Venezia - Jude & Will

C’est fascinant d’être marié avec Jude, de le connaître par coeur, d’être convaincu que personne ne le connaît mieux que moi, mais d’encore avoir des surprises.

L’année dernière, son anniversaire est tombé à peine quelques jours après mon agression alors évidemment qu’on n’a rien fait. Il a été à deux doigts de le fêter à l’hôpital avec moi dans le coma… Y’avait mieux.

Cette année j’ai voulu me rattraper ! Faire une énorme fête, avec tous les gens qui l’aime et qu’il aime. La première a qui j’en ai parlé, c’est Penny. Et elle a aussi été la dernière. J’aurais pas cru que l’amour de ma vie détestait à ce point l’idée non seulement d’un anniversaire surprise, mais surtout de le fêter autant entouré.

Ce soir, on décolle pour Venise pour trois petits jours. Apparemment c’est suffisant pour découvrir la ville et puis, après Paris ville de l’amour, je me suis dit que la ville des amoureux c’était une suite logique. Et aussi parce qu’il m’a déjà dit que Sophie le soûlait pour y aller et qu’il avait jamais eu envie d’y aller avec elle, alors que ça lui semblait joli.

— Ça va chéri ? C’était pas trop long ?

Je demande en attrapant sa main. Je sais qu’il déteste l’avion, mais j’ai réussi à nous trouver des supers billets prestiges et ça a été plus facile. Venise est juste de l’autre côté d’une longue route et j’ai hâte qu’il comprenne ou on va.

Will a prévu un petit weekend en amoureux et j’ai trouvé que c’était une super idée. J’ai pas encore pris le temps d’apprécier le moment à cause de l’avion mais maintenant qu’on traverse le pont avec nos valises et qu’on arrive enfin dans le cœur de Venise, je décompresse pour de vrai.

— J’ai trop hâte d’arriver à l’hôtel. Je suis mort. T’as faim ?

— Je meurs de faim. Mais on peut se faire monter à manger dans la chambre pour ce soir si tu veux.

Je lui souris, heureux de voir qu’il commence à aller mieux.

— On a une terrasse juste pour nous avec vu sur le Grand Canal, c’est une des plus belles vues de la ville. On va rien rater si on passe notre première soirée là-bas.

— Sérieux ? J’ai hâte de voir ça !

Je dis avec un grand sourire. Je le blottis contre moi alors qu’il regarde son GPS pour qu’on ne se perde pas.

— On mange au restau tous les jours après si tu veux, mais j’ai besoin de m’allonger là.

J’étais tordu toute la journée, c’était pas un tatouage facile.

— Spaghetti bolognaise pour moi. Avec spritz !

J’ai vraiment la dalle aussi.

— J’ai hâte aussi ! En photo c’était déjà quelque chose, j’imagine pas en vrai.

Je me laisse aussitôt happer contre lui, tout heureux d’être ici avec lui. J’ai déjà des étoiles dans les yeux.

– Tu sais que je suis jamais venu ici ? C’est ma première fois à Venise, et c’est avec toi.

Je suis incapable de masquer mon sourire.

— On verra ! On fait comme d’hab et on se laisse porter non ? Mais là aller s’allonger c’est bien. Un petit Jacuzzi bien chaud avec les jets massants ça serait chouette pour ton dos aussi, tu crois pas ? En attendant qu’on nous monte tes bolos et mes pâtes au saumon ! Et évidemment nos Spritz, je ne compte boire rien d’autre que ça.

Je rigole.

— Ah oui ? Moi aussi. J’ai toujours voulu venir mais pas avec mon ex donc…

Je dépose un baiser sur sa tempe.

— Je suis contente d’être ici avec toi. Ça va être super de visiter cette ville.

Je sais qu’il va avoir prévu quelques petits trucs donc j’ai hâte.

— Jacuzzi ?? Mais trop bien ! Ah je vais kiffer pour mon dos là.

J’y resterai pas des heures mais c’est mieux qu’un bain.

