Hey Brother - Adam & Gabriel

— Il travaille ici, normalement. Il a un rdv de je sais pas quoi, je vais aller le chercher. Plutôt que d’attendre ici alors que je bosse plus.

— Je peux t'accompagner ? Enfin, j'allais à la gare pour rentrer, alors si jamais c'est par là-bas. Tu vois.

Et en même temps, je prends conscience qu'il va chercher Austin et qu'avec lui aussi, c'est un peu tendu depuis ma connerie. Gabriel lui en a forcément parlé.

— Non, je vais pas à la gare.

Je soupire.

— Bon tu veux quoi ? Tu veux boire un verre, manger un truc ? Je sais pas, là, sois plus clair. J’ai encore du temps, si c’est ce que tu veux.

— Ça fait longtemps qu'on s'est pas vu, je serai pas contre encore un peu de temps.

Je me pince les lèvres.

— Un verre ?

Je réponds finalement à l'une de ses propositions. Je crois que j'aimerais vraiment beaucoup en savoir un peu plus sur où il en est, et aussi lui parler des bébés, pour de vrai.

Je balance mon sac par terre avant de me rassoir sur ma chaise encore tirée.

— Tu veux boire quoi ?

J'ai envie de lui dire que si ça le fait chier, il n'est pas obligé de rester. Mais je me reprends à temps, conscient que c'est ma faute si on en est là.

— Un café. Merci.

Gabriel acquiesce et commande très rapidement quelque chose pour lui aussi en interpellant un serveur. Assis de nouveai en face de lui, je finis par céder alors que le serveur s'éloigne.

— Je sais que ça n'effacera pas tout, mais j'aimerais vraiment te demander quelque chose.

— Me demande pas un truc de fou alors que je suis encore en colère, s’il te plaît.

Et je suis sérieux. Parce que s’il me sort un truc mielleux maintenant, je pourrais ne pas en profiter ou dire non ou.. j’en sais rien. Là, j’ai pas envie de devoir faire semblant.

Au moins, je sais que je n'aborderais pas les bébés du tout aujourd'hui. Comme je le disais à Logan, je refuse de parler de ça avec mon frère alors qu'il est fâché. Ça perdrait toute sa valeur...

— Papa et maman et Marie et Chris viennent déjeuner à la maison et j'aurais aimé que vous veniez tous les deux. Austin et toi.

Je tente.

— C'était déjà difficile de tous vous avoir en même temps avant, alors avec notre dispute... Même si j'ai conscience que t'as fais un effort à Noël et que je t'en remercie, ça nous ferait plaisir si vous acceptiez.

— Là tout de suite, je vais te dire non. Même pas parce que c’est toi qui m’invite, mais parce que j’ai pas envie d’imposer ça à Austin. Y a tout le monde qui le regarde avec compation. Je suus même plus à l’aise dans ma propre famille alors les réunions avec plein de monde comme ça, j’évite. Du coup, le prend pas pour toi. J’ai juste honte.

Ça fait mal de l'entendre dire ça. La famille, ça devrait être le dernier endroit où on a honte d'être qui on est.

— Je comprends, oui.

Et je ne vais pas lui faire l'affront de lui demander de venir seul. Pour lui, ce serait sûrement encore plus difficile d'affronter nos regards.

— Et je suppose qu'en toucher un mot à tout le monde n'y changera rien ?

— Ce sera pire, Adam. Te mêle pas de ça. J’ai déjà été assez stupide pour laisser fuiter ça hors de mon couple alors c’est bon. On va laisser ça se tasser.

Le serveur apporte nos commandes et je guette l’heure du coin de l’oeil.

— Mais c’est cool de m’inviter.

Je souris doucement, conscient que c'est moi la première personne à qui il en a parlé et que l'expérience a été tout sauf bonne. Sombre con.

— C'est normal, ça me manque parfois de plus être à la maison et de ne plus tous vous avoir avec moi. On a tous pris des chemins différents et je trouve ça beau, mais ouais, parfois je me dis qu'on était quand même vachement bien aussi tous ensemble !

C'est la nostalgie qui prends le dessus quand je suis tout seul a la maison. Et surtout quand par dessus ça je songe a mon entente dernière avec mon frère.

— Je suis pas en train de dire que ma vie avec Logan c'est de la merde, hein ! Pas du tout. Juste que j'espère qu'on arrivera à tous se réunir de nouveau dans quelques temps.

