Réunion de famille - Adam & Gabriel & Marie.

— C’est normal, t’étais amoureux.. tu vas finir par mettre cette histoire de côté.

Je dis pour le rassurer.

— Pourquoi le soir ? Le soir y a du monde. Reste chez toi le soir, dors avec ton amoureux. Puis toute la journée, viens. Tu m’aideras dans mes devoirs et puis je serai pas tout seul, non ?

— J'espère...

J'aimerais pouvoir vivre ma vie sans cet arrière goût de peine, de trahison, mais aussi d'amour, qui revient chaque fois que quelque chose me fait penser à Logan.

— Je sais pas, je trouvais ça plus sympa de venir en profiter pour partager le repas avec vous. Comme d'habitude !

J'ai du mal à dire ''Comme avant'' parce que malgré ma joie, je ne réalise pas entièrement que je vais quitter mon cocon.

— Tu me diras s'il y a un aprèm ou Austin finit plus tôt ! Comme ça je viendrais pas ce jour là, mais l'autre ! je dis en rigolant. J'ai des trucs à te proposer pour t'occuper en plus !

— Oh bah tu peux rester dîner ! Mais ce serait con de dormir tout seul dans ton lit alors que tu peux être avec Max, non ?

Je veux qu’il comprenne que j’accepte qu’il déménage. Je vais m’y faire. Même un après-midi par semaine ça me fait plaisir qu’il pense à moi comme ça.

— Je te dirai, oui. C’est quoi les trucs ?

— C'est pas faux, ce sera plus chaud dans notre lit que tout seul au fond de mes draps.

Ça me touche qu'il me pousse ainsi à rester dans mon nouveau chez moi, comme s'il acceptait doucement les choses et surtout, comme s'il comprenait enfin que je ne vais pas l'abandonner.

— Tu te fous de ma gueule, je te pète l'autre poignet !

Je rigole, et je lui parle rapidement de l'idée d'association que j'ai eu. Maman est déjà au courant, elle m'a déjà aidé à plancher sur certains points, mais je n'oublie pas l'idée de Logan de m'aider de mon frère et l'organisme humanitaire avec lequel il est parti. Finalement, depuis qu'on n'est plus ensemble, c'est la première fois que j'en reparle sans avoir le ventre serré. Je dois avancer.

— Je te demande pas de t'investir autant que moi, même si je t'imagines très bien faire la lecture à des gamins, mais si tu pouvais m'aider à me lier avec quelques contacts à toi, pour peut être amener à un partenariat ou quelque chose du genre... T'as le droit de dire non évidemment ! Ou même de trouver ça stupide, je ris. Juste, pas de foutage de gueule.

Il m’explique son projet d’association et ça me plait tout de suite parce que je sais qu’une école aura toujours besoin de livres.

— Tu parles bien espagnol toi ? Mais ouais, j’peux bien te mettre en contact, ils ne seraient pas contre des collectes de bouquins et de livres scolaires. Puis comme ils me connaissent ils auront confiance.

— Je me démerde. Je comprends et je peux me faire comprendre, mais je suis pas presque bilingue comme toi. J'ai suivi les cours, c'est tout, j'ai pas vécu avec des colombiens ! Même pour ça j'aurais bien besoin de toi.

J'ai envie de continuer de m'investir dans ce projet, même s'il y a l'église, même si on est fiancé, même si on pense déjà à des enfants, même si je n'ai pas encore repris les cours. Je veux pouvoir faire ça et me dire que je me suis donné tous les moyens.

— Je vais bien t'occuper quelques heures par mois avec ça déjà ! Je suis pas un grand frere génial ?

— Presque bilingue.

Je dis en pouffant de rire.

— J'suis capable de m'embrouiller en espagnol alors crois-moi, j'suis bilingue va. Jaloux.

Mais je dois bien reconnaître que cette idée d'association est excellente parce que, même pour ma demande au juge, ça jouera peut-être en ma faveur aussi. J'ai vraiment envie de réussir pour une fois, dans au moins quelque chose. Austin il partira, je le sais, et comme je ne me marierai pas et que je n'aurais pas d'enfant, j'espère au moins avoir un métier qui me plaît.

