Faithless — Adam & Gabriel

J’ai envoyé un message à mon frère pour lui demander s’il était chez lui et, comme c’est le cas, je fonce sans hésiter. Je rentre tout seul après avoir sonné ; je crois que je ne réalise pas vraiment, en fait. Pas d’électrochoc, rien. Je sais juste que c’est grave.

— J’ai merdé grave !
— Euh.. bonjour.
— Ah bah super, t’es là ! Tu vas m’aider toi ! Comment t’as fait pour gérer tes infidélités ?
— Euuuuuh..ok. Bah du coup, j’vais aller courir.
— Quoi ? Mais non ! Logan, c’est important !
— Sans moi. J’suis clean. Démerde-toi avec ton Seigneur. Ton frère est dans le jardin. Moi, tu m’oublies.
— J’ai merdé, faut que tu m’aides.
— À plus tard.

Quand Adam rentre, Logan lui vole un baiser et le préviens qu’il va courir. Moi je reste là comme un con face à mon frère et là... bah je réalise un peu que j’aurais pas dû venir.

Quand je rentre dans la maison, je n'ai même pas le temps de dire bonjour à Gabou que Logan me dit qu'il file courir. Il attrape ses pompes et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il n'est plus là.

— Il c'est passé quoi cette fois ci ?

Je demande à mon frère, dans l'incompréhension totale.

— J’ai couché avec un autre mec qu’Austin et Austin l’a appris.

Je lache tout d’un bloc, au moins c’est fait.

Je pensais entre lui et Logan, en fait. Alors sa réponse me laisse tellement sur le cul que je le regarde cinq bonnes secondes sans réagir.

— T'etais défoncée ? T'as au moins cette excuse là, hein ?

— Parfois oui, mais pas cette fois-là. Pourquoi ? Ça changerait quoi ? Je dois lui dire que j’étais défoncé ??

— Parfois oui ?

J'ai l'impression de nager en plein délire, mais avant de réagir de façon trop excessive, j'aimerais essayer de comprendre.

— T'es en train de me dire que c'est pas la première fois que ça arrive ou je rêve ?

Il s’énerve alors je le regarde avec un air béat, sans savoir quoi répondre. Je ne sais pas ce qu’il veut entendre et ça me fait presque paniquer.

— Mais réponds ! Je vais pas te taper non plus !

Je soupire devant sa non réaction.

— Je voudrais juste savoir si tu te rends compte de ce que tu viens de faire ? Si tu te rends compte de la situation ? Parce que t'as pas franchement de réaliser là Gabriel !

— Mais hurle pas, putain ! Ça changerait quoi qu’il y en ait un ou dix ? Il va souffrir pareil !

— Mais parce que un seul ça peut être une erreur ! C'est horrible, mais ça peut-être un moment d'égarement ou je sais pas moi ! Plusieurs, ça veux dire que tu as eu tout le temps d'y penser et de te dire que c'était pas grave de tromper Austin et de le prendre pour un con !

Puis alors la question s'impose.

— T'es plus amoureux de lui ? Ça va pas entre vous... ?

— Quoi ? Mais non ! Je ne le prends pas pour un con, enfin ! Bien sûr que je l’aime !! Ça n’a rien à voir !

— Mais donc pour toi c'est normal ? Genre coucher avec d'autres gars cest pas prendre ton mec pour un con ? Mais tu vis où ? T'as été élevé par qui ?

Ça me coupe les jambes de le voir perdu comme ça. Il ne réalise pas du tout la situation.

— Tu sais qu'il va souffrir, mais tu le fais quand meme. Pourquoi ?

Il me pose mille questions et je me sens minable. Le dédain dans le ton de mon frère me blesse parce que je pensais trouver de l’aide ici et je n’en trouve aucune.

— Parce que je suis un con.

C’est tout. C’est la réponse qu’il attend, alors je la lui donne. Je suis qu’une merde qui gâche son bonheur pour me conforter dans l’idée que je ne suis pas un mec bien. Ça fonctionne puisque mon frère si parfait valide la théorie. Lui qui est venu chercher un soutien qu’il a obtenu quand il cherchait à bousiller un couple.

