Back to you — Adam & Logan

La reprise du boulot s'est faite un mardi et, comme Moïra ne reprend pas encore le travail, elle tient à ce qu'on mange tous les midis ensemble – ses parents sont venus pour deux semaines. Autant dire que c'est l'Enfer et que j'en ai assez de jouer à la famille parfaite. Je crois que c'est pour ça qu'elle les a fait venir, d'ailleurs : elle sent que quelque chose ne va pas. Elle a eu le temps de s'en rendre compte, en trois semaines. Alors j'ai prévenu Adam de mon retour, mais je lui ai dit qu'on ne pourrait pas se voir avant le dimanche suivant. Presque un mois sans le voir, c'était à la limite du supportable. Mais, contrairement à d'habitude, nous n'avons pas arrêté de communiquer. Je l'ai même appelé à plusieurs reprises. Il m'a tellement manqué que nous n'avons pas parlé en se retrouvant ce soir. Pas tout de suite, en tout cas. Nous avons fait l'amour comme jamais auparavant et j'ai eu du mal à le lâcher après. Mais il fallait bien qu'on mange alors après s'être douchés, on est passé à table. Adam a cuisiné.

Je suis installé et j'attends qu'il m'apporte mon assiette ; j'ai hâte de savoir ce qu'on va manger.

— T'es sûr que tu n'as pas besoin d'aide ?


@Adam Saint-Clair

Un mois sans voir Logan, ça a été très difficile. Encore plus alors que c'est arrivé après qu'il m'ai dit qu'il allait parler à sa femme et que finalement, il a été collé avec elle pendant tant de temps.

J'ai eu pas mal de temps pour cogiter et me faire du mal, évidemment. Je ne compte pas le nombre de soir où je me suis endormi en me disant qu'un enfant était peut être en train d'etre conçu à des kilomètres de moi. Je n'aurais jamais cru qu'être amoureux pourrait parfois faire mal, et pourtant.

Heureusement, contrairement aux autre fois, j'ai pu lui parler au téléphone et avoir des réponses à mes SMS et ça m'a aidé à me souvenir que je n'étais pas vraiment seul.

— Reste assis ! L'homme au foyer de cet appartement arrive !

Je rigole, parce qu'il est incapable de me laisser faire sans participer, alors que je viens de lui faire à manger avec ce que j'ai trouvé au magasin à la va vite. Il n'y avait vraiment plus rien ici.

— Monsieur Wheeler, votre plat.

Un sourire aux lèvres, je dépose une assiette de riz mexicain fait maison devant lui et je salive par avance de savoir que moi aussi je m'apprête à manger ça.

Il pose enfin l'assiette devant moi et je réclame un baiser avant de le laisser s'asseoir.

— La vache, ça sent vraiment bon. Merci, chaton.

— De rien poussin.

Je le taquine en prenant place face à lui et je n'attends même pas une seconde pour manger. J'ai faim. Très faim.

— Bon alors... T'as quoi à raconter après tout ce temps loin de moi ?

Je souris, mais en vérité, il m'a tellement manqué que j'aurais bien mangé collé à lui.

Je commence à manger et, en plus de sentir bon, c'est excellent. Ou alors c'est parce qu'il m'a manqué à ce point-là ? Un peu des deux, sans doute. Je n'arrête pas de le bouffer des yeux.

— Eh bien... Olivia commence à s'intéresser au pot.

Je dis en riant un peu.

— Grosse folie. Et.. tes examens ? T'as eu les résultats alors ? T'attendais encore la dernière fois.

— Je les aient eu la semaine dernière !!! Mais attends, je t'ai pas envoyé de message ?

Je réfléchis deux minutes et je me rends compte que non, parce que j'étais avec Gabriel quand on a été les chercher et que j'y ai plus pensé après. J'avais d'autres choses à lui dire, que ça.

— J'ai ma licence de littérature avec mention Logan ! J'ai un dossier en béton qui commence pour mon Master ! J'ai un prof qui m'a demandé pourquoi j'allais pas le faire à Londres, parce que le niveau était encore meilleur et qu'avec mes notes finales, ce ne serait pas dur d'intégrer une bonne école. Mais j'aime bien être à White Falls, je me voyais pas aller vivre là bas.

Et être loin de ma famille, et loin de lui...

— Félicitations, c'est vraiment génial. Tu peux être fier de toi.

