Soirée entre amis.

Tout le monde se bagarre pour s’installer et on finit par les avoir tous entre nous, tout silencieux depuis qu’ils ont un gâteau dans la bouche.

— Ça sert à rien de le manger trop vite vous n’en aurez que deux, annonce Logan.

Ça rale mais en effet, ils prennent un peu plus leur temps. Ils sont adorables.

— Ça va papa et maman ?

— Ils avaient l'air crevés, je pense que certains les ont fait un peu courir partout, mais ça va oui.

Je souris en regardant tendrement mes trois foufous.

— Maman passe la journée à la paroisse et papa avait prévu de bricoler un peu dans le jardin. Je pense que ce soir, y'a plus personne des vingt-et-un heure !

Je me suis senti gêné face à eux. Parce que j'ai promis à Gabriel de ne rien leur dire, certes, mais quand ils m'ont demandé comment il allait j'ai eu un moment de flottement que Logan a rattrapé à merveille.

— Ils nous ont dit qu'ils vous avaient pas vu tous les deux depuis un moment, n'hésitez pas y passer ! Plus tard, dans la semaine !

Une fois que chacun d'eux aura effacé le bleu de son visage.

— Ouais. Quand j’aurais plus l’air d’être tombé dans le vide.

Je dis dans un soupir. Je mange mon éclair et j’ai du mal à savoir comment me comporter. Faire comme si de rien n’était ? En parler de manière grave ? De manière détachée ? Je ne sais pas. Je n’arrive pas à savoir comment je perçois la chose moi-même, je n’arrive pas à me dire que j’ai n’ai plus été capable de gérer au point de passer la rembarde.

— Il faut que j’aille à la fac demain. Je peux pas prendre de retard.

Je percute d’un coup.

— Une chute dans les escaliers c'est vite arrivé mon cœur. Ou une porte en pleine gueule.

Je sais qu'il ira à la fac quoiqu'il en soit, et il n'a pas tord. Ça veux dire qu'il pense déjà au futur, qu'il l'envisage sincèrement et moi ça me va amplement. Il ne compte pas arrêter de vive et c'est important.

— Que ce soit pour tes parents ou à la fac. Je pourrais te déposer et venir te chercher.
— Et moi venir déjeuner avec toi si tu veux !

Souris Adam, qui se retrouve à là-bas lui aussi le midi.

— T’arriverais à les regarder dans les yeux et leur mentir, toi ? Parce que moi non.

Et je sais que si on avait posé de vraies questions à Adam, il aurait aussi expliqué la situation. Et je ne lui en aurait pas voulu, au fond.

— Je veux bien que tu m’emmènes. Qu’Adam me ramène mais... enfin j’vais pas recommencer. Et je crois que j’ai besoin d’être un peu seul alors... à midi, je vais aller à la bibliothèque et avancer mon mémoire. Dans quelques mois je passe mon M2, je veux pas tout rater.

— Non, je ne pense pas.

J'avoue bien sincèrement. J'ai déjà eu du mal à cacher à ma relation avec Gabriel à mes parents, alors leur mentir sur ce genre de choses. Même à Madeleine et Paul...

— Moi ça me va. Je te passerais un coup de fil en sortant du travail, tu pourras aller bosser un peu en m'attendant si tu veux.

Son frère prends les choses comme elles viennent, et je suppose que c'est ça la bonne méthode à adopter, mais c'est vrai que je vais avoir du mal à la lâcher demain. Je le sais.

— C'est quoi un aime 2 tonton ? Ça veux dire que t'as une deuxième amoureux ? Moi j'en ai deux à l'école, mais y'en a un que je préfère. L'autre il me colle tout le temps !

Le plus drôle de tout ça, cest de voir Logan lever les yeux vers Olivia.

Je rigole franchement, même si ça me fait mal aux côtes. Elle est tellement mignonne.

— Tel père telle fille, c’est adorable.

