Soirée entre amis.

Je pleure et surtout, je ne le lâche pas. Mon frère a appelé. Mon frère sait. C’est évident, qu’il sait. J’en ai mal au ventre parce que j’ai toujours voulu les protéger, je ne voulais pas les inquiéter et j’ai raté.

Y a qu’Edouard qui entre dans la chambre et je crois que ça me soulage. Même si j’avais pas envie que tout le monde soit là, que tout le monde voit ça.


LOGAN

— Je resterai dehors, s’il faut. T’en fais pas. Mais je pense qu’il a besoin de toi quand même.

— Gabriel ?

Appelle Édouard en venant à côté de nous.

— Est-ce que t'as encore froid mon pote ? T'as bu un truc chaud ? Mangé un peu ?

Il demande en me regardant moi.

— J'allais lui faire un thé.
— Tu peux aller lui faire Mattie, je reste avec lui.
— Tu crois ?
— Je suis sûr même. Je m'en occupe t'en fais pas, c'est mon boulot.

Je laisse Gabriel décider s'il se détache ou non de moi, et quand je le sens se décoller un peu, je me relève en enroulant la couette autour de lui.

— Je reviens vite mon cœur. Je t'aime.

J'embrasse son front avant de me relever et de quitter la pièce.

— Tu peux fermer la porte derrière toi s'il te plaît ?

J'acquiesce et referme la porte de notre chambre derrière moi. Au même moment, celle d'entrée s'ouvre sur Logan et Adam.

— Il est où Gabou ?
— Avec Édouard. Je vais lui faire un thé.

Je réponds toujours aussi perdu. Je réalise que la situation est grave, mais j'ai l'impression de nager dans un flou artistique.

Quand on arrive avec Adam, il s’est calmé et il ne donne pas l’impression d’avoir pleuré. Je dépose un baiser sur son front.

— Vas-y, va le voir.

Moi, en revanche, j’intercepte Matthew ; il a une tête de mort, c’est affreux. Romie vient directement me faire un câlin et je la garde contre moi.

— Ça va, Matthew... ?

— Non ça va pas trop.

Je réponds en me dirigeant vers la cuisine pour aller allumer la bouilloire.

— Merci d'être là. Je savais pas quoi faire...


ADAM

Je me détache de Logan et je file directement vers leur chambre. Je frappe histoire de, et dès que je rentre je ferme la porte derrière moi.

— Salut vous deux.
— Hey. Je l'examine et je vous laisse un peu tous les deux si vous voulez.

Je souris, surtout à l'attention de mon frère. J'ai réussi à me calmer et je refuse qu'il me voit céder. C'est à moi d'être la pour lui, pas le contraire.

— Tu te sens comment ?

C'est une question conne, je le sais, mais je crois qu'elle est nécessaire pour qu'il sache qu'il peut tout me dire. Que ce soit sur ce qu'il ressent physiquement, ou mentalement.

LOGAN

Je le suis dans la cuisine, sur le cul.

— Matthew, t’es choqué, je comprends parce qu’on l’est tous, mais faut t’agiter un peu là. Oh. J’suis désolé d’être violent mais c’est ton mari qui a sauté d’un pont là. Tu comprends ? C’est pas à lui de prendre sur lui pour nous rassurer parce que tu le connais, c’estle roi pour faire ça. C’est dur, mais tu te secoues là. T’es un adulte et il a besoin de lâcher prise alors montre-lui qu’il peut et qu’il est pas obligé de faire comme si tout allait bien pour nous épargner. Sinon on le prend chez nous, on a une chambre.


GABRIEL

Mon cœur s’emballe quand mon frère rentre et quand il me demande comment je vais, je fond en larmes. Je laisse Edouard faire, bien sûr, mais je n’arrive pas à me retenir.

— Ça va pas. Je sais plus quoi faire et c’était tellement dur de me supporter dernièrement. J’ai pensé que c’était la solution, et j’ai réalisé que non. Le dis pas à papa et maman, s’il te plaît. Leur dis pas. Ils vont être trop malheureux.

Quand Logan me dit qu'ils peuvent prendre Gabriel chez eux si je ne suis pas capable de m'en sortir, je me prends une claque tellement grosse que le brouillard dans lequel je marchais semble s'effacer rapidement.

— J'ai rien vu. Je lui ai dit '' Ok traîne pas trop'' et en fait il s'est jeté d'un pont. Bien sur que je comprends !

