La jalousie ne fait de mal qu'à celui qui la ressent. Et ça fait foutrement mal. — Austin & Gabriel

— Ça n'arrivera pas. Si je sens que je n'y arrive pas, j'arrêterai. Mais je dois au moins tenter.

Je hausse les épaules.

— Fais ce que tu veux, de toute façon je ne peux rien y faire. Je n’approuve pas, c’est tout.

Autant ne plus en discuter.

— Et Jenny alors, elle est dans notre classe ?

Il coupe court à la conversation.

— Oui.

— Ah.

Ça, c'est un truc qui ne me plaît pas du tout, sachant que je suis bloqué ici, loin de lui. J'essaie de ne pas le montrer, mais c'est presque impossible.

— Vous vous êtes parlé ?

Je hoche la tête, je n'aime pas l'ambiance qu'a laissé notre conversation.

— On a bu un chocolat avant les cours.

Je me décompose complètement.

— Sérieusement ? Avec ton ex ?

— Oui, pourquoi ?

Je demande sans comprendre avant de réaliser.

— On est juste amis.

— Bah... ouais mais nan. J’ai pas envie que tu sois ami avec elle en fait. T'étais amoureux d’elle. Vous couchiez ensemble. J’ai pas du tout envie que tu gardes un lien avec elle !

— On est juste amis, Gabi, vraiment. Et elle n'a personne à part moi ici, elle se retrouve toute seule.

— Mais je suis sûre qu’elle est toujours amoureuse de toi ! J’ai pas envie que tu sois son ami !

— Moi je ne suis plus amoureux d'elle, je suis avec toi maintenant, mais je ne la laisserai pas tomber.

Je le regarde quelques secondes.

— Attends, c'est une façon de me dire que tu n'as pas confiance en moi ?

— Quoi ? Mais non ! Ça n’a rien à voir du tout !

Je réponds immédiatement.

— J’ai confiance en toi !

Ça me rassure, car moi j'ai confiance en lui et je n'aurais pas supporté que pour lui ce ne soit pas le cas.

— Tu as peur qu'en passant du temps avec elle, je réalise que j'ai fait une erreur en la quittant pour toi ?

Je demande, moins braqué.

— Bien sûr que oui.

Je soupire parce qu’il ne peut pas comprendre et se mettre à ma place. Il ne sait pas ce que c’est que d'être le meilleur pote, le frère le moins intéressant, celui qui est toujours le dernier en tout et qui est facilement remplacé.

— Laisse tomber, c’est pas grave. T’as bien raison, sois ami avec elle, ne la laisse pas tomber. T’es plus amoureux.

J’attrape toutes les notes que le lit pour commencer à les ranger et mettre de l’ordre. Je reprendrai demain.

Je prends sa main pour qu'il arrête et qu'il se tourne vers moi.

— Quand je l'ai vu ce matin, j'ai réalisé que ce que je ressens pour toi, n'avait rien avoir avec ce que je ressentais pour elle. C'est bien plus fort. Tu n'as vraiment pas à t"inquiéter.

— Ouais. C’est bon.

Je reprends ma main et je sais pertinemment que je suis pas prêt à continuer cette conversation. Je n’arrive même pas à l’entendre.

— De toute façon, je peux rien faire. Ça et la natation, c’est comme tu veux. J’suis enfermé ici.

Quand il me parle de la natation, je secoue la tête.

— Tu sais quoi ? J'aurais dû ne rien te dire.

Je récupère mon sac, c'était stupide de croire que je pouvais lui dire.

— Ouais. Je crois que c’est mieux que tu me mentes. Ça m’évitera de me sentir comme un con. Peut-être que je devrais recontacter mes exs, moi aussi. Le temps serait moins long.

Je pousse un souffle ironique, et je secoue la tête.

— Ça ne fonctionne pas, tu pourrais inviter Polly dans ta chambre, je ne m'inquiéterais pas.

