I want you back - Tristan & Anastasia

Ça fait un peu plus d'un mois que je suis rentrée. J'ai eu le temps de potasser sur plein de sujets et de réaliser que mon carriérisme avait fait voler en éclat ce à quoi je tenais le plus. Et pas seulement parce que j'étais partie, mais parce que j'ai fini par ne plus penser à rien d'autres. J'ai passé des jours à regarder toutes les vidéos de Tristan que j'avais raté et plus elle s'enchaînaient, plus je me sentais coupable. Coupable d'en avoir manqué presque une centaine, coupable de ne plus m'y être assez investie et coupable de l'avoir entendu tant de fois me parler dans ses contenus alors que je ne prenais pas même le temps de les regarder. Jamais je n'aurais fais ça avant et je me suis demandé quand et comment j'avais commencé à négliger non seulement ma famille, mais aussi Tristan.

Aujourd'hui, ses vidéos sont plus rares et il ne parle plus de moi dedans depuis un moment. J'ai passé des jours à me dire qu'il allait forcément trouver quelqu'un de bien; de mieux, surtout. J'ai passé des jours à aller pleurer sur mon sort chez Alessandro et Luca. Ils m'ont toujours laissé faire, ils m'ont écoutés sans jamais me dire que j'étais chiante, jusqu'au jour ou Alessandro en a eu marre. Il n'a pas crié, mais il m'a redit ce qu'il avait déjà laissé entendre le premier jour : Tristan ne m'avait pas quitté parce qu'il ne m'aimait plus, mais parce que mon mode de vie et mes prises de risques étaient trop dures pour lui.

Pour Halloween, il est venu passer la fin de soirée à la maison pour qu'on regarde un film tous les trois. C'était un week-end, il aurait pu garder Tommy et ne pas me le laisser, ou le faire sans s'infliger de rester. Mais il était là et j'ai eu l'impression d'être de nouveau avec les miens pendant deux heures.

J'aime Tristan toujours aussi fort et j'ai compris ce que voulait dire mes amis. C'est à moi de lui montrer qu'il peut me faire confiance de nouveau et d'essayer de retrouver l'homme de ma vie. J'etais de nouveau forte, j'en ai informé mes amis et comme Ninie est celle qui passe le plus de temps avec Tristan, je lui ai demandé de l'aide.

Tristan à rendez-vous avec une fille aujourd'hui, sa nouvelle assistante de terrain, pour ce que Ninie ne peut pas faire à distance. Ils se rencontrent pour la première fois. Aux premiers abords, je suis en mission pour jauger cette fille parce que par miracle il l'a rencontre ici, à White Falls, dans le restaurant où bosse la mère de Norvina. Meilleur endroit pour les croiser ô par hasard. J'ai essayé de me coiffer un peu et je suis passé chez Kit et Norvina avant parce qu'elle a absolument tenu à me maquiller ''Très légèrement, mais suffisament pour mettre tes atouts en valeurs''. D'après elle, il ne me laissera pas seule bien longtemps. J'ai envie d'y croire.

Du coup, me voilà devant le resto. Je vois Tristan d'ici et je sais déjà que je déteste cette pimbeche. Elle lui parle avec des gestes et le touche des qu'elle le peut. Non seulement je suis jalouse, mais en plus j'ai ce mauvais pressentiment qu'elle est là pour autre chose que l'assister. Ou trop l'assister, au choix.

— Bonjour, une table pour déjeuner seule.

Je souris quand on m'interpelle à l'intérieur. Faites que Ninie ai raison.

Depuis que Norvina gère mon emploi du temps, je n’ai plus de quack, je ne cours plus partout pour rien et je suis chez moi tous les soirs. C’est une perle et je suis heureux que ce soit elle qui gère ça.

Aujourd’hui je rencontre mon assistante de terrain ; dans les faits, je ne la verrais pas souvent, mais c’est elle qui sera chargée de courir partout. Pour moi, pour Norvina. Alors j’ai tenu à la rencontrer officiellement.

Je n’avais pas envie d’aller à Londres alors que je n’y suis pas cette semaine.

Penny est très gentille ; on a quasiment le même âge et elle a pour ambition de devenir manager. D’après elle, c’est une chance et un excellent départ. Alors je suis heureux pour elle.