Je me sens affreusement seul et je réalise que je n’ai pas envie de parler avec lui. Je ne mérite pas de parler avec lui, parce qu’il est bien au-dessus de tout ça. J’entache sa vie parfaite.

— Austin va rentrer, il me l’a dit. Je parlerai avec lui et ça ira mieux. Désolé d’être venu, c’était débile.

Je ramasse ma veste que j’ai balancé sur le canapé pour l’enfiler.

Il se braque totalement et quand je le vois attraper sa veste, je soupire. Faut jamais rien lui dire sinon Monsieur s'emporte et quitte tout. Je pensais qu'il avait mûri et qu'il avait compris plein de choses dernièrement. Il est passé du bouffon au fond de la salle de classe au mec en fac de médecine ! Il est passé du mec dont les gens de la fac riait, à celui qui a pris un appartement avec son petit ami ! Il a toute les cartes en mains et il arrive à en jeter par terre !

— Arrête de réagir comme ça ! Merde, tu t'attendais quand même pas à ce que je te félicite, non ?

J'attends une réaction de sa part, même minime.

— C'est pas un jeu Gabriel. Même s'il rentre, même s'il t'as dit qu'il le ferait, même s'il pardonne... J'ai pas l'impression que tu te rendes compte de ce que ça suggère ! De ce que ça pourrait impliquer pour votre futur, si futur il y a ! Tu réalises tout ça ?

Je ne l’écoute pas. Il comprend rien. Je voulais pas qu’il me félicite. J’attendais rien, en fait, mais pas qu’il m’engueule comme il vient de le faire.

— Tu devrais aller soutenir Austin, il en a plus besoin que moi.

C’est pas un reproche, juste un constat. Pourquoi je viens demander du soutien, déjà. Apparemment, moi je joue.

— Allez, à plus.

Et à priori, pas à dimanche. Parce que là, j’oserai jamais me pointer à un repas de famille en étant à nouveau leur honte. J’attends pas de réponse et je sors en me sentent vraiment bête d’être venu.

Et il se casse, comme ca. C'est limite s'il pourrait pas me faire un doigt en fermant la porte. Parfois, je me demande vraiment pourquoi il m'appelle, étant donné que chaque fois il finit par partir en n'ayant absolument rien à foutre de ce que je dis. Je pourrais pisser dans un violon, ça ferait la même chose.

— Partir ne changera pas les choses !

Je crie finalement en ouvrant la porte, avant de baisser d'un ton en remarquant qu'il n'est pas si loin que ça.

— Moi je veux bien être là, mais si t'acceptes pas que mon point de vue n'ailles pas dans le sens du tien, on en arrive là. Exactement comme à chaque fois. Je ne suis pas ton ennemi Gabou ! À bon entendeur.

Je me retourne parce qu’il a vraiment du culot avec son « à bon entendeur » putain.

— Mais va te faire foutre toi, à me prendre de haut comme si t’avais jamais fait d’erreur alors que t’as planté un mec fou de toi pour un autre et que t’as toujours été amoureux de Logan même en étant avec Max ! Juste après avoir détruit un mariage de ton plein gré !

Je soupire bruyamment.

— C’est pas une question de point de vue, putain ! J’ai compris que c’était pas bien, j’suis pas autiste ! C’est juste ta manière de me parler comme si j’étais un débile profond, que je supporte pas. Tu me gueules dessus comme si j’entendrais mieux, mais putain c’est pas ça ! « Si futur il y a » putain. Tu réalises à quoi il ressemble ton soutien ? Tu saurais pas me dire « t’as vraiment merdé, mais on va trouver une solution, vous vous aimez trop et ça va s’arranger » ? Nan ? Toi, tout de suite, j’suis un connard et Austin aurait raison de partir. Mais je le sais déjà, ça. Depuis qu’il a dû quitter Jenny pour moi et qu’il lui a fait de la peine alors que moi j’étais content, j’ai su que j’étais un connard égoïste. Alors t’sais quoi, j’y peux rien si tu sais pas t’y prendre avec moi, t’façon tu prends tout ce que tu peux et tu rends pas. Mais t’as raison, va. Continue de m’appeler quand t’as besoin et quand t’es paumé... ah ?? Mais on me dit dans l’oreillette que des nouvelles de toi j’en ai à peine ? C’est bizarre ça ? C’est parce que tout va bien dans ta vie parfaite ? Tu vas te marier, t’es avec tes potes là. Bah c’est cool, profite. Moi j’vais aller voir Marie parce que je sais que même si elle va me dire que j’ai vraiment fait de la merde, elle finira par agir comme une grande sœur ! Toi tu sais pas le faire, t’as toujours tes principes à la con et tu restes dans tes cases pourries quand ça t’arrange. Ouh la la l’adultère c’est mal, ouais putain, comment ça t’as pas dérangé que Logan le soit ! T’es bien content de l’avoir aujourd’hui ! A bon entendeur !

