Summer lovers — Will & Jude

Je pars toujours du principe qu'il faut vivre les choses à deux cents pour cent, mille même. On agit et on réfléchit ensuite. On fait ce qu'on veut et on se demande plus tard si c'est une bonne idée. Pas de regret, jamais. Je suis un grand partisan du One Life et c'est ce qui m'a amené à passer l'été à l'autre bout du monde, en Australie, avec zéro thune et zéro fringue. C'est parti d'un pari qui a évolué en défi avec une sur enchère assez exceptionnelle et qui m'a conduit ici.

J'ai rencontré des gens sympa, j'ai participé à toutes les soirées possible et inimaginable, du coup... j'ai jamais eu besoin de payer de logement parce que je dormais toute la journée sur la plage après avoir passer la nuit à boire et à manger. J'ai emprunté des fringues à droite et à gauche et ça fait au moins quinze jours que j'ai pas été sobre. Mais c'est cool parce que c'est ce dont j'avais besoin. Enfin, j'crois...

Parce que le One Life c'est bien, mais y a toujours un moment où on est rattrapé par un truc pas One Life du tout : un message inquiet de la part des parents, un rappel de facture impayée, mon patron qui se demande s'il doit donner mon poste à quelqu'un d'autre...

Du coup, j'ai entamé une phase du One Life qui s'appelle "revenir à la réalité" et je bosse comme un con en tant que serveur dans un restau spécialiste du brunch. J'ai fait des essais dans un salon de tatouage et peut-être qu'en cumulant deux boulots, je pourrais me payer un billet pour rentrer en Angleterre rapidement. Je squatte illégalement dans une baraque énorme où ils sont au moins quatorze à être en colocation, y a des soirées tous les jours alors personne ne me demande de loyer parce que personne ne sait que je me serre dans leur fringue, que je me douche et que je mange à l'oeil tous les jours. Je crois qu'ils s'en foutent parce que j'ai emprunté une planche de surf plusieurs jours d'affilés et personne n'a remarqué.

Bref, là où je veux en venir, c'est que maintenant que je bosse, je bois un peu moins. Et comme je bois un peu moins, j'ai quand même l'impression de voir un peu plus ce qu'il se passe autour de moi.

C'est comme ça que je l'ai vu, la première fois. Il était assis à une table, tout seul, à fixer le vide. C'est pas tellement qu'il soit seul qui m'a frappé, c'est plutôt son regard perdu. Il avait l'air triste, sans pour autant l'être vraiment. Peut-être que c'était simplement de la nostalgie ? J'en sais rien. La première fois que je l'ai vu, il est resté une heure. Le lendemain, il est resté trois heures. Puis le surlendemain, il est resté toute la matinée.

— Et pourquoi t'irais pas le voir, Mason ? Dix balles que t'arrives pas à chopper son numéro.
— Cent et je te le ramène en une demi-heure ?
— Ok.

C'est comme ça que ça a commencé. Moi j'ai pas du tout chercher à jouer au con, j'suis pas gay mais ce gars a un truc attirant que je ne saurais pas expliquer. Puis ici, qu'est-ce que j'en ai à foutre de ce qu'on peut penser de moi ? J'connais personne. J'ai besoin d'argent et j'ai eu 100$ en très peu de temps.

J'voulais rien en faire de son numéro, c'était juste comme ça. Mais quand il est revenu le lendemain, toujours pour manger la même chose et fixer le vide, sans me demander pourquoi je n'avais pas envoyer de message, j'ai eu envie de savoir pourquoi. On a commencé à échanger un peu. Se taquiner. Puis il est resté assez longtemps pour atteindre la fin de mon service et on est allés surfer. On a fait ça tous les jours pendant une semaine et plus le temps passait, plus on restait longtemps sur la plage. Un jour, j'ai réalisé qu'il habitait dans la maison en face du spot où on surfait tous les jours et quand il m'a proposé de rester diner, j'ai dit oui.

C'est là que j'ai réalisé que je ne connaissais même pas son prénom. En fait, on parle pas beaucoup de nous. On parle du temps, du surf, des vacances, des choses à faire dans le coin et des restaurant à tester. Des fêtes aussi. J'pense qu'il croit que je m'appelle Mason parce que c'est comme ça que tout le monde m'appelle au restaurant - et partout ailleurs - et ça me va très bien.

