Adam & Logan #8

— Non.

Je râle en disparaissant directement dans la salle de bain. Je suis pas du matin et là, c’est la première fois que je ne peux pas le cacher.

Je me déshabille pour prendre une douche rapide qui m’aidera à me réveiller. Heureusement que j’ai également laissé des vêtements ici.

Quand je l'entends râler en s'enfermant dans la salle de bain, je cache mon rire. Je crois bien qu'il n'est pas du matin et je comprends comment j'ai pu passer à côté tout ce temps. Entre nos débuts où il se cassait en pleine nuit pour me laisser seul à l'hôtel et toutes ces fois où je me suis réveillé alors qu'il était parti courir, je n'avais jamais eu le loisir d'y assister. C'est dégoulinant de niaiserie, mais je trouve ça adorable.

Si je savais ce qu'il prends les matins où il bosse, je lui aurait bien préparé un thé ou un café, mais je me rends compte que j'ai absolument aucune idée de la chose. À la place, je vais au moins faire chauffer de l'eau, qu'il puisse se servir au besoin en sortant. Moi je me contente de me recoucher en regardant pour la vingtième fois depuis que je suis là si je n'ai pas un message de Gabou, alors que je sais pertinemment qu'il est encore dans l'avion.

Je me douche rapidement et quand je ressors, je file vers la cuisine pour me chauffer un café ; l'eau est déjà chaude. Ça me fait sourire.

— Merci, chaton.

Je dis naturellement en me préparant une grande tasse de café. Je m'assois à table histoire de me réveiller convenablement. C'est vraiment difficile ce matin.

Je crois que je couine en entendant le surnom qu'il me donne. Ca sort sans que je ne le contrôle et je me blotti sous la couette pour essayer de faire oublier que j'existe. J'aime bien être ici et faire semblant d'avoir la vie que j'aimerais vivre chaque jour.

— Pas de quoi, je finis quand même par dire en me tournant vers lui pour le regarder se réveiller.

De là où je suis installé, je peux le voir se cacher sous les couvertures et en sortir à nouveau. Il est tellement adorable que ça me fait sourire. Peut-être que la caféine fait effet aussi, même si je préfère penser que c'est grâce à lui.

— T'as bien dormi ?

Je demande après quelques minutes.

— Pas trop non...

Je souris, parce que contrairement à lui, je vais pouvoir me reposer ce matin.

— Et toi ? j'ose demander, maintenant qu'il boit son café et sort de sa coquille doucement.

— Ça va.

Comme il me dit qu'il n'a pas très bien dormi, je me lève avec ma tasse pour le rejoindre dans le lit et le prendre contre moi. Je dépose un baiser sur sa tempe.

— J'suis pas trop, trop du matin. J'ai un peu de mal.

Je dis en riant un peu.

— Enfin, je suppose que tu l'as remarqué.

— Je crois que j'avais pas besoin que tu prennes la peine de me le dire, en effet.

Je rigole en embrassant sa joue et je me positionne contre lui. Ça doit pas être marrant tous les jours en réalité, mais bon.

— T'as beaucoup de boulot aujourd'hui ?

Je termine mon café et je me démerde pour poser la tasse sur la table de chevet. Je peux enfin lui faire un câlin digne de ce nom.

— Ouais. Alors profite bien de ce câlin parce que je pars bientôt.

Puis quand je percute que non, j'affiche un large sourire.

— Quoi qu'en fait je ne vais pas courir ni emmener ma fille à la crèche alors...

— Alors je t'ai pour moi encore combien de temps ?

Je souris en venant quand même me blottir dans ses bras comme s'il partait dans la seconde. Ça me permets de profiter encore un peu plus et ça, je ne peux pas le refuser.

— Encore une heure.

Je dis en essayant de ne pas rire.

— J'aurais pu dormir plus longtemps, j'ai légèrement la haine. Alors je sens que mes patients ne vont pas trop m'aimer aujourd'hui, parce que, oui, je me venge sur eux quand je suis fatigué.

Cette fois-ci, je ris franchement.

Mon rire l'accompagne tellement je trouve ça cruel et bon à la fois.

— J'aurais dû me passionner pour un boulot dans lequel j'aurais pu me venger de ma vie de merde moi aussi. En attendant, je peux faire chier mes profs, mais c'est tout moisi.

Plus tard, je pourrais toujours déchirer les manuscrits que je n'aimerais pas, mais bon.

— J'aurais mis le feu à mon portable à ta place, j'avoue !

Je me marre.

— Mais si tu fais chier un prof, il te fait rater des partiels. C’est la dure loi de la fac.

Je cache ma tête dans son cou, que j’embrasse à plusieurs reprises. C’est quand il me parle de mon portable que je l’entends vibrer. Au moins 5 ou 6 fois d’affiler.

— Ah. Je crois que c’est le doux bruit d’une dispute qui s’annonce.

Ça m’agace par avance. Mais, comme d’habitude, je sais que je n’aurais pas le moindre effort à faire pour qu’elle revienne.

