Perdu. — Austin & Jenny #1

Jeudi soir. 23H. Comme toujours, les parents de Jenny ne sont pas là, son père reste en France pour le week-end et sa mère l'y a rejoint. On est en train de faire l'amour, ou plutôt on essaie. Je n'y arrive pas, allongé au dessus d'elle, je n'arrive pas à me concentrer. Je me retire d'elle et me laisse retomber à ses côtés en remontant la couette sur nous.

— Je suis désolé.

Elle sait ce qu'il ne va pas, à savoir que Gabriel m'évite totalement depuis une semaine. Il ne répond ni à mes appels, ni à mes sms et le peu de fois où l'on s'est croisé chez lui, il a fait en sorte qu'on soit jamais seuls. Et ça me mine.

Je la serre contre moi et replace tendrement une mèche de cheveux derrière son oreille.

— Je ne comprends pas ce qu'il a, je me sens impuissant et je déteste ça.

— Je sais pas.

Je soupire.

— Il m'a toujours parlé de ses conneries, c'est la première fois qu'il ne me dit rien. Je le connais depuis toujours et ça nous est déjà arrivé de nous engueuler mais là, il n'y a même pas eu de disputes. Rien.

— Non, bien sûr que non bébé.

Même si je ne peux pas m'empêcher de revoir sa réaction quand on était dans son hall d'entrer. J'ai toujours senti une animosité entre eux même si je préférais me voiler la face. Mais de là à ce qu'il m'ignore comme ça, non.

— T’es sûr ? J’crois qu’il m’aime pas. Peut-être qu’il est jaloux ? On passe beaucoup de temps ensemble en ce moment.

— Tu crois ?

Je demande en fronçant les sourcils, avant de secouer la tête.

— Non, avant qu'il s'éloigne on se voyait autant qu'avant. Ce n'est pas ça. Même Madeleine est plus compréhensive avec lui en ce moment et ça me fait peur.

— Peut-être qu’il a fait une mauvaise rencontre... tu sais ? Peut-être qu’il sort avec quelqu’un de mauvais...

— Tu crois ?

Je réalise que c'est tout à fait possible, et que je n'avais pas pensé à ça. Mais pourtant ses Snap de la nuit qu'il a passé avec Polly sont très clairs. Je secoue la tête.

— Non, c'est pas ça.

Je la blottie contre moi.

— J'ai plus envie d'en parler.

Car je réalise que ça fait mal.

Ça me peine qu'il se ferme comme ça parce que j'ai souvent l'impression d'être un dommage collatéral dans sa relation avec Gabriel. C'est toujours moi qui subit les conséquences des humeurs de son meilleur ami et c'est très pénible à la longue. Je suis souvent relayée au second plan. D'ordinaire, ça ne me gêne pas, mais en ce moment, c'est vraiment difficile.

— Vous faites Noël avec nous alors ? Darcy et toi.

Il connaît déjà ma famille et j'espère vraiment qu'il acceptera cette année.

— Jen...

Je soupire doucement. On en a déjà parlé, elle sait que si c'est possible, on le fait avec ma mère, sinon avec les Saint-Clair, mais que dans tous les cas on assiste à la messe de minuit avec eux.

— Et ton père ne m'apprécie pas en plus, tu le sais.

Elle quitte le lit pour aller mettre son pyjama.

— Je n'arrive pas à oublier ce qu'il a dit.

C'était au tout début de notre relation, quand il est rentré on regardait un film Jenny et moi dans le salon, il m'a rapidement congédié. J'ai escalader la fenêtre de Jenny, ils se criaient dessus dans sa chambre, ils ne m'ont pas vu mais j'ai tout entendu. "Je refuse que tu fréquentes ce bon à rien, sa mère est une prostituée, alcoolique et droguée !" C'était des mots durs à entendre, Jenny le sait. Et peut être que finalement elle a raison, c'est moi qui n'accepte pas son père.

— Bien sûr.

Je réponds sans la moindre hésitation. J'enfile mon boxer et me relève pour m'approcher d'elle.

— Je t'aime toujours autant. Toi, Gabriel et les Saint-Clair vous êtes tout ce que j'ai, tu le sais.

Avec ma soeur bien sûr mais ça je n'ai pas besoin de le préciser, c'est évident.

— Je serais perdu sans toi Jen.

Elle se blottit contre moi. Je l'embrasse tendrement.

— Tu sais de quoi j'ai envie maintenant, là tout de suite ?

Je demande avec un petit sourire.

— D'un énorme milkshake à la vanille avec une cerise dessus.

Son préféré, dans le diner de la ville, c'est là où je l'ai emmené à notre premier rendez-vous.

Rien que le fait de la voir sourire, me fait sourire moi aussi.

— On est jeunes, c'est maintenant qu'on doit être irresponsables.

Je réponds taquin. On s'habille, et une vingtaine de minutes plus tard on se retrouve dans sa voiture. Il me tarde de pouvoir m'en payer une aussi, même si mes économies commencent sérieusement à diminuer depuis que maman ne travaille plus.

On s'installe à une table en retrait, on prend un milkshake chacun, c'est plutôt rare, d'habitude on partage car on fait attention à notre apport de sucre. Mais pas ce soir. Je ne peux pas m'empêcher de rire en pensant à ça.