On a maté un film et quand il m'a embrassé en plein milieu, j'aurais dû lui dire qu'il y avait méprise mais j'me suis dit... pourquoi pas ? C'était bizarre mais ça aussi, on n'en a même pas parlé. On a un peu bu et c'est devenu moins bizarre. C'était agréable même.

Du coup, on a recommencé plusieurs soirs, un peu à l'abris des regards. On allait toujours un peu plus loin et quand on a couché ensemble après que je lui ai enfin demandé son prénom, je me suis dit que j'avais peut-être porté le One Life un peu trop loin. Après ça, on s'est pas vu pendant plusieurs jours. C'était bizarre. J'ai bientôt assez d'argent pour rentrer et reprendre ma vie là où je l'ai laissé. J'aurais bien aimé m'en foutre, en fait. Mais j'ai fait que penser à lui alors j'me suis servi pour la première fois du numéro qu'il m'avait donné.

SMS de Mason à Will
On va surfer ? Normalement, je quitte l'Australie à la fin de la semaine. Ce serait con de pas en profiter...

C’était le meilleur scénario possible qu’on parte tous les cinq avec les garçons. On a passé trois semaines géniales et loin de tout ce qui peut nous causer du souci à la maison. Je voudrais dire que je n’ai jamais pensé à Nellie, mais c’est pas vrai… En plus j’étais le seul célibataire et même s’ils ont tout fait pour ne jamais me le faire sentir, ils avaient chacun des petits attentions pour les filles. Une vidéo par ci, un souvenir par là… Je sais même pas si j’aurais voulu en avoir pour elle, si elle me manquait vraiment ou si c’était l’idée d’être avec elle qui me manquait ? Ça m’a perdu encore plus que je ne l’étais déjà. J’ai dix huit ans et je ne sais pas où j’en suis dans ma vie.

J’ai convaincu papa et maman de rester ici tout seul, quelques semaines, le temps de faire le point. Ça m’a pas trop réussi les premiers jours. Je me suis retrouvé tout seul, au bout du monde, en décalage avec tous les gens que j’aime. Puis un gars est venu me parler un jour, au resto où je mangeais chaque midi.

Ça a changé énormément de choses.

On vivait le moment présent, à discuter de tout et rien, à surfer - parce qu’il surfe vraiment super bien et a profiter de ce que la vie avait à nous offrir. On a tellement vécu le moment présent que je me suis retrouvé à l’embrasser.

Je me suis dit que c’était comme ça, juste pour voir. Ça aurait pu être quoi d’autre ? Sûrement assez de choses pour qu’on recommence. Encore, et encore, jusqu’à ce qu’on couche ensemble.

Ça a remis encore plus de choses en questions. Comment j’ai pu avoir envie de coucher avec Mason aussi vite et avoir toujours refusé de le faire avec Nellie ? C’est étrange, comme toute ma vie actuelle.

Depuis on s’est plus revu et je sais pas si c’est une bonne chose. Je pourrais courir au resto, lui parler comme n’importe quel autre jour, mais je suis complètement perdu. Est-ce qu’il me plaît vraiment ? Je crois que ouais. Je le trouve attirant. Je le trouve même beau. Mais ça voudrait dire quoi ? Que je suis gay ? J’ai jamais pensé a aucun garçon comme ça avant. Mais jamais trop aux filles non plus. Est-ce que ça arrive à tout le monde ?

Je pense à ça depuis une heure, ou peut-être trois ou quatre. Mon portable me sort de mes pensées et j’ai envie que ce soit Stella, mais c’est une pub à la con. Ou Mason !

La sensation est pas géniale quand je lis qu’il part à la fin de la semaine et évidemment, que j’ai envie d’en profiter ! Encore plus que ces derniers jours !

SMS de Will à Mason
Bien sûr ! Tu vas pas quitter ce pays sans en profiter encore un peu ! Tu veux passer te changer ici ?

Est-ce que j’attends un peu plus ? Ou pas ?

SMS de Mason à Will
Ouais, ça me va. Je suis là dans dix minutes.

En fait, je suis presque déjà là. J’étais déjà en route en partant du principe qu’il ne dirait pas non. C’est lui qui a fait le premier pas, non ? Même si ça avait l’air d’être une première pour lui, il ne s’est pas laissé démonter.

Je frappe chez lui et je rentre sans attendre qu’il m’invite à le faire. D’ailleurs, je me demande où est le reste de sa famille, celle qui est sur les photos. En vacances, peut-être.