— Je me demande bien pourquoi tiens… Elle avait l’air tellement géniale.

Je lève les yeux au ciel tout en souriant sous son bisou.

— J’ai trop hâte. En plus il va faire beau, ça va être agréable pour visiter !

Même si on n’est pas là longtemps, ça va nous faire du bien de changer d’air.

— Je savais !! Je me doute que tu vas pas y rester des heures à attendre se ramollir, mais ça va être chouette. Avec ton verre de spritz à la main !

Déjà, j’arrête de dire son prénom constamment parce que je sais que parfois ça le heurte, la prochaine étape c’est certainement que j’arrête de parler d’elle. Mais j’crois que ça lui fait du bien d’entendre que c’est le seul avec qui j’ai envie de partager plein de choses.

— C’est bien que t’aies organisé ce petit weekend en amoureux, mon ange. Ça faisait un moment qu’on n’était pas partis avec ton épaule et les travaux. On fête la fin des travaux, du coup ?

On a enfin une cuisine fonctionnelle, belle et rangée. On n’a jamais autant faire de barbecue ou de pizza dans le four dehors que depuis qu’on n’avait plus de cuisine.

— Pas vraiment non.

Je réponds en souriant. Je me doute qu’il y a quelque chose en rapport avec son anniversaire qu’il n’a pas envie de partager. Ou de revivre ? Mais j’espère ne pas le heurter en essayant d’en parler avec lui. Je pensais qu’on ferait ça à l’hôtel, tranquillement, mais je vais pas lui mentir ici pour poursuivre la conversation dans une heure.

— A la base, je voulais organiser une grande fête pour ton anniversaire. Genre surprise, des decos et des cadeaux partout. Parce que je t’aime et que je voulais marquer le coup et que tu sois content, tu vois ? Mais Penny m’a dit que c’était pas ton truc, les anniversaires. Je savais pas, vu que l’année dernière… Tu vois.

Évidemment, qu’il voit.

— Mais je me suis dit qu’on pourrait partir. Juste toi et moi. Et j’ai pris des billets pour Venise pour ce week-end. Ça tombe juste bien qu’on vienne de finir les travaux, mais ça n’avait pas de rapport à la base.

Je l’écoute parler d’anniversaire surprise et d’anniversaire tout court et ça me coupe un peu la parole. Je n’aime pas fêter mon anniversaire et je m’étais pas encore trouver à le fêter avec lui. Alors c’est bizarre.

— Ah, OK.

Je ne sais pas trop quoi dire, du coup.

— Tant mieux pour la fête. J’aime pas.

— Pourquoi t’aimes pas ça ?

Je demande en me blottissant un peu plus contre lui.

C’est pas quelqu’un qui n’aime pas les fêtes, les soirées et les gens. Loin de là. On sort presque plus maintenant qu’on est ensemble, c’est vrai, mais c’est parce qu’on l’aime notre vie comme ça. Pourtant, je sais qu’une énorme soirée pour l’anniversaire de n’importe qui ça lui aurait plu. C’est pas la fête le problème.

— J’aime pas fêter mon anniversaire. On n’est pas obligé de le fêter d’ailleurs.

Ça sert à rien qu’il se creuse tous les ans à chercher quelque chose, j’aime pas particulièrement qu’on célèbre ça.

— J’ai un cadeau à t’offrir… Mais on peut toujours dire que c’est un cadeau d’amour si tu préfères.

C’est pas entièrement faux, après tout. Tout ce que je fais, c’est parce que je savais pas qu’on pouvait aimer à ce point.

— Y’a une raison particulière ? Pour que t’aimes pas, je veux dire.

Je sais qu’il comprend, mais il c’est déjà refermé très vite.

— T’aimes pas le fêter, ou l’année dernière t’as pas osé me dire que même te le souhaiter t’aimais pas ça, parce que je l’ai fais pendant un court moment de lucidité ?