— Nan, nan, j’entends. Moi je suis bien avec Austin. Enfin avant, on était bien.

Là, c’est tendu et pas aussi pardonné qu’il le laisse entendre.

— Mais bon, on est grand maintenant. Heureusement que les parents ont Darcy.

— Oui heureusement. Maman serait triste sans personne a s'occuper. Et même si papa le dit pas forcément, je sais qu'il s'ennuie qu'on soit tous parti. Il me l'a laissé entendre la dernière fois. Darcy leur permets de profiter encore de plein de choses.

Je souris, une vague de nostalgie à l'âme. C'est génial d'être un adulte et d'avoir sa vie, mais ça a aussi quelques conséquences.

— J'espère de tout mon cœur que ça ira aussi bien qu'avant d'ici peu Gabou. Sincèrement. Je sais à quel point tu tiens à lui...

— Ça n’ira pas mieux, Adam. Sois pas hypocrite, tu dis toi-même que tu le pardonnerais pas. Alors ça n’ira jamais mieux. Quand il en aura assez de se voiler la face, il partira.

— Sauf que nous ne sommes pas la même personne. Ce n'est pas parce que moi je ne pourrais pas pardonner à Logan, qu'Austin fera pareil. Il est encore là Gabou. S'il n'était pas capable de te pardonner, ou s'il ne l'envisageait pas au moins un peu, il serait sûrement déjà parti.

Je lui souris, juste histoire de montrer que je suis là.

— J'imagine que vous en avez beaucoup parlé tous les deux... Il t'as laissé entendre des choses qui sont de mauvaise augure ?

— Mais il est parti. Il est parti puis il est revenu tout ça parce que j’ai failli faire de l’hypotermie là ! Je suis sûr qu’il a juste pitié.

Je lève les yeux au ciel. J’ai l’impression que j’ai tout gâché, pour de bon.

— De l'hypothermie ? C'est quoi cette histoire ?

Je demande inquiet, avant de reprendre en lisant sur son visage que c'est pas le moment.

— T'en fais ce que tu veux, mais je pense pas que ce soit de la pitié que de s'inquiéter pour la personne qu'on aime. Il a du avoir besoin d'encaisser le coup, ça semble normal. Mais il aurait pu rester avec toi jusqu'à ce que ça aille mieux et puis repartir. S'il l'a pas fait, c'est peut-être qu'il attends que tu lui montres qu'il a fait le bon choix en restant. C'est à toi de lui faire comprendre que vous ne faites pas fausse route et que si vous en êtes là, c'est que le Seigneur le voulait sûrement.

— C’est plus compliqué que ça, tu sais. Sur le papier ça semble simple, on fait des choix et tout est bien qui finit bien mais là c’est différent.

Je soupire.

— J’ai plus envie qu’on parle de ça, s’il te plaît. Je vis avec tout le temps.

J'acquiesce, coupant la conversation ici. Jamais je ne me serais dit, avant, que la personne qui est celle qui a fauté pouvait en souffrir elle aussi. Mais quand je vois Gabriel, je me dis que j'étais bien loin du compte...

— La prochaine fois que tu vas voir maman, n'hésites pas à passer à la maison. Avec Balti tiens ! Ça fait longtemps que je l'ai pas vu ce petit amour ! Il va bien ?

Et avec ça, on change de sujet. De toute façon il va devoir partir bientôt, et moi aussi.

— Ouais, il va bien. Il est content lui, il dort dans le lit, entre nous. Il a la belle vie.

Je dis en riant un peu.

— Il a toujours eu la belle vie. Tu t'en occupes comme si c'était ton fils !

Je rigole à mon tour.

— T'avais intérêt en même temps. C'est un des meilleurs cadeaux que t'as jamais reçu, je le sais.

J'ajoute en riant, en terminant ma tasse.

— Oui, c’est vrai. Puis c’est surtout le seul fils que j’aurais jamais alors...

— T'es toujours pas décidé à en avoir ? Même en voyant tous ces enfants complètement gaga de toi ?

Je lui souris.

— Les filles se battraient presque pour passer du temps avec toi. Et y'a qu'à voir l'état d'excitation de Livie quand on lui dit qu'elle va te voir. Tu les envoute, avoue ?

Je hausse les épaules.

— C’est parce qu’ils sont petits, ils savent pas. J’ai pas envie d’avoir des enfants et qu’ils me ressemblent.