I'm trying,to walk away but I know this crush ain't going away — Emma & Jude

Ce soir, j'avais envie de sortir un peu. Je ne connais pas grand monde ici, à part Kit que je croisé deux ou trois fois au skatepark et mes collègues. Il faudrait que je songe à me créer un vrai réseau ; d'après ma soeur, ce serait vraiment important pour moi, ça m'éviterait de finir comme un vieux gars.

Bien sûr, ce n'est pas en allant vers des gens pour leur demander si on peut être ami que ça va se faire, mais ce n'est pas non plus parce que je n'ai personne avec qui sortir que je dois rester chez moi tous les soirs. Les printemps est là, il fait bon. J'ai donc décidé d'aller faire un tour à la fête foraine, histoire de manger quelques chourros et bien commencer le week-end : être prof de sport a ses avantages, pas de copies à corriger.

Je me balade un moment, mon cornet à la main et c'est son rire que je reconnais. Je suis sûr que c'est Emma mais je n'ose pas me retourner parce que je n'ai pas envie de la voir avec l'un de mes élèves. Plus je l'évite et plus j'y pense. Et partout où je vais, elle est là également. Je me dis que juste un petit coup d'oeil ne peut pas me faire de mal alors je me retourne pour la regarder.

Je m'en suis énormément voulu d'avoir quitter le gymnase de cette façon là. Pas par rapport à Jude, mais par rapport à moi-même. J'ai détesté ne pas être forte, et ça ne doit plus se reproduire. J'ai eu un moment de faiblesse et ça ne doit plus se reproduire. Je m'autorise à broyer du noir ce week-end, mais dès lundi c'est terminé, j'irais mieux.

Allongée sur mon lit en pyjama avec mon ordinateur, je regarde un film sur Netflix, quand ma porte s'ouvre.

— Allez, prépare toi on sort.

Je me redresse en même temps que Stalone, Roméo et Loki.

— Chad ! Qu'est-ce que tu fais là ?

Il fouille déjà dans mon dressing.

— Je sauve ton week-end.

Je me relève pendant qu'il continue de sortir plusieurs vêtements.

— Mais tu es arrivé quand ?

Il embrasse ma joue.

— Tout à l'heure, enfile ça.

Il me tend une petite robe blanche à fleurs.

— Je n'ai pas envie de sortir.
— Je sais tes parents m'ont dit que tu n'avais pas trop le moral en ce moment.

Il me fait un grand sourire.

— Je t'attends en bas dans 15 minutes!

Puis il quitte ma chambre. Je ne peux pas m'empêcher de sourire.


********

Finalement Chad avait raison de me forcer à sortir. J'oublie tout et je m'amuse réellement.

— Tu n'es pas prête de le gagner cet ours en peluche là !

Il se moque de moi, alors que j'essaie de tirer à la carabine. Mais c'est un échec.

— Laisse moi faire.
— Non ! Je veux le gagner toute seule.

Depuis.... vingt minutes déjà.

— Tu es vraiment bornée.
— Il parait oui.

Je me mords les lèvres et je tire encore une fois, mais c'est totalement raté, encore. Je n'arrive pas à viser les ballons. Il s'installe derrière moi pour me guider et je ne peux pas m'empêcher de rire, parce que c'est encore pire. Je ne sais pas pendant combien de temps on s'acharne encore mais au bout d'un moment le forain a pitié de moi, et me donne enfin le gros ours en peluche que je voulais.


— Tu veux que je le prenne ?
— Non.

Je l'ai gagné, je veux le porter.

— Tu es consciente que tu l'as payé au moins cinq fois son prix ?

Je me retourne en riant, mais je m'arrête en une seconde et mon coeur rate un battement quand je tombe face à Jude.

Quand je me retourne, je la vois rire à gorge déployée, au stand de carabine, accompagnée d’un autre mec. Un que je n’ai jamais vu. Je ne peux pas m’empêcher de me dire que je ne suis qu’un parmi tant d’autre. Qu’elle s’est vraiment bien fichue de moi.

Je les regarde un moment, elle gagne son ours et quand ils se retournent, je reprends ma route. Malgré moi, nos regards s’accrochent mais je ne le soutiens pas, aujourd’hui je n’ai pas la force de faire comme si je m’en fichais.

Je n'arrive pas à comprendre ce que je vois dans ses yeux, mais il détourne le regard, c'est la première fois qu'il fait ça et ça me fait mal. J'ai envie de le suivre, de le rattraper, mais je suis incapable de bouger.

— Em' allo ?

Chad agite sa main devant mes yeux et je reviens à moi.

