I'm back.

Deux semaines qu'on a été à Londres avec Gabi, à mon retour j'ai cherché de nouveau du travail. Je n'arrivais pas à m'habituer à tout ce temps libre que j'avais, puis ça me rassure de gagner mon propre argent, je crois que j'en ai besoin. Je travaille au Starbucks depuis une semaine.

22H. Gabi est installé au comptoir, il n'y a plus grand monde. Je débarrasse une table et repasse derrière le comptoir. Il va bientôt partir.

— Je te rejoins à la maison quand j'ai fini, on regarde toujours un film ce soir ?

Je suis assez triste qu'Austin ait trouvé un travail pendant les vacances. Je m'étais habitué à être avec lui à longueur de temps et maintenant, lorsqu'il n'est pas là, je trouve le temps long. Je comprends que je ne suis pas suffisant et que toute la journée avec moi, ça doit être bien long. Alors je vais à l'église avec maman et, quand il me manque vraiment trop, je le rejoins chez Starbucks. Au moins, on peut discuter même s’il travaille. Je serais bien resté avec lui jusqu'à la fin de son service, mais je n'ose pas vraiment m'imposer. Je ne sais pas trop comment agir avec lui parce que mon frère est toujours collé à Max depuis qu'ils sont de nouveau ensemble et je pensais que ce serait comme ça avec Austin, mais c'est pas le cas. Il a besoin d'air, comme avec Jenny.

— D'accord, ouais. À tout à l'heure alors, fais attention.

Je me lève et je fais le tour du comptoir pour lui voler un baiser avant de sortir.

J'embrasse ses lèvres et je le regarde sortir avant de me remettre au travail. À 22h30 on n'a plus personne.

— Ça ne te gêne pas si je file ? Ma copine m'attend pour aller au ciné.

Je secoue la tête.

— Non, ne t'inquiète pas, je fermerais.

Niall sort et je verrouille la porte derrière lui. Je fais le ménage, je termine de retourner les chaises sur les tables avant de sortir les poubelles dans la ruelle derrière. Je balance la silhouette quand une silhouette se poste devant moi. Je sursaute. Je fronce les sourcils.

— Bonsoir ?

La silhouette avance d'un pas et quand je reconnais mon père, je me décompose.

— Bonsoir Austin.

Ça va faire 7 ans que je ne l'ai pas vu, j'ai un mouvement de recul.

— Qu'est ce que tu fais là ?
— J'ai appris que tu avais envoyé ta mère en cure de désintoxication. C'est pas très gentil ça.

Je recule encore, sans rien répondre.

— N'aie pas peur de moi, je suis revenu pour m'occuper de toi et de Darcy.
— On est sous tutelle et protection de la justice.

Plus les secondes passent, et plus je me sens méfiant. Je regarde autour de nous, mais il n'y a personne.

— Mais vous êtes mes enfants.

Je secoue la tête.

— Va t'en, laisse nous tranquille ou j'appelle la police.

Il lâche un rire gras.

— Ah oui ? Et pour quel motif ? C'est comme ça que tu accueilles ton propre père ?
— Mon père ? T'as jamais été un père et je ne te laisserai jamais t'approcher de Darcy.

*****

Je ne sais pas à quel moment la situation dégénère mais il m'attrape par le col de me t-shirt et il me balance au sol, mon épaule heurte une pierre tellement fort que je sens quelque chose se déchirer. Il se penche au dessus de moi, il me murmure quelque chose que je n'entends pas avant de me frapper si fort au visage que ma tête bascule sur le côté, ma vision devient floue, je vois ses pieds s'éloigner. La douleur irradie tout le haut de mon corps, que je m'évanouis.

Je sais l’heure à laquelle il finit. Je sais le temps qu’il met pour rentrer. Et là, clairement, y a un problème. D’habitude, je n’aurais pas fait attention parce qu’il a le droit de traîner avec ses collègues mais aujourd’hui, en partant, je lui ai dit de faire attention. Pourquoi j’ai dit ça ? Je ne lui dis jamais cette phrase. Plus les minutes passent, plus j’ai un mauvais pressentiment alors je ressors. Je prends la voiture de ma mère sans même lui poser la question et en me fichant bien des conséquences. Quand j’arrive devant son boulot, sa voiture est toujours là, c’est toujours allumé, mais y a plus personne. Mon cœur bat la chamade, j’ai l’impression que je vais vomir.

— AUSTIN ?

Je suis dans une semi-conscience et c'est la voix de Gabriel qui me ramène à moi. J'ai du sang dans la bouche, j'arrive à donner un coup de pied dans le container poubelle pour faire du bruit, mais dès que je bouge, la douleur dans mon épaule devient plus fort. Je la tiens en me tordant de douleur. Je vois Gabriel courir.

— Mon épaule, j'ai mal, mon épaule.

J’entends un bruit et je cours directement là. Quand je vois Austin étendu par terre, mon cœur se serre et je tremble de partout.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je suis là, attends.

Je retire ma veste pour la poser sur lui,

— J’appelle les pompiers, vaut mieux pas te bouger. Bordel de merde du saigne de partout au visage. T’as mal ailleurs qu’à lépaule ?

