Tell Me Everything Will Be Alright. — Austin & Madeleine

Au téléphone, j'ai promis à Madeleine de venir. Darcy est à l'école. J'ai mal au ventre, je ne sais pas ce que je vais pouvoir dire, ou faire. Je ne me suis jamais senti aussi perdu, et pourtant je l'ai été plus d'une fois, complètement perdu, égaré, mais jamais de cette façon-là. Je n'ai pas envie de croiser Adam, et je suis soulagé quand j'arrive et que je vois que Madeleine est en train de descendre de sa voiture. Je me gare derrière elle et je la rejoins.

— Bonjour.

Elle voit qu'il a une petite mine et s'approche de lui pour faire un petit câlin.

— Allez, entre. On va se faire un petit chocolat chaud et discuter de nos malheurs.

C'est quelque chose qu'elle dit souvent. Elle passe une main dans son dos pour l'inviter à entrer et pose son sac à main sur la console de l'entrée avant de se déchausser. Elle se rend immédiatement dans la cuisine pour faire chauffer du lait.

— Austin ? Viens t'asseoir, trésor. Tu veux un cookie ?

Elle demande, même si elle est déjà en train d'en mettre quelques uns dans une assiette. La maison est plus impeccable que jamais et c'est certainement parce que Gabriel n'est pas là pour tout déranger sans cesse.

Elle m'incite à la suivre à l'intérieur. Une fois dans la maison, je reste dans l'entrée. Tout est parfaitement rangé, il n'y a pas les chaussures de Gabriel qui trainent dans l'entrée, aucune de ses affaires abandonnées n'importe où quand il rentre du lycée. C'est vide sans lui, et si moi je le ressens en une quinzaine de secondes, je n'ose pas imaginer comment Madeleine et Paul vivent son absence. Je pense à Adam et je réalise que je n'ai pas envie d'être ici à cause de lui, mais que j'ai envie de rester pour Madeleine. Mais je ne peux pas.

— Je ne peux pas rester.

Je dis en approchant légèrement de la cuisine.

Elle penche sa tête dans l'embrasure de la porte avant de venir se planter devant lui, l'air complètement inquiète.

— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as des problèmes ?

Elle est tellement inquiète que ça me tord le ventre et j'en veux encore plus à Adam. Car il a été odieux, mais il s'en fout lui, il continue sa vie, il continue de baiser avec son mec marié et moi je me retrouve là, devant la personne qui s'est occupée de moi bien plus que ma propre mère. Et je ne peux pas lui dire pourquoi je me sens aussi mal d'être ici, dans cette maison. J'ai la gorge tellement serrée, que je ne sais même pas comment j'arrive à parler.

— Non.

Je secoue la tête.

— Il faut juste que j'y aille.

Je dis avant de partir, parce que si je reste une minute de plus, je vais craquer.

Elle le connaît par coeur, c'est elle qui l'a élevé, bien plus que sa mère. C'est seulement depuis quelques années qu'il se débrouille seul, mais avant ses dix ans, il n'était pas rare qu'ils passent des mois entiers à la maison, surtout quand Darcy était bébé.

— Trésor, bon sang, mais qu'est-ce qu'il se passe ?

Alors qu'il se dirige vers l'entrée, elle le rattrape facilement pour l'attirer contre elle et lui faire un câlin.

— Tu sais que Paul et moi sommes là pour toi. D'ailleurs, nous avons eu une idée. Et si tu restais plus longtemps que cinq minutes, je pourrais de l'exposer.

Elle le berce et caresse tendrement son dos.

Elle me rattrape et sans me le choix, elle me prend dans ses bras. Je crois que la dernière fois qu'elle m'a fait un câlin, c'était il y 3 ans, quand maman était tellement bourrée qu'elle m'avait frappé au visage. Madeleine m'avait soigné et m'avait pris dans ses bras ensuite. Comme maintenant, et c'est dur, vraiment dur. J'ai envie de pleurer, mais je retiens, je ravale tout en moi. Je reste contre elle le temps de me calmer et quand je me sens mieux, je me détache. Je hoche la tête pour l'écouter.

— On pensait aménager le sous-sol correctement pour en faire un petit appartement pour Darcy et toi. Vous auriez un petit salon avec une kitchenette, une salle d'eau et une chambre. Grâce à la porte que Gabriel emprunte régulièrement pour sortir en douce, vous seriez entière indépendant.

Elle affiche un pâle sourire.

— Je suis allée voir ta maman, trésor. On ne peut plus la laisser dans cet état, tu comprends ? Il faut qu'elle se fasse soigner. Elle est d'accord pour que je récupère votre tutelle le temps que tu deviennes majeur. Je ne ferais rien sans ton accord, évidemment. Mais l'année prochaine tu passes ton diplôme et tu dois te concentrer sur tes études.

— Je...

J'ai du mal à réaliser, autant ce qu'ils veulent faire pour moi, pour Darcy et moi. Ça me touche énormément.

— Tu as été voir maman ?

