Hey Brother - Adam & Gabriel

Quitter la maison est chaque jour plus difficile, car je n'ai jamais envie de laisser Logan. Je n'ose même pas imaginer ce qu'il en sera lorsque les bébés seront présent a leur tour. Maintenant qu'on a tout réglé avec la maman et l'assistante sociale, nous savons enfin de source sûre que nous allons bientôt être parents. Qui aurait cru que je serai prêt après le fiasco avec Max ? Pourtant je suis plus sûr de moi que jamais.

J'ai suis déjà en train de chercher mon portable, prêt à envoyer un message à Logan pour lui dire que je rejoins la gare, quand je vois mon frère dans un café. Et c'est pas ça qui me surprends le plus. C'est surtout de le voir travailler a l'intérieur, qui me laisse sans voix. Depuis quand Gabriel travaille ?

J'hésite à rentrer, sûrement parce qu'il n'a répondu a aucun de mes messages depuis bien longtemps, mais je finis par réentendre Logan me dire que c'est à moi de me bouger.

— Bonjour.

Je salue poliment en entrant dans le café. Gabriel se retourne vers la porte et à son visage, je ne saurais pas dire s'il est vraiment surpris de me voir ou si malgré tout, il avait reconnu ma voix.


@Gabriel Saint-Clair

C'était une assez longue journée aujourd'hui, mais Austin avait un rendez-vous et j'ai quand même tenu à patienter pour qu'on rentre ensemble. Je suis donc installé dans le café où il travaille, plongé dans mes notes pour tenter d'y mettre de l'ordre et préparer mes fiches pour les partiels qui approchent. Quand j'ai l'impression qu'un client a la voix de mon frère, je me dis qu'il est temps de reprendre un café parce que je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici, mais ça commence à faire trop.

Puis en fait, ce client ressemble à mon frère. Et en fait, c'est carrément lui. Putain. S'il pense que je vais lui sourire et l'inviter à s'asseoir à coup de "quelle coïncidence !!", il se fourre le doigt dans l'oeil jusqu'au cerveau.

Son regard veux dire énormément de choses et je songe à tout ce dont nous avons parlé avec Logan. Je ne suis peut-être pas suffisamment fort pour affronter mon propre frère.

— Ça fait longtemps.

Je précise, au cas où il avait oublié. Abruti...

— Je m'attendais pas à te voir ici. Tu vas bien ?

— Ouais, ça va. J'me suis toujours pas fait larguer, même si, en effet, les choses sont un peu différentes. Ça te va comme infos ou t'en veux plus ?

Je repenche la tête sur mes feuilles.

— J'te demande pas comment tu vas, j'ai un rapport détaillé chaque fois que j'appelle maman.

Le rouge me monte aux joues, sûrement même jusqu'à la racine des cheveux. Il est très loin d'avoir oublié pourquoi il fait la gueule.

— J'aurais pas du réagir comme ça Gabriel, je le sais. Et je suis encore désolé. Je ne rêvais pas en secret qu'il te quitte...

Et lui le sait sûrement aussi, mais je suppose que c'est plus simple pour lui de faire comme s'il n'était pas au courant.

— Et les cours, ça va aussi ?

Je demande, comme je vois qu'il planche dessus.

— Ça me fait chier, je n'ai plus de vie et le peu que j'ai, je le gâche. Mais c'est intéressant, j'en chie mais j'aime ça. Je suis doué, c'est ce qui compte.

— Maman m'as dit que t'en sortais vraiment bien. Moi aussi je connais toute ta vie quand je l'appelle, mais c'est quand même mieux de l'entendre de ta bouche !

Je souris. C'est tendu, mais je crois que ça fait du bien malgré tout de l'avoir en face de moi.

— T'as bientôt tes partiels, c'est ça ?

Je repose mon stylo dans un soupir et je lève la tête vers lui.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que tu veux ? Parce que j'arrive pas à comprendre ce que tu cherches avec tes banalités, là. T'arrives à me supporter malgré ce que j'ai fait ? T'arrives à me regarder dans les yeux ? À me considérer encore comme ton frère ?

