Réunion de famille - Adam & Gabriel & Marie.

Le coffre débordait de terreau et de graines quand le téléphone de Max a sonné. Un des entrepreneurs pour l'église avait besoin de lui pour quelques infos et il se trouvait que c'est plus facile de directement se rejoindre là bas. On aurait pu y aller tous les deux, mais je savais que Gabriel m'attendait de pied ferme à la maison et Max a tout de suite compris où je voulais en venir.

Il a roulé jusque chez mes parents et quand il me dépose devant la maison, je lui fais promettre de revenir vite. Plus vite il va être à l'église, plus vite il va finir et nous rejoindre. Je l'embrasse rapidement et le regarde partir pendant quelques secondes. Après la blague de Gabriel quant à l'adoption et notre décision à Max et moi, je sais que je ne parlerais pas de cela. Mais leur annoncer à Marie et lui qu'on est fiancé, ce n'est pas rien non plus. Surtout sans Max.

En longeant l'allée, je tombe sur Gabriel à sa fenêtre et je ne peux pas m'empêcher d'éclater de rire en lui jetant la branche que je trouve à mes pieds.

— Souris Juliette, ton Roméo vient d'arriver !


@Gabriel Saint-Clair

Marie est là depuis longtemps et je regrette d’avoir dit à maman que, oui, je voulais bien qu’elle vienne plus tôt. Marie c’est maman, en pire. Elle n'arrête pas de me faire des câlins et d’essayer de me faire croire que je ne suis pas dans la maison. Elle a carrément ouvert toutes les fenêtres.

— Au secours.

Je dis après une heure de souffrance en me collant à la fenêtre, la main posée dessus. C’est à ce moment-là qu’Adam arrive et IL SE FOUT DE MA GUEULE. Je lui fais un bon gros doigt d’honneur et maman n°2 me somme de m’excuser tout de suite.

— Du coup, comme je peux pas partir de chez moi, j’ai droit de te demander de partir ?
— Arrête de faire l’imbécile.
— Trop dur.

Elle rigole avant d’aller accueillir Adam. Elle lui fait in câlin.

— Salut ptit frère !
— Tu m’as laissé une heure avec cette folle ? Mais elle se prend pour Blanche Neige et parle aux oiseaux dehors pour qu’ils me tiennent compagnie. J’étais à la limite d’aller chercher une pioche pour trouver des pierres precieuses dans une mine.

Mon fou rire n'en finit pas alors que je rends son étreinte à Marie. Ma famille est tout pour moi et d'avoir retrouvé cette force entre nous trois, c'est encore plus beau que tout le reste.

— Tu veux que j'aille te chercher une chaise longue grincheux ?

Gabriel est déjà en train de se débattre, alors que je viens le serrer dans mes bras lui aussi. Il m'a crié son ennui tout à l'heure et maintenant il a trop de compagnie ? Impossible. Se plaindre, c'est juste mieux quand on est chiant comme lui.

— T'es venue toute seule du coup ? Tu manges avec nous aussi ce soir ? Les filles et Chris nous rejoignent ? je demande à Marie comme s'il était impensable qu'elle puisse être ici sans eux.

— Marie l’a déjà ramené, merci.

Je réponds avec un air blasé. Au fond, je suis content de les voir, tous les deux en même temps. Juste nous trois, comme avant. Parfois, ça me manque beaucoup – et le bracelet n’arrange rien.

— On avait du monde.. mes beaux-parents pour être plus précise alors... ils nous rejoindront ce soir.

Tout le monde sait que Marie déteste ses beaux-parents, elle est juste trop polie pour le dire.

— Bah j’peux leur péter la gueule, j’suis plus à ça près.
— Arrête un peu de faire l’idiot !
— Mais quoi ? Avoue que t’en a marre ?
— Non. Ils sont très vieux et très exigent. C’est normal vu leur milieu social.
— Ancien milieu social, tout le monde sait qu’ils n’ont plus d’argent !
— Hein ?
— Ah, tu savais pas ? Moi je pensais qu’ils venaient vous voir juste pour vous taxer.
— Gabriel, qu’est-ce que tu racontes ?
— Faut écouter les gens à l’église ! Pas seulement le prêtre !

Elle lève les yeux au ciel avant de disparaître dans la cuisine.

— BON VOUS VENEZ ???

Elle hurle pour qu’on la rejoigne.

— T’aurais au moins pu faire l’effort de t´habiller correctement, t’es plein de terre.

Je dis à Adam sur un ton mélodramatique avant d’aller m’asseoir à la table de la cuisine.

