Tension — Adam & Logan

La rééducation est difficile. J’en avais conscience, mais cette semaine c’est particulièrement compliqué parce que je n’avance pas. J’ai l’impression de stagner et ça me fait péter un plomb.

Ce matin, on m’a empêché de trop forcer et je me suis pris la tête avec l’infirmier qui était là. Quand je rentre, je suis tellement agacé que je trace directement me coucher et j’allume la télé du lit. Je n’ai pas envie de parler ni rien du tout d’autre.

Logan vient de rentrer de la rééducation, sans même un bonjour. Ça annonce une journée mémorable, surtout quand je le vois aller se jeter dans le lit et allumer la télé comme si je n'existais même pas.

Ça fait quelques jours que c'est tendu et qu'il est de mauvaise humeur, mais j'essaie de faire passer tout ça comme je peux. Je ne peux pas me mettre à sa place, mais je tente de lui montrer que je le soutiens et qu'elle est là, sa place. Alors ce matin, j'ai cuisiné pendant un petit moment, histoire qu'on ai un bon repas à se mettre sous la dent pour ce midi et qu'il sourit un peu. Il mérite bien ça. Même s'il est malpoli comme tout.

— Chéri, tu viens manger à table ou tu préfères que je t'amène ça et qu'on mange comme des sauvages qui s'en foutent ?

Je ne quitte pas la télé des yeux.

— J’ai pas faim. Et j’ai pas envie de parler non plus.

L'irrespect est tel que je reste sur le cul pendant un moment. J'ai envie de lui demander s'il se fout de ma gueule, mais je crois qu'il ne me répondra même pas tellement il s'en moque actuellement.

En faisant le plus de bruit possible, juste dans l'espoir de passer au dessus du son de la télé, je range tout. J'ai envie de lui jeter la nourriture au visage, mais je me retiens. Ça ne servirait à rien. Je mets le tout dans un tupperware, sans prendre le temps de manger, moi, je range rapidement la cuisine et seulement cinq minutes plus tard, je passe devant la télé pour aller chercher les clés de ma voiture.

— Je vais passer l'après midi avec mon frère. Si jamais à un moment il te prenait de te demander pourquoi je ne suis plus là.

Et sans attendre la réponse que je n'aurais pas eu, je quitte l'appartement en appelant Gabou. Même s'il n'est pas là, je verrais au moins maman à la maison.

J’ouvre les yeux sur les coups de 18 heures. Je ne sais pas à quel moment je me suis endormi, mais je me sens un peu mieux. Je vais prendre mes médicaments, je me suis décalé. Tant pis. J’ai mal, mais ça va, c’est supportable.

Il est 19 heures et je n’ai pas de nouvelle d’Adam. Il fait chier à prendre la mouche pour rien. Mais bon... il me manque.

SMS à Adam — Tu rentres ou pas ?

SMS à Logan.
Je suis au fast food. Je prends à manger au passage. J'arrive.

SMS à Adam
À tout de suite !

J'ai bien eu envie de rentrer en faisant la gueule, mais je me suis rendu compte que ce serait m'abaisser à ce qui m'a énervé. Tout comme ne pas lui dire bonjour, alors que c'est la première chose que je lui ai reproché ce midi.

Alors quand j'arrive au troisième, avec le pas le moins pressé du monde et mon sac de bouffe à la main, je reste calme.

— Salut.

C'est pas spécialement enjoué, mais c'est poli et ça informe Logan que je suis rentré alors que je referme la porte derrière moi.

Quand il arrive, je me lève et je vais déposer un baiser sur sa tempe.

— Ça va ? C’était bien ? T’as pris quoi ?

Je demande en regardant à l’intérieur du sac.

Mon regard se pose sur lui pendant quelques secondes. Il reste cinq heures tout seul et ça y est il se sent mieux, alors ça doit être le cas de tout le monde.

— Je me suis pris de quoi manger. Si t'es de meilleure humeur et que ce soir t'as faim, y'a de quoi faire dans le frigo. Tu connais le chemin !

Je réponds en attrapant mon sac et en allant me poser dans le canapé.

Quand je comprends qu’il s’est pris à manger uniquement pour lui, j’ai une montée de colère quasiment immédiate.

— Tu te fous de ma gueule j’espère ?

— Non.

D'un geste je lui montre le sac que j'ai ramené.