D’après lui c’est moi qui débloque et qui n’ait pas la bonne réaction et ça me brise le cœur bien plus que ça ne devrait. Ma gorge se serre et j’ai du mal à le regarder. Il ne sait pas à quel point ça blesse mon estime. Même lui, il me marche dessus. Comme tous les autres. Même lui, il se fiche de savoir si j’ai mal. Je l’aime à en crever et je serai prêt à vendre tout ce que j’ai pour lui. Tout. Je l’aime au point d’oser lui dire ce que je ressens. Mais ça ne signifie rien pour lui parce que Jenny n’a que lui. Et certainement qu’il n’a qu’elle, au fond. Je ne sais même pas ce que je fous au milieu de leur relation. Je me sens comme une merde, exactement comme d’habitude. Je ne mérite pas d’être écouté ni d’être pris en considération parce que je ne vaux rien.

— La messe est certainement finie ta sœur va arriver. Tu devrais y aller.

Je lui tourne le dos pour terminer de ranger ses fiches.

Il se ferme complètement, je le regarde plusieurs secondes de dos à moi. Je comprends sa peur, mais si quand je le rassure il m'envoie chier, ça ne va pas nous aider à arranger les choses. J'attends une réaction de sa part mais rien ne vient. Je récupère mon sac et je quitte sa chambre. Quand Darcy rentre, je reste quelques minutes avec elle avant de partir. J'ai le sentiment d'étouffer ce soir. Je pars avec mon ordinateur à la bibliothèque. Je passe une heure à créer un faut certificat. Je n'arrête pas de regarder mon portable malgré moi. Je ne suis pas habitué à me disputer, ça n'arrivait jamais avec Jenny, alors je ne sais pas comment gérer ça.

Quand ma mère insiste pour que je descende l’aider à preparer à manger, je me dis que ça m’évitera de continuer de ruminer sur la nullité de ma vie. De toute façon, j’ai même pas le choix. Darcy est dans le salon, elle regarde la télévision et ça veut dire qu’Austin est sorti parce qu’elle est rarement seule en bas. Certainement qu’il est parti nager ou traîner avec Jenny, mais quand ça sonne et que je tombe nez à nez avec elle, je lui claque la porte au nez.

Elle sonne encore et encore alors avant que ma mère ne pète un plomb, je me dépêche d’ouvrir.

— Putain mais t’es conne ou quoi ?
— Austin n’est pas là ? On a parlé aujourd’hui et je dois lui donner un truc.
— Du coup tu sonnes chez moi comme si c’était normal ?
— Bah c’est pas ce que tu faisais quand j’étais avec lui ? Non ? Est-ce qu’il est là ?
— Non.
— Est-ce que je peux l’attendre, s’il te plaît ?
— Bah ouais, là où est ta place. Sur le trottoir.

J’entends ma mère hurler à l’intérieur et quand elle débarque, elle invite Jenny à entrer, parce qu’elle est contente de la voir. Ma mère aussi est contente de la voir. Du coup, je dois être le seul gars anormal ici.

Je regagne ma chambre, inutile de préciser que je ne mangerai pas ce soir. J’ai tellement envie de sortir que ça m’étouffe. Et ni Adam ni Marie ne sont présent.

SMS à Austin — Y a ta copine à la maison, elle a un truc pour toi. Apparemment c’est juste « entre vous » alors elle ne veut pas nous le laisser. Mais bon, c’est pas grave ma mère et ta sœur prennent le thé avec elle, elles sont contentes de la voir. Ça faisait « longtemps ». Bonne soirée.

Quand je reçois son message, je fronce les sourcils. Je referme mon ordinateur et quitte la bibliothèque. Quand j'arrive chez les Saint Clair, Jenny est là, dans la cuisine avec Darcy et Madeleine.

— Qu'est ce que tu fais là ?

Je demande en cachant, pas mon agacement, mais pas loin. Je ne le montre pas.

Jenny se lève tout de suite pour fouiller dans son sac et en sortir un autre. Dedans sont cachés les médicaments, parmi quelques affaires.

— Je préfère te rendre ça ici plutôt qu’au lycée.

Elle voit bien qu’il est agacé alors elle attrape sa veste.

— Je vais y aller, j’ai une amie qui m’attends. On va aller manger au restau.

Elle dit précipitamment, même si c’est faux.

— Merci de m’avoir accueilli.
— C’est normal. Je suis désolée du comportement de Gabriel.
— Ce n’est pas grave.

Elle suit Austin dans l’entrée qui la raccompagne à la porte.

Je la raccompagne jusqu'à sa voiture.

— Mais qu'est ce qu'il t'a pris de venir me donner ça ici ? Sous les yeux de Madeleine.