Logan lève les yeux au ciel. Il sait que ce n’est pas une provocation aujourd’hui et il sourit. C’est juste une blague inoffensive.

— Si t’en as un que tu préfères, faut le choisir et en avoir qu’un seul. C’est mieux. Ok poupée ?
— D’accord.
— Un M2, ça veut dire Master 2. Tu sais que je vais toujours à l’école ?
— Oui, pour être médecin pour les enfants !
— C’est ça. Un M2 c’est une étape pour réussir à devenir médecin.
— Whoa ! Moi aussi je voudrais faire comme toi plus tard.
— Il faut bien travailler à l’école.

— T'as vu, je te l'ai dis la dernière fois que si tu continuais à être forte comme ça a l'école, tu pourrais faire plein de choses plus tard.
— Je sais plus trop si je veux dessiner pour les livres que tu fabrique papou, je préfère soigner les enfants comme tonton !
— Alors tu soigneras les enfants ma puce.

On sourit tous devant la bouille de Livie, mais comme l'attention se porte un peu trop loin d'elle, Blanche ne tarde pas à faire savoir qu'elle est là. J'aime bien quand ils sont ici, parce que ça mets tout de suite de la vie dans l'appartement.

Je crois pas que Gabriel en veuille et pour l'instant, je crois que ça me va. Nos neveux et nièces nous prennent déjà bien assez de temps et d'amour.

Les Wheeler restent encore là une bonne demi heure après le goûter et quand ça devient dur de contenir les enfants, ils s'eclipsent. Adam ramène bel et bien Gabriel demain, c'est déjà ça de prit.

— Les enfants, c'est épuisant. Tu m'étonnes qu'un couple peut se perdre de vue quand ils arrivent.

Je rigole en imaginant ce que ça doit être au quotidien.

— C’est une des raisons qui fait que je n’en voudrai jamais.

Je réponds en allant bien me blottir contre lui. Je réclame souvent son attention mais il est assez rare que je sois aussi câlin avec Matthew. Je regrette ça. Pourquoi est-ce que je me retenais ? C’est complètement stupide. Je n’ai pas envie de perdre du temps inutilement.

— Tant mieux. Au moins y'a que moi qui te demande du temps !

Je n'ai aucune honte à l'avouer. Même si je réclame moins son attention que lui la mienne, quand j'ai envie d'être le seul qu'il voit, ça me ferait chier qu'un gamin s'en mêle.

— Je pourrais y prendre goût à ces câlins réguliers. J'aime bien trop ça.

Mes bras se referment contre lui et mes lèvres trouvent les siennes avec tendresse.

Je réponds à son baiser avant de nicher ma tête dans son cou.

— Je sais pas pourquoi j’en profitais pas. C’est nul. Je ne veux plus perdre de temps bêtement.

— Ça veux dire que ça va durer ? Mais je dis oui. Et encore oui !

Je souris en caressant ses cheveux. Avoir failli mourir ça doit changer certaines visions de la vie, je suppose. Même si ça fait froid dans le dos d'y penser.

— Ça va changer ta vision de certaines choses tu crois ? D'avoir failli perdre la vie...

Je crois que c'est une bonne chose d'utiliser les mots tels qu'ils sont et de ne pas en faire un tabou. Ca pourrait le bloquer et le dérouter plus qu'autre chose.

Je hausse les épaules.

— J’en sais rien. J’ai pas non plus failli mourir pour de vrai, c’est...

Ça me serre la gorge et j’en ai vraiment mal au ventre d’y penser. J’ai pas failli mourir, je pouvais pas. Pas en sautant comme ça. J’ai pas eu besoin d’aller à l’hôpital. Les larmes me montent aux yeux et ça me fout un coup.

— Je sais pas... J’ai envie de... qu’est-ce que ça devrait changer ?

Je me mets à pleurer comme un bébé.

— Je suis fatigué. Je va vais aller me coucher un peu.