Je cherche la serveuse des yeux pour lui rappeler qu’on voulait une carafe d’eau quand mes yeux tombent sur Ania qui s’installe à une table. Seule. Quand je vois que le serveur qui la place retire le couvert en face d’elle, je comprends qu’elle déjeune seule.

— Ania !, j’appelle discrètement.

Elle n’est pas loin de nous, heureusement.

Quand j'entends la voix toute discrete de Tristan, moi j'ai envie de crier. Si on avait été dans un film, j'aurais eu une oreillette, j'aurais pu dire merci à Ninie et je l'aurais entendu hurler de chez elle. Je commence à un peu trop penser comme elle, avec les films, d'ailleurs. Je m'en amuse une demie seconde, avant de lever les yeux vers Tristan.

— Salut ! je souris en me levant pour aller lui faire la bise.

C'est toujours bizarre comme geste, mais je préfère ca à l'ignorance. Au moins il ne me déteste pas. La fille avec lui me dévisage de bas en haut, là je remercie Norvina de m' avoir bonifié, mais je la salue malgré tout d'un sourire poli.

— Je ne savais pas que t'étais en ville cette semaine, tu veux que je te laisse Tommy un soir ?

Vas y Ania, montre bien que toi et lui, vous vous connaissez bien. Au cas où elle ne sait pas qui je suis, ce qui m'étonnerait vu son regard noir.

Je crois que c’est la première fois que je la vois maquillée comme ça, juste pour sortir déjeuner, avec un peu plus que du mascara. Elle est sublime et ça me coupe la chique une seconde.

— Euh.. ouais, oui. Avec plaisir ! J’irais le chercher à l’école alors !

Je réponds en souriant.

— Ania, j’te présence Penny, l’assistante de Norvina et la mienne par défaut et Penny... voici Anastasia. C’est la mère de mon fils.
— Ah d’accord !, elle dit en se levant pour lui faire la bise.
— Bah... t’es toute seule ? Ou t’attends quelqu’un...?

Quand l'assistante de Ninie se lève je me retiens de lever les yeux au ciel. Elle aussi elle l'a bien entendu m'appeler ''La mère de son enfant'', parce que je ne suis plus rien d'autre. Plus pour le moment.

— Enchantée, Ninie m'avait dit qu'elle avait du monde à l'essai en ce moment !

Moi aussi je peux jouer un peu sur les mots, après tout.

— Non, je suis toute seule. C'est pas facile d'avoir une table en soirée ici et tout le monde bosse plus ou moins sauf moi le midi, alors je viens me faire plaisir quand même.

Je fronce les sourcils.

— Tout le monde ?

Parmi nos amis, quasiment personne ne bosse ou bien beaucoup bossent de chez eux.

— Mais c’est bien ! T’as raison ! Ça fait du bien de se retrouver seul parfois. Enfin... sauf si tu veux t’asseoir avec nous ? On parle boulot mais...
— En parlant de ça, comment ça va se passer pour les voyages ?
— Hors d’Angleterre tu veux dire ?

Elle hoche la tête avec un sourire.

— Eh bien je ne crois pas que tu en feras partie. Je pense que tu te chargeras de tout ce qu’il se passe ici.
— Et après ? Tu gères tout ?
— En partie. La semaine prochaine j’ai un déplacement à Los Angeles. Comme c’est les vacances scolaires, j’emmène mon fils et sa nounou se chargera de m’aider. Elle s’entend très bien avec Norvina alors elles s’arrangent pour certaines choses.

— Ouais enfin ils étaient occupés quoi, tu sais ce que c'est.

Je réponds en balbutiant un peu, mais en tentant de ne rien laisser paraître de ma bêtise. C'est vrai que la plupart de nos amis ne bossent pas, l'excuse était conne, mais il fallait bien mentir et trouver quelque chose.

— T'es sûr, ça dérange pas ?

Il me fait signe de la tête que non, alors je demande au serveur s'il peut nous installer un troisième couvert ici, parce que je vais déjeuner avec mes amis. Je me sens pas hyper à l'aise en vérité, mais j'essaie de rester calme et de sourire. C'est à moi de m'adapter à ce qui s'offre à moi et aujourd'hui, c'est Tristan qui côtoie tout un tas de filles que je veux tuer : dont la nounou de notre fils. Mais ça, j'ai eu le temps d'y songer quand il m'a dit qu'il partait avec Tommy et elle à Los Angeles. Je crois bien qu'elle, c'est typiquement la personne dont j'ai peur. Celle qui a l'air adorable, qui s'entends bien avec notre enfant et qui prendrait soin de Tristan comme il le mérite.

