Hey Brother - Adam & Gabriel

— Trouve moi une seule personne qui n'ai pas pensé ça une fois dans sa vie ?

Même notre mère elle a dû penser ça, plus jeune. Je suis sûr qu'elle a fait plus de conneries qu'on nous le laisse entendre.

— T'es quelqu'un de bien Gabriel. C'est pas parce que ça t'arrives de faire des erreurs que ça fait de toi une mauvaise personne. Le monde en serait rempli sinon.

— Je dis pas ça pour que t’essaies de me rassurer ou me convaincre du contraire. Je suis trop égoïste, j’en veux pas des gosses. J’ai pas envie d’avoir de contrainte et je sais que je serais un mauvais père donc pas la peine.

— Ce n'est pas mon avis, mais j'entends.

Je regarde l'heure et en voyant qu'il est tard, je me doute qu'Austin ne doit pas tarder à finir de travailler.

— Je vais te laisser retrouver Austin, je suppose qu'il termine bientôt. Désolé si j'ai un peu bousculé tes plans, j'avais vraiment... Tu me manquais, alors je suis rentré.

Je lui souris. Il me manque, lui aussi. Mais j’ai du mal à digérer ce qu’il s’est passé parce que j’ai cru qu’on était proches et je me suis trompé. C’est douloureux. Mais je m’y ferai. Puis j’oublierai.

— Bon bah... rentre bien alors.

Je sais bien qu'il n'oubliera pas de sitôt ce qu'il s'est passé, ce que j'ai pu dire et faire, mais au fond, j'espère qu'il saura passer l'éponge un jour. J'aimerais beaucoup retrouver mon petit frère, même un peu...

Je me lève pour aller régler nos consommations directement au comptoir et reviens rapidement vers Gabou.

— J'espère qu'on se reverra bientôt.

J'ai envie de le serrer dans mes bras, mais habituellement il déteste déjà ça, alors j'imagine que c'est la dernière chose dont il a envie aujourd'hui.

— Ouais, moi aussi. Merci d’avoir payé.

Je dis en souriant sincèrement.

— Y'a pas de quoi.

Je lui rends son sourire et ça me réchauffe un peu le cœur je crois.

— Bon, bah je file. Tu diras bonjour à Austin. Et bonne chance pour les cours !

Je lève ma main, prêt a frotter ses cheveux comme je faisais avant, puis je me ravise également.

— A bientôt Gabou !

— Ouais, ciao Adam. Rentre bien.

Je lui souris et je le regarde partir avant de me rasseoir. Austin ne va pas tarder à arriver.

Je lui adresse un dernier signe en sortant, puis je file vers la gare. Je crois bien que ce soir, je vais avoir des choses à raconter à mon mari. A commencer par le fait que je me sens enfin mieux.

Quand je me gare, j'ai l'impression de voir Adam marcher au loin, mais je ne suis pas certain que ce soit lui. Mon rendez-vous a duré plus longtemps que prévu, je ne suis pas certain que Gabriel m'ait attendu. Je rentre dans la librairie, il est bien là, je le rejoint et j'embrasse ses lèvres.

— C'est ton frère que j'ai aperçu au bout de la rue ?

Quand je vois Austin arriver, je me lève avec un large sourire. Sourire qui se fane quand il évoque Adam.

— Ouais... on s’est croisé par hasard.

J’aurais même besoin d’un câlin, mais j’ose plus réclamer quoi que ce soit depuis un moment.

— Ça a été ton rdv ?

Son visage se ferme, on se rassoit et je pense mon bras autour de ses épaules.

— Je t'en parlerai après.


Ce n'est pas ça le plus important.

- Qu'est ce qu'il s'est passé avec Adam ?

Je tente doucement. Je sais qu'ils sont fâchés et qu'il lui en veut mais il ne m'a jamais dit pourquoi.

Je me blottis contre lui volontier et je fais un bisou sur sa mâchoire. Je ne lui ai jamais dit pourquoi j’étais fâché avec Adam parce que c’est vraiment pas bien venu de ma part vis à vis d’Austin, et parce que j’ai honte, mais je n’ai plus tellement envie de lui mentir.