J'attrape la chaise face à lui et je m'y assois sans lui laisser le temps de me dire d'aller me faire foutre.

— Je suis désolé Gabriel ! Faut que je le dise comment pour que tu y crois ?

Je demande, plein de conviction dans la voix.

— J'ai pas su réagir comme je l'aurais du, je te l'accorde. J'ai pris les choses de la mauvaise façon et je me suis mis à la place d'Austin, avant de penser à ce que toi tu aurais besoin d'entendre ! Mais merde, tu peux bien aller butter une fille demain que je t'aiderai à cacher son corps ! T'es mon petit frère y'a même pas de débat à avoir ! Et la terre entière le sait.

— Si c'était ta réaction à chaud, c'est que c'est ce que tu penses vraiment, c'est comme ça. À tes yeux, je suis un connard et Austin aurait dû me quitter. Certainement qu'il va finir par le faire, de toute façon. Alors putain non, personne ne sait que tu serais de mon côté s'il m'arrivait une merde parce que c'est pas moi que t'écoute, c'est toi. Mais c'est marrant parce que ça te dérange pas d'avoir épouser un connard.

— T'es pas obligé d'être grossier Gabriel !

Je ne relève pas l'insulte, parce que je sais qu'il dit cela pour me faire sortir de mes gonds.

— C'est pas parce que t'es mon frère que je dois cautionner tout ce que tu fais ! Si Austin est encore là, c'est qu'il a su te pardonner et je trouve ça beau pour votre couple ! Et tu sais pourquoi ? Parce que si ça m'arrivais, je passerais le reste de ma vie à me remettre en question et ce serait moi, la personne qui détruirait mon mariage !

Je lève les yeux au ciel. Je m'éloigne du sujet.

Alors moi je peux m'insulter, mais dès qu'on touche à son mec, il faut se calmer. Puis quand il tente de m'expliquer sa réaction, il termine de m'achever. Finalement, Adam restera toujours Adam. J'ai cru qu'à un moment donné on était proche, mais c'était certainement parce qu'il avait besoin de moi. J'ai cru qu'on pouvait être proche, s'entendre et faire les quatre cent coups ensemble, mais ce n'est pas le cas parce qu'il pense toujours à lui d'abord, même quand il n'est pas impliqué ou concerné. Encore une fois, il parle pour Austin, encore une fois il insiste sur le fait qu'à cause de ce que j'ai fait, mon couple ne tiendra pas, parce que lui, il n'aurait pas supporté. Je le regarde, sans savoir quoi lui répondre. Est-ce que je le traîte d'hypocrite parce qu'il est actuellement en train d'élever la fille d'une femme à qui il a tout pris ? Est-ce que je lui fais remarquer à quel point ça doit être affreux pour l'ex femme de Logan de sa voir que sa fille appelle quelqu'un d'autre papa et que ce mec-là la laisse faire comme si c'était sa fille et qu'il l'avait élevé depuis toujours ? Est-ce que je lui balance dans la gueule que j'ai mal d'avoir énormément donné pour le soutenir sans me poser de question alors que ce qu'il faisait c'était mal, et que je n'ai aucun retour ? J'ai simplement des reproches et cette manière désagréable de me glisser qu'il n'est pas obligé de m'approuver alors que moi, même sans l'approuver je lui lèche le cul et me plie en quatre simplement parce que j'ai envie que mon frère s'intéresse enfin à moi. Je lui dis que je m'en fous qu'il soit maladroit dans ce qu'il dit parce que c'est dit quand même ? Non. Je ne vais rien dire du tout parce que c'est mon grand frère et qu'il ne mérite pas de ressentir toute cette peine qui m'étouffe. Ça fait des années que je garde beaucoup de choses pour moi alors je vais poursuivre. De toute façon, c'est de ma faute si j'en suis là. J'avais qu'à garder ma bite dans mon pantalon, non ?