Je sors mon portable pour appeler les secours.

Il pose sa veste sur moi, je hoche la tête et je la secoue en même temps, j'ai mal au visage mais où exactement je n'arrive pas à savoir. Il appelle les pompiers, j'ai les dents serrées.

— C'était mon père, appelle- appelle tes parents, Darcy.

Quand il dit ça, la haine qui monte en moi n’a même pas de limite. Je crois que, de toute ma vie, je n’ai jamais ressenti une haine comme celle-ci. Je tremble et je n’arrive même plus à être rationnel. Quand j’entends les pompiers, je me lève tout de suite.

— Je reviens, ne bouge pas.

Je m’avance sur la rue pour indiquer notre position aux pompiers. Je leur explique, je leur indique à qui téléphoner et sans réfléchir, je pars.

Le trouver n’est pas difficile parce que cette grosse merde ne fréquente que les pubs miteux. Au bout du deuxième, je vois installer au bar, en train de se marrer avec d’autres ivrognes. Je traverse la salle et je l’attrape par le col pour le faire valdinguer en arrière. La suite, je ne m’en souviens même pas. Quand je reviens à moi, un mec est assis sur mon torse et je respire de manière complètement désordonnée. J’entends les flics. J’entends que ça parle. Mais je n’arrive pas à me recentrer pour réaliser ce qu’il s’est passé. Au fond de moi, je crois que j’espère que ce fils de pute est mort.

Gabriel s'éloigne, je n'ai pas le temps de comprendre ou de réaliser vraiment, que je suis entouré de pompiers et pris en charge. L'un d'entre eux me demande mon nom, mon âge. J'essaie de leur dire qu'il faut retrouver mon père, que j'ai peur qu'il s'en prenne à ma petite soeur. Je suis pris au sérieux, c'est eux qui appellent Madeleine et Paul parce que "ton ami nous a donné leur numéro de téléphone". Je ne comprends pas pourquoi Gabi est parti mais je m'inquiète pour Darcy. Je suis conduis à l'hopital. Je suis avec un médecin, mon bras est totalement immobilisé quand Madeleine et Paul arrivent, et surtout Darcy. Je me relève de la table d'observation mais je manque de tomber, c'est le médecin qui me rattrape.

— Doucement, ce sont les médicaments.

Madeleine se précipite sur lui pour l’aider à se réinstaller alors que Paul aide Darcy à grimper sur le lit – il n’y a que comme ça qu’Austin se calmera.

– La police le recherche, ils nous appellent quand ils en savent plus. Qu'est-ce qu’il s’est passé ? Tu sais où est Gabriel ? Il a pris ma voiture.

C'est une fois ma petite soeur blottie contre moi, que je relâche toute la pression et que je crois que je réalise réellement ce qu'il s'est passé. Je suis complètement déphasé. Je secoue la tête.

— Je sais pas, il m'a dit de pas bouger et il est parti. Il est où ? Où il est ?

Je panique quand je comprends.

— Il est parti le chercher, il faut le retrouver.

— Parti chercher qui ? Paul ? Appelle ton fils.
— Il ne répond pas, j’ai déjà essayé.

Madeleine rappelle immédiatement le commissariat et sort de la chambre pour n’inquiéter personne. Lorsqu’elle revient, le médecin est en train d’expliquer qu’Austin va être emmené pour faire plusieurs examens.

— Nous ne bougeons pas d’ici. Nous t’attendons.

. . .

Quand j’arrive dans la chambre, je suis directement menotté au lit et je trouve ça vraiment ridicule.

— Non mais putain j’vais pas partir ! Hey ! Mais faut m’enlever ça !
— T’es en garde à vue bonhomme.
— Mais ce connard a frappé son fils ! Il mérite que ça ! PUTAIN MAIS-
— Gabriel !!

Je réalise que mes parents sont là, Darcy aussi. J’ai tellement honte que je me tais immédiatement. Les flics s’entretiennent très rapidement avec mes parents parce que je suis majeur. Apparemment, je vais être ausculté avant qu’ils prennent la décision de me ramener au poste ou pas. Alors ils me conseillent d’avoir mal pour que je reste ici, même s’ils ne me démenotteront pas. C’est la première fois que les flics ne me traitent pas comme de la merde.

— Nous serons devant la porte.

J’ai à peine le temps d’échanger avec mes parents qui s´inquiètent de l’état de mon visage qu’Austin rentre dans la chambre. Je me redresse vite et si je veux le rejoindre, je suis rapidement arrêté par mon poignet accroché au lit.

— Rah, putain.. ! Ça va ? Qu’est-ce qu’ils ont dit ? Ça va ton épaule ?

Je commence à sentir les effets des médicaments, je crois que Paul et Madeleine ne savant que c'est mon père, je ne sais pas, Darcy est collé à moi mais un medecin m'emmène dans une autre pièce. Et quand il me dit que j'ai une déchirure de je ne sais pas quoi, je m'inquiète tout de suite.

— Et pour la natation ?
— Tu nages ?
— Je dois avoir une bourse pour l'université.
— On parlera de tout ça avec tes parents.