— T'en fais pas, il a eu l'habitude de gérer beaucoup de choses à la fois. Il saura s'en sortir comme un chef, comme à chaque fois. C'est bien que Norvina soit présente pour toi à ce point, même à distance tu sais que tu peux t'appuyer sur quelqu'un de bien.

Je lui souris sincèrement, consciente de tout ce que je l'ai laissé faire seul pendant aussi longtemps. Et maintenant que je dois gérer Tommy seule, j'ai bien compris à quel point être parent est un métier crevant qui prends un temps dingue. Ça, plus tout ce qu'il faisait à côté...

Je ne peux pas m’empêcher de penser que j’aurais préféré pouvoir me reposer sur elle, comme elle s’est reposée sur moi, mais je ne fais pas de remarque parce que ce n’est ni le lieu, ni le moment.

— C’est quand même plus agréable de déléguer certaines choses !, reprend Penny.
— Oui, c’est sûr !, je reconnais sans mal.

Ça me permet de consacrer tout mon temps libre à ma famille.

— Norvina m’a dit que ce serait pour un mi-temps, au début ?
— C’est ça. Elle s’y prend à l’avance pour cet été, je pense. Pour que tout se passe bien à ce moment-là et qu’on connaisse déjà bien la personne qui sera présente.

On est interrompu par le serveur pour prendre les commandes et, par habitude, je commande les mêmes choses pour Ania et moi.

— Enfin... si c’est ce que t’as choisi ! Pardon, c’est l’habitude ?!

Tristan dit amen à tout ce qu'elle dit et ça me soûle parce que je sais qu'à chaque fois, c'est pareil. Il est incapable de voir que des gens peuvent profiter de lui ou des autres en général.

— Non, c'est parfait t'en fais pas ! Tu sais que ca finit comme ça a chaque fois. Les habitudes c'est pas forcément mauvais.

Je lui souris avant de reporter mon attention sur Penny.

— Et comment t'es tombé sur leur annonce toi alors ? J'imagine que Norvina n'a pas demandé dans les commentaires sur YouTube si quelqu'un était intéressé, trop de malades seraient arrivés en courant.

Je rigole, curieuse de savoir comment elle a réussi à se trouver ici.

— C’est pas des malades..

Je souffle tout de même. Parfois elle oublie que c’est grâce à ces gens qu’on a eu ce train de vie et que j’ai cette opportunité de rôle.

— Norvina a fait appel à une agence de recrutement spécialisée dans laquelle je suis inscrite. Ils m’ont proposé le poste et j’ai rencontré Norvina et me voilà !

— Non c'est vrai, j'oubliais que depuis ce matin on m'a traité de pute que deux fois. Elles sont toutes si adorables, je souris exagérément.

Ca ne m'atteins plus, certainement parce que j'ai compris il y a longtemps que ce n'était pas moi qui était visé, mais une image que les gens croient vraie. Ça a été blessant après la rupture, parce que j'allais mal moi aussi et que ca me confortait dans l'idée que j'étais nulle. Mais les garçons et Ninie ont été là pour m'épauler et maintenant que j'ai repris du poil de la bête, ça va mieux.

— Bref, on parlait de toi Penny. Tu connaissais déjà Tristan avant ? Ou c'est parce que tu es neutre que l'agence t'as envoyé vers elle ? Pardon t'es pas obligée de répondre, j'ai tendance à demander tout ce qui me vient en tête !

Elle me casse sans ménagement et je la trouve tout de suite moins jolie. Moi aussi, je passe mon temps à me faire insulter et c’est pas à cause de la jalousie de quelques fans trop jeunes ou trop investies. Je me fais insulter par des groupes entiers d’adultes qui savent de quoi ils parlent, par les médias, par tous ceux qui refusent que je devienne le nouveau Spider-Man. Ils ne disent pas des choses fausses du style que je suis un connard - ce n’est pas un pute et elle le sait -, ils disent des choses sensées comme « on le suit pour ses vidéos, c’est mieux s’il ne sort pas de son domaine de conférence » ou « de toute façon, quoi qu’il propose ce sera nul » ou encore « acteur, c’est un métier » et c’est vrai. Mais évidemment, c’est toujours elle qui souffre le plus. Tout tourne autour d’elle et ça ne change pas.

