Here we go again. — Austin & Gabriel

Quand on m'a retiré mon bracelet, juste avant les vacances de Noël, j'ai passé mes journées hors de cette maison que je ne pouvais plus me voir en peinture. Parfois avec Austin, parfois tout seul, parfois chez mon frère, mais jamais très longtemps à l'intérieur. Il a été convenu que j'intègrerai ma classe à la rentrée et ce jour est arrivé bien trop vite. Grâce à Austin – et au temps que j'avais à tuer – mes notes sont excellentes et le juge à accepter d'effacer mon casier à condition que je continue sur cette voie. Alors je ne vais pas baisser les bras, même si je n'ai pas du tout envie de retourner en cours.

En fait, c'est assez étrange de reprendre une vie normale parce que je n'ai plus l'impression d'y avoir ma place. Je me sens en complet décalage avec le reste du monde et je crois que ça m'effraie : est-ce que je vais tenir des journées complètes à être assis sans bouger ? Est-ce que je vais me contenir si les profs me font chier ? Les élèves ? Je suis incapable de manger tellement ça m'angoisse. J'aurais aimé partir seul, à pied, dans la neige, pour pouvoir continuer de réfléchir un peu, mais Austin est content de mon retour au lycée et je crois que c'est sa présence qui m'empêche de fuir. On est ensemble depuis presque six mois et on laisse peu à peu les galères derrière nous. Je crois qu'on va bientôt vivre les meilleurs moments de notre relation et je n'ai pas du tout envie de gâcher ça.

— Vous rentrez à midi ?
— J'en sais rien, maman.
— Bien sûr que si, Gabi, ça te fera une coupure ! Rentrez à midi, je vais vous faire des hamburgers.

Je lève les yeux au ciel et je la laisse me faire un énième câlin. Austin est déjà en voiture alors quand je le rejoins, le chauffage est à fond et ça fait du bien.

— Putain on se le gèle le matin. J'ai pas l'habitude de partir si tôt.

Je sors pour faire chauffer la voiture, depuis que je vis chez Madeleine et Paul, j'ai pu faire plusieurs réparations dessus, des choses que je ne pouvais pas faire avant car presque tout mon argent servait à payer le loyer de la maison et la nourriture. Le moteur marche bien, il y a des housses pour cacher les sièges abîmés, mais le chauffage est long à se mettre en marche.

Gabriel reprend les cours aujourd'hui, je sais que même s'il ne le montre pas, il est angoissé à l'idée de retourner au lycée. Mais je suis fier de lui, il a tenu ces quatre mois, et ses notes sont excellentes.

— Je me suis dit que ce serait mieux si on arrive les premiers.

J’acquiesce.

— Oui, t’as raison. J’ai pas tellement envie d’entendre les chuchotements sur mon passage. T’es sûr que tu veux rester avec moi ? Je comprendrais, hein.

Je fronce les sourcils parce que je ne comprends pas.

— Pourquoi je ne resterais pas avec toi ?

Je hausse les épaules.

— J’en sais rien, si t’as honte ou j’sais pas, c’est pas grave. Je sais que t’as pas honte mais j’ai une montée de stress, ok ?

Je prends sa main et j'embrasse sa paume.

— On va s'arrêter au Starbucks pour prendre ton chocolat préféré, puis ensuite on ira au lycée, je te montrerai toutes nos classes. On assistera aux cours, ensemble, on sera ensemble à chaque pause, chaque instant, on mangera à midi, puis on retournera en cours l'après midi, et ce soir on rentrera à la maison tous les deux. Comparé à la Colombie, c'est un jeu d'enfants, tu verras.

Je lui souris, mais c’est un sourire vraiment crispé.

— Bah je trouve que c’estplus facile en Colombie, y a personne qui juge qui tu es, là-bas. On s’en fout de savoir d’où tu viens et ce que tu as fait, tant que tu es utile.

— Et ici, c'est nous qui nous foutons du jugement des gens.

Mais je sais que lui ce n'est pas son cas. Je me gare devant le Starbucks et je me tourne vers lui.

— Ça va bien se passer d'accord ? Et si ça ne va pas, tu me le dis et on partira tout de suite, c'est promis.

Je secoue la tête.

— Non, on partira pas. Toi comme moi on doit avoir des bonnes notes alors on partira pas.

Je lui souris avant de sortir de la voiture quand il est garé. Je l’attends sur le trottoir pour qu’on entre tous les deux.

On rentre dans le Starbucks, on commande et cinq minutes plus tard je me gare sur le parking du lycée. Je descends le premier et je lui laisse le temps. Je sais que depuis qu'il n'a plus le bracelet, il n'est pas revenu ici. Quand il sort de la voiture, je prends sa main.

— Prêt ?

Je secoue la tête, mais bon, j’ai pas le choix.