Ça c'est dur à entendre, car malgré toute la rancoeur que j'ai pour elle, j'ai de la peine et ça me fait mal que des gens la voient pas comme ça, dans cet état. Pourtant elle, elle s'en fiche. Elle est d'accord de nous perdre Darcy et moi. Elle est d'accord de donner la tutelle à une autre personne, comme ça aussi facilement. Sans se battre pour nous, sans essayer de remonter la pente pour nous garder.

— Oui, je suis allée la voir. Il faut qu'elle aille chez le médecin faire des examens, il faut qu'elle se soigne. Elle est d'accord, Austin. Elle a envie de s'en sortir pour mieux faire. J'ai parlé avec elle plus de deux heures, tu sais ?

Elle lui sourit avec affection.

— Si elle se fait hospitaliser maintenant, sans vous confier à personne, vous seriez placés. Alors que si elle vous met sous notre tutelle, elle pourra se faire soigner, être prise en charge. La paroisse l'aidera. Peu importe si elle met six mois ou un an. Quand elle sera de nouveau sur pied, elle pourra vous récupérer, retrouver un travail. S'occuper de Darcy. Elle m'a dit qu'elle voulait faire tout ça pour que tu puisses aller à la fac sans t'inquiéter de tout. Je l'ai déjà entendu faire des promesses dans le vent, mais cette fois-ci, elle était sérieuse. Alors je lui propose mon aide. Si les services sociaux voient que vous êtes bien chez nous, il n'y aura pas de problème. C'est l'histoire d'une année. Ou plus bien sûr, ce sera votre choix.

Je réalise qu'en réalité je n'ai pas le choix. Elles ont tout organisé ensemble. À écouter Madeleine j'y croirais presque moi aussi, mais maman ne veut pas être aidée, elle est très douée pour jouer la comédie. Et ça me tord le ventre car j'ai l'impression que ma vie ne m'appartient pas.

— Est ce que je peux réfléchir ?...

Car c'est dur pour moi, d'imaginer ne plus être responsable de Darcy. J'ai ce sentiment d'abandon qui revient, comme si je la laissais tomber ou j'échouais.

Madeleine acquiesce.

— Bien sûr, tu peux même dire non.

Tout est embrouillé dans ma tête. Et j'ai besoin de temps.

— Merci.

Je réponds sincèrement. Pour tout ce qu'ils font pour moi, elle n'a pas conscience que même si certaines choses sont dures à entendre et accepter, ça compte énormément pour moi.

— Je t’en prie. Tu viens prendre un chocolat chaud, alors ?

Je secoue la tête.

— Je dois y aller...

Je ne sais pas si je suis en train de fuir, je crois que oui.

— Oh.. très bien.

Elle a un peu de mal à masquer sa peine, elle est à fleur de peau depuis que Gabriel est parti précipitamment. Elle récupère un sac dans l’entrée.

— Ce sont les vêtements pour Darcy. Il y a une tenue du dimanche, des collants, des bottines chaudes et quelques vêtements.

Je vois que ça lui fait tellement de peine, que je n'arrive pas à partir, et tant pis si je croise Adam.

— Je veux bien au chocolat chaud...

Je dis après l'avoir remercié pour les affaires de Darcy.

Elle a les yeux qui brillent et lorsqu'Austin lui propose un chocolat, elle affiche un petit sourire.

— Viens.

Elle passe un bras autour de ses épaules pour le conduire dans la cuisine.

On passe un moment tous les deux, et je crois que ça m'avait manqué car ça fait longtemps qu'on n'avait pas pris le temps de le faire. Quand elle parle de Gabriel c'est dur de ne pas lui dire ce qu'il s'est passé entre nous, ce qu'il se passe. J'ai peur de la décevoir. Contrairement à Adam et Gabriel, moi je me suis battu pour qu'elle m'aime. Enfin, pas pour qu'elle m'aime mais pour essayer de ne jamais la décevoir. Eux, peu importe ce qu'ils feront, elle les aimera toujours et sera toujours leur mère, que moi... c'est différent. J'ai toujours eu peur qu'elle et Paul ne veuillent plus de moi un jour si je faisais des conneries ou si je me conduisais mal. Je réalise que chaque bulletin de notes, c'est eux que je les ai montré, chaque victoire en natation c'est à eux que je l'ai dit. C'est leur reconnaissance et fierté que j'ai toujours cherché, jamais celle de ma mère. Alors si ce qu'il se passait entre Gabriel et moi les decevait ? Pire encore, s'ils ne l'acceptait pas ? Ce serait moi qui perdrait tout, pas Gabriel. Ils ont accepté l'homosexualité de leurs fils, mais la mienne ? Enfin, je veux dire, Gabi et moi ?... Plus je pense dans ma tête et plus je suis en train de me créer des angoisses.

Au bout d'un petit moment, je pars vraiment car je dois aller chercher Darcy à l'école. Maman est dans un état tellement minable et madame (lavoisinej'aioubliélenom) n'est pas apte à garder Darcy, alors je ne peux plus travailler pour l'instant. Mais ce moment avec Madeleine m'a fait du bien. Je crois.