Il retire l'attelle que m'ont mis les pompiers, et on passe d'autres radios, je crois qu'heureusement que je suis sous l'effet des médicaments, sinon je pourrais m'évanouir, pourtant j'ai une forte résistance à la douleur. Après ça il me met un harnais, qui me prend les deux épaules, le haut du buste et qui immobilise entièrement mon bras gauche. Je reviens dans la chambre et quand je vois Gabriel le visage en sang, je me précipite vers lui, les écarquillés.

— Qu'est ce qu'il s'est passé ? Pourquoi t'es menotté ?

Je regarde tout le monde à toute vitesse.

— Mais l’autre connard il a dit qu’il portait plainte là.

J’ai déjà un casier, je sais ce qui me prend au nez. Pour l’instant, avec la haine et l’adrénaline, ça ne m’effraie pas. Je n’ai même pas encore mal.

— Je t’avais promis, Austin.

Et bordel, je l’ai pas raté. Lui aussi, il est menotté quelque part ici, mais j’ai vu sa tête et ça valait le détour. Il lui manque une dent devant.

Quand il me dit qu'il me l'avait promis, je comprends ce qu'il a fait. Mon sang ne fait qu'un tour et je sors dans le couloir en refermant la porte derrière moi, je tombe sur les policiers.

— Détachez le, il y a ma petite soeur de sept ans dans la pièce elle n'a pas à voir ça, il ne s'en ira pas, ses parents sont là aussi. Mon père m'a tabassé, il m'a seulement défendu et je veux porter plainte, contre mon père.

Le policier le regarde avec un air désolé.

— Nous avons également placé ton père en garde à vue. C’est la procédure, je suis désolé, bonhomme. Crois-moi, j’aimerais le détacher mais nous avons essayé tout à l’heure et nous l’avons regretté. S’il n’a rien, nous le ramenerons au poste.

Je les regarde désespéré.

— Mon père est ici ?

— Dans une autre chambre, oui. Il a besoin d'être hospitalisé.

— Je veux le voir. S'il vous plaît... J'ai besoin de lui parler.

— Tu me laisses t’accompagner ?
Il propose poliment.

Je hoche la tête, je crois que je n'aurais pas eu le courage d'y aller seul. Il m'accompagne et on arrive dans une chambre où mon père a été isolé. Personne ne s'est occupé de lui encore et j'ai un choc quand je vois son visage, Gabriel l'a presque défiguré et il lui manque une dent. J'ai la gorge serrée.

— Pourquoi tu as fait ça ?

Il lâche un rire gras en essuyant le sang qui coule de sa bouche.

— Tu crois que je vais te parler devant ce flic ?
— Ne porte pas plainte contre Gabriel.
— Ah oui et en quel honneur ?
— Si tu acceptes, je porterai pas plainte contre toi, il est mineur, lui il s'en sortira mais pas toi.
— Tu n'oseras pas porter plainte contre moi, je n'ai rien fait. Je ne sais même pas ce qu'il t'ait arrivé, j'étais au bar, là où plein de témoins pourront l'attester, tout comme ils ont vu Gabriel se jeter sur moi.

Il a un air tellement fier sur le visage, je crois que je n'ai jamais ressenti autant haine pour quelqu'un de toute ma vie. Je vois dans ses yeux qu'il ira jusqu'au bout, pour me faire du mal. Je quitte précipitamment la pièce, et ma tête tourne tellement que je m'assoie sur une chaise.

— Il va gagner ?

Je demande au policier, parce qu'il a raison, moi je n'ai aucune preuve que c'est lui qui m'a agressé et il le sait, alors que lui il a toutes les preuves dont il a besoin et je suis certain que des gens du bar mentiront pour lui et qu'il dira qu'il a jamais quitté l'établissement.

— Si tu portes plainte, ton père sera poursuivi. Il a un casier et il a agressé de nombreuses personnes. Il était en conditionnel. Il va aller en prison. Mais s’il maintient sa plainte, ton ami sera également jugé.

L'idée que Gabi puisse avoir des ennuis me tord le ventre.

— Est ce qu'on a une chance de le dissuader de porter plainte ? Qu'est ce que risque Gabriel ? Je veux pas qu'il aille en prison.

Je dis en me relevant.

— Je n’en sais rien... vu les circonstances, je suis sur que le procureur sera clément. On connaît bien ses parents ici... mais il a un casier et il est majeur maintenant. Je sais que c’est un bon ptit gars. Je pourrais peut-être demander à ce qu’il ait un bracelet électronique si jamais une peine était prononcée.

Quand il parle de bracelet électronique, ça veut dire qu'il risque la prison. Je crois que je vais m'évanouir.

— Vous pouvez me raccompagner à ma chambre s'il vous plait ?

Sur le chemin je croise Marie, avec Darcy, je comprends qu'elle est venue la récupérer. Je prends le temps de rassurer ma petite soeur. Quand je reviens dans la chambre, un médecin s'occupe de Gabriel, je crois qu'il est en train de lui recoudre l'arcade.

— Mon père veut porter plainte.

Je dis avec tellement de honte, que j'ai envie de disparaitre.