— Will ? C’est moi.

Je crois qu’au fond, le surf je m’en fous un peu aujourd’hui. Je sens que j’ai un coup de chaud et que j’ai le cœur qui bat à cent à l’heure. Je sais pas ce qui m’attire chez lui, je sais pas pourquoi ça m’attire. Mais j’espère un peu que ce sera pas bizarre entre nous, ça m’agacerait. Ça voulait rien dire.

Dix minutes c’est énormément long et en même temps, c’est rien. Qu’est-ce que je peux faire ? Pas grand chose. Je me recoiffe vite fait, par réflexe. Ou pour qu’il me trouve pas trop mal ? J’ai une tête à faire peur, de toute façon.

— Je suis à l’étage. Monte !

J’ai le coeur qui s’emballe en entendant sa voix. C’est n’importe quoi. J’aurais du me laver les dents ? Est-ce qu’on doit s’embrasser ? Ou non ? Bien sûr que non ! On s’est pas revu depuis qu’on a couché ensemble donc… C’est pas comme si on était ensemble.

— Tu vas bien ? Tu sors du taf ?

Je souris en le voyant arriver. Je suis content qu’il soit là. On n’a plus qu’une semaine, j’ai envie qu’on en profite !

Je monte le rejoindre et le fait qu’il soit à sa chambre me déstabilise un peu. Et en même temps… pas du tout.

— Ouais, je viens de finir. Demain c’est mon day off et puis je reprends jusqu’à vendredi. Je suis du matin.

Et je repars samedi. Exactement comme je suis venu : avec rien.

Quand je le regarde, j’ai l’impression qu’il n’a pas dormi depuis des jours et ça lui donne un côté attendrissant qui me met sans dessus-dessous. Au fond, j’ai envie de me casser en courant parce que je sais pas ce que je suis en train de faire mais je me dis que je vais le vivre qu’une fois dans ma vie et si je n’écoute plus ma tête, mon cœur s’emballe totalement et l’adrénaline me dit « qu’est-ce que tu t’en fous ? Personne le saura jamais » et c’est pas être gay ça, c’est essayer de nouvelles choses pour ne pas avoir de regret.

Nos regards se croisent et je suis pas le seul à être dans le flou alors pour toutes les fois où il a fait le premier pas, cette fois-ci c’est moi qui me lance. Notre baiser est brouillon, peut-être un peu plus passionné que les autres fois mais je crois que c’est ce qui m’anime encore plus.

— Peut-être que le surf peut attendre, non ?

Je glisse entre deux baisers. La première fois on a pris notre temps, on savait même pas ce qu’on faisait. Là franchement, j’ai du mal à ne pas me laisser guider par mes envies.

Est-ce que je dois vraiment répondre à la question ? Je crois pas avoir déjà été embrassé de cette manière. Ou plutôt, j’ai jamais réagi de cette manière après un tel baiser.

C’est pas seulement le fait de me sentir désiré qui me consume, mais surtout de désirer Mason au point d’être déjà en train de chercher un contact physique allant au delà de nos visages.

— L’océan va pas disparaître.

J’acquiesce, le souffle déjà court. Et même s’il disparaissait, j’en aurais rien à faire. J’ai aussi peu peur que la première fois. Je suis maladroit, mais sûr de mes choix. Je le comprends à l’instant où je lui enlève son t-shirt. J’ai envie de ressentir tout ça encore une fois, et encore après. Je brûle de désir pour Mason. Si c’est comme ça qu’on doit profiter de nos derniers moments ensemble, qu’on se jette dessus chaque jour. Ça dérange qui, a l’autre bout du monde ?

On parle pas beaucoup mais j’ai l’impression que c’est pas non plus nécessaire. Il m’a dit qu’il était novice et pourtant, il sait ce qu’il fait et c’est plus qu’agréable. J’ai déjà couché avec des dizaines de filles et je me suis jamais senti aussi compris qu’aujourd’hui. Je sais pas combien j’ai d’orgasme en fait parce qu’on n’arrive pas tellement à s’arrêter. On recommence jusqu’à être vraiment vraiment chaos et j’arrive pas à rester dans son lit sans rien faire. J’ai l’impression qu’un câlin après tout ça, c’est beaucoup trop.

— Tu veux te doucher ? On a qu’à commander un truc.

