I miss you more than I can bear — Austin & Jenny

Il est trois heures du matin quand j’arrive dans le café. Je suis aidée d’un gars que je connais pas parce que je marche pas très droit : il m’a trouvé sur le trottoir en train de vomir. Je ne me sens vraiment pas bien, mais c’est vrai que j’arrive pas vraiment à me détacher de lui.

— Un vodka orange pour la jeune fille !

Il m’installe sur un fauteuil et le serveur hésite sans doute à nous faire sortir. Mais j’crois que je suis la seule personne un peu bourrée de nous deux.

— J’vais prendre un whisky sans glace.

J’ai pas envie de boire de la vodka, j’ai même pas envie de rester là alors j’essaie de me lever mais il m’attrape à la taille et m’assoit de force sur ses genoux.

— Attends un peu ma belle, tu vas où ?!
— Chez moi, je dois rentrer...
— Déjà ? J’peux te raccompagner si tu veux...

Il glisse sa main sur ma cuisse et j’ai beau le repousser, il n’en a rien à foutre.

Je suis encore ici, c'est stupide, je sais qu'il ne viendra pas. Je devrais accepté qu'il m'ait rayé de sa vie, mais je ne peux pas car j'ai vu dans ses yeux que ce n'était pas le cas. Même s'il n'en a pas encore conscience. Je fixe mon café noir sans y toucher. J'entends qu'il y a un peu d'agitation, je relève la tête. Je fronce les sourcils. Jenny ? Je me lève sans réfléchir et je l'attrape par la main, le regard noir.

— Elle t'a dit qu'elle devait rentrer.

Je la relève, elle tient à peine debout.

— T'es qui toi ?

Je ne prends même pas la peine de lui répondre, j'entraine Jenny à l'extérieur, en la soutenant pour marcher.

Quand Austin prend ma main, je sais que j’hallucine. J’ai complètement perdu les pédales parce que c’est pas possible qu’il soit là. Mais tant pis si j’ai l’air d’une folle, je le suis sans hésiter.

Je m’accroche à lui une fois dehors et c’est pas parce que j’ai du mal à marcher avec ces hauts talons, c’est parce que j’ai peur qu’il disparaisse à nouveau. J’ai pas envie de le lâcher.

— C’est vraiment toi ?

Il a maigri, il a les cheveux long. Mais sa voix, son odeur, sa poigne... tout est pareil. Une hallucination ne peut pas sembler aussi réelle, pas vrai ?

Elle se raccroche à moi, je ne l'ai jamais vu ivre. Jamais et quand je pense à ce mec, à ses mains qui se promenaient sur elle... je serre les dents.

— Tu as une voiture ?

Je hoche la tête.

— Oui, j’en ai une. Mais j’crois qu’elle est garé devant mon immeuble. T’en as besoin ? J’peux te la prêter si t’as pas trop bu.

— Non, je n'ai pas bu, c'est pour te raccompagner. Il est où ton immeuble ?

— À North Falls. Je suis venue avec une fille tout à l’heure... je crois qu’elle est toujours en boîte. J’habite juste à côté de la clinique vétérinaire.

J’ai un peu de mal à articuler mais je crois que c’est compréhensible.

Elle habite plus près que le motel où je suis. On prend la direction de la clinique vétérinaire. Je la soutiens pour marcher, elle a du vomis sur sa robe et dans ses cheveux. Elle est vraiment dans un état pitoyable, elle qui ne buvait jamais avant. Quand on arrive elle me donne ses clefs, je ne fais pas attention à l'appartement, je la pose sur le canapé.

— Je vais te faire couler une douche.

Il est à peine parti que je me mets à pleurer tellement j’ai honte. Honte de ce qu’il se passe, honte mon état. Jamais j’aurais pensé le revoir et maintenant qu’il est là, je suis dans un état pitoyable.

Une fois dans la salle de bain, j'allume l'eau pour qu'elle ait le temps de chauffer. Quand je reviens, elle pleure. Même si je lui en ai longtemps voulu pour ce soir-là dans ce club, les années ont passées, c'est derrière nous maintenant. Ça me fait de la peine de la voir comme ça. Je m'accroupis devant elle pour être à sa hauteur, elle a les cheveux toujours aussi longs.

— Hey...

Je les retire de devant ses yeux.

— Viens, prendre une douche te fera du bien.

— Désolée. Je sais pas de quoi j’ai l’air.

Mais j’acquiesce et je le suis jusque dans ma salle de bain. Même l’endroit où je vis est minable. Ma vie a tellement changé.

Je l'aide à se déshabiller, elle s'installe dans la douche assise, je frotte doucement son dos.