Je hausse les épaules. Je pensais pas qu’on aurait cette conversation aujourd’hui. Peut-être même que j’imaginais qu’on l’aurait jamais.

— J’aime pas vieillir, c’est tout. J’veux pas être plus vieux que ma mère un jour.

Je le formule jamais comme ça mais c’est Will et c’est gentil ce qu’il fait pour moi. Il mérite pas que je sois de mauvaise humeur.

— J’aime pas le fêter, souffler des bougies… mais je suis pas dans le déni que je vieillis, non plus. C’est pas grave si tu me le souhaites ou si tu m’offres un cadeau. C’est juste pas mon jour préféré de l’année. Mais c’est bien qu’on soit à Venise. On va visiter, manger… ça va être chouette d’être en voyage en amoureux.

Je penserais pas à ça. L’année dernière aussi, j’avais autre chose à penser.

— Je veux juste pas en faire une fête.

Jamais il m’a dit de lui-même l’âge qu’elle avait quand elle est morte. Maintenant je comprends pourquoi.

— Je pensais pas que tu songeais à ce genre de choses. Ça te rends triste de te dire ça ? Ou surtout en colère ?

Parfois je suis sûrement un peu maladroit, parce que j’ai pas son vécu et que j’ai la chance d’avoir mes deux parents. Jude, c’est comme s’il n’en avait plus aucun.

— On n’en fera pas de fêtes alors. Je suis content d’en avoir parlé avec Penny et qu’elle m’ai arrêté. Le but c’était de te faire plaisir et j’aurais carrément été à côté de la plaque. Pire mari de l’univers.

Je rigole jaune en cherchant ses doigts.

— On va profiter d’un week-end en amoureux, sans se poser de questions qui ont même pas de raisons d’être. T’auras ton cadeau, mais t’aurais pu l’avoir n’importe quand… Chaque fois que je vois un truc qui me fait penser à toi, j’ai envie de te l’offrir.

— J’en sais rien. J’ai pas tellement envie de m’étendre sur ça, de toute façon.

Quand je pense à ma mère, je suis toujours triste et en colère en même temps.

— Penny elle me dit qu’elle est contente que je sois né.

Elle a trouvé une façon de ne pas me souhaiter bon anniversaire tout en me le souhaitant. C’est la meilleure. Je serre sa main.

— Tu seras jamais le pire mari.

Il est trop génial pour ça.

— C’est pas grave si tu m’offres un cadeau, mon amour. OK ? Te mets pas la pression. J’aime pas vieillir, c’est tout.

Ça me fait fondre de l’entendre me parler de Penny.

— C’est la meilleure. C’est dit de la plus jolie des façons et je partage son ravissement à 300%.

C’est pas le moment de le dire, mais moi j’ai hâte du jour où je pourrais me dire que j’ai passé plus de temps dans ma vie avec lui que sans.

— Je l’ai pas été parce que j’ai la meilleure belle-sœur. Vraiment j’imaginais un truc beaucoup trop fou pour que t’ai pas eu envie de me jeter dans le lac.

Je rigole pour lui rendre son sourire. J’entends qu’il a pas envie de s’étendre et que ça le peine.

— Je le ferai à ma facon. Pour que tu saches que pour moi, ça veut dire une année de plus à tes côtés aussi. Et t’auras ton cadeau, tu vas pas y échapper. J’peux pas me retenir, tu le sais.

— J’aurais rien dit, chéri. Je sais que ça n’aurait pas été fait contre moi… c’est juste que t’en savais rien.

J’aurais pas été très à l’aise et j’aurais été un peu triste, mais j’aurais surtout pas voulu que lui soit mal à l’aise.

— L’année passée à mes cotés, faut la compter à la date où on s’est mis ensemble, j’te signale.

Je dis en riant un peu. Je le serre contre moi. Ça le fait du bien de l’avoir.

— Je sais bien. Mais je suis content de m’être tourné vers la bonne personne. C’était évident pour moi d’en parler à Penny avant de tout lancer et c’était une bonne chose.