Quand elle enchaîne, je suis toujours un peu sonné et le ton qu’elle prend avec Penny ne me plaît pas du tout.

— C’était une fan, je réponds pour elle. Comme Norvina l’est ou comme beaucoup de personne de mon entourage. Et c’est toujours plus agréable de travailler avec des gens qui s’intéressent vraiment à ce que tu fais et qui connaissent plus ou moins ton parcours. Ça aide à ne pas se sentir en décalage ou ridicule. Ça fait du bien d’avoir l’impression que son travail a de la valeur. Cette réponse te convient ? Parce que c’est la seule que t’auras et, comme t’as décidé de ne pas prendre en compte que j’étais en rendez-vous professionnel et que c’est pas la cour de récré, contrairement à ce que tu penses de mon travail, t’es la bienvenue pour aller voir ailleurs si c’est pour être désagréable comme ça.

J’ai presque honte de l’image qu’elle me donne. J’ai déjà honte de moi la plupart du temps et je me trouve toujours ridicule : pour qui je me prends avec mes assistantes et ma nounou, comme si j’étais un incapable. Bah là, c’est pire. En plus, elle met Penny mal à l’aise.

— J’ai jamais eu mon mot à dire sur ta carrière et c’est trop tard pour faire comme si tu t’intéressais à la mienne.

Je regarde ma montre, ce déjeuner est un fiasco.

— Penny, je vais t’appeler un taxi. Je te propose qu’on se voit en début d’après-midi ? On se rejoindra chez Norvina, ce sera plus simple. Ça te va ?
— C’est très bien.

Je ne sais même pas si elle va revenir, maintenant, et je la comprendrais. Je la raccompagne dehors en me confondant en excuses. Je préviens la cuisine malgré tout avant de revenir à table.

— C’est quoi ton problème ?

Je demande sans passer par quatre chemins.

Je l'écoute défendre Penny comme s'il défendait une partie de lui. Il n'a aucune hésitation, aucun moment de doute, c'est forcément moi le connasse et elle la pauvre petite bête sans défense. Et comme chacune de ses phrases, je le sais, est un pic pour moi, je me sens d'autant plus conne d'être venue ici en pensant que je pouvais être ne serait-ce qu'un tantinet légitime.

Alors quand il finit par dire que c'est trop tard pour faire comme si je m'intéressais à sa carrière, il me coupe l'herbe sous le pied. Celle là je sais que je ne l'ai pas volé et que j'ai passé nos derniers mois ensemble à ne plus le soutenir d'aucune façon. Il n'avait même pas prit la peine de me dire pour le rôle.

— Mon problème ? je demande quand il revient en m'aboyant dessus. C'est pas moi qui vient de monter dans les tours en me faisant passer pour une ado immature. Tant mieux pour toi si tu vois jamais le mal autour de toi, moi je ne fais pas confiance à tous les gens que je croise dans la rue. Mais excuse moi de m'être trop investie, comme tu viens si bien de me le faire comprendre, je suis juste la mère de ton fils et j'ai absolument plus rien à faire dans cette partie de ta vie.

Peut-être qu'Alessandro et Luca avaient tort : Tristan ne m'a pas seulement quitté à cause de mon mode de vie. Il a une telle rancœur contre moi que tous les gens qui ont écouté notre conversation ont du l'entendre; Penny la première.

Je lève les yeux au ciel, agacé.

— Je suis pas monté dans les tours et je m’énerve même pas.

Elle a juste pas l’habitude que j’aille à l’encontre de ce qu’elle dit. C’est sûr que je suis amer, mais c’est tout.

— Tu crois pas que c’est trop tard pour s’investir dans ce que je fais ? J’aurais adoré partagé tout ça avec toi, tu le sais, tout le monde le sait. J’ai jamais rien fait que je n’ai pas partagé avec toi. Jamais. Mais si on est séparés alors je suis désolé, mais c’est trop tard pour s’investir. C’est trop tard pour s’intéresser parce que... parce que c’est dur. Tu comprends ?