Si hier soir j'étais désolé de l'avoir fait quitter son domicile conjugal en pleine nuit, je dois admettre que je ne le suis plus ce matin. C'est même pas que j'espère qu'il aura réellement une grosse dispute avec sa femme, c'est que je me dis qu'à force de se disputer, il y a bien un moment où il en aura marre et partira, non... ?

— Réponds, ça va empirer les choses sinon.

Mais j'ai pas envie qu'au lieu de se dire qu'il pourrait la quitter, il se retrouve à vouloir se faire pardonner et à ne plus vouloir de moi. Alors j'apprends à faire des sacrifices, je suis plus à celui là près.

Je souris contre sa peau, mon visage toujours niché au creux de son cou. J'y dépose plusieurs baisers.

— Je sais ce qu'elle m'a écrit, déjà. C'est toujours la même chose. Mais je me lève, si tu veux.

Quand il me dit ça, j'ai envie de le secouer. Putain mais pourquoi tu restes avec elle si ça finit comme ça si souvent ? Je suis là, moi ! Et en réfléchissant bien, c'est vrai que j'ai rien à côté d'elle... Ni salaire, ni maison à moi, ni enfant, ni même travail.

— Non attends... Reste avec moi encore un peu.

J'ai passé mes bras autour de lui alors qu'il allait se lever, avant de l'embrasser dans la nuque. Je suis l'indécision même. Je vais mettre ça sur le compte du départ de Gabriel.

Finalement, il ne veut pas que je me lève et ça me fait sourire. Tant mieux, je n'avais pas envie de me lever. Son baiser me donne des frissons et ça me fait sourire. En y repensant, c'est la seule personne que j'ai fréquenté et qui s'inquiète pour ma femme — ou pour la personne avec qui je suis. Je réalise aussi que je n'avais jamais trompé ma femme. Flirté, oui, mais jamais plus. Je ne sais pas depuis quand il s'est mis à prendre autant de place dans ma vie, mais je ne m'imagine pas ne plus le fréquenter.

— Tu as faim ?

— Pas trop, je prendrais un truc à grignoter quand j'irais nous chercher de quoi faire nos sandwichs trois étoiles.

Par contre, j'ai envie d'un truc chaud et je me lève pour me faire un thé. C'était pas prévu qu'on finisse ici cette nuit et c'est vrai qu'il fait encore un peu froid sur ces heures matinales.

— Je te fais un truc ? Tu reprends un café ?

Je secoue la tête et je me lève avec la couette pour m'installer dans le canapé. Quand il a son thé, j'ouvre les bras pour qu'il me rejoigne.

— Tu sais le plus drôle dans tout ça ? C'est qu'à la base, je ne suis pas quelqu'un de câlin du tout.

Je lui fais un petit bisou en souriant.

— Enfin, ma fille mise à part.

Mon thé brûlant entre les mains, j'accueille cette concession avec étonnement.

— Tu déconnes ?

Son rire me montre que non, il ne blague pas et je suis interrogatif. J'ai l'impression qu'on fait tous les deux ressortir certains côtés de l'autre qui de base n'existe même pas.

— Moi j'avais jamais été l'amant de quelqu'un, chacun ses nouveautés, je rigole parce qu'au fond, même ça ce n'est pas moi. Comme quoi.

— Pff.

Je rigole, mais j'ai beaucoup de mal à lui dire qu'aujourd'hui, il n'a pas qu'une place d'amant. Enfin, pas officiellement, évidemment. Pendant qu'il boit son thé, je me débrouille pour récupérer mon portable et, comme je m'en doutais, Moïra part chez ses parents. Je ne prends pas la peine de répondre puisque, comme d'habitude, elle me dit que ce n'est pas la peine de la contacter, qu'elle ne répondra pas.

— Tu fais quoi ce soir ?

Mon regard perdu sur la fenêtre extérieure, je ne prends même pas la peine de me retourner vers lui pour répondre.

— Je déprime parce que mon petit frère est en Colombie et que toi tu essaie de recoller les morceaux avec ta femme ?

Je rigole jaune, en venant boire une nouvelle gorgée.

— Ou alors je demande à mes parents s'ils veulent pas adopter, histoire que je sois pas leur seul enfant à la maison pour les prochains mois.

Je souris et j'embrasse ses lèvres avec tendresse.

— Et passer la soirée avec moi, ça t'intéresse ou ça ne fait pas du tout partie de tes options déprime post-départ de ton petit frère ?

Je le regarde suspicieux. Je n'arrive pas à savoir s'il est sérieux ou pas et j'ai peur de m'emporter trop vite. Même si mon cœur a déjà commencé à s'emballer à l'idée.

— Vraiment ? C'est pas une blague vaseuse ? Tu... Et ta femme ?

— C’est une vraie proposition. Ce soir je rentre ici et on passe la soirée tous les deux.

Je caresse son visage avec douceur.

— Jusqu’à jeudi matin.

Trois jours rien que tous les deux ; je crois qu’au fond j’espère qu’il n’a rien de prévu.