Je soupire en me prenant la tête entre les mains.

— Qu'est-ce que j'étais censé faire !? L'amener aux urgences pour qu'ils l'enferme je ne sais pas où ? J'ai paniqué. Et j'ai eu tellement peur.

J'avoue enfin en allumant aussi la machine à café. J'ai besoin de ça avant de retrouver Gabriel. Logan a raison, c'est à moi d'être son épaule et pas le contraire.


ADAM

Édouard ou pas, je viens m'asseoir juste à côté de lui et je passe mon bras autour de lui.

— Pourquoi tu m'en as pas parlé Gabou ? Tu sais que même si on s'engueule parfois, je serai toujours là pour toi... C'est pas une solution de faire ça, et c'est bien de l'avoir réalisé. C'est vraiment très bien, tu peux être fier de ça.

Je souris en embrassant sa tempe.

— Gabriel c'est grave ce qu'il vient de se passer. Et je veux bien ne pas mettre papa et maman au courant, mais seulement si tu me promets que tu restes pas enfermé là-dedans. Je te laisserais pas te refaire du mal. Tu pourrais aller voir quelqu'un par exemple. Non ?

Je demande en tournant le regard vers Édouard. Je demande son avis au pompier et je sais qu'il en a conscience.

— Ton frère à raison Gabriel. On veux bien taire ce qu'il vient de se passer, je pense qu'on est tous OK pour ça, mais un suivi psychologique serait vraiment nécessaire.

Il lui sourit et je vois encore Édouard sous un autre jour. Au moins, il ose employer les bons mots.

— T'as pas besoin d'aller à l'hôpital, ça va aller, y'a pas de véritables séquelles. Mais t'as besoin de t'hydrater, de manger et Matthew va devoir veiller à ton sommeil les prochaines heures. Juste pour être sûr que ça va.

— Personne ne voit jamais rien arriver. Que tu vives avec lui, qu’on lui parle tous les jours... on avait peur que ça arrive un jour sans pour autant s’alarmer et on aurait dû. Mais c’est pas la question, Mattie. Faut pas t’accabler de ce que t’as pas vu, t’es là, tous les jours et tu vas pas le laisser tomber.

Je m’approche pour poser une main réconfortante sur son épaule.

— Le ramener, c’était la meilleure chose à faire, ok ? Ton meilleur pote est pompier, il est là. Adam est là. Ça va aller. Je pense qu’il faudra aborder le sujet du psy... mais Adam va s’en charger, à mon avis. Tu vas gérer, Matt. Il est bien avec toi. Il est heureux et tu sais toujours comment lui parler.


GABRIEL

Je n’hésite pas à hocher la tête quand il parle d’aller voir un psy. Edouard confirme et je ne suis pas difficile à convaincre.

— Je vais y aller. C’est promis. J’ai plus envie que ça arrive, j’ai plus envie de péter des plombs comme ça. J’ai agressé Matt et ça allait plus et ça allait mieux et ça allait pas. Je savais plus quoi faire.

J’ai de nouveau les larmes aux yeux.

— Je vais y aller. C’est promis. Mais leur dit pas. J’ai pas envie. Ils n’ont pas besoin de ça. Je suis désolé. C’est pas pour attirer l’attention, j’te jure.

— Je sais pas si heureux est le terme à employer après ça. Ça allait au moins assez mal pour qu'il songe à... Mourir.

Le dire est dur, mais la vérité est ici et je dois l'affronter si je ne veux pas en avoir peur. Je laisserais pas mon Gabriel tout seul, c'est hors de question.

— Ça fait quelques temps que je me dis que la question est à aborder. Si jamais Adam le fait pas, je m'en chargerai. Je veux pas qu'il croit que je lui en veux ou que je peux pas être là pour lui.

Je sors des capsules avant de soupirer.

— Faites come chez vous surtout. Café, thé, à manger...
— Je veux bien un café s'teuplait !

Clame Édouard en arrivant auprès de nous. On s'inquiète tous de suite de savoir comment ça Gabriel, alors Édouard nous tient informé.


ADAM

Édouard quitte la pièce aussitôt après annoncé à Gabriel que ça allait aller, alors j'en profite pour le prendre enfin dans mes bras.