— Tu viens de regarder dedans, t'as bien vu que y'avait pas pour deux.

Je regarde à nouveau et je constate qu’en effet y a que pour lui.

— Putain t’es grave, ma parole.

C’est dans ce genre de moment que c’est difficile d’être dans un studio. Je vais ouvrir le frigo rageusement pour en sortir un yaourt et m’asseoir à table.

— Comme ça on est deux. J'suis ton mec, pas ton chien.

Il s'assoit rageusement à table avec un vieux yaourt.

— Y'a un plat entier au frigo si tu veux. J'ai passé deux heures dessus ce matin, ça doit encore être bon.

— Mais quel chien, là ? De quoi tu parles ?

Quand il me parle du plat qu’il a cuisiné à midi, je comprends qu’il est encore bloqué sur ce midi.

— Faut te détendre j’crois. Tu vas pas rester sur ça pendant trois ans là.

Ça m'énerve encore plus que pour lui, ce soit passé depuis longtemps. Zéro conséquences à rien.

— Bah si ! Si je vais rester dessus trois ans, parce que j'ai pas aimé ton vieil air arrogant là ! À même pas me regarder, comme si j'étais la femme de ménage.

— Putain mais ça t’arrive jamais d’être mal luné toi ? Va falloir redescendre là parce que ça commence à me faire chier ton attitude de gamin capricieux.

— De gamin capricieux ? Putain mais dommage qu'il n'y ai pas de caméra ici parce que t'aurais vu lequel de nous deux a été le plus capricieux aujourd'hui !

Je lève les yeux au ciel.

— Franchement tu sais quoi ? T'as le droit d'être mal luné. T'as même le droit de pas avoir faim et de pas vouloir me parler. Mais t'as aussi le droit d'être poli ! Ça t'aurais coûté quoi de plus de gentiment me dire que t'avais pas envie de parler ? Au lieu de m'envoyer bouler en continuant de regarder ta merde à la télé !

— Va t’faire, ok ? C’est bon, mange ton putain de truc tout seul et me casse pas les couilles.

La politesse est de retour et je le regarde de travers depuis le canapé.

— C'est quoi la prochaine étape ? Tu choisis par qui je vais me faire foutre ?

— Mais quelle prochaine étape de quoi là ? De quoi tu parles ?

— De comment tu me parles, justement ! Putain mais on croirait que c'est moi le plus gros des cons, juste parce que j'ai mal pris que tu agisses avec moi comme si tous tes problèmes étaient de mon fait !

— J’te parle comme je veux, en fait. À la base, je t’ai dit que j’avais pas faim et que j’avais pas envie de parler. T’es parti comme un gosse et tu reviens avec le repas pour une personne, bah très bien. Tu veux que je dise quoi ? Merci chéri d’être rancunier ? T’es génial et t’as raison de me rendre la monnaie de ma pièce ?

Moi qui crevais la dalle finalement j’ai même plus faim. Je me lève pour ranger le yaourt.

— Si tu comptes agir comme ça chaque fois que j’agis comme un con, va dormir chez tes parents jusqu’à ce que je sois rétablis parce qu’on va faire que s’engueuler tellement j’en chie et que j’ai pas envie de m’en prendre à toi gratuitement !

— Mais c'est déjà ce que t'as fais, en fait ! Putain mais t'écoutes même pas quand je te parle ! Sérieux, t'es pas capable de te rendre compte que y'avait d'autres moyens de me faire savoir les choses que de m'ignorer royalement et d'agir comme si j'étais même pas dans la pièce ?

Je me relève du canapé, sans tenir cas de la bouffe qui reste à troner dessus.

— Le gosse, comme tu dis, il venait juste de faire à manger en espérant que ça te ferait plaisir parce que ça faisait plusieurs jours qu'il voyait que ça n'allait pas super. Mais bon. Tant pis pour lui, il va aller dormir chez sa mère, au moins elle sera contente de l'avoir sous son toit elle !

— C’est ça ouais. Comme si ça avait quelque chose à voir que je sois content que tu sois là ou pas. Tu mélanges tout donc merde.

De toute façon c’est comme d’habitude, chaque fois qu’on se dispute, on se comprend pas. Je n’ai même pas envie de débattre. Je boitille jusqu’au lit sans mes béquilles et je vais me coucher à ma place.