Teenage dirtbag - Romie & Édouard

Quand je sors de ma caisse avec mes nouvelles pompes, je me dis que ça a quand même un peu de classe. Ça n'a rien à envier à mes mocassins, mais quand c'est autre chose qu'une paire de converse dégueulasse à 80 balles, ça passe pas mal.

Enfin, je sortais seulement pour aller faire quelques courses avant de m'arrêter pour prendre un café. Jamais j'aurais mis une telle chose à l'entreprise.

Quand je rentre dans le Starbucks je reconnais Romie tout de suite. Elle est dos à moi, mais elle détonne dans cet endroit, elle a un truc bien à elle. Je regarde mes pompes en souriant : c'est peut-être le moment.

— Je peux t'inviter à prendre un café aujourd'hui ? L'endroit s'y prête, tu crois pas ?


@Romie Wheeler

J’ai pas vraiment passé une bonne journée. Le mercredi, Logan travaille toute la journée, comme Adam et les enfants sont chez mamie. Moi, quand je suis toute seule, je ne sais pas quoi faire et j’ai le cafard. Je repense à ma vie d’avant ou je me demande où est ma mère. J’aime pas être comme ça parce que ça me rend vraiment triste. Charlie et Lexie avaient des rendez-vous bébé à l’hôpital, Gabriel n’était pas disponible pour boire un verre et je n’ai pas d’ami. Je ne connais personne ici et c’est difficile. Parfois j’ai envie de rappeler quelques anciennes connaissances mais je sais que Logan ne serait vraiment pas ravi de ça. Puis j’ai envie d’être une autre personne.

Comme je n’avais pas quitté mon lit depuis plusieurs heures, j’ai décidé d’aller me doucher et j’ai enfilé une robe à col claudine que Marie m’a donné. D’habitude je ne porte pas ça, mais j’aime bien. Adam m’a dit que ça m’allait très bien. Je lui fais confiance. J’ai enfilé mes petites baskets, relevé mes cheveux en queue de cheval et je suis sortie me balader avec Poisson. Lui il avait l’air trop content que je m’ennuie.

En passant devant chez Starbucks, j’ai eu soif et on m’a dit que je pouvais m’asseoir avec mon chien si c’était près de la porte. Alors j’ai commencé à faire la queue en me demandant ce que j’allais pouvoir prendre avec seulement £5. C’est là que j’ai entendu une voix dans mon dos qui m’a fait sursauter. C’est Mocassin. Quand je baisse les yeux pour vérifier, je suis surprise de le voir avec des baskets aux pieds.

— Bah dis donc !

Je lui adresse un large sourire. Aujourd’hui, il a une barbe de quelques jours et ça le rend vraiment séduisant.

— D’accord alors, mais je prends un thé glacé au citron. Et un cookie aux pépites de chocolat. Mais le deuxième, hein, celui-là. Il a l’air un peu moins cuit que les autres. Je préfère.

Je prends la pose et je lui fais un sourire ravageur, quand elle relève les yeux de mes chaussures.

— J'ai compris que je devais faire des efforts si je voulais réussir à te faire céder ! J'ai choisis des blanches, ça va avec tout !

Et j'ai eu raison, parce que la voilà qui se décide à le prendre son café avec moi. Pendant qu'elle choisit, je prends la peine de la détailler et je me rends compte qu'habiller ainsi, elle n'a rien à envier aux filles avec qui je sors habituellement. Elle est même plutôt jolie, je dois avouer.

— J'avais parlé d'un café, pas d'un goûter entre copines !

Je lève les yeux au ciel en riant.

— Mais puisque c'est comme ça, ce serait un mocha noisette et des pancakes pour moi s'il vous plaît.

Il râle toujours mais ça le rend beau, cet imbécile. Je le laisse se dépatouiller avec nos commandes pendant que je vais m’asseoir. J’ordonne à Poisson de s’asseoir et il se couche carrément. On a beaucoup marché, je crois. Ce chien est vraiment trop adorable.

— Donc je suis contrainte à t’appeler Édouard, aujourd’hui, c’est ça ?

Je dis avec un sourire taquin.

— Je préfère, oui. Mocassin c'est pour les grands jours, le prénom qu'ont choisit mes parents passe plus facilement partout.

Je souris en posant le plateau devant nous.

