Tension — Adam & Logan

— Bien sûr, je mélange tout. C'est moi qui suis con de ne pas envoyer chier les gens qui ne me dérange pas, c'est évident.

Ca m'agace qu'il ne reconnaisse pas son tort et qu'il ne prenne même pas une seconde pour s'excuser. Il est déjà parti se coucher et moi je suis là, à ne pas me sentir à ma place. C'est dur de ressentir ça ici, surtout après ces dernières semaines... Et en même temps, c'est son espace personnel et c'est moi qui empiète dessus sans ménagement et sans prendre en compte le fait qu'il a peut-être besoin d'être tout seul de temps en temps.

— Pandore a à manger et à boire, t'es pas obligé de t'occuper d'elle, elle se gère toute seule. Je te laisse un peu tranquille, si tu préfères que je dorme aussi chez mes parents demain, tiens moi au courant.

Je me marre dans mon coin.

— Ouais c’est ça. Fuis l’appartement, c’est plus facile.

Il m’a tellement agacé ce soir qu’il peut me laisser tranquille deux mois, ce sera toujours pareil. On n’avancera jamais s’il se casse à chaque embrouille, mais j’ai pas du tout la force de le retenir. Je me tourne vers lui.

— Mais tu t’attendais à quoi en rentrant ici avec à manger pour seulement toi-même, en fait ? Tu t’attendais à ce que je te dise « ah oui pardon d’avoir été mal luné ce matin, tu as bien fait de faire ça » ?

Je lève les yeux au ciel.

— Si t’étais agacé fallait me le dire en rentrant et je me serai excuser, point final. Mais là t’arrive avec ta bouffe pour toi tout seul et tes remarques acerbes là, donc vas-y, va chez tes parents et n’assument pas ton comportement de gosse à te prendre de la bouffe pour toi tout seul. Si y a un plat entier dans le frigo, tu cherchais bien à me faire chier, non ? Donc bah c’est fait. Maintenant me parle pas de ton chat comme si j’étais un débile profond et que tu partais à la guerre, je sais très bien m’en occuper et c’est parce que son maître fait sa crise d’ado qu’elle va en payer les frais.

— T'es vraiment un con. T'arrives à retourner la situation pour te convaincre que c'est moi le responsable de tout ça.

Je lève les yeux au ciel, prêt à quitter l'appartement sans rien lui répondre. Mais je crois qu'il vaux mieux que ça sorte, plutôt que je rumine tout seul.

— Ouais, j'étais agacé ! Et si tu en doutes encore, l'intention que j'avais en ne ramenant à manger que pour moi était clairement de te faire chier ! Mais c'est quoi ton point de vue de merde aussi ! Genre ça aurait du être à moi de te dire que t'avais mal agi ? T'es pas capable de te rendre compte tout seul que t'es pas correct ? Des excuses qui n'ont aucune sincérité et qui sont dites juste parce qu'on les demande, j'en ai rien à foutre. Tu peux t'étouffer avec, même !

Je suis en colère de l'entendre dire que je suis un gamin, alors qu'il sait que c'est quelque chose qui me blesse.

— Putain et tu sais quoi ? Ose même pas me redire que je fui alors qu'on sait tous les deux que si tu le pouvais, t'aurais déjà claqué la porte en me sortant ton excuse de merde comme quoi courir allait te calmer ! T'as passé des mois à fuir, alors merde !

— Eh bah ça te soulagera d’apprendre que, courir, je n’y arrive pas. Comme ça, y a pas de risque que je te sorte cette excuse de merde. T’as besoin d’un coupable ? D’accord. J’ai eu une attitude de merde. Je m’en suis rendu compte, j’ai dormi dessus et je t’ai envoyé un message en premier.

Ce qui n’était jamais arrivé. À moins que je ne m’en souvienne pas.

— Maintenant, t’as choisi de continuer ta gueguerre tout seul alors assume, Adam. Assume ta grande bouche et assied-toi pour manger ce que tu t’es rapporté pendant que je te regarde. C’était le but, non ? Alors vas-y, j’t’en prie. Je te regarde, j’ai que ça à faire.

Mon ton est neutre, calme. Pas une once de colère. Mais s’il veut jouer à l’imbécile, il va perdre.

— Le but c'était de te faire chier. Pas que tu me mattes manger comme un psychopathe.

Je réponds en grimaçant. Partir c'est lui donner raison. Rester, c'est faire de même. Et ca m'emmerde vraiment beaucoup.

— Le jour où tu reconnaîtras que t'es en tort, il pleuvra de la merde. C'est abusé.