Je suis debout, à poil devant lui et la manière dont il me regarde me désempare un peu. J’ai jamais été désiré comme ça. J’ai l’impression que c’est différent avec les filles parce qu’elles sont toujours en train de simuler un truc. Si c’est pas l’envie, c’est l’orgasme ou les deux. Là, je vois dans ses yeux qu’on n’a pas fini et j’ai pas non plus envie qu’on ait fini. En fait, je m’en fous du travail. Peut-être que je peux rester là toute la semaine et demander les trois balles qu’il me manque à un gars de la coloc ? J’crois même que je peux aller les emprunter moi-même. Sans que personne ne s’en rende compte.

— Burger ? Pizza ?

Je sais plus tellement où je suis ni comment je m’appelle. J’ai le coeur qui bat excessivement vite, sûrement au moins autant de par la présence de Mason que par l’intensité du moment qu’on vient de vivre. Il est beau. Il a pas honte de son corps, d’être lui-même et ça me plaît. Ça le rends encore plus désirable, à mes yeux.

C’est horrible de penser à Nellie dans un moment pareil, mais je suis obligé de faire le comparatif parce qu’elle a été ma seule relation sérieuse et que même comme ça, j’ai pas vécu avec elle le quart de ce que je vis auprès de Mason depuis quelques jours. Je voudrais que la fin de cette semaine n’arrive jamais.

— Burger ça te va ? J’ai besoin de récupérer des forces.

Je rigole en me levant à mon tour.

— Tu commandes pendant que je me douche ? Où tu veux y aller peut-être ? J’ai tout ce qu’il faut, tu peux prendre des fringues à moi aussi si t’as besoin.

— Nan t’inquiète, je commande.

Je le suis du regard pendant qu’il va se doucher et j’apprécie la vue sans m’en cacher. Y a pas de prise de tête avec les gars. J’trouve ça cool, en fait.

J’attrape mon téléphone pour passer commande et je réalise que j’ai pas tellement de thune alors je joue un peu avec ma vie et je me serre de la carte bancaire de mon ex, toujours enregistré dans mon portable. Avec un peu de chance, elle ne le verra même pas.

Pendant qu’il se douche, je me poste à l’entrée de la salle de bain et, une fois de plus, je ne me gêne pas pour le mater un peu.

— Cheese burger ? Bacon ? Y a aussi des nuggets, on peut prendre une boîte en plus à partager ?

— Cheese ! C’est degueu le bacon dans les burger. Pourquoi tu crois qu’au resto je demandais toujours sans bacon ?

Je souris en voyant qu’il est dans l’embrasure de la porte. Il pourrait aussi bien être dans la douche avec moi que ce serait pareil. J’apprécie le regard qu’il pose sur moi et j’ai aucune honte d’avoir le même sur lui. Je veux pas me poser de questions, pas auprès de lui. J’aurais tout le temps de m’en poser en rentrant et en me demandant pourquoi je trouvais ça aussi bon.

— T’es obligé d’aller travailler ? Si tu pars en fin de semaine, est-ce que t’en as pas carrément rien à faire ? Tu pourrais rester ici et vivre au jour le jour ?

Pour quelques jours, qu’est-ce qu’on risque ?

— J’en sais rien, j’ai cru que t’étais juif ou un truc dans le genre. Je me suis pas vraiment posé la question.

Je lui prends un double cheese avec des frites et comme y a de la limonade et que c’est ce qu’il a passé son temps à commander, je prends aussi.

— Bah… j’ai besoin d’argent. Puis on ferait quoi ? On baise toute la journée ?

De là où je suis, je vois très bien son corps et je me demande si je suis complètement con d’avoir posé la question. Évidemment que c’est ce qu’on va faire et qui dirait non à ça ? Pas moi. Pas quand c’est aussi bon.

— Ok. Je suppose que je peux trouver de l’argent ailleurs.

Je termine de passer la commande et je le rejoins sous la douche. Y a assez de place pour deux, de toute façon.

— Le livreur arrive dans vingt minutes.

Je dis en cherchant ses lèvres.

— Par contre j’ai bientôt plus de capotes et j’pense vraiment qu’il va falloir qu’on aille en acheter.

Pendant une seconde j’hésite a lui demander combien il lui manque. Ça me dérangerait pas de l’aider à payer son billet pour rentrer, mais ça me dérangerait pas qu’il ne rentre pas. S’il reste ici il ne va plus payer de loyer alors ça va compenser, mais le temps que ça le fasse peut-être qu’il pourra rester quelques jours de plus ? Il me rends dingue, je me sens tellement bien que j‘imagine pas que ça puisse de finir.