Je reste stoïque, incapable de surenchérir et de crier à mon tour. C'est vraiment comme ça que mon propre frère me voit... ? J'ai envie de chialer et d'aller m'enfermer dans ma chambre, comme le gamin que je suis.

— Va la voir ouais. Et dis lui comme je suis le méchant grand frère qui ne comprends simplement pas comment on peut tromper la personne qu'on aime et donner l'impression que c'est tout ce qu'il y a de plus normal... Excuse moi d'avoir d'abord essayé de comprendre, avant d'en parler plus posément avec toi. C'est pas vraiment comme si tu m'en avais laissé le temps avant de partir.

Je dégluti, alors que tout ce qu'il vient de me dire glisse encore partout autour de moi.

— Oublie pas de remercier Sainte Marie. Remercie là de t'avoir offert un chien pour te rendre le sourire, d'être venu passer deux jours par semaines pendant des mois avec toi quand t'étais assigné à residence. Remercie la d'avoir été là quand t'as eu peur de l'engagement avec Austin, d'avoir été là pour t'aider avec tes devoirs quand tu voulais réussir et de l'avoir aussi été quand tu étais dans tes inscriptions à la fac. Remercie là aussi très fort de ne pas passer une semaine sans t'appeler, même dix minutes. Et puis aussi de t'avoir demandé d'être témoin à son mariage, comme lui a préféré demander à ses potes de le faire. Et remercie là surtout d'être là pour toi, comme ce connard d'Adam est un égoïste qui s'en fout totalement de toi, tout le monde le sait.

Je fais demi tour et je rentre chez moi sans demander mon reste. Tant mieux que Logan soit parti courir, j'ai pas envie de parler. Même pas à lui.

— MAIS JE VAIS LA REMERCIER PARCE QU’À PART LE CHIEN ELLE A FAIT TOUT ÇA !!

Je hurle dans la rue comme un malade.

— ET POUR SON MARIAGE J’ETAIS PAS MAJEUR ! ET T’AURAIS PU ESSAYER DE COMPRENDRE SANS ME PRENDRE DE HAUT ET ME HURLER DESSUS !

Je repars comme je suis venu.

Je l'entends hurler dehors et ça me termine. J'ai bien envie de lui dire que majeur ou pas, Marie m'a pas plus demandé à moi, mais bon. Qu'il la remercie et qu'il me laisse tranquille. Qu'ils restent tous les deux comme les frères et sœurs géniaux qu'ils ont toujours été. J'en ai rien à foutre.

Tellement rien à foutre que presque une demi heure passe et que je suis toujours dans le même état. Assis dans le canapé devant la télé que je n'écoute même pas. Je ne sais même pas ce qui me fait le plus de peine et m'agace le plus.

Quand je rentre, la maison est calme. Plus de trace de Gabriel. Adam est dans le canapé en train de bouder.

— Hey.. mon bébé, qu’est-ce qu’il se passe ? Il est parti ton frère ?

— Ouais. Il est parti voir sa sœur. Comme son connard de grand frère n'est jamais là pour lui, tu comprends.

— Oula... t’as envie d’en discuter ou pas ?

Je demande par précaution avant de m’asseoir près de lui ; en fait, j’ai pas vraiment couru, donc je ne suis pas tout dégoulinant de sueur.

— Je crois pas, non. Je sais pas si je dois crier ou pleurer, alors bon.

Je réponds en venant quand même me blottir contre lui.

— T'as pas courru finalement ?

— Non, non. C’était juste pour m’éloigner et vous laisser parler, c’était pas mon sujet favori, là.

Je dis en riant un peu.