— Quand t’es parti, j’ai paniqué. J’avais besoin d’entendre que même si c’était grave, t’allais revenir. J’ai conscience que j’ai tous les torts, mais j’arrive pas à m’imaginer sans toi. Alors je suis allé voir Adam... Logan m’a dit qu’il s’en mêlait pas et je comprends mais mon frère...

Je soupire.

— Je voulais pas qu’on me plaigne, d’accord ? Mais je voulais entendre que si je changeais et que tu m’aimais assez, t’allais peut-être rester. J’en sais rien. Mais Adam il m’a complètement descendu. J’sais pas, on aurait dit que c’était lui que j’avais trompé. Il parlait que de lui genre « moi je pardonnerais jamais ça » puis comment j’ai pu faire ça, je suis odieux et tu vas jamais revenir parce que je le mériterai pas... en fait, je savais tout ça mais je voulais juste qu’il me soutienne. Parce que lui, il a bien piqué le mec d’une femme et ça l’a pas gêné.

Je me doutais que ça avait un rapport à tout ça, je caresse tendrement son épaule pour le soutenir.

— Tu sais, des fois c'est plus facile de voir les erreurs des autres, plutôt que de reconnaitre les siennes.

Je connais bien Adam, même si on s'est éloigné l'un de l'autre, je sais qu'il n'a pas changé. Il est impulsif quand il parle, il ne réalise qu'après.

— C'est normal que tu sois allé le voir, tu avais besoin d'être rassuré, et je suis certain qu'il s'en est voulu d'avoir réagi comme ça.

Je repense à notre propre dispute, à ce qu'il m'a dit dans la cuisine. Je sais que Gabriel a été blessé par ses mots, comme moi je l'ai été ce soir-là, et c'est dur de passer au dessus. Car même si ce qu'il lui a dit était sur le moment, dans le fond il le pensait surement.

— Je connais Adam et je suis sûr qu'il s'en veut vraiment. Je n'ai pas envie que tu t'éloignes de ton frère à cause de ce qu'il se passe entre nous. Tu as besoin de lui-

Je lui fais un petit sourire.

— Même si tu es trop borné et rancunier pour l'avouer.

Je secoue la tête.

— Non, t’as pas compris. Je suis pas borné, je sais que j’ai besoin de lui. Ça fait des années et des années que je rame pour avoir son attention et je l’ai eu parce qu’il avait besoin de moi et maintenant qu’il est marié, il fait sa vie et c’est normal. J’ai besoin de lui mais quand je lui demande de l’aide, il m’en donne pas. Pour péter des câbles sur moi et se défouler, il sait faire mais c’est tout. Chaque fois que j’ai eu besoin je me suis retrouvé tout seul. Quand j’ai dit que j’étais amoureux de toi, il m’a parlé d’inceste, là je suis le roi des connards et je te mérite pas et c’est vrai, je le sais. J’ai de la chance que tu restes même si les choses ont changé et que c’est une question de temps avant que tu réalises que tu seras mieux sans moi. Mais c’est mon frère et quand il me dit que je peux compter sur lui c’est pas le cas. En plus je suis sûr qu’il répète tout à Logan.

Ça me serre la gorge et je me suis promis de ne plus chialer.

— Enfin bref, il est heureux, il a son mari, la fille de son mari qui l’appelle papa. J’suis sûr qu’ils auront bientôt un gosse et tout va bien allé pour lui. Il a besoin de moi de temps en temps, c’est tout. Alors ça va. T’inquiète pas.

Je peux comprendre qu’on n’ait pas envie d’être là pour moi. Je ne fais que de la merde.