— Bon, c’est quoi ton annonce ? Le suspence est insoutenable...

Je dis alors que Marie sautille presque tellement elle est impatiente.

— Moi je sais ! Moi je sais ! Allez Adam !!
— Mais pourquoi tu sais ??
— Parce que j’observe figure-toi !

Elle va se mettre à côté d’Adam pour se préparer à lui faire un câlin.

Je rigole à l'évocation des beaux parents de Marie, parce qu'on sait tous qu'elle ne les aime pas. Il n'y a qu'elle qui essaie encore de se convaincre du contraire. Par contre, j'ai l'impression que Gabriel en sait plus qu'elle sur eux, comme toujours.

— Y'a que toi qui écoute les ragots à l'église ! On dirait une vieille putain !

Tant mieux qu'ils soient la les beaux parents, ça nous permets d'etre tous les trois ensemble et ça fait un bien fou d'être réunis. Ça me manquerais presque, qu'on ne vive plus ensemble, maintenant que tout va si bien.

— Je suis plein de terre parce que...

Marie nous appelle et je ne continue finalement pas. Je lève les yeux en riant et on l'a rejoint. Au moins, Gabou va pas se foutre de la gueule de mon potager.

Alors que lui n'a pas l'air d'avoir la moindre idée de ce que je vais leur dire, Marie sautille déjà et j'ai envie de le faire avec elle. Les femmes ça voit toujours tout avant nous, les hommes, surtout ce genre de détails à la con.

— Rattrapez-moi si je tombe par terre.

Marie me donne un coup dans l'épaule, parce que ça ne va pas assez vite à sa convenance et Gabriel grogne toujours parce qu'il veux savoir.

— Je suis fiancé les gars ! FI-AN-CÉ !

Et finalement, je sautille moi aussi en leur montrant ma main.

Marie et Adam partent dans un trip hystérique qui m’échappe un peu. Ils sautillent partout et se font des câlins et moi, je trouve ça nul. Là, c’est pour de vrai qu’il s’en va. Il va plus jamais vivre ici et ça me donne pas envie de sauter de joie. Mais pas du tout. Et je m’en fous qu’il me dise qu’il va venir et bla bla bla. C’est pas vrai. Marie m’a dit pareil, puis elle a eu des enfants et elle vient là seulement le dimanche et on prend des nouvelles en gros, histoire de ne pas perdre le contact.

— Félicitations !

Je dis quand même en souriant. Je suis content qu’il soit content.

— C’est bien avec Max, hein ?

Je dis pour le taquiner. Après tout, il n’a même pas dit avec qui il s’était fiancé. Moi je trouve le mariage nul, avoir des enfants n’en parlons pas alors je suis bien loin de leur trip un peu bizarre.

— Mais tu pourras te marier seulement quand j’aurais droit de sortir ?

Marie est aussi hystérique que moi et ça me rends encore plus fou ! Je réalise assez mal tout ce qui est en train de m'arriver depuis tout à l'heure, mais de leur dire à eux, ça me fait prendre conscience d'encore plus de choses. Merde, je suis fiancé et Max a fait ça de la façon la plus parfaite du monde. Comme toujours...

Gabriel me félicite et sourit, et même si je sais qu'il est content pour moi, je ne suis pas entièrement stupide. Ce n'est pas que je me fiance qui lui pose problème, c'est que je l'abandonne encore un peu plus. Il n'a aucune idée d'à quel point il est important pour moi. Il ne se doute sûrement même pas que s'il me disait de ne pas me marier avec Max, je serai capable de tout remettre en question.

— Evidemment que c'est avec Max, tête de con !

Je rigole, mais une partie de moi, tout au fond, pense à Logan. Même s'il s'est joué de moi, je ne peux pas nier tout ce que je ressentais pour lui. Tout ce que je continue malgré tout à ressentir. Je suis amoureux de Max, c'est partout dans mon corps, mais chaque fois que je pense à Logan, j'ai l'impression d'avoir perdu un bout de moi... Mais ça finira bien par passer, non ? Je crois que je dois en parler à quelqu'un, pour être au clair avec moi même. Et je sais qui est mon quelqu'un.

— On compte pas se marier demain, rassures toi ! Tu auras plus de bracelet depuis longtemps d'ici là !

Je souris, ne pensant qu'à mon bonheur. C'est ça, la seule chose qui compte.

— Il a demandé ma main à papa et maman, s'il vous plaît ! J'ai failli lui claquer entre les doigts !

— Mais il est tellement romantique... déjà l’église et puis la demande.