Parce que, moi, je le suis à deux milles pour cent. Il n'a pas idée à quel point le voir rayonner comme ça me rend heureux.

— C'est pas loin du tout, Londres. C'est à peine trois quart d'heure en train pour s'y rendre alors... tu pourrais rentrer chez toi tous les jours. Alors penses-y quand même, ok ? Parce que si c'est important pour ton dossier et pour ton avenir, c'est important pour moi aussi.

Je lui dis très sérieusement.

— Même si ça m'arrangerait que tu restes dans le coin parce que c'est plus simple de te voir le midi de temps en temps. Mais... enfin, renseigne-toi, d'accord ? Sur les emplois du temps, sur les programmes. Si ça se trouve, tu n'aurais que trois jours de cours.

Car il me semble qu'en master le travail personnel est le plus important. Parfois, les cours magistraux se retrouvent sur le site de la fac.

— Je dois aller à Londres cette semaine, je pourrais même t'y accompagner, si tu en as envie.

— T'as parlé à Moïra ?

Je sais que la question tombe comme un cheveux sur la soupe, mais elle est bien plus pertinente qu'elle n'y paraît.

J'ai déjà regardé les jours de cours de l'école dont mon prof m'a parlé : lundi, mardi et mercredi. Les jeudi et vendredi sont attribués aux élèves étrangers. Alors je n'ai pas eu bien longtemps à réfléchir. Avoir cours le lundi, c'est me priver du seul jour de la semaine où je peux le voir, tout comme de notre dimanche soir. Et sauf s'il m'annonce qu'il a parlé avec sa femme, il est hors de question que j'aille là-bas.

J’ai l’impression qu’il n’écoute même pas ce que je dis et je soupire non sans masquer une lassitude. J’ai l’impression qu’il n’a plus que cette question à la bouche.

— J’étais en vacances chez ses parents alors non, je ne lui en ai pas parlé.

C'est bizarre comme je ne suis pas étonné. Peut-être que j'avais un infime espoir d'entendre un oui sortir de sa bouche, mais à quoi bon.

— Tu comptes le faire avant septembre ?

— J’en sais rien, Adam. Ses parents sont là pour deux semaines, j’veux qu’il pas qu’elle profite de leur présence pour partir....

— Pour partir où ?

Je ne vois pas ce que ses beaux parents viennent faire dans l'équation et je suis déstabilisé, je crois.

— Partir en Écosse. Avec ma fille. T’as déjà pensé aux conséquences que ça aurait sur moi de lui parler ou pas du tout ? T’as compris que j’allais perdre ma maison, ma fille, que j’allais devoir lui verser une pension et, comme je gagne bien ma vie, pas n’importe quelle pension... J’sais pas si tu réalises, en fait, mais moi j’ai vu un avocat.

Je soupire, parce que je sais tout ça. Je sais bien qu'il va perdre énormément de choses et que ça pourrait le rendre bien plus malheureux qu'il ne l'est déjà en restant avec Moïra, mais ca n'empêche rien. Ça n'empêche que c'est moi qui reste de côté et qui suis là, au loin, à le regarder vivre sa vie avec sa famille parfaite. J'ai le droit de m'interroger.

— Je réalise oui, parce que tu me l'as déjà dit ! Sauf qu'à ce moment là, fallait pas venir me dire que t'allais lui parler ! C'est toi qui l'a dit Logan, je t'ai pas forcé la main ok ?

On n'y est même pas et finalement, j'ai déjà l'impression que tout ce qui se joue est entièrement ma faute.

— Pour ta gouverne, je refuse d'aller à Londres parce que les cours obligatoires sont du lundi au mercredi. Et que n'ayant pas parlé à ta femme, on va continuer de se voir ici pendant encore supposément longtemps et que je suis pas prêt à sacrifier ça ! Je te le reproche pas, c'est ma décision et tu me feras pas changer d'avis. Simplement, c'est pas aussi important que ce que toi tu risques de perdre, mais à mon échelle, moi aussi je fais des sacrifices parce que je tiens à toi.

— Parce que moi je ne fais pas de sacrifices ? C’est ça que t’es en train de me dire ?

Je crois halluciner et, pourtant, c’est bien réel.

