DISTANCE Gabriel / Austin

Il referme un tiroir avec tellement de vivacité que je sais que quelque chose cloche.

— Quoi ?

Je réouvre le tiroir pour fouiller.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Je suis son regarde et j’attrape un sachet.

— C’est quoi ?

Je n'ai pas le temps de réagir sans risquer de lui coincer les doigts qu'il rouvre le tiroir.

— Ce n'est pas de la drogue.

Je dis immédiatement en refoulant la panique qui monte en moi à l'idée qu'il pense que je suis comme ma mère.

— Hein ? Bien sûr que c’est pas de la drogue, je te connais. Mais c’esr quoi ?

Je lui récupère le sachet et je joue nerveusement avec dans mes mains en regardant les gélules à l'intérieur.

— Des anti-douleur.

— Ah ouais. Ceux qu’on t’a prescrit ou autre chose ? Pourquoi tu les caches comme ça ? Tu les as eu où ?

Je prends une grande respiration.

— Sur le campus.

Je les range dans le tiroir.

— C'est pas important, c'est rien je veux dire.

— T’as carrément refermé le tiroir pour pas que je les trouve et tu m’as...

Je ne termine pas ma phrase. En fait, je réalise juste qu’une fois de plus, je ne suis pas digne de confiance et ça me fait mal.

— Laisse tomber. C’est pas grave. T’es grand, je suppose que c’est pas un truc que t’as envie de partager avec moi donc.. d’accord.

— Évidemment que non, je n'avais pas envie de partager ça avec toi. C'est quelque chose dont je ne suis pas fier. Même nager, ce n'est plus un plaisir mais une corvée. Je veux juste être à la semaine prochaine et laisser tout ça derrière moi.

— Mais tu crois que j’ai pas honte d’être enfermé ici toute la journée ? Que j’ai pas honte de pas être au lycée et d’être un putain de redoublant qui va débarquer en milieu d’année comme une merde parce qu’il était assigné à résidence ? Tu crois que j’ai pas honte de ma réputation ? Ou d’un milliard de choses dont je te parle malgré tout parce que j’ai pas envie d’en parler à quelqu’un d’autre. Moi aussi, j’ai honte. Mais j’me cache pas parce que si je suis pas moi-même avec toi, alors avec qui je vais l’être ?

Je comprends ce qu'il ressent, même si à mes yeux il n'a pas à avoir honte, c'est ce qu'il ressent.

— J'ai toujours été quelqu'un de droit, enfin j'ai toujours essayé de rester dans le droit chemin, de ne pas faire honte aux gens. J'ai toujours tout fait pour ne pas être assimilé à l'image que les gens de cette ville ont de mes parents, et là je mens, je...

Je m'assoie sur le bord de la baignoire.

— Je fais des choses que je ne devrais pas. C'est dur à accepter.

— Tu sais quoi... je m’en fous que tu continues de nager et que tu fasses n’importe quoi, c’est pas grave, ça me fera pas partir. Que tu fasses des erreurs, qu’on soit pas d’accord ou.. fin j’sais pas. Quand je te dis que j’ai pas envie que tu nages, je te le dis, c’est tout. Je vais pas moins t’aimer parce que tu nages quand même.

Je soupire.

— Je veux pas que tu me mentes, Austin. Je m’en fous si c’est pas bien, si t’as honte ou n’importe quoi. Même si je suis pas d’accord et que je te le dirais, on est en couple et t’es plus tout seul. Tu pourrais même me ramener un cadavre que je t’aiderai à l’enterrer en te disant que t’es vraiment idiot. Tu comprends ce que je veux ?

Quand il me dit tout ça, je relève les yeux vers lui. Mon coeur cogne dans ma poitrine, tellement je suis dingue de lui. Ça en serait presque douloureux.

— Par moment j'ai l'impression que tu m'idéalises et ça me fait peur. J'ai peur du jour où je te décevrai, et où je tomberai de ce piédestal mais je sais que je cacherai un cadavre pour toi aussi.