Finalement j'attrape mon sac et je m'en fous, je vais m'installer en tailleur dans le canapé en sortant mes frites et mon sprite.

— C’est ça ouais.

Il reste et c’est tout ce qui compte pour moi. Je n’ai pas envie qu’il parte et qu’il me laisse seul.

— Bon appétit.

Je dis tout de même avant de me recoucher le cœur lourd, en lui tournant le dos.

Je réponds un vague merci alors que j'ai la bouche pleine et j'attrape la télécommande pour voir un peu ce qui défile à la télé. Ça dure suffisamment longtemps pour que j'ai finis de manger et finalement, je m'arrête sur une émission stupide.

J'envoie un message à Gabriel pour lui dire que l'ambiance est toujours aussi bonne et bien sûr, je notifie mon passage au fast food au passage. C'est vrai que j'ai peut être poussé un peu, mais je suis tellement rancunier que je ne m'en veux pas le moins du monde.

Je n’arrête pas de penser à cette foutue rééducation qui n’avance pas et ça me bouffe la vie. Ça bouffe celle d’Adam et j’en ai assez. Ça irait plus vite d’abandonner, au moins il aurait un mec handicapé, je finirais par l’accepter et ce serait plus simple.

D’un coup, ça me lance et je réalise que je n’ai pas pris mes médicaments à midi, ni même ce soir. J’ai énormément de mal à me lever et je manque de tomber. Mais j’arrive à rejoindre mes béquilles pour aller prendre mes médicaments. Adam regarde toujours la télévision. Je n’aime pas qu’il fasse la gueule, mais je comprends. Alors je n’insisterai pas aujourd’hui.

Je retourne me coucher, les muscles tremblant et le corps endolori. Aujourd’hui, j’ai pris un somnifère, à défaut de pouvoir prendre du whisky.

Beaucoup rancunier, mais aussi très amoureux. J'ai conscience que la rééducation doit l'épuiser, autant que j'ai conscience que ça ne va sans doute pas assez vite à son gout. A sa place, je serai sans doute encore plus en colère que ça et j'en voudrais au monde entier.

Alors oui, je suis vexé qu'il m'ait parlé comme il l'a fait. Mais au fond, je comprends peut-être un peu mieux qu'avant pourquoi il est aussi véhément. Aujourd'hui, il avait des raisons de l'être. Et ça ne l'excuse pas, ça me permets simplement de lui en vouloir moins fort. Et moins longtemps.

Surtout quand je l'entends se lever et renverser quelque chose. Je continue de regarder la télé comme si de rien n'était, parce que si je sortais de ma léthargie maintenant il croirait que j'ai pitié et ce n'est pas ce que je veux lui laisser penser, et je le regarde faire du coin de l'oeil. Il prends ses médicaments. Si tard. Il doit avoir mal; très mal.

J'attends peut-être une vingtaine de minutes de plus avant d'éteindre la télé et de faire le tour de l'appartement pour aller près du lit. Sa respiration est faible, il doit s'être endormi. Qu'importe... Je me glisse près de lui et instinctivement, ma main vient trouver son corps. Et alors que je me penche par dessus lui, je dépose mes lèvres sur ses joues.

— T'es un con, mais je t'aime quand même très fort...

S'il pouvait m'entendre dans son coma, peut-être que c'est pareil en dormant.

Je suis réveillé parce que j’ai besoin d’aller aux toilettes. Adam est blotti contre moi et ça me fait sourire. On n’est plus fâchés, alors. Je dépose un baiser sur son front et je me détache de lui sans le réveiller ; je vais prendre mes médicaments et je vais dans la salle de bain. Il n’est pas tard alors je me douche et, comme il dort toujours quand je sors de la salle de bain, je regagne la cuisine pour lui préparer le petit-déjeuner.

Quand j'emerge, j'ai l'impression d'avoir dormi à peine quelques heures. Pourtant il faut jour donc il n'est pas si tôt et hier, j'étais couché à l'heure des poules. Je tourne en rond quelques instants avant de me rendre compte que Logan n'est plus là. Il serait déjà parti à la rééducation ? Sans me réveiller ? Je crois qu'il est encore amer de mon comportement d'hier... Merde.

Je me laisse aller sur le dos en soupirant. Bien joué Adam, t'as encore tout gagné.

Je n’ai pas de plateau alors je ramène l’assiette que j’ai préparé sur la table de chevet et je vois qu’Adam est réveillé.

— Coucou chaton, bien dormi ?

