La jalousie ne fait de mal qu'à celui qui la ressent. Et ça fait foutrement mal. — Austin & Gabriel

J'ai attendu Austin toute la journée, anxieux comme jamais. Il n'avait pas l'air serein ce matin et comme je sais qu'il me cache quelque chose, c'est encore pire. Alors pour moins y penser, j'ai bossé les cours d'Austin de l'année dernière. Comme un chien. J'ai eu l'impression de découvrir un milliard de trucs et d'en comprendre des tas d'autres. C'est dingue. Et je suis tellement pris dedans que lorsqu'Austin arrive dans ma chambre, je suis presque surpris.

— Hey.. salut, ça va ? Comment c'était ta journée ? T'as croisé Darcy avant qu'elle aille au cathé ? Elle était super contente de sa classe.

J'abandonne toutes mes feuilles pour me lever et l'embrasser amoureusement. Il m'a beaucoup manqué, quand même. J'ai l'impression que c'est pire depuis que je suis séquestré chez moi.

Je rentre dans sa chambre après qu'il m'ait dit d'entrer, il se relève de son bureau et m'embrasse. Je lui rends son baiser avant de sourire.

— Je l'ai croisé en bas, elle m'a raconté sa journée dans les moindre détails. Elle est heureuse.

Je dis soulagé qu'elle le soit réellement. Je regarde par dessus son épaule.

— Tu étais en train de regarder mes notes ?

Je fais oui de la tête.

— Seul moyen de passer le temps, c'est de me plonger là-dedans alors.. ça passe un peu plus vite comme ça.

Je me sens fier de lui. Je m'approche du bureau et je regarde les feuilles.

— Histoire ? C'est bien, c'est un cours important, tu t'en sors ?

— Ouais, ouais. C'est pas dur, ça va, y a plein de choses à retenir, c'est tout... Je pense que j'aurais besoin de toi en langue surtout, avec les dissertations et les commentaires composés. Je vais prendre une troisième langue, je pense. Vu que je parle couramment espagnol, maintenant.. Tu crois que j'y arriverais ?

Je ne vais pas l'admettre, mais je crois que j'ai bien aimé passer la journée dans ses notes.

Je m'installe sur sa chaise de bureau, et l'attire sur mes genoux.

— Je t'aiderai dans tout ce qui te pose des problèmes. Une troisième langue c'est une bonne idée, tu pourrais m'aider à apprendre l'espagnol, et moi le français si tu veux.

Je ne le parle pas entièrement couramment, mais je n'en suis pas loin.

Je vais m'asseoir sur ses genoux et j'embrasse ses lèvres à plusieurs reprises.

— D'accord. Alors je vais prendre français. Je pourrais te parler en espagnol, si tu veux ? Faut pas que je le perde. On pourrait regarder les films dans une langue et sous-titré dans l'autre ?

J'embrasse encore ses lèvres.

— T'es parti plus tôt que le début des cours, ce matin. Comment ça se fait ? Tu m'as pas dit si ça s'était bien passé.

Je confirme, regarder des films dans ces langues est une très bonne idée.

— Je devais aller parler à mon entraineur.

Je fais une petite moue.

— Tu lui as dit pour ton arrêt ? Qu’est-ce qu’il en pense ?

— L'échange a été bref.

J'embrasse ses lèvres.

— J'ai le programme de l'année dans plusieurs matières, et les fiches d'inscription, pour le groupe d'art plastique et photographie. Demain j'irai voir les profs pour t'inscrire et voir ce qu'ils peuvent proposer à domicile.

Je secoue la tête.

— Ok oui, merci. Mais c’est tout ce que tu vas me dire sur l’échange avec ton coach ? T’es parti tôt pour un bref échange donc tu me dis rien ?

Je hausse les épaules.

— Il n'y a rien d'important à dire, je n'ai pas trop envie d'y penser.

Il doit se douter que ça n'a pas dû être évident pour moi d'aller le voir, et ça ce n'est pas un mensonge.

Je l’attire à moi pour lui faire un câlin.

— Je suis sûr qu’un kiné pourrait te faire des soins dans l’eau pour que tu te remettes doucement à la piscine.