— Vingt minutes, on est large.

Je réponds contre ses lèvres. Ça fait deux heures qu’il est là et deux heures qu’on est à poil, y’a aucune pudeur entre nous.

— On ira en chercher tout à l’heure. Pour une semaine plusieurs boites ça semble pas mal.

Bien sûr qu’on va s’envoyer en l’air toute la journée. Certainement aussi surfer et regarder la télé, mais j’ai déjà de nouveau envie de lui sauter dessus alors attendre toute une journée en le regardant ?  Non.

— T’as des affaires à aller récupérer ?

— J’aime ton ambition.

Je dis en riant contre ses lèvres. J’ai des griffures partout mais je ne suis pas le seul. Il a des bleus aussi.

— J’ai rien, pas d’affaire. Pas d’argent. Pas de maison. Et aucune attache.

À part ses lèvres, actuellement. Son corps entier, je dirais. J’ai l’impression que c’est physiquement douloureux quand on ne se touche pas, mais quand on se touche, c’est carrément pire. J’ai la peau en feu, mon cœur bat dans tous les sens. Putain j’ai jamais vécu ça et j’ai pas du tout envie que ça s’arrête.

— Mais j’ai un truc à faire ce soir. J’en n’ai pas pour longtemps.

J’crois qu’il s’en fiche pour le moment parce que quand je me retrouve plaqué contre la paroi de la douche, je m’en fiche aussi. C’est tellement froid que ça me fait frissonner.

— Tu sais que ton attitude est en total décalage avec ta tête d’ange ?

— Je suis pas ambitieux, je suis juste lucide.

Je réponds sur le même ton, sans nous laisser le temps de reprendre nos souffles. Je pensais pas que c’était si bon de vouloir quelqu’un du plus profond de ses tripes. Mon corps est déjà au bout de ses capacités, mais chaque fois qu’il me touche Mason me redonne un gain d’énergie. Si on passe la semaine comme ça, on va la terminer épuisés, mais putain qu’est-ce que je serai heureux.

— Y’a pas de souci. C’est pas parce que tu passes la semaine ici que t’es obligé de me rendre des comptes t’en fais pas. T’es pas mon prisonnier. Mais je t’attends quand même pour manger ce soir ?

Il fait ce qu’il veux, mais plus il passe de temps ici mieux c’est. Quand même.

— On dit souvent que c’est nous qui sommes les pires. On nous attends jamais au tournant. Moi je sais ce que je veux, alors pourquoi faire semblant ? J’aurais pas voulu rater ça.

Je laisse simplement entendre en l’attirant contre moi. Est-ce que ça existe de devoir prendre une douche pour se remettre d’une douche ? On va en avoir besoin.

On est dérangés par le livreur. D’abord parce qu’il appelle plusieurs fois et ensuite parce qu’il sonne pendant au moins une minute sans s’arrêter. On se sépare à contre cœur et c’est lui qui descend le premier. J’en profite pour me doucher en trente secondes et je vais lui voler un boxer dans sa chambre avant de redescendre.

— Il aurait pu laisser sur le palier, c’était déjà payé.

Je dis avec un air blasé.

— On va manger sur la plage ? On surfe après ? Ou alors on mange ici, on va acheter des capotes avant que ça ferme et ensuite on surfe ? J’ai envie de surfer.

De le voir surfer surtout. On dirait que c’est facile quand il est sur une planche. Je me défend bien mais vraiment, c’est lui le maître.

— Je sais pas ce qu’il avait. Je me suis à moitié fait agresser en ouvrant la porte, un malade. Je l’ai laissé s’exciter et j’ai refermé la porte.

Je suis quelqu’un de calme et qui crie jamais, mais c’est pas pour autant que j’apprécie de me faire insulter. Encore moins parce que je suis pas sorti de chez moi assez vite pour le livreur. J’aurais du lui dire quoi ? Pardon mais t’as interrompu un trop bon moment ? Je rigole tout seul en levant les yeux au ciel. C’était un super moment.

— Je suis plutôt pour les capotes avant que ça ferme ! Mais la plage est en face, on peut quand même y manger et partir après. On repassera se changer avant d’aller surfer !