Marie a des étoiles plein les yeux et elle n’arrête pas de coller Adam. Ça me fait plaisir de les voir comme ça. Puis ça prouve à Adam qu’elle est sincère et spontanée, même si Max est un homme. Tout roule pour lui et c’est ce qui compte.

— Du coup j’vais pouvoir transformer ta chambre en salle de sport.

Je lui dis en riant un peu.

C'est dur de ne pas leur crier qu'on a déjà songer aussi à avoir un enfant, assez pour savoir ce qu'on veux et quand ce serait le mieux pour nous. C'est moi à avoir proposé de garder ça pour nous, alors que devant Marie et Gabriel j'ai envie de le hurler. Ça me fait un bien fou de les voir heureux pour moi, mon frère, mais aussi ma grande sœur.

— Tu l'as pas encore revu depuis son retour en plus, toi ! Mon dieu, il est encore plus beau qu'avant Marie, tu vas voir !

Je me rends compte que je suis complètement gaga, mais je m'en fous. Mon futur mari est digne d'un mannequin et même si je ne comprends pas pourquoi c'est moi qui ai cette chance, je vais en profiter toute notre vie.

— Une salle de sport pour faire quoi ? Accrocher un punching-ball ?

C'est con, mais j'ai pas envie que ma chambre ne soit plus ma chambre. Je me doute bien que ça finira par arriver, mais j'ai pas envie de voir ça se faire...

— En plus, ça voudra dire que je serai obligé de dormir avec toi chaque fois que je vais venir ici. Tu vas jamais supporter !

Je me marre.

— T’habites juste à côté alors tu dormiras plus ici. De toute façon, maman me laissera pas. La chambre de Marie c’est officiellement une chambre d’amis mais y a personne qui dort dedans.

J’ai pas du tout envie d’entacher le bonheur de mon frère alors je prends sur moi, mais j’ai quand même pas la tête à faire la fête. Je ne sais pas pourquoi. Là, j’aurais bien aimé aller faire un tour. Mais je peux pas.

— Tu veux voir la fontaine alors ?

Je souris faussement, parce que quoique je dise ou fasse, il n'a de cesse d'être sur la défensive et de rappeler qu'à ses yeux, j'ai plus aucune raison valable de venir ici.

— Viens me montrer ça !

Je passe mon bras autour de lui, officiellement pour le faire chier, officieusement parce que j'ai vraiment besoin de ce contact actuellement, et on vadrouille vers la fontaine.

— Tu viens pas avec nous ? je demande à Marie.
— Je l'ai déjà vu tout à l'heure ! C'est pas comme si on allait pas se revoir dans cinq minutes.

Je hoche la tête et elle revient embrasser ma joue en me félicitant encore une fois, avant de retourner s'assoir dans la cuisine.

— Alors comme ça, tu fouilles dans ma chambre pendant que je suis pas là ?

Je pince l'épaule de Gabriel au passage en riant, même pas gêné de ce qu'il a pu trouver son mon lit. C'est dire.

Marie reste à la cuisine et quand Adam me pince, je brandis mon plâtre.

— T’as pas honte de faire ça à quelqu’un qui souffre ?

Je souris.

— Je vais étudier et ça m’occupera et j’arrêterai de tourner en rond.

— Je ne savais pas que ton épaule et ton poignet étaient si proches. Tu vas survivre ?

Je me fous de sa gueule gentiment.

— T'es remotivé c'est bon ? Faut pas que tu laisses passer ta chance Gabou, tu le sais.

J’acquiesce.

— J’ai regardé sur internet et dans certain cas, un juge peu effacer un casier. Alors je vais bien bosser et faire une demande quand ma peine sera terminée. Je vais y arriver. J’ai pas envie d'être infirmier. J’ai envie d’être pédiatre.

Je crois que mon regard s'illumine de fierté pour lui.

— J'imagine déjà la scène. Mon fils toussant, moi paniquant et appeler mon petit frère pédiatre parce que j'ai besoin d'être rassuré.

Je lie mes mains sur ma poitrine dans un geste exagéré. Puis je me rends compte que je serai sûrement réellement autant paniqué que cela.

— En bossant et en étant sérieux, je suis sûr que ça jouera en ta faveur. Ton dossier de la Colombie aussi, ils en tiendront forcément cas !

— Bon bah ça me rassure alors, ça veut dire que c’est pas pour tout de suite les gosses.

Je dis en riant.

— En tout cas, j’espère qu’ils en tiendront cas.

— Et même si c'était pour demain, ça changerait quoi ? Je le tuerais pas le gosse, déconne pas !