— Je sais que t'as pas fait ça pour te faire remarquer Gabou, t'as même pas besoin de me le préciser. Tout ce que je veux, c'est que tu ailles mieux. Ça arrive de plus savoir où on en est, faut pas que tu te sentes coupable de ça. Mais voir quelqu'un va t'aider. Et on sera là, tu seras plus tout seul. Et je promets que j'en parlerais pas à papa et maman. Ni à Marie si tu ne le veux pas.

Ses yeux brillent de fatigue.

— Tu ferais bien de te reposer. Tu veux que je dise à Matthew de te rejoindre ?

Je lui demande en souriant.

— Je repasserais avec Logan un peu plus tard. Lui et Romie sont là, ils étaient inquiets aussi. On t'aime tous vraiment très fort Gabriel. Je t'aime très fort.

LOGAN

— Je ne sais pas s’il y a songé comme tel... tu sais, c’est compliqué. Mais je suis certain qu’il est bien avec toi. On l’a tous vu.

Je ne veux pas qu’il associe le geste de Gabriel à leur relation parce que ça n’a rien à voir. J’en suis sûr parce que je suis déjà passé par là.

Matthew se fait réquisitionner pour les cafés et j’en profite pour apporter son thé à Gabriel. Je frappe et je rentre doucement.

— Bah alors bonhomme...

Je m’approche pour déposer sa tasse sur sa table de chevet.

— Matthew veut pas venir ?
— Si mais quand on a une vraie machine à café, on personne ne sait s’en servir alors il est réquisitionné le temps de quelques tasses.
— Ah.

Il s’allonge dans son lit et Adam le borde correctement. Il a l’air tellement épuisé... et ce n’est pas que physique. Ça me brise le cœur de le voir comme ça.

— Faut pas que tu te sentes coupable de ce qu’il s’est passé, Gabriel. Oui, c’est vrai qu’on a peur, c’est vrai qu’on est inquiets et tristes. C’est normal. Mais ce que toi tu ressens ça compte mille fois plus fort.

Il lève les yeux vers moi, comme si ça avait du sens.

— On est là. On t’écoute et on a entendu, ok ? T’as le droit de ne pas te sentir bien, d’avoir envie d’être seul... t’as le droit d’être malheureux pour des choses inexplicables. C’est pas grave, on sera quand même là. Matthew aussi. Mais si tu sens que tu as besoin d’aide, il ne faut pas hésiter à faire un signe. Tu sais que je sais comment tu te sens.

Il baisse tristement la tête.

— Tu peux venir en discuter chaque fois que tu en as envie.
— D’accord.
— Je peux juste te promettre qu’à un moment tout rentre dans l’ordre et que ça va mieux. Même si c’est long et fatigant faut s’accrocher. Ça vaut le coup.

Je dis en passant une main dans le dos d’Adam.

— Je m’accroche.

C’est un murmure mais je sais que ça va rassurer mon mari. Gabriel réclame un câlin et Adam s’en charge. Il a dû mal à le lâcher.

— On repassera tout à l’heure avec les enfants si tu veux ?
— Bonne idée. Merci. Merci d’être venu. Je... J’aimerais bien que Mattie revienne, j’ai envie de dormir...
— On va le chercher. Bois ton thé.

Moi aussi, je vais lui faire un câlin avant de sortir et son étreinte est vraiment forte. Comme un merci.

ADAM

Entendre Logan parler ainsi à mon frère est aussi triste que beau. C'est vrai que mon mari a connu cette descente aux enfers et l'envie d'arrêter de se battre et personne ne pouvait mieux en parler que lui à Gabriel.

— À plus tard Gabou.

Je lui fais un dernier bisou et quand on sort, je me blotti directement dans les bras de Logan. Je suis heureux qu'il ai pu sortir la tête de l'eau et avec ce simple murmure de mon frère, j'ai l'espoir qu'il pourra y arriver également.

— Il attends après toi Mattie.

Je souris doucement à Matthew en arrivant dans la cuisine. Je n'ose pas imaginer ce que ça a dû lui faire que de recevoir cet appel. Je le serre même brièvement dans mes bras et à la façon dont il y réponds, il en avait besoin lui aussi.

— Tu veux qu'on reste un peu ?
— On va rester dormir ici Romie et moi, ne vous en faites pas. On a presque une chambre ici.

Ça me rassure qu'Edouard soit là. J'ai confiance en Matthew pour prendre soin de mon frère, mais il semble paniquer assez vite et Édouard sait ce qu'il fait, contrairement à nous.

— On repassera demain avec les enfants.
— Merci de t'être occupé de ça. Et d'avoir appelé. Merci à vous tous. Je file le voir, on se voit demain au plus tard alors.