Je reste silencieux un long moment, tout tourne dans ma tête et je n'y arrive pas.

— Je ne compte pas arrêter la natation.

Je n'arrive pas à lui mentir.

— Bah oui, j’espère bien. Faut juste que tu t’y remettes doucement...

Je lui souris.

— Avec l’aide d’un kiné, si tu demandes à ce que tes séances se passent à la piscine, y a peut-être moyen que ça se remette plus vite.

— Non. Tu n'as pas compris.

Je l'incite à me relever et je me relève aussi.

— Dans un mois, il y a une compétition importante, il y aura plein de recruteurs pour l'année prochaine. Je dois participer.

Je regarde autour de moi, comme si j'allais trouver un miracle dans sa chambre, avant de reporter mon attention sur lui.

— Juste un mois... le temps que les recruteurs me repèrent, c'est ma seule chance de garder ma bourse.

— Non mais t’as pété un plomb j’espère ? Les recruteurs viennent en fin d’année aussi pour les bourses tardives ! Hors de question que tu nages alors que tu peux te blesser à vie !

Il parle tellement fort que je vais fermer la porte de sa chambre.

— Tu sais très bien que les recruteurs qui viennent à la fin de l'année, reviennent voir les athlètes qui les ont intéressé au début. Je t'assure que ça va, je vais ménager mon épaule, je dois juste participer à une compétition et je me reposerai le reste de l'année, c'est promis.

— Mais non, putain !

Je me relève et je vais à l’autre bout de ma chambre.

— Non ! Tu peux pas faire ça parce que si tu te blesses encore plus, ta bourse te servira à rien du tout ! Mais Austin, t’as pas le droit de nager ! De toute façon ton coach voudra jamais.

Sa réaction me blesse je crois. Je croise mes bras sur mon torse, et je détourne le regard.

— Tu n'essaie même pas de comprendre.

— Je suis inquiet pour toi. Y a pas à comprendre... c’est... tu peux pas faire ça et te blesser encore plus ! Si y avait juste la compétition... mais y a l’entraînement. Tu peux pas reprendre, le coach te laissera pas.

— Je compte falsifier mon certificat.

Je relève les yeux vers lui.

— Je ménagerai mon épaule pendant les entrainements, je me réserverai pour le jour de la compétition.

Je soupire.

— Écoute...

Je me rapporte de lui.

— Je ne te demande pas de me soutenir, juste de me faire confiance.

Ça me donne envie de pleurer et j’ai pas envie qu’il s’approche de moi.

— Pourquoi tu me dis ça alors que je peux rien faire ? Hein ? Pourquoi tu me dis ça alors que je peux même pas t'empêcher de faire une connerie ? Mon soutien tu l’as, il est sans faille. Mais si je te disais que j’allais me mettre au tennis quand j’aurais plus mon plâtre, à la place de la rééducation, hein ? Tu ferais quoi ?

Je soupire parce qu’il comprend pas que je suis enfermé là et que c’est insoutenable pour moi de ne pas pouvoir l’empêcher de faire une connerie.

— T’as pas les médicaments qu’il te faut si jamais ça se passe mal. Tu fais quoi si ton muscle se tétanise sous l’effort ? T’as même plus d’antidouleur, juste des dolipranes. Tu vas faire quoi ? Parce que mes parents comprendront pas que r’aies mal. Pourquoi tu prends pas rendez-vous avec un kiné, hein ?

Je n’arrive pas à croire ce qu’il vient de me dire. Il veut que je lui fasse confiance alors qu’il va se blesser.

— Mais je vais prendre rendez-vous avec un kiné. J'ai déjà essayé mais le mien a disparu de la surface de la terre. Ça va aller, je te promets, je ne dépasserai pas mes limites, mais si je tente pas, si j'essaie pas, je vais m'en vouloir.

Je le regarde presque avec désespoir.

— Je ne veux pas passer le reste de l'année, à l'inquiet de ne pas avoir une bourse. J'aurais...

Je prends une inspiration car c'est dur à dire à voix haute.

— Si je perds ma bourse, j'aurais l'impression qu'il aura gagné.

— Mais il aura gagné aussi si tu ne peux plus jamais nager.