J’ai beaucoup surfé avec les garçons, mais aucun d’eux ne s’en sort aussi bien que Mason. A part Flynn, mais putain Flynn il compte pas c’est une machine, y’a rien qu’il sache pas faire. Puis je prends pas autant de plaisir à les regarder faire l’un que l’autre.

La prochaine fois, j’ouvrirais. Si y a une prochaine fois. J’ai bien envie de dire qu’on va commander tous les jours mais avec quelle thune ? Fais chier ça aussi. Peut-être que je devrais demander de l’argent à Penny ? Elle me fera un virement, elle. Y a des chances.

Je sors mon portable pour lui envoyer un message et lui dire que je suis coincé en Australie. Qu’il faut qu’elle m’aide et que je vais la rembourser, promis juré.

— Ok, ça me va. J’te prends un short. Et un t-shirt.

— Vas y sers toi.

Il est très bien en boxer, mais je comprends que ce soit pas la meilleure tenue pour aller manger. J’aime bien moi, pourtant.

— Je nous prépare un sac un peu plus solide, je t’attends là.

Je prends mon sac à dos quoi. Comme ça j’ai ma carte avec moi et on n’a pas à repasser par ici pour aller faire nos courses. Je profite qu’il se change pour envoyer un message à Stella.

SMS de Will à Stella
Je passe pas la semaine tout seul !!! Désolé si je suis pas des plus dispo… Genre les FaceTime j’suis pas sûr que ce soit le bon plan

— Ok.

Je monte vite fait enfiler des fringues pour aller en ville et je le rejoins aussitôt. Quand j’y pense, j’ai vraiment la dalle !

— C’est parti.

SMS de Stella à Will
….? C’est une blague ? Alors attends déjà je te vois pas pendant une éternité et j’ai plus le droit à FaceTime ? Je dois l’expliquer aux parents qui savent pas t’appeler autrement. Et en plus PAS TOUT SEUL ?!!! C’est qui ?!!!?

SMS de Will à Stella
Mais on se voit bientôt mon chou Je t’abandonne pas entièrement, je suis là quand même !!! Ouais je sais pas comment leur dire… Mais tu trouveras une explication pour moi ? Steuplé steuplé steuplé. C’est important, j’te jure ! C’est juste une semaine, après ce sera bon !

SMS de Will à Stella
J’ai rencontré quelqu’un ici… Mais il part à la fin de la semaine, alors je lui ai proposé de rester jusqu’à son départ. Je me sens bien, c’est cool.

Je range mon portable dès que j’ai terminé mon message et je referme la porte derrière nous.

— Prêt aussi ! On se pose dans le sable directement ? C’est plus sympa.

Je devais en parler à Stella. Dans une semaine j’entendrais sûrement jamais plus parler de Mason de toute ma vie, mais je me sens moins triste depuis que je suis tombé sur lui. Même s’il le sait pas, il m’aide beaucoup à relativiser en ce moment. Et puis un mec aussi beau, je ne peux qu’en profiter.

SMS de Stella à Will
J’vais leur dire que t’as un problème de box et que tu captes pas assez. Franchement, ils sont inquiets alors donne quand même des nouvelles, ok ?! Tu viens nous chercher dimanche soir ? On arrive à 22 heures. Tu me manques trop, trop, trop.

SMS de Stella à Max
Sérieux…? Fais attention à toi quand même. T’as pas le moral alors n’en rajoute pas.

SMS de Stella à Will
Attends IL ? C’est qui IL ? Il comme dans UN GARÇON ? T’as rencontré UN GARÇON !!!!???????

SMS de Stella à Will
Bah du coup j’comprends ton blocage avec Nellie, là.

SMS de Stella à Will
Tu me fais une blague ?

SMS de Stella à Will
MAIS RÉPONDS !!

— Ouais, ça me va !

J’ai pris sa serviette XXL au passage, je pense qu’on va tenir largement tous les deux dessus.

On n’a qu’à traverser pour se retrouver les pieds dans le sable, c’est tellement agréable. J’aimerais bien vivre comme ça toute l’année. Mais non, je vis dans un appartement miteux à Londres et qui a sûrement été reloué parce que je n’ai pas payé de l’été. Fait chier. J’retourne pas chez mon frère.

Je balance la serviette et on peut s’installer dessus. Je retire de suite mon t-shirt, histoire de bronzer un peu.

— J’ai un trou dans l’estomac tellement j’ai faim.

