Here we go again. — Austin & Gabriel

— Pour rien, désolé. Tu veux rentrer chez moi ou aller manger quelque part..?

Je le regarde quelques secondes et je me gare sur le bas côté, en retrait de la route. Je ne veux pas que la conversation s'arrête là, pas quand il pense quelque chose comme ça.

— Pour que tu penses ça ? Tu n'es pas nul, mais si je ne comprends pas pourquoi tu penses ça, je ne sais pas sur quoi te rassurer.

Je hausse les épaules.

— J’en sais rien, je me sens nul. Je n’arrive pas à savoir comment agir avec toi vis à vis de la natation, j’ai toujours l’impression de dire ce qu’il faut pas, ce qui te blesse...

Je prends sa main.

— Tu m'as jamais blessé, même quand tu aurais pu le faire, tu ne l'as pas fait.

— Vraiment ?

J’ose à peine le regarder et je fixe sa main sur la mienne.

— Vraiment. Quand c'est arrivé, et durant les semaines qui ont suivi, tu m'as soutenu, tu as supporté mon... comment j'étais et pas une seule fois tu m'as dit que tu savais que ça allait arriver ou un truc du genre "je t'avais prévenu". Tu es auprès de moi à chaque fois que j'en ai besoin et ça s'est bien plus fort que les mots.

Je relève les yeux avec un petit sourire.

— Tu souffres déjà beaucoup, mon cœur. Je n’estime pas que ce soit à moi d’en rajouter... mais j’ai peur que tu vois toujours ton accident comme un échec et que tu n’arrives plus à voir que tu étais excellent et que ce sont des bons souvenirs. J’ai peur que tu oublies que c’est une fierté pour moi d’être en couple avec un champion et un excellent nageur.

Même si c’est compétition, c’est terminé, il est toujours excellent sous l’eau.

Je lui fais un petit sourire triste.

— Justement, je ne nage plus, je ne suis plus un champion.

Et j'ai peur qu'il réalise que sans la natation, je ne vaux pas grand chose. C'est déjà dur pour moi de l'accepter, et j'ai peur du jour ou lui ouvrira les yeux.

— Mais tu l’étais et c’est important parce que ça fait partie de toi.

Je lie nos doigts et j’attire sa main pour y déposer un baiser.

— De toute façon, tu seras toujours un champion pour moi.

Je pose ma main sur sa joue.

— Mais je ne suis plus ce que j'étais.

Je crois que c'est important que je ne me mens pas à moi-même.

— Mais tu restes avec moi quand même, et merci pour ça.

— De toute façon... je suis pas avec toi parce que t’es un bon nageur. Je suis avec toi parce que t’es intelligent, drôle, sensible. Parce que t’es beau, aussi. Ça compte. Parce que je t’admire aussi, t’as pas idée à quel point. C’est ta personnalité que j’aime. Que tu nages ou pas n’y change rien.

C'est en l'écoutant me dire tout ça que je réalise que j'avais besoin de l'entendre. Sur sa dernière phrase.

— Que je nage ou pas, ne change rien.

Je répète dans un murmure avant de me pencher vers lui pour l'embrasser tendrement.

— À chaque fois que tu te sentiras nul, rappelle toi à quel point, moi, je pense que tu es une personne fabuleuse et un petit ami extraordinaire.

J’affiche un petit sourire en coin ; ça me fait du bien de l’entendre. J’y crois pas tellement, mais au moins un peu.

— On rentre alors ? Histoire de se poser un peu devant la télé ? Je crois qu’une dose de câlins s’impose.

Je regarde autour de nous, on est isolés.

— Ça me manque.

Je dis en l'embrassant tendrement pour lui faire comprendre. Depuis que j'ai eu mon accident, on n'a pas refait l'amour, je sais que c'est de ma faute, physiquement j'avais trop mal, même si ce n'est que mon épaule qui était touchée, tout le haut de mon corps était immobilisé. Et après... psychologiquement je me suis bloqué moi-même sur beaucoup de choses.

— Je suis désolé pour ça aussi...

Je murmure en embrassant son cou.

Une question se forme sur mes lèvres, mais je comprends rapidement ce qu’il sous-entend et je souris contre ses lèvres.

— Moi aussi. Mais c’est seulement si tu te sens prêt à nouveau.

Mes mains caressent sa nuque et mon coeur s’emballe malgré moi.

Je caresse son visage et me recule pour le regarder. Même sur ça il a été patient et compréhensif envers moi, il ne m'a jamais brusqué ou fait de remarques. Je réalise une fois de plus la chance que j'ai de l'avoir, de pouvoir traverser tout ça en l'ayant à mes côtés.

— Je suis prêt.

— Ici et maintenant donc.. ?

Je demande avec un sourire amusé. Je n’attends pas qu’il réponde parce que c’était une question de rhétorique. Mes mains trouvent le moyen de défaire le bouton de son pantalon. Je crois que c’est la première fois qu’on fait l’amour hors de chez moi, et c’est tellement bon que j’espère que ce ne sera pas la dernière.

On fait l'amour, ici et maintenant et ça me fait du bien de le retrouver de cette façon là. C'est étrange à expliquer mais avec lui je me sens entier et c'est quelque chose que je n'ai jamais ressenti avec Jenny. On est allongés comme on peut sur les sièges, on reprend notre souffle, je joue avec ses doigts.

— J'aurais jamais imaginé que tu étais comme ça.

Je passe mon manteau sur lui et je caresse tendrement ses cheveux.

— Comme ça comment ?

— Aussi, attentionné et patient. Je te connaissais en tant que meilleur ami, mais j'ai l'impression de te découvrir chaque jour en tant que petit ami.

J'embrasse ses doigts.

— J'aime beaucoup tout ce que je découvre.

Ça me fait sourire.

— Moi aussi j’me découvre, j’te rassure. La patience je connaissais pas. La fidélité non plus. J’aurais jamais cru que je me sentirai bien en étant en couple.

Je baisse les yeux vers lui.

— Vraiment ?

— Bah.. ouais. Ça me faisait vraiment peur, d’être en couple. Je sais que tu sais pas tout... mais j’peux même plus compter le nom de partenaire que j’ai eu et quand j’en avais marre, je rayais cette personne. Je me lassais hyper vite. C’était... fin j’sais pas, j’avais peur de pas être capable d’être fidèle, de te blesser. Et en fait, plus personne d’autre m’intéresse maintenant. Le plus dur c’était en Colombie, je crois.

Je me sens privilégié quand il me dit ça, comme si j'étais différent des autres.

— J'avais très peur quand tu étais en Colombie.

C'était un enfer à vivre, j'avais peur qu'il lui arrive quelque chose à chaque instant, et même si est encore en vie et qu'il a "juste" été blessé dans un accident voiture, je sais que je ne sais pas tout ce qu'il a vécu là-bas et que je ne le saurais probablement jamais.

— Que je sois pas fidèle ?

Moi aussi, j’avais peur. J’avais peur parce que je savais pas si on était vraiment en couple et que, plus d’une fois, j’ai été tenté de faire n’importe quoi. Mais je pensais trop à lui et c’est ce qui m’en a empêché à chaque fois.