— Mais je pourrais m'exclamer tout autant devant cette tenue ! Ça change beaucoup, et ça te va à merveille.

Ça m’arrache un sourire niais.

— Ah oui ? Ce sont des vêtements qu’on m’a donnés parce qu’en arrivant, j’avais pas grand chose. J’avais peur que ce soit moche sur moi, mais bon.. merci. Et merci pour le goûter entre copines aussi.

— Je t'en pris, pour le tout.

Je souris en buvant une gorgée de mon café. Ça vient sûrement de chez les Saint-Clair, y'a pas a chercher très loin.

— Mais sans indiscrétion, tu viens d'où comme ça ? Pour être arrivé avec si peu de choses.

— Hm... ça t’ennuie si on en parle une autre fois ?

Je crois que c’est la première fois que j’ai un peu honte de moi. Je n’ai pas envie qu’il soit trop vite déçu. Peut-être parce qu’il me plaît un peu.

— Mais je suis née en Angleterre et j’y ai toujours vécu ! En fait le plus loin que j’ai été c’est Londres. Je suis née dans la ville d’à côté alors tu vois... T’as beaucoup voyagé toi ?

— Ça veux dire qu'il y aura une prochaine fois, alors ça me va.

Je réponds, charmeur, mais compréhensif. On se connaît à peine, elle ne va pas me déballer sa vie sur un tapis rouge.

— J'espère que t'auras l'occasion de voyager plus tard, c'est vraiment sympa. Moi j'ai pas fais énormément de voyage pour le plaisir, c'est plus pour le boulot. Mais ma mère est française et j'ai vécu là-bas plusieurs années. Je continue de faire des allers-retours pour aller les voir de temps en temps !

Je souris timidement. Une prochaine fois, alors ! C’est plutôt chouette comme programme. Au moins, lui, c’est quelqu’un que j’ai rencontré toute seule et qu’on ne m’a pas présenté parce que je fais peine à ne connaître personne.

— C’est vrai ? C’est vraiment génial ! Tu parles d’autres langues que l’anglais et le français ? Je vais économiser pour voyager, mais j’ai pas tellement les moyens. J’aimerais beaucoup voir les châteaux en Écosse, ce sera déjà pas mal, non ? C’est beau la France ?

— Ils sont magnifiques. J'y suis allé quand j'étais ado !

Avec mon frère et son connard de mec, mais bon. Pas utile de préciser ça.

— Et la France... C'est autant mon pays que l'Angleterre, alors je ne suis pas le meilleur juge. Je trouve ça beau, partout où j'ai été. C'est rempli de tellement d'Histoire ! Habillée comme ça, tu ressembles à l'une d'elle. Et je suppose que tu sais ce qu'on dit des françaises.

Je rigole doucement en mangeant un bout.

— Je parle pas trop mal allemand, c'est important dans mon boulot, et j'ai des bases d'Italien et de japonais. Très important aussi dans mon boulot. Mais le japonais c'est trop compliqué pour que je sois à fond !

— Bah non, je sais pas, on dit quoi des françaises ?

Je demande assez sérieusement. J’espère qu’il ne va pas me prendre pour une imbécile.

— Whoa ! Mais t’es hyper doué ! Tu travailles dans quoi ?

— Vraiment ?

Je demande en souriant en coin.

— On dit d'elles qu'elles sont un mythe. Un mélange de raffinement, d'élégance et d'espièglerie. Tout à fait la Romie que j'ai sous les yeux actuellement !

Elle s'extasie et ça me perturbe, parce que pour moi c'est normal de parler plusieurs langues, on ne m'a jamais laissé penser autrement.

— Pour faire très simple, je suis dans la finance. Je gère les parts anglaises de l'entreprise de mon père ! Et toi ? T'es dans quel domaine ? T'es peut-être encore étudiante, remarque ?

Je souris de toutes mes dents. Les françaises doivent être vraiment des femmes superbes alors ! C’est fou de voir que Mocassin sait être gentil.

— Ah ouais, c’est un truc très sérieux ça. C’est ce que t’as toujours voulu faire ? T’aimes bien ? Moi je suis dans l’assistance.

Je dis en riant.

