Bon Appétit - Lexie & Charlie.

— J’parlais pas de la bouffe, mon cœur.

Je dis en riant. Même si je ne refuse jamais de faire l’amour avec lui, ça ne nous était pas arrivés depuis un moment de le faire deux fois en si peu de temps.

Quand il arrive, je m’installe bien dans le lit, assise, avec une boule au ventre de devoir manger du riz avant de dormir. Mais j’adresse un large sourire à mon amoureux.

— Alors.. ils sont à quoi les makis ?

On ne se cache pas grand chose, mais je crois que je vais oublier de lui préciser la vraie raison de ma libido de ce soir. Ma conversation de la dernière fois avec Logan m'a fait prendre conscience que je n'agissais plus avec Lexie aussi spontanément qu'avant et c'était con. C'est pas parce qu'on n'a plus dix-huit ans qu'on doit agir comme des vieux.

— Je t'aime, c'est tout. Alors autant de le monter autant que je te le dis.

Je l'embrasse en déposant le plateau auprès d'elle et je grimpe par dessus, pour m'installer à côté d'elle.

— La plus grosse partie est au Saumon ! Je nous ai pris des gâteaux au chocolat, mais tu pourras le manger qu'au petit déjeuner, si c'est trop.

C’est gras, le saumon. Alors je prends sans trop y penser ce qui n’est pas orange.

— Et ça, c’est quoi ?

Je demande en le mettant dans ma bouche. Je mache mais ça n’a aucun goût que je connais. Même la texture est bizarre alors je grimace.

— C’est quoi ? C’est bizarre !

J'ai mon portable dans la main depuis la cuisine, au cas où et en la voyant intrigué par les makis qui ne sont pas orange, je tourne directement mon objectif vers elle. Putain alors là, j'en connais un qui va tellement avoir la haine de sa vie.

J'en rigole, même, tellement j'imagine sa gueule quand il va recevoir la vidéo. Il n'a dû attendre que ça, toute la soirée. Peut-être même qu'il est en train de s'envoyer en l'air avec Adam, parce qu'il s'est dit que pendant une semaine il n'allait certainement plus pouvoir.

— C'est un truc un peu nouveau, exotique aussi, si je puis dire.

Je me pince les lèvres, essayant de me contenir de rire.

Je fronce les sourcils.

— Exotique ? Charlie c’est quoi ? Qu’est-ce qu’il y a dedans ?

Maintenant qu'elle a mangé, je n'ai plus rien à perdre. Mon défi est relevé. Alors je ne vais pas lui mentir, simplement pour lui faire plaisir.

— Des insectes comestibles. Du grillon, plus exactement.

Je la vois blêmir, alors j'ajoute de suite.

— Mais c'est fait exprès pour manger ! C'est pas dangereux ou quoi !

Je me fige. J’attends qu’il me dise que c’est une blague et qu’il se mette à rire mais il confirme que je viens d’avaler un grillon.

Un millier de choses me passe en tête et je reste sans bouger pendant un bon moment. Il n’a pas pu me faire ça. Il n’a pas pu parce qu’il me connaît, il sait. Ma respiration s’accélère au fur et à mesure que les larmes me montent aux yeux. J’essaie de me dire que c’était pas vraiment un grillon mais quand je regarde l’un des maki sur le plateau et que je vois un bout d’antenne dépasser, j’ai un haut le cœur.

— Putain, Charlie !

Je me lève et je rejoins la salle de bain en courant avant d’aller vomir tout ce que je peux dans les toilettes. Quand j’entends qu’il se lève aussi, je claque la porte de la salle de bain avec violence avant de la fermer à clé en pleurant à chaude larmes.

Quand je la vois suffoquer devant moi, je me sens soudainement très mal. Très con d'avoir eu une idée aussi bête, très stupide d'avoir envoyé la vidéo à Logan avec des smileys qui rigolent, très abruti de n'avoir pas songé que ça pourrait lui faire cet effet là... Ce n'est pas comme si je ne connaissais pas son rapport à la nourriture.

Je vois les larmes dans ses yeux et quand elle me crie dessus et part en courant, il me faut bien trois seconde avant d'émettre lancer à sa poursuite, mais c'est trop tard parce qu'elle s'enferme à clé avant que je n'arrive.