Je parle posément parce que je ne veux pas me disputer avec elle. Loin de là.

— Je débute dans un univers que je ne connais pas, que personne autour de moi ne connaît. Moi aussi, je m’en prends plein la gueule et c’est mondial. Je dois gérer cette nouvelle pression en plus de celle que je me mets à moi-même. Je suis noyé donc non, j’arrive plus à gérer les choses aussi aisément qu’avant tout seul. Je me sens seul la plupart du temps et c’est difficile. Alors s’il te plaît, ne vient pas en rajouter. Je me fiche que les gens soient opportunistes parce que c’est comme ça qu’on réussit dans ce milieu, tant qu’ils font leur travail correctement alors ça me va. J’ai pas envie de me disputer avec toi mais je t’assure que c’est difficile parce que t’as jamais agi comme ça et que je comprends pas. C’est important pour moi. C’est professionnel. Quand tu pars en mission tu ne me demandes pas mon avis et encore moins ce que tu dois faire une fois sur place. J’ai toujours respecté et admiré ce que tu faisais. Je sais que moi, c’est pas honorable et c’est peut-être un peu nul, mais faire une gueguerre comme ça en plein rendez-vous professionnel, ça me fait passer pour un gamin débile. J’ai plus envie de ça.

— Tu peux me reprocher tout un tas de choses, mais aps de jamais m'être intéressé à ce que tu faisais. Je sais que je t'ai laissé croire que t'étais tout seul pendant des mois, je l'ai compris devant chacune de tes vidéos que j'ai regardé, mais ça n'a pas toujours été le cas. Hormis pendant quelques mois, j'ai toujours été là à te pousser à donner le meilleur de toi même. Et je te trouve injuste de préférer te souvenir de ces mois que de tout ceux qui ont précédés.

Je suis triste de me dire qu'il pense ça de moi aujourd'hui, à tel point qu'il ne se rappelle même plus de tout le positif qu'on a pu vivre. C'est comme si se rappeler des mauvais moments était plus facile que se souvenir des bons.

— J'aurais voulu partager tout ça avec toi. Et pas parce que tu vas être Spider-Man, mais parce que tu es Tristan et que je ne suis pas moins amoureuse de toi que lorsque tu m'as quitté. T'en as décidé autrement et j'accepte, d'accord. Mais je ne compte pas ne pas me battre. Et tu peux pas décemment me demander de regarder cette conne te faire du rentre dedans et avoir des étoiles dans les yeux a l'idée que tu l'emmène à LA, parce que c'est pas ce genre de personnes dont t'as besoin dans ton entourage. C'est pas de gens comme moi non plus, j'ai compris, mais si t'as su m'écarter, écarte aussi ceux qui ne sont pas là pour les bonnes raisons. S'il te plaît.

J'ai pas envie qu'il soit malheureux, quelque soit notre relation, il compte beaucoup trop pour moi pour que j'arrive à accepter ça.

Tout ce qu’elle dit me chamboule et me perturbe. Je déteste cette situation, peu importe la situation que je l’ai voulue ou pas. Je suis profondément triste qu’elle voit les gens qui m’entourent comme ça. Et le fait qu’elle se dise encore amoureuse de moi tourne en boucle dans ma tête. Je ne sais même plus à quoi répondre et je reste silencieux de nombreuses secondes.

— Je me souviens de tout le bon...

Je finis par dire.

— Je m’en souviens et c’est pour ça que c’est difficile. Parce que je m’en souviens et que n’ai pas voulu continuer le massacre des derniers mois. Et pour moi... ils comptent plus que les autres parce qu’on grandi et qu’on fait des choix. C’est comme ça. On n’a pas fait les mêmes. Et on peut se dire la même chose en boucle encore et encore, ça n’évolue pas. On n’arrive plus à se comprendre et à s’entendre et l’amour ne suffit plus. C’est tout.

''Le massacre des derniers mois''. Ça veux dire tellement de choses... Que les garçons avaient torts, que ce n'est pas seulement l'armée le problème mais aussi ce que moi je suis et qu'il m'a menti.