— En fait, je suis la secrétaire et l’assistante d’une super photographe. Il voyage dans le monde entier mais comme pour l’instant il est là, alors je l’aide. Et c’est tout ce que je sais faire de sérieux. J’ai pas fait d’étude, j’ai pas eu cette chance. Quand il partira peut-être que je serais serveuse ici ou bien vendeuse de chaussures de sport.

Je dis en souriant.

— C’est moins impressionnant que la finance mais bon... quand j’aurais assez d’argent, je me prendrai un appartement. Vivre chez mon frère, c’est pas pour toujours. J’essaie d’être indépendante mais en fait c’est super dur quand on part de zéro et sans étude.

Je soupire avant de manger mon cookie.

— Alors, ils sont bons tes pancakes ? Dis-moi si je parle trop. Je sais que je suis une piplette.

Je reconnais qu'elle est adorable et n'a vraiment rien à envier a ces dites françaises.

— J'ai appris à aimer, je dirais plutôt. Je voulais être pompier, mais j'ai pas... J'ai pas pu.

Je me rends compte que personne ne sait ça, ou presque. Parce que tout le monde s'en ai toujours foutu et ne m'a jamais posé la question. Même Max ne le sait pas, et pourtant...

— Tu l'aides à quoi ? Prendre les photos et tout ça ?

Je demande, ne saisissant pas trop le concept. Dans mon monde, c'est inconcevable de ne pas faire d'études et d'entrer dans la vie active sans aucun diplôme. Même quand c'est un rêve.

— T'as encore le temps de partir de chez ton frère, non ? T'as quel âge comme ça ?

Je rigole en espérant qu'elle ne soit pas ni mineur, ni trop vieille. Je me rends compte que je serai incapable de lui donner un âge.

— Ceux que je fais sont meilleurs, mais le congélateur de chez Starbucks n'est pas non plus ! Et j'aime bien, on n'a pas le temps de s'ennuyer au moins avec toi !

— Pompier !?

Les yeux se mettent à pétiller.

— Mais c’est génial ! Pourquoi t’as pas fait pompier volontaire ? Faut faire ce qu’on aime dans la vie !

Pompier ! C’est tellement mieux qu’être dans la finance ! Dommage qu’il n’ait pas poursuivi.

— J’ai bientôt 19 ans alors c’est vrai que j’ai le temps mais bon... il a sa famille, ses enfants. Mais je l’aide un peu car il a des problèmes de santé. Il m’a dit qu’il allait sans doute finir en fauteuil roulant. C’est vraiment triste.

Rien que d’y penser, c’est horrible.

— Enfin bref, je prends les rendez-vous pour les séances, j’organise son agenda puis pendant les séances je l’aide avec les lumières, les accessoires. C’est pas prestigieux mais c’est un travail.

Je ris bêtement.

— Bon bah faudra que tu me fasses goûter les tiens, alors. Parce que j’adore ceux d’ici !

Tant mieux si je ne le saoule pas.

— C'est un peu plus compliqué que ça. Si on faisait que ce qu'on aime, j'aurais pas ce travail, tu peux me croire.

Je soupire, en reprenant une gorgée de café, ravi d'entendre son âge.

— Si tu t'en donnes les moyens, ça viendra forcément ! On te laisse déjà faire pas mal de choses dans ton boulot. Peut-être que tu pourras évoluer après !

Quand elle me parle de son frère en fauteuil roulant, je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il y a une justice dans la vie. Quand on brise des gens, la vie nous brise en retour.

— Merde ! Il est arrivé quoi à ton frère ? Ça doit pas être facile avec les enfants et dans l'intimité si c'est si dur.

Toujours en savoir un peu plus sur l'ennemi.

— Mais avec plaisir ! Prochain rendez-vous chez moi entre parisien ?

— Moi je pense que c’est une manière d’être heureux. Mais si tu as appris à apprécier ton travail alors c’est bien aussi...

Je dis en souriant.

— Je crois pas que je peux évoluer dans ce métier mais si je fais autre chose je verrais bien...

Je fais une petite moue.

— Il a eu un grave accident de voiture, il est resté presque un an dans le coma, il a été amnésique et il a toujours des troubles de la mémoire et sa hanche à été quasiment broyée à certain endroit alors il a du mal à marcher parfois. C’est pas toujours mais bon... mais ça va son mari l’aide quand même. Mais je vois que c’est dur pour lui.