Il a beaucoup de choses sur le coeur, je n'aurais jamais pensé que ça pouvait aller si mal entre eux. Que Gabriel lui en voulait autant, s'il a le sentiment que son frère n'est pas là pour lui, et qu'il le ressent comme ça, c'est que ça doit l'être. Ça me fait de la peine pour lui, car il dit vrai, d'aussi loin que je me souvienne, il a toujours cherché l'attention d'Adam. Je n'ai jamais compris pourquoi ils n'étaient pas proches tous les deux. Quand il parle d'inceste je me sens immédiatement mal à l'aise, comme si notre nous était quelque chose de mauvais ou de contre nature. Je n'ose pas imaginer ce qu'il a ressenti quand Adam lui a dit ça.

- Je ne sais pas quoi te dire mon coeur, je n'ai jamais eu de grand frère, je ne sais pas ce que tu peux ressentir. Peut être qu'il est trop centré sur sa propre vie et qu'il ne se rend pas compte que ça le rend égoiste en quelque part.

J'ai conscience que sa vie n'est pas simple. Il a détruit un mariage et même s'il est heureux avec Logan, il doit quand meme vivre avec ce poids sur lui.

- Mais il a eu tort, tu n'es pas un connard, et non je ne serais jamais mieux sans toi, même si tu refuses de l'admettre pour l'instant. Je ne peux pas te dire de ne pas être en colère contre lui, ou de ne plus lui en vouloir car ce que tu ressens est légitime.

J'aimerais seulement qu'il soit moins malheureux et je me sens impuissant face à ça.

— Mais t’es pas bien pourtant... je vois bien que les choses ont changé et que t’es distant. J’ai pas envie que tu te forces...

Je vois qu’il reparle à Jenny et ça veut tout dire.

Il sait que j'ai revu Jenny, je lui en ai parlé le jour même, et j'ai conscience que ça l'inquiète même s'il a aucune raison de l'être.

— Je ne me force pas, c'est juste... c'est juste que je me sens, je ne sais pas.

Je prends sa main.

— Je t'aime toujours autant, je n'imagine pas ma vie sans toi mais j'ai peur.

J’affiche un air peiné.

— Peur de quoi ? Je peux faire quelque chose ?

Je caresse tendrement son visage.

- Ce n'est pas de ta faute, d'accord ?

Je ne veux pas qu'il se sente plus responsable que ce qu'il ressent déjà. C'est moi le problème, je pensais que ce serait plus facile de passer au dessus de tout ça.

- J'ai juste peur que les choses ne redeviennent jamais comme avant, mais je sais qu'on a besoin de temps.

— Bah.. de qui c’est la faute alors ?

S’il a peur que ça ne redevienne jamais comme avant, c’est bien parce qu’il pense que les choses ont changé. Il ne me voit plus comme avant, il n’a plus confiance, on ne fait plus l’amour. Je pense que j’ai raison de penser que notre relation s’éteint parce que je suis une pauvre merde.

— De la mienne, parce que je t'ai dit que ça irait, et maintenant je réalise qu'on a peut être besoin d'un peu plus de temps pour laisser derrière nous ce qu'il s'est passé. Et tu t'en veux, je le sais alors que c'est de ma faute si tout est... tu sais, un peu difficile entre nous. Je suis désolé pour ça.

Je l'aime tellement que je m'en veux d'être comme je suis, mais j'ai l'impression qu'il y a quelque chose de bloqué en moi, et je ne sais pas comment dépasser ça pour l'instant.

— Pense surtout pas que c’est ta faute.

D’après mon mon frère, il me fait une fleur de rester alors...

— Mais si t’as besoin de prendre du temps pour faire le point ou aller voir ailleurs... ou... enfin j’peux aller à l’hôtel, si tu veux. Je te laisse Balti pour que tu sois pas tout seul. Tu pourrais inviter Jenny si t’en as envie.

— Quoi ?

Je secoue la tête.

— Non, je ne veux pas aller voir ailleurs.

Je n'en ai jamais eu envie, et ça ne m'a même pas traverser l'esprit.

— Et je ne ressens plus aucun sentiment amoureux pour Jenny, aucun.

— Je comprendrais si tu te sentais plus en sécurité avec elle. Ou plus en confiance.

Je dis quand même.

— Je suis désolé de nous avoir fait ça et d’avoir tout gâché.