Back to you — Adam & Logan

Je souris quand je le vois rentrer, parce qu'une part de moi avait peur qu'il ne le fasse pas vraiment.

— Je veux pas que tu le fasses tout en sachant que tu m'en veux parce que je te mets la pression. C'est pas dans mon intérêt de te rendre mal...

Jetant ma tête en arrière, je soupire doucement en repensant à mon prof de littérature et à ses mots.

— Évidemment que ce serait mieux. J'aurais de meilleurs cours, de meilleur profs, de meilleurs contacts... Je serai déjà à Londres, un pied dans tout ça. Mais imagine... Imagine que malgré tout t'ai pas l'occasion de lui parler d'ici là, on sait jamais. Juste, imagine.... On fais quoi hein, sans lundi ?

— Alors je dirai à Moïra que je déplace ma journée à Londres en semaine pour éviter de partir le week-end. Y a toujours des solutions quand on veut en trouver, Adam.

Je passe un bras autour de lui pour l'attirer contre moi.

— J'ai envie de quitter Moïra, je suis sincère. Il ne se passe plus rien entre elle et moi depuis un long moment. C'est juste que j'ai peur de perdre ma fille.

— Plus rien du tout... ? je ne peux m'empêcher de demander. Pardon c'est déplacé.

Je me blotti contre lui et je sens mon estomac se contracter. Je ne veux pas que Logan perde Olivia, je sais qu'il serait encore plus malheureux qu'il dit l'être avec sa femme en ce moment. Et forcément que ça me fait peur aussi, putain...

— Elle peut pas te l'enlever, pas vrai ? Je veux dire... Tu gagnes bien ta vie, t'as un boulot stable, t'as cet appartement comme pied à terre... T'aurais forcément la garde aussi, non ?

— Non, plus rien.

Je soupire tristement.

— C’est elle qui aura la garde parce que c’est la mère, parce que je suis en faute en la trompant et qu’elle va partir vivre en Écosse. Avec mes horaires et cet appartement où on ne peut pas loger un enfant, je n’ai aucune doute sur qui aura la garde.

J'ai envie de pleurer, parce que ça me dépasse. Parce que mon bonheur apportera forcément son malheur et réciproquement. J'ai l'impression qu'on est dans une impasse et ça me fout la gerbe...

— Mais qui va savoir que tu la trompe ? Personne ! Si tu lui parle pas de moi, que tu effaces mon numéro et qu'on se voit pas pendant quelques temps, personne saura ! Ça fait des mois et elle sait pas ! Alors si on se voit plus, personne pourra savoir ! Juste ça va plus entre vous et voilà, elle le sait ça aussi.

— Elle partira quand même en Écosse.

Je réponds simplement.

— Sauf que si elle part en Ecosse sans que rien soit décider juridiquement, là c'est toi qui peut faire garantir ton droit de père comme quoi elle part à l'étranger avec ta fille !

On en parle comme si c'était déjà fait et je me sens mal. Logan a jamais vraiment été amoureux d'elle, il me l'a dit. Il aurait pu rester avec sa femme aussi longtemps que possible et être tranquille et moi j'arrive, et comme partout où je vais, je fous un coup de pied la dedans...

— Ce sera décidé. Je la connais, tu sais. Je sais qu’elle fera tout dans les règles de l’art.

Au fond, j’espère vraiment me tromper.

Je soupire à côté de lui, sans savoir quoi dire de plus. Parfois je sais trouver les mots, mais il est vrai que dans cette situation je n'en ai aucun... Je ne peux pas lui dire qu'on se battra quand je n'ai rien à faire dans l'histoire, ce serait déplacé. Et je ne peux pas non plus dire que tout va aller, parce qu'on est loin de la vérité.

— J'irais prier avec maman...

Ça m'est pas arrivé depuis longtemps, mais j'ai l'impression que c'est la seule chose que je peux faire à mon échelle.

J'ai envie de rire au début, parce que j'ai l'impression qu'il se fout de ma gueule, et je me rappelle qu'il est vraiment très croyant alors je trouve ça touchant. Je dépose un baiser sur son front.

— Merci, mon coeur.

Comme si la conversation était terminée, j'allume la télévision et j'essaie de penser à autre chose, mais c'est presque impossible. Je cogite parce que cette situation ne me convient plus du tout et, à force d'y réfléchir, je percute.