— Je te demande pas de cautionner.

Je soupire bruyamment.

— De toute façon, ça te regarde pas. Je sais même pas pourquoi j'ai couru te demander conseil parce que ça aurait dû rester entre Austin et moi. Je sais pas quoi te dire de plus. Je te fais pas la gueule, en fait, je le réalise, là. C'est juste que j'ai rien à te dire parce qu'en ce moment, ma vie entière tourne autour d'une erreur que tu juges impardonnable et que tu vis comme si c'était toi qui étais trompé alors... c'est tout. J'ai rien à dire. Je vais en cours, j'étudie au café ou chez moi, je sors mon chien et j'essaie de rattraper la merde que j'ai semée, sans aucun succès. Ma vie c'est de la merde et je fais avec. Y a rien à dire de plus. J'espère que ton conte de fée se poursuit, Venise, tout ça. Tu le mérites, t'as bossé dur pour obtenir tout ce que t'as.

— J'ai pas compris ton geste. Je l'ai pas compris, mais ça ne fait pas de moi un monstre ! Si tu me parles pas, si tu me parles plus, comment je suis censé comprendre et aider ? Chaque fois que je voudrais être là pour toi, je fais jamais ce qu'il faut. Chaque fois ça se retourne contre moi, parce qu'il existe des faits qu'on n'interprète pas de la même façon.

J'ai l'impression de m'enfoncer encore plus et de n'être même pas capable de réussir à me faire comprendre de mon propre frère.

— On n'est pas censé être les personnes qui peuvent tout se dire ? Je sais qu'on est aussi censé se soutenir en toute circonstance et que c'est pas ce que j'ai laissé voir, mais si t'étais resté quand t'es venu à la maison ce jour là, je t'aurais pas jeté dehors comme un mal propre ! On est diamétralement opposé, sur tout, mais comment tu peux croire que je ne serai pas toujours de ton côté quoiqu'il se passe ?

Quoiqu'il puisse croire, a l'évidence. Je n'ai plus seize ans et en sortant de la surface, jamais Austin ne serait passé avant de lui de nouveau.

— J'ai failli te perdre quand on était plus jeune Gabriel, et j'ai pas envie de refaire la même erreur. J'ai pas envie que tu ne fasses plus parti de ma vie simplement parce que je suis égoïste et que je ne suis pas capable de te montrer que tu peux compter sur moi.

— Si, on est censé tout pouvoir se dire mais... quand je suis venu te dire quelque chose, je me suis senti jugé.

Tout le monde passe sa vie à me juger et ma famille est en première ligne depuis longtemps ; c’est de ma faute car je ne fais que des conneries.

— Je voulais juste un frère qui me dise « oula t’as merdé, mais ça va aller ». Je m’en fous que tu me mentes, putain. Mais t’as été méchant et tu parles pour toi comme si t’étais directement impliqué. Je voulais juste être rassuré et tu m’as enfoncé. Alors passe moi ton j’ai failli te perdre. T’as jamais failli me perdre. C’est juste que tu sors pas de ta manière de penser. Mais finalement t’as raison, j’ai pas à être soutenu. C’est tout. Alors c’est bon. Chacun ses problèmes et ça ira.

Je me prends une énorme claque quand j'entends ce qu'il attendait vraiment de moi. Et quand je le reporte à plein de situations, je comprends mieux certaines choses. Je revois son regard quand j'ai annoncé que j'allais me marier avec Logan : il trouvait que c'était une connerie, mais il m'a félicité. Je revois son air blasé quand il a su que je me faisais un homme marié, mais il m'a aidé à ne l'avoir que pour moi.

— J'ai été con.

Je réponds malgré moi. Je ne l'ai même pas dit pour qu'il l'entende, mais pour que je le comprenne, moi.

— Pas un seul instant je me suis dit que c'était de ça dont t'avais besoin. Enfin, si ! Je sais que tu venais chercher un soutien, que j'ai pas su te donner, mais je sais pas. J'ai pas su réagir autrement qu'en étant moi, sans penser à toi...