— Tout va bien ?

Je regarde une dernière fois Jude, et je hoche la tête. Il m'entraine déjà vers un autre manège. On croise des amis à lui qu'il n'a pas vu depuis longtemps. Ils décident de faire un manège à sensations fortes, ce n'est pas pour moi, j'en ai jamais fait. Pendant qu'ils y sont je me promène, toujours avec mon ours. Quand j'aperçois Jude un peu plus loin, j'hésite, je revois son regard. C'est ridicule ce qu'on fait, je sais qu'il ne veut pas me parler mais on n'est pas obligé d'agir comme ça. Je prends une inspiration et je me dirige vers lui. J'essaie de ne pas être trop hésitante, mais je crois que je n'y arrive pas vraiment.

— Bonsoir...

Je m'arrête pour regarder la boule décoller, ça me fait toujours halluciner ce truc-là. Lorsqu'elle part, j'entends Emma à côté de moi et j'ai du mal à quitter le manège des yeux. Mais elle est là avec son ours, elle a largué le type avec qui elle était et je ne sais plus comment agir. Cette situation me fatigue.

— Tu passes un bonne soirée ?

Je le regarde plusieurs secondes sans savoir quoi répondre. Si je dois mentir ou non, si je dois faire semblant et être forte, ou être sincère. Je ne sais pas ce qu'il attend ou ce qu'il espère comme réponse, c'est tellement différent de la relation que l'on a eu, à force je ne sais plus comme agir, avec lui mais aussi avec moi. Je finis par soupirer.

— Pas vraiment, je crois.

— Ah non ? T’avais l’air tout à l’heure, pourtant.

Je réponds avant de me décider à lui accorder un regard.

Je suis son regard des yeux, vers la boule. Je reporte mon attention sur lui, je ne comprends pas où il veut en venir. Et la façon dont il le dit me donne l'impression d'avoir quelque chose qu'il ne fallait pas.

— J'avais besoin de changer les idées.

Je soupire.

— Emma... je vais être honnête. Je pensais pas te revoir quand on s’est séparés. C’est ce qui a rendu la séparation facile. Mais là... là c’est trop compliqué. Je vais demander une mutation, me rapprocher de chez moi parce que... moi j’arrive pas. J’ai pas envie d’te voir avec d’autres mecs ou... malheureuse.

Quand il parle de mutation, mon coeur se serre et je panique.

— Tu ne peux pas partir. Le lycée de White Falls est une excellente école, elle à un taux de réussite élevé, c'est important pour ta carrière. Puis tout le monde t'adore, tu es un prof génial.

Je respire pour empêcher ma gorge de se serrer.

— Je sais qu'on n'avait pas prévu ça, et je te promets d'arrêter de te chercher ou de te provoquer.

Ce n'est pas ce que je voulais, je n'ai jamais souhaité ça.

— Je ne suis pas malheureuse.

C'est un mensonge et je sais qu'il le sait lui aussi. Alors j'essaie de rattraper.

— Ce n'est pas à cause de toi, ce n'est pas de ta faute. Mais ne pars pas à cause de moi s'il te plaît.

Je soupire. Il est évident que ma décision est la plus réfléchie, la plus sage. Si je pars maintenant, il n’y aura aucun dégât. Pas de majeur, en tour cas.

— T’as pas entendu, Emma. Je n’ai pas envie de te voir avec d’autres garçons.

J’insiste parce qu’elle n’a pas l’air de percuter.

— Je n’ai pas envie de te voir avec un autre parce que j’arrête pas de penser à toi et que j’ai envie d’être avec toi. Tout le temps.

Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi sincère, mais encore plus à ce qu'il ressente ça. De le voir m'ignorer comme ça, je crois que j'avais fini par penser que je ne représentais plus rien pour lui. Cet été nous n'avons jamais parlé de sentiments. Je ne savais pas qu'il ressentait ça et ça me bouleverse, parce que moi aussi je pense à lui tout le temps.

— Il n'y a jamais rien eu entre moi et Dylan.

Je n'ai pas honte de lui avouer :

— Grâce à lui j'avais ton attention, je sais que c'est ridicule mais j'en avais besoin.

Il est même loin d'imaginer que je n'ai jamais fréquenté personne à part lui, qu'il a été ma première fois. J'entends les gens crier dans le marteau, je relève les yeux et c'est là que je réalise.

— C'est mon cousin ! Le garçon avec qui je suis ce soir, c'est mon cousin, Chad. Il n'y a personne d'autre, je pense à toi à tout le temps.