— Bébé, ouvre la porte. C'était stupide, j'ai réfléchi à ce que je faisais.

Je tape sur la porte, sans aucune brusquerie.

— Ouvre moi, s'il te plaît.

Je n’ai pas grand chose à vomir parce que je n’ai pas manger de la journée et la douleur des remontées acides dans mon œsophage me fait encore plus pleurer. J’essaie de reprendre mon souffle et de me calmer mais j’y arrive pas parce que je me sens idiote. Malgré moi j’entends ma mère me répéter que Charlie ne m’aime pas vraiment parce qu’on ne peut pas aimer quelqu’un comme moi et c’est vrai.

— Fous-moi la paix !

Je pleure comme jamais je n’avais pleuré depuis longtemps et tout se mélange dans ma tête. C’est pour ça qu’on a fait l’amour deux fois ? Pour faire passer la blague ? Il voulait juste s’amuser ?

Plus les secondes passent, et plus elle pleure. Je sais qu'elle soit penser à mille choses à la fois. À ce qu'elle vient de manger, à la confiance qu'elle peut placer en moi, inévitablement ça doit l'a renvoyer à sa mère et tout est un cercle vicieux. Ça me broie le cœur d'accepter qu'on en est là juste parce que je suis un gros gamin incapable d'avoir un brin de maturité et de savoir quand ses blagues vont vraiment trop loins.

— Est-ce qu'on pourrait se parler face à face Lexie, s'il te plaît ? Je pensais pas que ça te rendrait aussi mal, j'aurais jamais fait ça sinon. Tu le sais !

Je me sens sale, grosse et vraiment stupide. Comment j’ai pu croire qu’il se casserait le cul à me faire à manger tout l’après-midi sinon pour se moquer de moi. Je tire la chasse d’eau et je vais me rincer la bouche comme je peux en prenant soin de ne pas me regarder dans le miroir. Ou si alors, je lève les yeux pour constater à quel point rien ne va chez moi ; mes cheveux, mes cernes, mes oreilles, mon nez.

— Ramène-moi des vêtements s’il te plaît. Mon pyjama long.

J’entends qu’il se bouge et quand il tape à la porte j’essaie de l’ouvrir seulement un peu mais il a beaucoup plus de force que moi alors il rentre sans mal. Je me dépêche d’enfiler mon t-shirt et mon pantalon.

— Laisse-moi passer maintenant.

Je dis en fixant le sol.

Je n'ai aucun mal à ouvrir la porte, mais lorsqu'elle se dépêche de mettre son pyjama, je ne peux m'empêcher de détourner les yeux d'elle, comme pour lui laisser l'intimité qu'elle mérite ce soir.

Mais je n'ai aucun mal non plus à attraper sa main pour l'empêcher de filer sans même me dire un mot.

— Bébé, ecoute-moi... C'était nul et je suis vraiment désolé. Je ne recommencerais plus jamais, c'est promis. J'ai eu l'idée devant Koh Lanta, je me disais que ça pouvait être drôle, mais c'était complètement con je te l'accorde. Je vais tout jeter et t'en entendras plus jamais parlé.

Je n’arrive même pas à l’écouter. Il parle, j’entends bien qu’il le fait, mais je ne retiens rien parce qu’il y a trop de bruit dans ma tête.

— Laisse-moi, s’il te plaît.

J’attends qu’il lâche ma main pour pouvoir sortir et je vais dans la chambre récupérer une couverture et un oreiller pour aller me coucher dans le salon.

A cet instant précis, j’ai juste envie de disparaître définitivement et ça ne m’étais pas arrivé depuis longtemps.

Ça me fend le cœur, littéralement. Depuis combien de temps ce n'était plus arrivé, hein ? Pas seulement qu'elle ne m'écoute pas, mais qu'elle prenne de quoi aller dormir loin de moi. On n'était peut-être même pas encore ensemble la dernière fois que ça nous ai arrivé.

J'ai envie de m'éclater la tête contre un mur, d'être si peu réfléchi et prévenant. Je connais Alexis depuis qu'on est gosse et je sais pertinemment que son rapport à la nourriture ne s'est jamais vraiment bien passé. Et moi qui suis censé être la personne sur laquelle elle peut compter, elle doit me détester à l'heure actuelle.

