Distance. Gabriel / Austin

— Oui je te le demande.

Je dis sérieusement.

— Il est hors de question que mon père gâche nos vies encore plus qu'il ne l'a déjà fait.

— Il ne gâchera rien du tout, tu as ma parole.

— Je vais appeler l'avocat demain, j'ai pensé à l'interdiction d'approcher pour Darcy.

Mais je n'y avais pas pensé pour moi.

— Pour toi aussi, mon cœur. Toi, ton travail, ta maison. Tout. Et s’il t’approche, on appelle les flics.

Même si je ne le laisserais jamais s’en prendre à Austin de nouveau, je ne l’agresserais pas, je le défendrais. Ce sera différent.

— J'espère juste qu'il aura l'intelligence de quitte la ville.

Rien que de penser à lui, de savoir qu'il sera bientôt en liberté me retourne complètement le ventre et quand ça sonne, je sais déjà que j'ai perdu l'appétit.

— Je vais aller ouvrir, tu devrais mettre quelque chose de chaud.

Parce qu'il est nu sous les draps.

— Ok.

Dès qu’il sort, je me lève en grelottant toujours, et je m’habille aussi chaudement que possible. J’ose à peine sortir de la chambre parce que j’ai peur qu’en allant mieux, il se rappelle qu’il ne m’aime plus. Mais je prends sur moi et je finis par sortir.

— T’as besoin d’aide..?

Je récupère les sacs de nourriture, je suis en train de tout sortir sur la table basse du salon quand il me rejoint. Je vois qu'il a encore froid, je vais vite attraper le plaid et je l'enroule dedans.

— Assieds toi, je vais chercher une autre couverture.

Je me laisse faire, un peu mal à l’aise. Je ne sais pas comment réagir. C’est moi le connard et c’est lui qui prend soin de moi.

— Non, t’inquiète, ça va aller. Tu peux t’asseoir.

Je m'assoie à côté de lui et je lui donne ses nouilles au poulet.

— Merci, pour mon père.

À chaque fois c'est lui qui prend les choses en main, exactement comme quand je m'étais blessé et que je n'étais même pas capable d'écouter le medecin parler.

— C’est normal. Je t’accompagnerai au poste de police, si tu veux.

Je sais que lorsqu’il s’agit de son père, Austin a un peu de mal à ne pas paniquer.

Je me laisse un peu aller contre lui pendant qu'il mange. Je sais que ce que l'on traverse est difficile et qu'on ne pourra pas oublier comme ça mais ce soir il est là pour moi, comme il l'a toujours été. Et c'est de ça dont j'ai besoin, de lui.

— Je vais appeler l'avocat demain matin, je crois que ce sera plus rapide si on passe par lui. Il faut aussi le dire à tes parents car c'est eux qui ont la tutelle de Darcy.

Je mets mon plat de nouille entre nous ; il y a des crevettes et je sais qu’il aime ça. Ces derniers temps, il mangeait un peu mieux, mais je comprends que ce soir, il préférera sans doute piocher dans mon plat.

— Je les appellerai, si tu veux ? Je sais qu’ils s’en occuperont rapidement de leur côté.

Je hoche la tête. Je reste silencieux un moment, tout ça tourne dans ma tête et je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter. J'ai beaucoup de peine pour Darcy, car le jour où elle sera réellement en âge de comprendre et de poser des questions sur nos parents, ce sera dur. Ma tête contre son épaule, je sens qu'il tremble un peu moins. Là aussi, je ne peux pas m'empêcher de me demander ce qu'il serait passé si je n'étais pas venu ou si j'étais arrivé plus tard.

Je pose mes nouilles sur la table quand je remarque qu’il a le regard complètement perdu dans le vague ; je passe un bras autour de ses épaules, avec ma couverture, et je nous cache dedans tous les deux.

— Ça va aller, mon cœur. D’accord ? On va faire en sorte que rien ne change.

Il nous enroule dans la couverture.

— Tu crois qu'on y arrivera ?...

— Bien sûr. Parce qu’on se fiche complètement de lui. On va faire ce qu’il faut, légalement, et on va continuer d’ignorer son existance.

Je baisse les yeux quelques secondes avant de le regarder.

— Je voulais dire... dans tout ce qu'il se passe en ce moment, tu crois que ça redeviendra comme avant ? Qu'on y arrivera ?

— Oh.. je sais pas.. je l’espère. Je crois que ça dépend beaucoup de toi.

Parce que s’il m’aime moins, ce ne sera plus comme avant, c’est évident.

— On y arrivera.

Je l'espère vraiment de tout mon coeur.

— Mais je crois que ça dépend de nous deux.

— Moi aussi ? Mais c’est moi qui suis en tort...

Je baisse un peu les yeux.

— Je crois que je comprends ce que tu pouvais ressentir quand j'étais avec Jenny...

— Comment ça.. ?

— C'est plus fort que moi, je t'imagine avec ces hommes, et je me dis que toi tu devais réellement nous voir Jenny et moi, et ça devait être dur...

Je hausse les épaules.

— Et maintenant que je t’ai pour moi tout seul, je gâche tout. Mais.. je suis avec aucun d’entre eux. J’y pense pas quand ils sont pas là. Je ne suis pas attaché à qui que ce soit. Il n’y a toi qui compte et qui m’importe.

- Est-ce que tu pensais à moi quand tu étais avec eux ?...

Je m'en veux de poser toutes ces questions, je m'en veux de les avoir dans ma tête, je ne pensais pas que j'en avais autant, et je ne pensais pas que j'aurais autant besoin des réponses.