Et il file aussitôt en nous faisant un dernier signe de main et en faisant un signe de tête à Logan que je ne saisis pas.


MATTHEW

C'est à moi d'être la pour Gabriel et c'est la seule chose à laquelle je pense quand j'ouvre la porte de notre chambre.

— Coucou mon ange.

Je viens aussitôt m'asseoir à côté de lui et passer mon bras autour de lui, alors qu'il boit son thé par petite gorgée.

— Je suis là Gabi. Que tu veuilles me parler ou que tu veuilles juste que je sois présent, je ne bougerais pas. Je suis tout à toi. Tu as mal quelque part...?

Je murmure. Édouard m'a dit que le choc de la chute et de l'hypothermie pourrait être douloureux quelques heures, voir plus si des hématomes apparaissaient.

Je hausse les épaules.

— Je sais pas trop... j’ai l’impression d’avoir mal partout et nulle part à la fois. J’ai froid mais mon corps me brûle.

Je termine mon thé et je le lui donne pour qu’il le pause.

— Je sais que t’es là pour moi. Je sais. Je suis désolé de te faire subir ça, c’était pas...

Je soupire.

— Je sais pas comment expliquer. Je t’aime, c’est tout ce que je sais. Je vais aller voir un psy. C’est promis.

Je dépose sa tasse sur la table de chevet et enfin je peux le serrer contre moi comme je le veux.

— T'as pas à être désolé mon ange. J'ai peur et je suis inquiet, c'est normal, mais c'est pas ça qui est prioritaire. Le plus important c'est ce que toi tu ressens.

J'embrasse son front, alors qu'il parle de psy. Adam a déjà bel et bien abordé le sujet et c'est rassurant qu'il soit pour tout de suite.

— C'est bien Gabi, c'est ce qu'il faut pour qu'on puisse t'aider. Tu veux que je te mette un peu de crème, si ça brûle ?

Je demande en ouvrant quand même la couette pour qu'il se remette bien dessous et m'allonger auprès de lui.

— Je t'aime aussi tu sais.

Je secoue la tête.

— Pas de crème. Je veux juste un câlin pour m’endormir et oublier tout ça un petit peu. Je suis fatigué.

Je me blottis bien contre lui. Je suis bien au chaud et je me sens mieux. Juste un peu. Je crois que je ne réalise pas encore.

Je me débarrasse rapidement de mon pantalon pour être plus à l'aise et je le prends contre moi en embrassant son visage.

— Alors endors toi. Si ça peut te vider un peu la tête, c'est encore mieux.

J'éteins la lumière au passage, pour qu'il ne soit pas dérangé et je crois que j'ai à peine le temps de dire ouf qu'il s'endort déjà.

— Je t'aime.

Édouard m'a bien dit, vérifier regulierement qu'il respire bien et voir s'il chauffe ou pas.

Quand j’ouvre les yeux, je suis tout seul, dans le noir. Je tourne les yeux vers le réveil ; il est 13 h 47. Wow.

— Mattie ??

J’ai la voix complètement cassée et j’ai vraiment mal à la gorge.

Je n'ai pas vraiment dormi cette nuit. J'ai vogué entre somnolence et réflexions et des que le jour s'est levé, ça a été trop tard pour moi. Je suis resté accroché à Gabriel longtemps, avant qu'on ne frappe à la porte de notre chambre.

J'ai eu du mal à quitter le lit, mais Édouard a insisté pour que je vienne prendre un café avec lui et on a beaucoup parlé tous les deux. Il m'a remis les points que les I lui aussi. Même si je fais des allers retours permanent entre l'appartement et notre chambre. À la fois pour surveiller Gabriel, mais aussi pour être sûr qu'il ne se réveille pas complètement perdu.

Finalement Édouard est parti bosser et Romie l'a suivi ''pour nous laisser un peu tranquille'', elle a dit. Mais ils ont prévu de repasser ce soir eux aussi.

Je suis en train de pisser quand j'entends Gabriel m'appeler de la chambre. Sa voix est toute cassée et ça me fait mal au cœur. Je fais au plus vite et je suis à côté de lui en peu de temps.

— Coucou mon ange. T'avais vraiment besoin de repos.

Je lui souris en indiquant le réveil.

Il arrive vite et ça me fait sourire.

— Je crois que je pourrais dormir encore plus longtemps que ça... mais j’ai un peu faim. Je crois que j’ai des bleus sur l’épaule et... là non ?