Je fais oui de la tête.

— Prochain rendez-vous, alors !

— Qui ne tente rien n'a rien.

Je lui fais un sourire sincère, avant de manquer de m'etouffer avec mon café. Un an de coma ? Ça ne peut pas être une coïncidence qu'Adam soit parti après un an de vie commune avec Max. Putain mais alors c'est ça ? L'autre amnésique est revenu d'entre les morts et quoi ? Il s'est souvenu d'Adam ? Putain de Saint-Clair ! De merde ! Quitter mon frère pour un type qui va surement finir en fauteuil roulant et qui est déjà vieux ? Conneries.

— C'est bien que son mari l'aide, on n'a pas tous la chance d'avoir quelqu'un sur qui compter.

Heureusement que mon frère il m'avait moi.

— Oui, c’est sûr. C’est important la famille. Enfin la famille qui est sympa parce que ma mère a déménagé à l’autre bout du monde pour plus avoir à s’occuper de moi donc c’était pas super sympa.

Je soupire.

— Bah dis donc c’est déprimant ton goûter entre copines, là.

— Pas super sympa en effet.

Je répète en ouvrant grand les yeux. Et moi qui me plaint de mes parents. L'herbe n'est pas forcément plus verte dans le pré d'a côté.

— Bah excuse-moi ! Moi je veux bien parler de mon charme naturel, mais on est parti sur un peu plus intime à l'évidence.

Je rigole doucement.

— T'as qu'à me parler de ton chien ! Il s'entends bien avec Moon ?

— Pas besoin de parler de ton charme naturel. Il opère sur tout le monde ici.

Chaque fois qu’une fille entre, elle le regarde et lui fait un sourire niais. Parfois il n’y prête pas attention, mais c’est gênant. Moi j’ai le droit de sourire niaisement parce qu’il m’a invité. Mais les autres alors ?

— Hein ? C’est qui ça Moon ? Si tu veux parler de mon chat c’est Pandore...

Je dis en riant.

— Mais rien à voir quoi ! C’est pas vraiment mes animaux d’ailleurs, ce chien c’est à ma nièce ! Mais bon... enfin bref, ils s’entendent bien oui ! Ils dorment ensemble la nuit c’est trop adorable.

Même Poisson a quelqu’un avec qui dormir, franchement.

— Il s’appelle Poisson et il aime bien les calins.

— C'est la classe à la française.

Je réponds avec un clin d'oeil exagéré. Je sais pertinemment l'effet que je fais aux femmes, je sais aussi qu'il suffit d'être un brin distingué et charmeur pour plaire à beaucoup d'entre elles.

— Ah oui Pandore, c'est vrai.

Je constate avec un sourire beaucoup plus crispé. Même Max a réussi à oublier le nouveau nom de ce putain de chat. Y'a au moins un fantôme qui ne traine pas dans la maison.

— Ta nièce ? Elle a quel âge pour avoir déjà un chien ?

Je demande sincèrement intéressé. Ça semble tellement loin du Adam coincé que j'ai pu connaître, d'acheter un chien à sa gamine.

— Coucou poisson !

J'ai a peine avancé ma main qu'il se lève pour quémander un câlin. Ça manquait vraiment un animal à la maison, ça me rappelle a quel point acheter Zombie était une bonne idée.

— Elle a 5 ans. En fait, ils devaient acheter un Poisson et puis... voilà. Alors il s’appelle Poisson. Il est trop mignon, hein ?

Moi aussi, je lui fais plein de caresses. Jusqu’à ce que nos doigts se touchent et que je me redresse. Pour ne pas rougir.

— Alors, monsieur le charmant homme dans la finance. Comment se fait-il que vous ne travaillez pas aujourd’hui ?

— Il est adorable.

Je réponds en pourtant de rire. Ça, c'est plus le Adam que je connaissais. Qui se fait bouffer par une petite de 5 ans. Ça doit être la fille de son mari parfait.

Quand nos doigts se touchent je souris, mais je me rends compte qu'elle semble plus gêné qu'autre chose. Allez Édouard, fais marcher un peu ton charme.

— Le charmant homme est flatté ! Il ne travaille pas parce qu'il a fait une bonne soixantaine d'heures la semaine dernière et qu'il a décidé de se reposer un peu. Les joies des responsabilités !