— Ça va aller, mon cœur. T’es là.

Je balance mon sac sur mon dos et je l’aide à enfiler le sien.

— C’est quoi notre premier cours ?

Même si ça fait plus de deux mois, j'ai toujours des problèmes de mobilité à mon épaule et le geste pour ajuster la lanière de mon sac sur mon autre épaule n'est pas simple, alors il m'aide.

— Littérature anglaise.

Je lui fais faire le tour des classes qu'on n'a pas en commun, il n'y en a que deux, puis on s'installe dans la salle de littérature.

— Beaucoup de gens ont hâte de te voir, surtout Polly.

Je n'ai dit à personne qu'il portait un bracelet mais ça il le sait.

Je grimace un peu.

— Ils savent qu’on est ensemble, hein ? Tu leur as dit ou t’as été secret là-dessus ?

Parce que Polly, je la vois bien arriver comme une fleur.

Je réfléchis, je réalise que je ne l'ai pas dit, pas par honte mais parce que je n'ai jamais parlé de ma vie privé. Les gens savaient pour Jenny et moi parce qu'ils nous ont vu ensemble. J'ai toujours été le meilleur ami de Gabriel, alors quand on me demandait des nouvelles, j'en donnais.

— Je ne crois pas que je l'ai dit.

Je grimace avec un petit sourire.

— Hate de choquer tout le monde...

Peu de temps après la classe se remplie, et il est l'animation du jour, tout le monde vient vers lui et évidemment ils n'arrêtent pas de lui demander où il était. Et s'il était malade. Polly n'est pas encore arrivée, elle est toujours en retard.

Je n’ai pas tellement envie de faire la conversation à qui que ce soit. Y en a qui m’ont vu me faire arrêter par les flics lors de la compétition d’Austin, je sais que certain savent parfaitement que j'étais assigné à résidance alors je me demande c’est quoi cette hypocrisie. Ce ne sont même pas mes amis, j’ai redoublé. Je suis vraiment blasé. Et le pire c’est quand Polly arrive.

Le prof est déjà là et apparemment, elle s’en fout.

— Gabi !!!

Elle s’approche pour me faire un câlin et je la repousse rapidement. Les gens ricannent.

— Polly, regagnez votre place !

Elle râle et je n’ai pas hâte de la pause.

(Il a été tenu à l'écart de toutes les rumeurs sur Gabriel, les gens sont pas maso haha)

Ils tournent autour de Gabriel comme une bête de foire, je n'aime pas ça. Polly arrive et se jette sur lui, mais heureusement le professeur lui dit d'aller s'asseoir. Je prends la main de Gabriel sous la table. Le cours commence et je me concentre. Quand ça sonne évidemment elle revient à la charge. Je lève les yeux au ciel en rangeant mes affaires. Je ne l'écoute même pas, je mets mon sac sur mon épaule et j'embrasse furtivement les lèvres de Gabriel.

— Je t'attends dans le couloir.

Car le professeur veut le voir quelques minutes.

Il embrasse mes lèvres devant tout le monde, devant Polly et il s’en fiche. Tous ceux qui on assisté à la scène semblent s’être arrêtés de respirer et moi je souris de toutes mes dents.

— Ok.

Il s’en va et je rassemble mes affaires également.

— Non mais c’est une blague ? C’est pour toi qu’il a quitté Jenny ?
— C’est si improbable ?
— Bien sûr que ouais !

Je soupire et je la plante là. Le prof tient à me rappeler certaines règles ; je l’avais l’année passée alors je veux bien croire qu’il doute de ma bonne volonté. Quand je sors, tout le monde chuchote autour d’Austin alors j’attrape sa main et je nous dirige vers notre prochain cours.

Quand Polly passe, elle me bouscule volontairement et tape en plein dans mon épaule, je ne montre rien, je la regarde s'éloigner. J'attends Gabriel, et quand il arrive il prend ma main. Il semble plus détendu que ce matin, ça me rassure.

— Ça s'est bien passé ? Qu'est ce qu'il voulait ?

— Me dire qu’il espère que cette année sera pas comme la précédente. En gros. Il a vu mes notes mais le comportement compte aussi, blah blah blah.

On se dirige vers notre cours suivant.

— Pourquoi les gens font comme s’ils étaient pas au courant ?

Je souris intérieurement car cette année il va impressionner tous les professeurs. On s'arrête à mon casier.

— Au courant de quoi ?

— Bah pourquoi j’étais pas là. C’est évident que ça se sait.

Je fronce les sourcils.

— Tu crois ?

— Ils m’ont vu me faire arrêter.. le père de Gomez est flic...

Je dis en riant presque.

— Bien sûr qu’ils savent. Ils attendent juste que l’un d’entre eux ouvrent sa bouche.