Je lève les yeux au ciel en riant. Il est bilingue, c'est pas donné à tout le monde, et il arrive même pas à voir un avantage à cela ! Ça pourrait lui ouvrir encore tellement de portes.

— La jalousie me dévore, j'avoue tout. C'est pour ça que je te prends comme subordonné, de toutes façons !

Je m'assoie dans l'herbe, au soleil, les yeux rivés sur cette fontaine qui coule de nouveau.

— Je peux te poser une question conne ?

Il me regarde, dubitatif, mais acquiesce.

— Je sais que c'est pas demain, mais tu crois que ce sera quoi la première chose que tu feras quand tu pourras quitter cette maison à nouveau ?

Je lève les yeux au ciel. Il est débile quand il s’y met. Mais je vois bien qu’au fond il est fier alors ça me rend fier moi aussi. Je bug carrément quand il me demande la première chose que je ferai en sortant parce que j’y ai pas vraiment pensé.

— J’irais à l’église. Ensuite je viendrais visiter ta maison et j’irai au restaurant et au cinéma avec Austin.

— Et ça se fout de ma gueule parce que je suis niais et romantique ?

Je rigole avec tendresse, parce que c'est un vrai Bisounours, au fond.

— Max m'a donné une idée tout à l'heure ! T'en dirais quoi de le visiter d'ici mon chez moi ? En Facetime ? T'auras un peu l'impression d'être avec moi là bas comme ça !

— Je suis attentionné, pas niais. C’est différent.

Je lui souris parce que ça me touche qu’il me propose ça. J’aurais même aimé pouvoir manger avec eux par écran interposé, au fond.

— Oui, j’aimerais bien.

— La différence est mince. Un Instant t'es attentionné, la seconde d'après tu te retrouves romantique à souhait et fiancé sans même l'avoir vu venir.

Je souris, heureux que tout aille bien dans ma vie. Ou presque. J'aimerais que Gabriel ne soit pas enfermé ici, mais c'est tellement mieux que s'il avait été en prison que je ne peux que me réjouir.

— Alors on fera ça ! Et puis on pourra le faire régulièrement. Genre... Pour mon premier jour de cours ! Ou pour tes devoirs parfois !

— Oui ! De toute façon, je me lèverai en même temps qu’Austin pour ne pas être décallé alors j’aurais plein de temps. Je vais essayer de m’occuper. Mais c’est vrai que ça me fait du bien de vous voir et de voir autre chose.

Même si je rale, je reconnais que je suis content qu’ils soient là.

Ça me rassure de voir qu'il arrive à penser ainsi. Quatre mois ça va être long, mais on va tous être là pour lui. Austin encore plus que nous tous, je suppose. Et ça aussi, ça me rassure. Mon petit frère n'est plus tout seul.

— Si t'as besoin de quoique ce soit, même quand je serai à Londres, tu appelles hein ? Tu restes pas à ruminer tout seul si t'as un truc, hein.

J'entends du remue ménage dans la maison au loin et je comprends que papa et maman sont rentrés. Je rigole, parce que j'imagine déjà ma mère paniquer pour son dessert et j'en profite pour regarder si j'ai des nouvelles de Max. C'est presque s'il est en train de me manquer, ça devient grave, je crois.

Je hoche la tête, même si je sais que j'aurais toujours du mal à demander parce que ce n'est pas encore naturel. Parfois, j'étouffe quand tout le monde s'occupe soudainement de moi.

— Tu veux rentrer ?

Je vois qu'il regarde son téléphone, certainement que Max lui manque déjà.

— Il arrive bientôt ?
— Les garçons ? Venez m'aider !

Je ris en entendant la voix de maman. Elle nous supplie presque alors qu'une fois dans la cuisine, elle voudra tout faire toute seule. Enfin, avec Adam. Moi, je risque de faire exploser le four, de les faire trébucher sans faire exprès ou bien de jeter un truc sur mon frère.