Son cousin. Je m’en veux d’avoir pensé du mal d’elle parce que la personne que j’ai connue cet été était tellement différente de celle que je voyais récemment. Je ne sais pas quoi lui dire. Je ne sais pas comment arranger tout ça.

— T’es très jolie. Cette robe te va très bien.

Pas sûr que ce soit la meilleure façon d’arranger les choses, mais j’en ai assez de faire semblant.

Je baisse les yeux sur ma robe, cacher derrière l'ours et je rougis.

— Est-ce que je peux te dessiner ? J'ai essayé des dizaines et des dizaines de fois, mais sans voir ton visage, je n'ai jamais réussi.

— Me dessiner ?

Je fronce les sourcils.

— Là, maintenant ? Au milieu de la fête foraine ?

Je secoue la tête, j'ai les mains un peu moites car ça me gène.

— Je n'ai rien avec moi.


Même si j'aurais adoré pouvoir le dessiner ici, avec toutes ces lumières.

— Quand on s'est quitté j'ai regretté de n'avoir aucun souvenir de ton visage, j'avais peur de l'oublier... J'aimerais vraiment en avoir un maintenant, pas seulement une photo.

— Je ne savais pas que tu dessinais. Après... j’suis pas un modèle facile, tu vois, parce que j’ai une beauté qui se capture pas facilement.

Je dis avec un sourire pour rendre la situation moins dramatique.

— Il y a plein de choses que tu ignores sur moi.

Je dis avec un petit sourire mystérieux. Je lâche un petit rire timide, mais sincère.

— Je suis prête à relever ce défi. Si... si tu acceptes bien sûr, tu n'es pas obligé, si tu ne veux pas je comprendrais. Enfin, je ne t'en voudrais pas.

Je soupire intérieurement parce que je m'enfonce. C'est pas facile car tout était si simple entre nous avant, que j'ai peur de dépasser des limites que je ne connais pas.

Je hausse les épaules.

— J’en sais rien, Emma. T’avouer que tu ne me laisse pas indifférent, que je te trouve jolie et que tu me manques ne résoud pas notre problème.

J'ai l'impression de recevoir un rejet encore une fois. Je ne comprends pas ce qu'il veut ou ce qu'il aimerait, mais je suis persuadée au fond de moi que l'on s'y prend mal.

— Tu es mon professeur maintenant, mais tu ne le seras pas éternellement. Et dans quelques mois à peine je serai majeur. Tu me man-

— Hey t'es là !

Chad arrive avec ses amis, il est complètement décoiffé et ses joues sont rouges. Il passe un bras autour de mes épaules, puis réalise que je ne suis pas seule.

— Salut ! Jonas organise une petite fête, ça vous dit ?

Je me racle la gorge.

— Chad, c'est mon professeur.

Je tente discrètement mais ça ne l'arrête pas.

— Et alors ? Tu crois que les profs ne sortent jamais ?

Il tend sa main à Jude.

— Chad Olsen !

Je serre la main de ce type qui débarque et j’affiche un sourire de circonstance.

— Jude. Hm... c’est gentil pour la proposition mais ce serait un peu déplacé. Alors je pense m’abstenir.

Je me méfie des gens qui sont trop à l’aise avec l’illégalité. Ou qui y accorde peu d’importance. Je regarde Emma un instant ; elle aussi, elle me manque. Elle n’a pas idée à quel point. J’aime tout chez elle mais sa délicatesse et sa bienveillance font partie des choses qui me manquent le plus. Sa tendresse aussi.

— Je vais vous laisser.

J’ak du mal à sourire, mais je me force.

— Ravi de t’avoir croisé, Emma. On se voit lundi, en pleine forme j’espère.

Je dis en jetant un œil à sa cheville.

Ça me fait de la peine de me sentir aussi mal à l'aise face à lui, alors que cet été sans le savoir il m'a aidé à m'ouvrir et à me sentir bien avec moi-même. Il n'y avait aucune gêne entre nous, jamais. Je me force à lui sourire à mon tour.

— En pleine forme.

Je confirme. Je le regarde s'éloigner, puis quand Chad me propose encore une fois de les suivre à cette soirée, je refuse alors ils me ramènent à la maison. Encore une fois j'essaie de le dessiner, mais je n'arrive qu'à reproduire ses yeux. Mais quelque part je suis heureuse, parce que ce soir on a réussi à discuter au moins eu peu et surtout maintenant je sais que ce que je ressens pour lui est partagé. J'ai conscience que ça ne résoud pas notre problème, comme il a dit, mais je me sens moins seule.