— Mais tu tomberas jamais. Même si tu fais un truc qui me déçois, ça changera rien.

Je m’approche pour le prendre dans mes bras.

— J’ai pas envie que tu nages, j’ai pas envie que tu te blesses plus, j’ai pas envie que tu prennes n’importe quel médicament, c’est vrai. Mais tu le fais et même si ça me gonfle, mon cœur bat pareil quand t’es dans la pièce. Toujours aussi fort. Ok ? On est un couple. J’te suis, même si je suis pas d’accord. Mais j’estime quand même que c’est à moi de te dire quand ça va pas.. non ? C’est pas mon rôle d’amoureux ?

Il me prend dans ses bras. Je hoche la tête, parce si, il a raison. C'est à lui de me dire quand ça ne va pas. Je caresse son visage avec un petit sourire d'excuse.

— Je sais que c'est stupide et pas raisonnable, mais je n'arrive pas à lâcher prise. C'est plus fort que moi, je ne peux pas.

— J’entends oui. C’est de la merde parce que je sens que tu vas le regretter, mais je serais toujours là.

Je dépose un baiser sur son front.

— Allez.. viens t’asseoir que je te mette la crème.

Je le regarde plusieurs secondes dans les yeux, je cherche à voir s'il y a de la déception ou du dégoût, mais rien de tout ça. Alors je le suis, je retire mon t-shirt et je m'assoie au bord du lit. Je suis soulagé d'avoir un cachet juste avant, sinon je sais que je n'aurais pas pu le laisser me toucher l'épaule.

Je vois qu’il peine à retirer son t-shirt et son épaule est brûlante.

— T’es brûlant.. tu dois avoir vraiment mal, mon cœur.

Je dépose un baiser sur son épaule avant de mettre la crème le plus délicatement possible.

— Je vais chercher une poche de froid là-haut, je reviens, ok ?

Quand il embrasse mon épaule je me crispe légèrement. Quand il m'appelle comme ça mon coeur rate un battement. Je l'ai vu avec beaucoup de personne, mais je ne l'ai jamais entendu avoir un mot doux, ou un geste tendre pour aucun ou aucune d'entre eux. Je le regarde monter en réalisant tout ce qu'il représente pour moi. C'est la première fois que quelqu'un s'occupe de moi comme ça, que j'en laisse l'occasion à une personne. Je n'aurais jamais accepté de la part de Jenny. Quand il revient j'embrasse tendrement ses lèvres.

— Merci.

Je pose la poche de glace et je lui souris.

— De rien. C’est ce regard ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Je passe une main dans ses cheveux avant de l’inciter à s’allonger. Il m’a manqué ces dernières semaines et ce soir, j’ai l’impression de le retrouver un petit peu.

— Rien.

Je dis en m'allongeant, la tête tournée vers lui.

— Je réalise la chance que j'ai de t'avoir, c'est tout.

Comme je peux dans cette position, je pose ma main sur sa cuisse juste pour avoir un contact avec lui.

— Ah bon, comme ça ?

Je dis en souriant. Ça aussi, ça me fait du bien de l’entendre. Je crois que faut me soulage de savoir qu’on peut ne pas être d’accord et se chamailler un peu sans pour autant moins s’aimer.

— Moi aussi, j’ai de la chance.

Avec la réputation que j’ai, y a pas grand monde qui m’aurait fait confiance. Ce que je peux comprendre.

— Enfin la tout de suite, je t'insulte dans ma tête à cause de la poche de glace. Je dis en fermant les yeux avec un petit sourire crispé.

Je la retire tout de suite.

— Oh non pardon c’est pas agréable ? Désolé ! Je pensais que ça endormirait la douleur. Ça va ?

— Ça va, tu peux la remettre s'il te plait ?

Je sais qu'il a raison, il faut que le froid endorme la douleur.

— T’es sûr ?

Mais comme il insiste, je la lui remets doucement.

— Voilà.

Je caresse tendrement son front. Il faut qu’il se repose.

— Tu veux que je reste avec toi ? T’es fatigué ?