel pourra toujours m'envoyer chier s'il veut, je suis tenace et il le sait. Je regarde Adam plusieurs secondes, j'hésite un peu mais pas longtemps.

— Je t'ai vu avec mon kiné.

Je vois son visage se décomposer et ça me fait de la peine, il mérite mieux que ça comme relation. Je sais que sa rupture avec Max a été vraiment dure à vivre pour lui, mais il mérite mieux que cet homme.

— Je dirais rien à personne.

Je le rassure tout de suite.

— Mais il est marié Adam et il a une petite fille.

J'ai vu la photo sur son bureau. Il a le droit de savoir.

— Je fais la plonge au Falcon en ce moment.

Je réponds avec une petite grimace d'excuse.

— Tu es au courant et ça te gène pas ?

J'ai pas envie qu'il ait honte face à moi, juste qu'il ne souffre pas.

Je ne comprends pas tout, je le connais assez pour savoir qu'il n'est pas du tout le genre de gars intéressé par les plans cul, il est trop sentimental pour ça.

— Mais il compte quitter sa femme ou ?...

— Mais ça te convient ? Enfin, je veux dire, est-ce que tu es heureux comme ça ?

Je demande un peu méfiant car ça ne lui ressemble pas du tout.

Son regard s'illumine quand il parle de lui, je ne l'avais pas vu comme ça depuis le départ de Max. Je grimace quand même pour la forme.

— Mais c'est mon kiné et il est ultra vieux ! T'as conscience qu'il me masse une fois par semaine ? C'est archi glauque.

Il me met un coup de coude et je me marre.

— Il m'arrive de bosser à la maison de retraite de temps en temps, j'peux te brancher si tu veux ?

Avant qu'il ait l'idée de me balancer son livre dessus, je me relève et remets mes chaussures.