Je ne sais pas quoi lui répondre. Je ne sais pas s'il ne veux pas l'entendre, ou s'il préfère ne pas y penser. Pourtant lui le premier m'a demandé hier ce qu'il se serait passé si ce couple n'avait pas été là. Et je crois qu'il l'a connaissait la réponse...

— J'en sais rien mon Bébé. C'était une question bête, je suis désolé. J'aurais pas du dire ça...

Mes bras caressent son dos avant de venir tenter de chasser ses larmes, mais en vain.

— Viens, on y va.

C'est Gabriel, s'il préfère être seul je sais qu'il me le dira. Pour le moment, je ne le lâche pas.

Tout de suite, je disparais sous la couette et je me sens un peu mieux. Je cherche le contact de Matthew et je me recroqueville contre lui.

— Désolé. C’est... ça va pas trop.

Il se blotti contre moi et je le laisse s'installer comme il le préfère. Moi non plus j'arrive pas à m'en détacher, je m'en rends compte. Demain ça va être vraiment compliqué, mais ce sera à moi d'être fort.

— T'excuses pas. On sait pas vraiment comment s'y prendre et c'est normal. Si t'as envie d'en parler, de parler de ce qui te tracasses, fais le comme tu le ressens. Je t'écouterais quoique tu fasses. Ok ?

Je demande pour être sûr, en caressant sa nuque.

Je hoche la tête. Je n’avais jamais ressenti ce besoin d’être couvé avant aujourd’hui. Pas de cette manière aussi évidente, en tout cas.

— Je veux juste pas trop penser à tout ça pour l’instant. J’aimerais en parler avec quelqu’un qui saura peut-être me répondre. Peut-être que tu devrais aller voir quelqu’un, toi aussi. Si tu as des questions et besoin de comprendre des choses.

Je m’accroche fort à lui. J’espère simplement qu’il ne va pas partir.

Ça pourrait été une solution en effet. C'est une idée qui est loin d'être stupide et qui pourrait nous être bénéfique à lui comme à moi.

— J'y songerais. C'est vrai que ça pourrait m'aider à mieux gérer certains point. Peut-être aussi à mieux pouvoir être present pour toi.

Je ne connais pas ce genre de situations. Et on doit être peu à la connaître pour dire vrai, mais c'est difficile de savoir sur quel pied danser. J'ai déjà peur d'aller trop loin, ou de ne pas approfondir assez. Je voudrais que Gabriel puisse se reposer sur moi.

— Tu penses contacter quelqu'un rapidement ?

Je fais un bisou dans son cou.

— Tu sais très bien que je ne vais pas chercher moi-même, chéri. Alors j’appellerai quand j’aurais un numéro entre les mains.

Je caresse ses cheveux avec tendresse.

— Je suis toujours ton bébé, non ?

Je lève les yeux au ciel en soupirant, mais un sourire aux lèvres.

— Tu seras toujours mon bébé. Même quand toi aussi tu seras un vieux comme moi.

Je rigole en venant embrasser ses lèvres.

— Déjà t'as l'idée de le faire. La dernière fois c'est carrément moi qui ai du appeler pour ton rendez-vous chez le dentiste. T'y serais jamais allé sinon ! Tu serais perdu sans moi.

Je plaisante en lui volant encore un baiser.

— Tu rigoles mais tu sais que c’est vrai.

Je réponds assez sérieusement. Il n’a aucune idée de l’importance qu’il a pris dans ma vie. Il ne sait pas à quel point c’est vrai que je suis perdu sans lui. Quand il me fait la gueule pour quelque chose de sérieux, je suis déboussolé et ça me rend dingue parce que s’il s’en va, je meurs. Je le sais. Si j’ai survécu à mon premier abandon c’est uniquement parce qu’il est arrivé pour m’aider à remonter. C’est mal mais mon bonheur entier dépend de lui. Je m’y suis accroché parce qu’il me chouchoutait autant qu’il me mettait le nez dans ma merde et même si je lui ai fait la vie dure, il n’a pas idée de la force avec laquelle je l’aime et je l’estime.