— Si tu veux aller à Londres, tu y vas, ok ? On pourra s’organiser pour se voir un autre jour. Mais ne commence pas à me dire que je ne fais pas d’efforts ou je sais pas trop ce que tu insinues parce que c’est pas le cas. Putain, mais ça fait cinq semaines que je suis avec mes beaux-parents ! Merde quoi, je parle de ça à table, c’est ça ? Moïra sait que quelque chose ne va pas, elle évite les conversations.

— Arrête de monter sur tes grands chevaux parce que c'est pas ça que je dis !

Je me lève de table, agacé.

— Ce que je dis, c'est que moi j'ai décidé de ne pas aller à Londres parce que je veux continuer de te voir sans tout chambouler. Parce que je sais que ce serait compliqué pour toi de devoir faire genre que finalement, ton boulot, c'est le jeudi ou j'sais pas quoi ! Alors oui, je te demande si t'as parlé à Moïra parce que malgré ta fierté de mes notes, j'irais pas dans cette école si ça doit nous coûter à tous les deux ! Tu le feras pas avant la rentrée ? Très bien, soit. Mais du coup, j'irais pas là bas donc y'a pas de réflexion à avoir la dessus. On peut clore le sujet.

— Si tu vas pas dans cette école, on ne va plus se voir du tout, t’as compris ? Tu vas pas te brader juste parce que t’as décidé qu’on changerait rien du tout.

— Tu me fais du chantage affectif là ? Si je vais pas dans cette école, on arrête de se voir ? C'est ça que tu veux ?

Je ne suis pas sûr de tout saisir.

— À parce que c’est pas ça que tu faisais ? Si tu dis pas à ta femme que tu la quittes je vais pas dans cette école ?

— Non.

Ça sort du cœur, parce que c'est la vérité. En bon naïf que je suis, je ne me suis pas dit un seul instant que ça pourrait passer comme tel à ses yeux.

— Je veux juste pas ne plus te voir...

— Et je te donne une solution pour qu’on continue de se voir et que tu ailles quand même à Londres si c’est mieux pour toi. Alors c’est quoi le problème ?

Je soupire fortement.

— Je vais lui parler. Mais là, y a ses parents.

Je me lève de table parce que je n’ai plus faim.

— Je vais aller courir.

On ne s’est pas vus depuis un mois et c’est comme ça qu’on se retrouve. J’en ai carrément mal au ventre. Sans lui laisser le choix, je vais enfiler mes baskets pour pouvoir sortir.

— Donc c'est ça ta réponse ? On est en désaccord et tu pars ?

Je soupire, parce qu'on s'est pas vu depuis un mois et même comme ça il en arrive à plus vouloir voir ma gueule.

— Tu repasses par là après au moins ou j'ai plus qu'à rentrer comme un con moi aussi ?

— Tu me fais chier. Tu préfères entendre ça ? Tu préfères entendre que tu me casses les couilles alors qu’on vient tout juste de se retrouver ? Putain mais ça fait un mois qu’on s’est pas vu, tu m’as manqué, et t’as que cette question là à la bouche. Bien sûr que je t’ai dit que j’allais le faire et j’aurais pas dû, putain. J’aurais pas dû parce que j’aurais pu le faire dès que j’aurais eu l’occasion. Là, ça m’emmerde, j’y pense tout le temps parce que tu me fous la pression et ça me fait chier.

Je soupire.

— C’est bon, j’peux aller me calmer tout seul avant de rentrer ou t’as autre chose à demander ?

Je lui demanderais bien combien de fois par mois il couche avec elle, mais je suis pas sûr d'apprécier la réponse alors je me tais. Il est jaloux parce qu'un type me drague en soirée et moi, je suis censé fermer ma gueule parce que ça me dérange qu'il soit toujours avec sa femme des mois après qu'on ai commencé à se fréquenter.

— Je t'embeterais plus avec ça, c'est bon. Va te calmer, je t'en pris.

— Merci.

Je marmonne avant de partir rapidement. Je cours une demi-heure, peut-être une heure. Je cours et ça me fait beaucoup de bien. J'ai le temps de me calmer et d'y voir plus clair. Quand je rentre, il est dans le canapé et je l'y rejoins immédiatement.

— Je vais lui parler, d'accord ? T'as ma parole. Je vais le faire avant la rentrée. Mais s'il te plaît, inscris-toi dans cette fac si jamais c'est mieux pour toi.