— Tu es revenue vivre ici.

Qu'est-ce qu'il s'est passé pour qu'elle soit ici, et dans cet état. C'est tout l'opposé de la Jenny que j'ai toujours connu.

Je suis rassurée qu’il me vienne en aide parce que je me serais certainement vomi dessus et endormie par terre.

— Ouais... l’école ça n’a pas fonctionné et... quand j’ai su que t’avais disparu, je sais pas... je me suis dit que je pourrais aider. Et je suis restée là.

J'ai du mal à croire que l'école n'ait pas fonctionné pour elle, c'était une excellente danseuse. Pas parce que j'étais amoureux d'elle, mais en toute objectivité, en trois ans de relations, j'ai vu énormément de balaie, de spectacle, de concours, et elle avait quelque chose en plus, un vrai don.

— Tu n'aurais pas pu m'aider.

Je murmure avant de couper l'eau et de l'enrouler dans la serviette que je trouve. Je l'aide à se relever et la soulève pour la porter jusqu'à son lit.

— Je n’ai pu aider personne.

Même pas moi-même.

— Je suis désolée pour ta sœur. Je n’imagine pas ce que tu dois ressentir. J’ai... je crois que j’aurais aimé être là pour toi. Masi tu es là maintenant et t’imagines pas à quel point je suis heureuse de te voir... t’as pas beaucoup changé. Enfin... les cheveux surtout. Mais ça te va bien.

Quand elle parle de Darcy, je me détourne, quelque chose se serre en moi. J'attrape le plaid que je vois sur le canapé, et le rajoute sur la couverture, avant de m'assoir au bord du lit. Quand elle en parle, dans un reflex je touche mes cheveux, ça fait longtemps que je ne suis pas regarder dans un miroir, pas réellement.

— Et tes parents ?

Elle était tellement proche d'eux, surtout de son père, que je ne les imagine pas la laisser vivre dans un studio comme celui-là.

Je baisse la tête et les larmes me viennent instantanément.

— Mon père a eu un cancer. Il est décédé y a deux ans. Et... ma mère, je ne lui ai pas parlé depuis. On s’est disputées. Elle m’a dit des choses assez dures et... voilà.

J’essuie mes yeux.

Dès l'instant où ses yeux se remplissent de larmes, je comprends. Elle était aussi proche de son père que moi je pouvais l'être de ma soeur. Instinctivement, comme si c'était naturel, je m'approche et je la prends dans mes bras. Je caresse ses cheveux.

— Je suis désolé.

Pas pour son père, tout comme je ne supportais pas d'entendre ces mots pour moi. Mais je suis désolé qu'elle ait dû traverser ça toute seule.

Lorsqu’il me prend dans ses bras, j’éclate vraiment en sanglots. Je crois que je retiens tout ça depuis tellement longtemps que ça me fait du bien. Je sais qu’il ne me jugera pas, je sais qu’il sera simplement là le temps que j’en ai besoin. Je me raccroche à luivraiment fort avant de me calmer un peu.

— Désolée. Je suis fatiguée, j’ai pas dormi depuis deux jours. Je voulais pas que nos retrouvailles resseblent à ça. Je me sens vraiment nulle.

Je ressens toute sa peine et sa douleur, j'ai l'impression qu'elle la laisse enfin sortir. Si elle est fâchée avec sa mère, est-ce qu'elle a eu d'autres bras dans lesquels pleurer depuis deux ans ?

— Ne t'excuse pas.

Quand elle se calme un peu, je me recule car je ne suis plus habitué à ce genre de contact. Je ne pensais pas la revoir un jour. Je réalise que je n'ai pas pensé à elle pendant ses trois dernières années, à personne à réalité.

— Je vais y aller, tu as besoin de te reposer.

— Tu t’en vas déjà... ?

Je demande d’une petite voix.

— Tu vas encore disparaître ? Où est-ce que tu vis...?

— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de rester.

Je la regarde, j'hésite à lui répondre, mais je réalise que ce serait trop méchant et qu'elle ne mérite pas ça.

— Je ne repars pas, je suis dans un motel.

— Dans un motel ? Celui à la limite de la ville ? Ça craint là-bas.

Je baisse la tête. J’hésite un peu mais je me dis que c’est peut-être la dernière fois que je le vois alors...

— Bah... tu sais, j’ai un canapé ici. Ça te reviendrait moins cher...

— Merci.

Mais je ne suis pas prêt pour ça. Je la regarde, et des images passent dans mon esprit. Je la revois jouer avec Darcy, lui lire une histoire sur son lit dans sa chambre chez ses parents, ou cuisiner avec elle. C'est trop difficile. Je récupère un sac et je m'en vais.