Je ne sais pas comment prendre sa remarque, surtout que c'est pas la première de la journée, et ça m'agace de pas comprendre ce qu'il y voit de mal.

— Les gens avec qui tu as bossé seront sûrement contactés pour savoir le travail que tu as vraiment fourni ! Et avec ce que tu m'as raconté, c'est du positif pour toi.

On arrive à la fontaine et ô miracle, je la vois à nouveau fonctionner.

— Bah non, je sais que tu le tuerais pas.

Je hausse les épaules. Je sais pas trop si j’aurais assez de chance pour qu’on efface mon casier, mais bon.

— Alors ? T’as vu ça ? À une main s’il te plaît.

— Alors il est où le problème ?

J'interroge tout en marchant sur des œufs, parce que je ne voudrais pas faire une gaffe et que Max m'en veuille par la suite.

— Champion ! Je pensais qu'elle fonctionnait même plus, à force ! Quatre mois cloué ici ça va faire de toi un artisan en or ! Y'a tout le papier peint de ma chambre à refaire si tu veux !

Je pouffe de rire en ignorant volontairement sa question.

— T’es pas obligé de forcer genre je suis un artisant. Y avait juste un tuyau qui n’était pas au bon endroit mais papa est visitement assez... mauvais.

Je dis en riant.

— Ça va Paul ? Tu veux pas éviter la question d'une manière encore plus naturelle ?

Il sait que ça me rends fou quand papa agit comme ça, en faisant comme si de rien n'était quand toi tu attends une réponse sérieuse. Et il fait exactement pareil, bordel.

— Sauf que papa il aime pas ça. Toi tu vas avoir le temps de tester plein de nouvelles choses. Même étudier, si ça c'est pas nouveau !

— Mais c’est pas Paul, j’sais pas. Y a rien qui va pas alors pourquoi t’insiste avec tes gosses. Genre j’fais une blague et on dirait que tu le prends personnellement. Juste, si t’attends que je sois pédiatre c’est pas pour tout de suite et si t’attends pas bah t’auras des gosses comme Marie puis voilà. Fin j’sais pas, y a pas matière à débattre donc force pas.

Je ne m’énerve pas. Mais je déteste cette journée, comme toutes les autres, et je ne comprends pas pourquoi tout le monde s’acharne avec toutes ces questions. Sans cesse là. C’est une investigation permanente. Comme je peux pas m’enfuir tout le monde tente de me rendre barjot ou quoi ?

— J’vais péter un plomb. Ça fait à peine deux semaines et je pète déjà un cable alors ça va être quoi plus tard ? Et si je sors quand même ? J’ai droit à trois fois. Au moins je verrais un peu le commissariat et je rentrerai ? Non ?

— Une blague c'est pas deux fois en une heure, mais bon. À ta convenance.

Je lève les yeux au ciel, parce qu'il est pas foutu d'essayer de comprendre ce que moi je peux trouver de dérangeant à tout cela.

— Sauf que quoi ? Tu vas envoyer chier tout le monde parce que tu peux pas sortir ? Trouve des manières de t'occuper, trouve toi un passe temps j'en sais rien moi ! Le but de tout ça, c'est de te faire réfléchir et toi la seule chose à laquelle tu penses, c'est qu'en enfraignant les règles, tu pourras sortir pour aller au commissariat ?

Je peux pas dire que je le comprends, parce que j'ai jamais été à sa place, mais je crois qu'on essaie tous de faire en sorte que ça se passe pas trop mal pour lui, et c'est comme s'il ne voulait pas le voir.

— Te braques pas comme ça contre nous Gabou, ça servira à rien...

Il se fâche et je me sens vraiment mal. Je sais que tout le monde y met du sien, mais je ne supporte pas d’être enfermé. Ça me tue.

— Je sais. Pardon.

Je soupire lentement. Je vais prendre sur moi parce qu’ils n’ont pas à subir mes erreurs.

— Alors euh... t’es content d’être fiancé ?

— Je suis content évidemment ! Même si je passe mon temps à faire des parallèles avec un autre et que je ne comprends pas pourquoi...

Je me rends compte que je sors ça sans réfléchir, alors que n'importe qui d'autre pourrait être là, et je me retourne à la vitesse d'un éclair pour vérifier nos arrières. Heureusement pour moi, nous sommes toujours seuls. Alors j'enchaîne, sans prendre le temps de réfléchir plus.

— Bref, revenons à toi, je souris sincèrement. Je pensais venir dormir ici le mercredi ou le jeudi soir, histoire qu'on passe un peu de temps ensemble, comme je termine ma semaine le mercredi soir ! Ça te dirais ?