Je demande en repartant lui chercher son verre de jus d’orange. Heureusement que c’est un studio.

— Voilà. Oeufs brouillés, bacon et tartines beurrées.

Je me rassois et je lui donne son assiette.

— Faut qu’on investisse dans des plateaux.

Quand j'entends Logan me dire bonjour, je me relève d'une traite et déjà, je le vois repartir vers la cuisine. J'ai une assiette à côté de moi.

Je crois que je couine sans le vouloir quand il revient avec un verre en main et je rougis sans doute comme un con.

— Merci mon cœur, c'est trop adorable.

Je fonds devant l'intention et je viens déposer un bisou sur sa joue tout en essayant de ne pas faire tomber ce que j'ai dans les mains.

— C'est le réveil parfait !

— Tant mieux, alors..

Moi je me recouche un peu sur le ventre, passant mon bras autour de sa taille, pour qu’il puisse manger malgré tout. Le somnifère m’abruti complètement.

Je prends une bouché et mon estomac fait des loopings. J'avais pas pris le temps de manger un petit déj comme ça depuis longtemps, et c'est encore mieux quand c'est fait par mon amoureux.

— T'en prends pas Chéri ?

Je demande à Logan en m'affalant un peu plus pour pouvoir le regarder dans les yeux.

— T'as l'air dans un autre monde, c'est flippant.

— Hm.

Je glisse ma main sous son t-shirt pour caresser son ventre.

— C’est le somnifère.

— Quel somnifère ?

Je demande, inquiet. Il est suffisamment claqué comme ça, ce n'est peut-être pas la chose dont son corps à le plus besoin en ce moment.

— C'est ça que t'as pris hier soir quand tu t'es relevé ?

— Oui.

Mes yeux se ferment doucement.

— Je redors encore un peu.

J'acquiesce, non sans faire attention à lui. Je suis pas hyper fan des somnifères, alors je préfère rester sur mes gardes.

Je prends le petit déjeuner qu'il m'a préparé en traînant sur des sites littéraires, puis une fois que j'ai terminé, j'ai la flemme de m'enlever et d'aller faire la vaisselle. Je n'ai pas envie de bouger, alors je repose le tout sur la table de chevet et m'allonge de nouveau près de Logan. Je vogue sur internet, envoie quelques messages ci et là, et puis je finis par attraper un bouquin. Blotti et calé contre Logan, je me lance dans ma lecture, heureux.

Cette fois-ci, quand j’ouvre les yeux, je me sens un peu mieux. Adam est en train de lire, un petit sourire sur ses lèvres. Il est vraiment beau.

— Tu lis quoi ?

Je demande après m’être raclé la gorge.

Je souris encore plus quand j'entends sa voix. Mon amoureux est réveillé.

— Un roman sur la guerre d'Afghanistan ! Enfin pas vraiment non plus. Ils étaient deux soldats, deux meilleurs amis tu vois, et ils s'étaient promis de rentrer ensemble. Je te laisse deviner le destin d'un des deux...

Je grimace en refermant le bouquin.

— Heureusement seigneur, t'es pas soldat ou une connerie comme ça !

— Tu lis ça dès le matin ? Tu te sens bien ?

Je dis en le faisant basculer contre moi pour l’emprisonner entre mes jambes.

— Est-ce que tu as bien dormi ? Bien mangé ?

— Bien les deux ! Et en plus, j'avais un bon livre !

Je réponds avec un grand sourire, alors que je suis coincé entre ses jambes. Avant la rééducation, il n'aurait pas pu faire ça sans se faire un mal de chien. Je suis tellement fier de lui, s'il savait.

— Ça va mieux toi ?

Je demande en embrassant ses lèvres. Elles m'avaient manquées. Aucun baiser depuis son départ hier matin, c'était trop nul.

— Ça va mieux, oui.

Je dis avec un petit sourire. J’embrasse ses lèvres, moi aussi. Il est tout décoiffé, c’est adorable.

— T’es beau, tu sais ?

Je frotte mon nez au sien.

— Désolé pour hier, ptit cœur. C’est difficile en ce moment, même si c’est pas une excuse.

Je rougis quand il me complimente et je ne peux m'empêcher de le scruter un instant. Il est encore plus que ça.

— C'est rien... Moi aussi je suis désolé. C'était complètement con de pas te rapporter à manger. J'étais vexé et c'était nul, t'avais raison.

Je l'embrasse encore et ça me procure un sentiment que j'adore. Je me sens apaisé et à ma place, à nouveau.

— Ça avance pas assez vite, c'est ça ?