Je montre un côté de mon visage. J’ai vraiment mal. Je crois que c’est comme ça que j’ai touché l’eau. En avant.

Je me lève doucement pour aller faire un câlin à Matthew.

— J’ai mal partout, c’est affreux.

Je grimace un peu parce que ouais, en effet, son visage en a prit un sacré coup. Je me demande surtout comment il n'a pas mal au crâne.

— Édouard a dit que c'était normal que des hématomes apparaissent. Il m'a dit quel crème mettre dessus pour que ça passe plus en douceur. J'irais chercher ça à la pharmacie tout à l'heure.

Je le serre contre moi et je me lève même en le gardant dans les bras.

— Je t'ai déjà préparé quelques trucs à grignoter tout à l'heure, on a juste à aller les chercher et on revient ici de suite. Vaux mieux que t'évite de trop marcher.

— Je préfère qu’on marche, qu’on mange dans la cuisine comme d’habitude... enfin si tu veux bien. J’ai pas envie de rester coucher dans le lit toute la journée en pensant à ce que j’ai fait hier.


J’affiche un pâle sourire.

— J’arrive pas à réaliser ce que j’ai fait. J’arrive pas à me dire que j’ai dit à Balthazar de s’asseoir, que je lui ai dit que je revenais et que j’ai même pas hésité. C’est comme si c’était pas moi...

Je baisse la tête. Je réalise pas.

— J’ai mal à la gorgr et à la tête.

— Tout ce que tu veux mon cœur. Y'a du doliprane dans la cuisine en plus.

Je souris tendrement en le laissant glisser le long de mon corps pour qu'il soit debout. Mais je passe quand même mon bras autour de sa taille dès qu'il est à mes côtés.

— T'as traversé des choses difficiles ces dernières années. T'as porté énormément de choses sur tes épaules et t'as eu des moments où tu n'allais vraiment pas bien. Parfois faut que ça sorte et toi, ça n'a jamais vraiment été le cas. C'est comme si ça avait été ça, ton moyen de te libérer de toutes ces choses.

— Mais si j’avais pas été repêché...?

Parce qu’au fond, c’est ça le plus inquiétant même si la question ne se pose pas. Je me blottis contre lui. J’arrête pas de lui causer du soucis.

— Tu m’en veux ?

— Tu l'as été, c'est ça le plus important. Je suis pas croyant comme toi, mais je te connais depuis assez longtemps pour en savoir un peu sur tout ça. Et je sais que tu me dirais que c'est le Seigneur qui a fait que tu sois repêché. Et il ne l'a pas fait pour rien.

Chaque jour je vais remercier ce couple et ce qu'ils ont fait pour Gabriel. Il a peut-être raison au fond, peut-être qu'il y a quelqu'un qui a véritablement veillé sur lui de là-haut.

— Bien sur je t'en veux pas mon Cœur. J'ai toujours peur, et ça m'inquiète de ne pas l'avoir vu venir, mais je t'en veux pas. T'es en vie et dans mes bras, crois-moi c'est tout ce qui compte actuellement.

— Je sais pas si j’aurais le droit d’aller au paradis maintenant.

Je réponds vraiment sérieusement. Je soupire, j’ai conscience que rien n’est réglé du tout. Dans ma tête y a rien qui va. C’est le chaos. Mais j’essaie de ne pas trop penser.

— Je suis désolé d’avoir été violent avec toi.

— Je suppose qu'on se basera sur ta vie entière pour décider, et pas seulement sur cet acte ci.

Je dis avec conviction. Merde, si même leur Dieu les aide pas...

— C'est pas grave. J'avais pas à parler de ces choses là en public. C'est pas une excuse, certes, mais toi comme moi on ne recommencera plus.

Je lui souris en sortant du frigo les œufs brouillés et le pain perdu. Ce que j'ai réussi à en faire, du moins.

— J'ai essayé de faire ça bien. Ça te va ? Ou tu préfères autre chose ?

Je m’installe doucement à table ; je suis d’accord avec lui. On a tous les deux nos torts et on ne recommencera plus.

— C’est pas ta faute. Je veux que tu le saches.

Je ne veux pas qu’il se sente coupable inutilement.

— C’est parfait, Mattie. Merci d’avoir déjà fait ça.

Je vais pas rester longtemps debout, je le sens, mais ça me fait du bien de voir que la vie continue.