— Livi rentre à l'école cette année. Si on la laisse faire sa rentrée scolaire et que ça se passe bien, Moïra pourra pas la retirer de l'école. J'ai simplement à me trouver un appartement plus grand et je pourrais l'avoir un week-end sur deux et durant les vacances scolaires. Quand elle sera plus grande, on pourra faire une garde alternée.

Je sursaute quand Logan me parle, parce que j'étais parti dans mes pensées. Je ne savais pas qu'Olivia rentrait des maintenant à l'école, mais merde, il a raison. Elle est là, la solution.

— Alors on oublie tout ce qu'on a dit tout à l'heure !

Il me regarde, pas sûr de comprendre, et je m'explique.

— Tu laisses tomber cette histoire de parler à Moïra avant la rentrée ! Si tu es toujours d'accord, je viens avec toi cette semaine à Londres et je fais en sorte de m'inscrire dans l'école qu'on me recommande ! Et puis nous... Bah on se débrouillera pour se voir, soit un autre jour si tu peux, soit des midis par ci par là si c'est trop compliqué, je souffle doucement. Olivia est plus importante, c'est ça la priorité actuellement, pas que tu parles à ta femme.

Quand il me dit qu'Olivia est la priorité, mon coeur palpite et c'est très agréable. J'attrape sa main pour lier nos doigts et je sais très bien que j'ai raison de vouloir quitter ma femme pour être avec lui. Je le sens.

— Je sais qu'on va trouver quelque chose. Je le sais. Mais, là, j'ai juste envie de profiter de toi. C'était vraiment long tout ce temps sans se voir.

— Dernièrement j'avais déjà du mal à tenir toute une semaine, alors je te laisse imaginer comme quatre de suite ont été difficiles...

J'embrasse sa joue avant de m'allonger sur le canapé, la tête sur ses jambes.

— Et comme je les aient passés à me demander si tu pensais au moins un peu à moi, le temps a été un peu long tu te doutes bien.

Je rigole, en jouant avec nos doigts liés.

Je caresse ses cheveux avec tendresse.

— Y a pas une journée où je n’ai pas pensé à toi. Je tournais en rond là-bas, heureusement qu’il y avait Olivia. Qu’est-ce que tu as fait avant que ton frère ne vous fasse la surprise de rentrer ?

Je souris en entendant sa réponse. C'est rassurant d'entendre que je lui ai manqué autant qu'il m'a manqué. J'arrive à appréhender plus sereinement l'avenir dans ces moments là et ça me permets d'éviter de psychoter des heures durant.

— Pas grand chose de rare. J'ai énormément lu, j'ai continué de bosser pour moi parce que j'ai un projet qui me plaît, j'ai essayé de sortir un peu avec des potes. La routine totale...

J'ai reçu un message de Maximilien aussi... Je n'ai pas trop compris la raison, parce qu'on ne s'était pas parlé depuis qu'il était parti pour ainsi dire. Mais j'ai préféré laissé tomber, pas certain de vouloir connaître le fond de sa pensée.

— Un projet qui te plaît ?

Je demande avec intérêt.

— Je suis au courant ?

Quand je l’écoute, je crois que je n’ai pas lu depuis un millénaire. Enfin, autre chose que des bouquins en rapport avec mon boulot. Je réalise qu’il me sort un peu de ma routine, qu’il me donne envie de faire autre chose. C’est agréable.

Personne n'est au courant encore. Je viens de passer un mois à penser à tellement de choses que je ne veux pas en parler trop, au cas où ça ne se concrétise pas.

— Tu rigoles pas, ok ? T'es le premier à qui j'en parle.

Il acquiesce et j'attaque, le cœur battant.

— Pour notre projet de fin d'études, j'avais proposé des parainages avec des associations pour que les banques soient plus enclines à nous aider financièrement. J'ai finis par pas mal potasser là dessus et je crois que j'ai envie de monter la mienne, d'association. Même pour aller à la bibliothèque tu dois payer maintenant et c'est pas normal. Je voudrais faire découvrir la lecture à ceux qui n'ont pas forcément accès à elle, que ce soit par leurs moyens ou simplement par leur environnement familial. Certains parents n'y voient pas d'intérêt, alors ils n'achètent pas de livres à leurs enfants. J'aimerais qu'ils puissent venir découvrir ce que c'est, en dehors de chez eux. Même pour des adultes qui voudraient enfin se lancer ! J'ai pensé demander à ma mère de me parainer avec la paroisse, et pourquoi pas à la bibliothèque aussi. J'ai regardé toutes les subventions auxquelles je pourrais avoir droit, et plein d'autres choses !