— C'est pas du tout ce que t'as laissé entendre quand tu es parti, je réponds en sentant les larmes me monter aux yeux. Là, t'es en train de me dire que même si j'étais restée, t'aurais finis par partir un jour parce que ça n'allait pas entre nous. Moi j'en avais même pas conscience et toi tu étais...

Je ne finis pas ma phrase, pour deglutir en avalant mon début de sanglot avec moi.

— Je suis désolée de t'avoir fais vivre tout ça. Si ça te dérange bien, je veux bien avoir Tommy juste une soirée avec moi avant ce week-end. J'avais oublié que c'était la semaine prochaine que vous partiez aux États Unis. Je te laisse aller le chercher à l'école quand même et profiter de lui, ça lui fera plaisir.

J'ai pas envie de m'eterniser ici. J'ai même envie de fuir, certainement pour la première fois de ma vie.

— C’est pas du tout ce que je dis.

Je dis dans un soupir. Avant, on se comprenait. Mais maintenant la moindre conversation est un effort et n’aboutit jamais comme on le voudrait.

— Non, laisse tomber. Change rien. Fais comme d’habitude, va le chercher. Je vais l’avoir une semaine.

Je suis fatigué de cette situation où on veut tous les deux avoir raison.

— Juste... si t’étais restée, jamais je serai parti. Parce que j’aurais eu aucune raison de le faire.

Je ne sais pas si je peux le croire et c'est ce qui me rends le plus triste. Avant, jamais je n'aurais douté de lui, jamais je ne me serais demandé s'il pouvait mentir ou non, mais ce n'est plus pareil.

— Mais je ne suis pas restée, et voilà où on en est.

A se parler presque comme à des inconnus, qui ne sont même pas capables de s'entendre. Et forcément, c'est ma faute.

— J’ai certainement mes torts et une liste de défauts longue comme mon bras, mais oui, voilà où on en est.

Je réponds simplement. Ni Tommy ni moi n’étions assez pour qu’elle reste. Ania me manque, c’est évident, mais j’ai l’impression d’avoir trop changé pour que les choses rentrent dans l’ordre.

— Certainement. Même si je ne pensais pas que ça nous arriverait un jour, on n'a pas suivi le même chemin, c'est tout.

J'ai fais mes choix, il a fait les siens. Je veux bien entendre tout ce qu'on me dit, qu'ils aient souffert, que Tristan ai souffert, mais je ne peux pas revenir en arrière. Et certainement que j'aurais quand même fait ce choix là, j'en sais rien... Etre en zone de guerre avec un fusil à pompe en main, c'est la seule chose que je sais faire. C'est pas comme si j'avais des talents cachés ailleurs. Même en tant que femme j'étais pas douée, et je suis loin d'être la meilleure maman du monde.

— Je te préparerais des affaires pour Tommy, tu choisiras ce que tu veux prendre avec toi comme ca.

Je dis en me levant de table. Je ne crois pas que ce soit utile de poursuivre ce massacre plus longtemps.

Elle se lève et mon cœur explose en morceaux. Encore. Le peu de confiance que j’avais en moi vole en éclat et je reste stoïque. J’ai trop de défaut pour lui suffire. Elle sera mieux sans moi. Elle sera mieux avec quelqu’un qui la comprend. Un autre militaire, sans doute. Je ne suis pas suffisant.

— J’ai ce qu’il faut chez moi. Sa valise est déjà prête.

— Oh... Tant mieux alors.

Je réponds, a défaut de savoir quoi dire d'autre.

— Désolée d'avoir gâché ton dejeuner, ça n'arrivera plus.

Y'a peu de chances pour que j'écoute de nouveau Norvina. Je ne lui en veux pas le moins du monde, je sais qu'elle pensait m'aider, mais maintenant je me sens vraiment beaucoup trop stupide avec tout ce maquillage à avoir cru que ça pouvait être un pas en avant de venir ici.

Je ne réponds rien ; je crois que c’est pas grave, au fond. C’est qu’un déjeuner de merde, futile et inutile. Comme moi. Un détail peu important qu’on peu ignorer ou remettre à plus tard.

Quand elle s’en va, le serveur arrive avec nos assiettes et je reste là à manger comme un con. Seul. Parce que depuis qu’elle est repartie, la solitude est le seul sentiment que je ressens.