La meilleure idée que j’ai eu, bien avant celle de la fête.

— Ca te fait ça parfois ? D’être convaincu de me connaître par coeur, mais d’avoir encore des surprises ?

Je rigole.

— Ah bah excuse moi monsieur Powell, mais on n’a pas de date officielle j’te rappelle ! Alors j’fais ce que je peux !

J’éclate de rire en réclamant un baiser rapide.

— Bah… ouais. Je peux anticiper tes réactions la plupart du temps mais y a des choses que je connais pas encore, je pense.

J’ai pas d’exemple en tête mais ça a dun arriver. On se connaît pas encore depuis si longtemps que ça même si j’ai l’impression de le connaître depuis toujours.

— Bah… octobre, non ?

— Ça me plaît au fond, de continuer de te connaître encore plus chaque jour.

Tout en ayant déjà l’impression de toujours l’avoir eu auprès de moi.

— Bah…Non ?

Je rigole.

— La dernière fois au restau tu m’as dit que t’avais pas de date en tête vraiment, mais que c’était quand on a commencé à parler de noël que t’as vraiment pris conscience que c’était plus que juste s’envoyer en l’air.

Alors que moi, on a tous les deux conscience que d’une certaine façon, je n’ai plus vu que par lui dès qu’on a commencé à se revoir.

— Mais c’était pas en octobre ça…?

Je lui ai offert Winter fin novembre.

— Tu sais, dans dix ans on se dira juste qu’on s’est rencontrés en été alors ça pourrait être là aussi. C’est comme tu veux. La date que tu préfères.

— Bah non… C’était à noël du coup.

Je lève les yeux vers lui en souriant.

— Quelques semaines avant quoi, mais pas octobre non plus.

En octobre j’crois qu’il était encore dans cette phase où c’était plus facile d’aller voir d’autres gens pour pas assumer ce qu’il ressentait.

— Ouais c’est vrai ! On se dira qu’on s’est rencontré en Australie, sous 40 degrés et qu’on a passé des journées entières à surfer ! Techniquement c’est pas faux. Et techniquement, c’est aussi là que ça a vraiment commencé.

Il était déjà celui qui a fait tomber toutes mes barrières.

Je fronce les sourcils avant de me marrer.

— Putain tu m’crois que j’ai fait par rapport à l’anniversaire de Winter et pas au moment où on l’a eu…? Ça m’a emmêlé. On n’a pas de date précise aussi…

Je ris.

— Bah… rencontre le 22 juillet et officiellement ensemble… quand ? La première fois que j’ai passé la semaine entière à la maison avec aucune intention de partir ? Semaine du 15 novembre ça, non ?

J’éclate de rire en comprenant la confusion. C’est vrai que lui, il a négocié toute la partie avant que Winter arrive chez nous et que d’une certaine façon, c’est comme si elle avait déjà été à nous dès sa naissance.

— Je te pardonne la confusion ! Parfois même moi j’ai l’impression de l’avoir vu naître.

Je lève les yeux au ciel en riant. C’est notre bébé, c’est tout comme.

— Le 22 juillet il est gravé dans ma mémoire. Jamais il sortira de ma tête. C’est le début de la meilleure partie de ma vie. Mais oui ! C’était la semaine du 15 ! Tu sais pourquoi je m’en rappelle ? Parce que c’est celle où t’as été à beaucoup de conventions et de soirées, et où je suis sorti avec Tommy… On s’est presque pas vu et on s’est disputé, tout ça.

A l’époque j’ai cru que j’étais en train de le perdre et en fait, c’est ce qui nous a le plus forgé. De s’abandonner l’un à l’autre de cette façon. C’est ce week-end là où il m’a parlé de sa mère pour la première fois, où on a ouverts les cartons et où il m’a donné sa tasse. Évidemment que c’est notre semaine. J’ai commencé à boire avec la tasse de sa mère. C’était une évidence qu’il n’allait plu partir.