Je l'écoute et il est tellement dans son projet que ça me transporte également. Je crois que je trouve ça génial.

— Tu pourrais même être jumelé avec l'association en Colombie où ton frère s'est rendu, non ? Ils auront certainement besoin de livre avec l'école qu'ils construisent.

Il m'en a tellement parlé que je sais les moindres détails de tout ce qu'à fait son petit frère là-bas.

— T'as des idées de comment t'y prendre ? Tu prendrais un local ? Un bibliobus ? Tu te déplacerais dans les écoles pour faire la lecture ?

— C'est pas con, faudrait que je lui en parle ! Avec l'école qu'ils construisent, ils doivent avoir besoin de bouquins pour l'alimenter !

Logan ouvre encore une nouvelle porte dans mon esprit et je suis touché qu'il soit aussi intéressé. Il est bien loin de rire de mon idée et ça me donne confiance en moi.

— Je voudrais aller dans les écoles ! Je pensais à des sortes de mini salon du livre, installés dans une pièce de l'école pour toute une journée. Pendant les cours je pourrais proposer de la lecture et des activités dans les classes et pendant la récréation, les enfants pourraient venir fouiller dans notre bibliothèque mobile ! Faudrait que je m'associe à une maison d'édition ou à une librairie, qui pourrait me fournir les bouquins nécessaires, comme une location ! Et si ça marche, après, je songerais aux plus âgés !

Je souris en sentant ses doigts dans mes cheveux. Entre ça, la solution pour Olivia, l'école de Londres et la perspective de voir Moïra éloignée d'ici quelques semaines, j'ai l'impression que ma vie trouve un équilibre qui me plaît. Un chemin qui file enfin droit.

— T'en penses quoi ?

— Eh bien... il y a déjà des foires aux livres dans les écoles. Ça se rapproche un peu de l’idée de ton salon alors il te faudrait quelque chose en plus. Pourquoi pas proposer des ateliers autour du métier du livre ? En fonction des niveaux... pour les plus jeunes les illustrations et pour les plus grands, la lecture sur les liseuse. Pourquoi pas sensibiliser des enfants à la dyslexie, à l’illettrisme ? Leur proposer des ateliers d’écriture, faire venir un conteur. Leur donner le goût du merveilleux et de l’imaginaire car la lecture suivra. Non ?

— Des foires aux livres ? Putain mais j'étais dans quelle école moi encore pour pas connaître ça ?

Je rigole, parce que si je n'avais aucune idée de ce que c'était, je comprends rapidement avec le rapprochement que Logan en fait.

— Je sais pas si l'approche avec des liseuses me plaît ou non. Mais j'aime beaucoup l'idée des ateliers ! Y'a tellement de choses à mettre en place, que ce soit autour de l'écriture, de l'édition ou même du dessin. Et les conteurs aiment toujours partager avec les enfants !

Je soupire, mon cerveau fusant encore à mille à l'heure. Je ne sais pas dans quoi je me suis lancé, mais je n'ai pas envie d'arrêter maintenant.

— Je crois qu'il va falloir que je lance une campagne de recrutement ou j'arriverais pas à faire le quart de ce qui est possible !

— Toi, peut-être que l’approche te plaît pas... mais les gamins qui trouvent les livres nuls, peut-être qu’ils aimeraient bien...

Je dis avec un petit sourire. Je le regarde avec tendresse parce qu’il est tellement impliqué dans ce qu’il fait que ça le rend adorable.

— Déjà, établis un projet solide et entièrement organisé. Les gens ne se lancent pas dans le flou. Si ta mère est active dans les associations, je suis sûr qu’elle saura t’aider mieux que moi pour créer un projet de A à Z. Mais je suis derrière toi.

— Merci.

Je viens l'embrasser rapidement avant de m'allonger de nouveau, un sourire aux lèvres.

— Je suis en train de monter tout un dossier ! Je vais songer à tout ça en plus, voir comment je pourrais intégrer ces différentes choses là au projet. Et je vais en parler à ma mère, t'as raison, elle pourra forcément m'aider.

Je me sens bien, heureux et j'ai envie de croire que ça va durer toujours.

— Évidemment...

J'ai baille, signe évident de ma fatigue. Entre l'heure et les émotions de cette fin de journée, je crois que j'ai juste besoin de me mettre au lit.

— Tu viens te coucher ou tu restes un peu devant la télé ? je demande en lui souriant.