Et je comprends ce qu'il a voulu dire en parlant de mauvais frère. S'il m'avait jugé chaque fois que j'avais fais quelque chose de déplacé, j'aurais sûrement fini par me jeter sous une voiture à un moment de ma vie.

— J'ai l'impression de me répéter inlassablement, mais je suis désolé Gabriel, de ne pas avoir été là alors que t'en avais besoin, et du reste.

— Bah moi aussi, je suis désolé.

D’être aussi nul et décevant. Il est déjà habitué, mais apparemment je peux toujours faire pire.

— J’ai besoin de rien, maintenant. Je m’en sors bien tout seul.

— T'as pas à être seul.

Et c'est facile à dire, maintenant...

— Si un jour, t'en ressens le besoin de nouveau, on ne sait jamais : je serai là. Et je le suis déjà, malgré tout ce que je peux laisser penser. J'ai pas été à la hauteur, mais je ne veux pas que ça se reproduise... Je ne veux plis que tu te sentes tout seul, c'est pas normal de ma part de t'avoir laissé croire ça.

— T’as ta vie, Adam. C’est bon, t’es un adulte, t’as d’autres priorités.

Il peut me dire ce qu’il veut, il s’est passé la même chose avec Marie. Ils sont là pour moi, mais seulement pour la forme. En réalité, quand j’ai vraiment besoin, ça tourne souvent autour du « fallait réfléchir avant d’agir » et autres reproches qui les dédouanes de leur promesse. Ils sont là pour moi si ça va, pour me dire bravo. Et ce n’était pas souvent, avant. Alors le besoin d’aller vers eux, même si je le ressens je l’ignore parce que je sais que je suis nul et mauvais, je n’ai pas besoin de l’entendre ou de le lire sur leur visage.

— J’te fais pas la gueule, ça va.

— Tu fais parti de mes priorités Gabriel. Vous tous. Ce n'est pas parce que je vais avoir mari et enfants que ça doit changer quelque chose. J'ai pas envie d'être cette personne qui n'a plus de lien avec vous parce que j'ai ma propre famille. Vous en faites tous partis.

Je voudrais le croire quand il dit qu'il ne me fait pas la gueule. Et une part de moi, celle qui est soulagée, y croit plus que tout. Mais c'est a moi de faire mes preuves et de lui montrer que je serai là, réellement.

— J’ai plus envie de parler de ça, Adam. C’est bon. J’ai autre chose à penser.

Même si là, j’arriverai plus à étudier.

— C’était bien ton voyage de noces ?

— Pardon.

Je réponds vivement, sans trop savoir quoi faire et comment agir.

— C'était vraiment bien, oui. J'ai appris que mon mec parlait couramment italien, normal. Oh et je t'ai ramené un petit quelque chose, mais tu te doutes bien que je ne pensais pas te croiser aujourd'hui.

— Ah ouais, il parle italien ? Il est vraiment bizarre ce gars.

Je commence à ranger mes affaires en essayant de ne pas tout mélanger.

— Ouais, j'en avais pas la moindre idée.

Je le vois ranger ses affaires et soudainement, je me sens vraiment con.

— T'étais en train de bosser, excuse-moi, j'ai pas pu m'en empêcher, mais j'ai du te déranger. Je file si tu veux, t'arrêtes pas à cause de moi !

Je dis finalement en remettant sur mes épaules la veste que j'avais légèrement écarté à cause de la chaleur.

— Nan, c’est bon. J’ai mal au crâne de toute façon. Je vais aller chercher Austin.

Quand j’ai tout rangé, je balance mon sac sur mon dos et je me lève.

Je me lève à sa suite. Je crois que je n'ai pas envie de le quitter, que j'ai peur que tout reparte en vrille s'il n'est plus face à moi. Et en même temps, il va bien falloir qu'on se sépare à un moment.

— Il est où ? Il bosse ? Maman m'a dit qu'il avait trouvé un job pas trop mal.