— Tu sais... je te le dis pas souvent voire jamais mais... j’aime l’attention que tu me portes. Ça compte vraiment. Je me sens beau et important, parfois. J’ai la sensation d’être une priorité et c’était jamais arrivé avant. Pas comme ça. Je sais que je suis pas toujours agréable mais... j’essaie de changer ça.

Le sérieux qui s'empare de la situation ne fait pas peur. C'est plus comme quelque chose qu'on n'avoue pas d'habitude, mais qui fait un bien fou à entendre. Alors que c'est tellement évident.

— T'es ma priorité Gabriel. Et si je veux pas d'enfants, c'est aussi pour ça. Je veux pas avoir à m'occuper de quelqu'un d'autre que de toi. Je veux pouvoir te chouchouter tout le temps, même quand tu grognes parce que je te réveille pour un câlin alors qu'au fond je sais que t'aimes ça.

Je caresse sa nuque en souriant.

— Je me force pas à faire tout ça tu sais. Sortir à vingt trois heures pour aller te chercher un kebab, me relever du lit parce que t'as décidé que la télé était pas bien tournée, prendre une seconde douche dix minutes après avoir prit la mienne parce que t'as vraiment pas envie de prendre la tienne tout seul. Je t'aime et t'es vraiment la personne la plus importante à mes yeux. Même si t'arrives pas toujours à en avoir conscience.

J'embrasse le bout de son nez.

— T'es relou parfois c'est vrai, mais je suis un homme faible. Il suffit que tu utilises tes charmes pour m'amadouer. Et tu sais que je te trouve beau, tu le sais, parce que sinon t'arriverais pas à me faire languir de cette manière quand tu veux quelque chose.

Un jour j'espère qu'il comprendra qu'on s'en fout des autres, parce que pour moi il est vraiment un être exceptionnel. Et je n'imagine pas continuer ma vie sans lui, que ce soit la semaine prochaine ou dans plusieurs années. C'est un peu comme une drogue maintenant, je ne saurais plus m'en passer.

Quand il décrit les choses qu’il fait pour moi, j’ai presque envie de pleurer tellement je réalise que je compte. Je compte pour de vrai et moi aussi, je fais des choses pour lui. Pas autant, c’est sûr, mais j’en fais. Rester vivant par exemple.

— Tu sais.. toi tu m’as toujours dit que si je voulais refaire de l’humanitaire c’était pas grave car t’allais me suivre et.. personne a jamais voulu faire ça. Me suivre.

Je me dis que c’est vrai qu’il doit me trouver beau mais c’est juste que je pense que c’est parce qu’il est amoureux.

— Je me sens bien et en sécurité quand t’es là. Et en ce moment, je crois que j’en ai vraiment besoin. Moi aussi j’ai pas envie que tu t’occupes de quelqu’un d’autre.

— Évidemment que je te suis le jour où tu veux repartir. Je ne suis pas suffisamment égoïste pour t'empêcher de faire ça alors que je sais à quel point ça compte pour toi. Et je ne suis pas suffisamment cinglé pour te laisser partir sans moi. Et c'est pas des paroles en l'air pour que je passes pour un mec bien, j'espère que tu le sais.

Je crois que je serai capable de tout faire pour lui. Et bien sûr que l'accompagner sauver des vies à l'autre bout de la planète fait parti de cela. Quand il a pu me parler de la Colombie, c'est toujours avec tellement de passion, c'est un truc qui lui tient à cœur et je ne pourrais pas l'en priver.

— Tant mieux, parce que je ne m'occupe que de vous Gabriel Saint-Clair. De vous et personne d'autre.

Je réponds tendrement le serrant un peu plus contre moi.

— Dors maintenant, t'as les yeux explosés. Et je t'aimerais toujours autant quand tu te réveilleras, t'as pas à t'en faire pour ça.

— Je sais.

Je dis dans un sourire avant de fermer les yeux. Je ne tarde pas à m’endormir, rassuré par cette conversation.