— Si t'as besoin de quoique ce soit Alexis...

Je ne sais même pas pourquoi je la suis au salon pour lui dire ça, parce qu'à l'évidence, elle ne m'écoute pas plus. Et insister la rendrait sans doute encore plus mal et plus en colère.

Je ne réponds pas. Actuellement, j’ai besoin de dormir et de me déconnecter. J’ai besoin de somnifères et peut-être même que j’en prendrais dix pour dormir au moins une semaine. Je suis fatiguée de réfléchir, fatiguée de cette journée qui n’en finit plus, fatiguée d’habiter un corps et une vie aussi nulle que ça.

Je ne lui réponds pas parce que je n’ai même pas la force de parler, j’ai simplement envie qu’il me laisse me calmer tout seule et je n’ai pas envie d’entendre des excuses minables sur le fait qu’il est allé trop loin et qu’il n’aurait pas dû. Des blagues il peut m’en faire autant qu’il veut, il peut se moquer de moi tout le temps, je ne râle que très brièvement, mais me faire manger des insectes c’était méchant et je n’arrive pas à comprendre. Je lui ai toujours fait confiance. C’est lui qui m’a aidé. Comment je vais faire maintenant ?

Je ne crois pas que je dorme vraiment, mais je somnole beaucoup. Je suis réveillée à plusieurs reprises par des crampes d’estomac violente et la dernière m’arrache même quelques larmes. Mais je refuse d’aller manger. Pas en plein milieu de la nuit comme une boulimique qui a une crise. Je me lève juste pour prendre un verre d’eau. Puis deux. Puis trois.

Ça me fait du bien et j’essuie mes larmes avant de me diriger vers le canapé à nouveau. C’est quand je vois les lumières bleues danser de la chambre que je comprends que Charlie ne dort pas. Il est inquiet et je m’en veux beaucoup de lui causer du tort, il voulait juste rire et c’est injuste de ma part d’agir comme une hystérique. Il n’y peut rien si je suis folle.

Je me recouche et j’y pense encore et encore. C’est simplement au bout d’une dizaine de minutes, que je me décide à me relever lentement. Peut-être que j’aurais moins mal au ventre à côté de lui ? S’il n’est pas vraiment amoureux de moi ce n’est pas grave car je l’aime assez pour deux et je n’ai pas envie qu’il s’en aille. Il peut se moquer autant qu’il veut, ce n’est pas grave. Je ne veux juste pas qu’il s’en aille.

Je me traîne jusque dans la chambre et je vais coucher contre lui dans le plus grand des silences. Y a même pas de son dans la télé et avait l’air de somnoler lui aussi.

Il ne doit pas être loin de trois heures du matin lorsque j'entends Alexis se coucher près de moi. Enfin, je ne l'entends même pas, mais je la sens se blottir contre moi et ça ne m'en fais me sentir que plus mal. Elle a du passer un début de nuit affreux, encore pire que le mien ou je n'ai fais que somnoler par ci par là...

Sans un mot, parce que ce n'est pas le moment de lui refaire des excuses à la con vis à vis de mon comportement de merde, je viens simplement entourer sa taille et déposer ma main sur son ventre. Ça lui faisait du bien, avant. Alors même si je suis responsable de la crise d'aujourd'hui, et que je refuse de passer ma main sous son t shirt pour être en contact direct avec sa peau, je me dis que ça peut malgré tout l'apaiser au moins un peu.

Il a ce geste lourd de sens et qu’il a toujours eu à mon attention. Personne n’a jamais droit de toucher mon ventre, sauf lui. Parce qu’il sait s’y prendre, parce que je sais que son geste est simplement bienveillant. Je crois que ça me soulage un peu — ou même beaucoup. Peut-être qu’au fond il est vraiment désolé.

J’ai certainement sur-réagi. Parce que j’étais dégoutée et triste et blessée. Peut-être qu’il voulait simplement me faire comprendre que je devais arrêter de manger parce que j’ai pris du poids ? Je n’en sais rien et plus j’y pense, plus je suis confuse.

Mais malgré tout, avant de fermer les yeux, je pose une main sur la sienne et je le laisse remonter le drap sur nous avant de m’endormir profondément.