Ça me fait sourire de le voir déplier ma serviette, parce qu’il connaît pas vraiment la maison, mais il savait quoi chercher. On tiens largement à deux dessus et c’est agréable de se retrouver face à la mer, les pieds dans la sable, l’odeur du burger dans les narines. Et un peu son odeur à lui aussi. J’avais jamais remarqué avant que les gens avaient des odeurs. Pourtant j’aime bien la sienne.

— C’est de trop se dépenser ça… Faut reprendre des forces ! Tu t’es pris quoi ?

Je lui demande en sortant notre commande.

— Oh et merci pour la limonade ! J’aime tellement ca.

Ça aussi, ça me fait sourire. Le bacon il pensait que j’étais juif, mais ça veux dire qu’il avait retenu. Et la limonade aussi. C’est son métier, mais j’ai envie de me dire que c’est un tout petit peu plus. Il avait remarqué. Ça me suffit.

SMS de Will à Stella
Mais évidemment que je donne des nouvelles !!! Mais peut-être plutôt deux fois par jour que dix, c’est tout ! C’est pour que tu saches ! Et merci pour ma box, c’est top ! Tu gères !!

SMS de Will à Stella
Bah oui je viens vous chercher ! Vous me manquez trop aussi !! J’ai trop hâte que vous arriviez !!!

Mais en même temps, pas hâte que Mason parte. C’est un peu problématique la vie.

SMS de Will à Stella
Arrêtes j’y ai pensé à mon blocage ! Imagine c’était vraiment ça le problème ? J’en ai pas eu là, c’est bizarre non ? J’sais même pas ce que ça veux dire. PARCE QUE NON C’EST PAS UNE BLAGUE.

— Un burger avec du bacon. Parce que moi j’adore ça.

Je dis avec un sourire. Il est content pour sa limonade et c’est bizarre mais ça me rend heureux.

— J’ai pris des nuggets et des mozza stick aussi. Pour qu’on partage.

Je tape directement dans mes frites ; ça fait du bien ! J’ai pas mangé depuis hier soir et il est en train de m’achever. Mais je ne vais certainement pas m’en plaindre.

— On se matte un film ce soir ? J’ai vu que t’avais tous les Marvel. J’aime bien.

— C’est un crime contre les burgers ça. J’vais aller porter plainte.

Je le taquine en mordant le mien sans attendre.

— T’as bien fait ! Je sens déjà que le cheese va pas suffit à me remplir. J’ai l’impression de pas avoir mangé depuis des jours.

Hier soir c’était pas si loin pourtant. Mais on s’est déjà beaucoup dépensé aujourd’hui et le livreur est arrivé avant qu’on n’aggrave nos cas.

— Avec plaisir ! J’suis un fan de Spider-Man depuis que j’ai genre.. Cinq ans. On dirait que je le suis toujours autant.

Parfois j’ai encore des phases où je réalise que merde, mon tonton c’est Spider-Man !!!

Je lève les yeux au ciel.

— J’aime trop le gras pour que ce soit un crime. T’es pour ou contre l’oeuf dans les burger alors ? L’ananas sur la pizza ?

Je baisse les yeux sur mon portable quand il vibre. Putain j’ai pété l’écran ? Mais c’était quand ? Fait chier. Ça va me coûter combien encore cette merde ? Je vais le laisser comme ça. C’est tellement un vieil iPhone, l’écran doit même plus exister.

C’est Penny ! Yes, elle vient de me virer 500£ ! Putain, je l’aime, elle est fantastique ! Dans la minute, je prends mon billet de retour pour dimanche en fin de soirée. Ce qu’il me reste, c’est du bonus !

— Spider-Man ? J’avoue que les derniers films sont dingues. Je suis quand même très très Avengers, moi. Les deux derniers films, les meilleurs.

Quand je reçois la confirmation, je repose mon téléphone.

— J’ai pété l’écran mais je sais même pas quand.

SMS de Stella à Will
T’en n’as pas eu là ? T’as couché avec un mec que tu viens de rencontrer ? Genre sérieux ? Mais tu fais gaffe ? Will :( Fais pas n’importe quoi, ok ?

SMS de Stella à Will
T’es content ? Ça va ? Tu sais, on te voit pas et on sait comment t’es parti… t’étais tellement triste. J’espère juste que tu sais ce que tu fais. Si t’es content et que tout va bien alors je suis super contente moi aussi !!