Muffin à la banane deuxième version. JENNY / AUSTIN

Depuis le hall du bâtiment, je regarde Gabriel partir. Je ne sais pas quoi penser de chacune de rencontre, et c'est un sentiment vraiment désagréable autant que douloureux. Une fois qu'il disparait de ma vue, je retrouve mes esprits, je monte et je frappe à la porte de Jenny.

Aujourd’hui était une journée comme les autres : je me suis levée à 5 heures pour aller bosser et j’ai fini à 13 heures. Je suis rentrée chez moi et je n’ai littéralement rien fait. Avant, j’aurais passé des heures à m’entraîner pour la danse, au cas où. Maintenant, je n’y ai plus ma place, j’en ai conscience. Les bourses sportives finalement, c’est à double tranchant parce que si ce sport ne devient pas notre métier alors on n’a plus rien et on remet des fruits et des légumes en rayons avec David er Robert.

Quand on frappe à ma porte, je bois un thé et zappant devant la télévision. J’hésite à aller répondre parce que c’est forcément une voisine qui a besoin de quelque chose et je n’ai pas d’excuses toute faite aujourd’hui mais certainement qu’on entend le bruit de la télé alors je me traine jusqu’à la porte et quand je découvre que c’est Austin, je reste sur le cul. J’ai du mal à comprendre ce qu’il fait là, de lui-même, tout seul, sans que je ne l’ai contraint ou forcé, mais mon cœur s’embrase presque instantanément et un grand sourire apparaît sur mon visage.

— Hey... ça va ? Entre, vas-y.

Elle sourit, un sourire sincère, et ça fait tellement longtemps que personne ne m'a sourit comme ça, que ça me fait quelque chose. Je rentre dans son appartement et regarde un peu autour de moi avant de me tourner vers elle et lui tendre la boite.

— Je t'ai pris un muffin à la banane.

— Oh sérieux ? J’en n’ai pas mangé depuis une éternité !

Je referme la porte derrière lui. Il s’est souvenu que j’aimais ça et je trouve ça tellement touchant que quelqu’un pense à moi. Ça n’était pas arrivé depuis un moment.

— Tu veux un thé ?

Je hoche la tête. Pendant qu'elle prépare le thé, je l'observe, si je ne la connaissais pas aussi bien, je pourrais croire qu'elle va bien. Je pose mon sac par terre.

— Merci.

Je récupère ma tasse quand elle la pose sur la table. J'aimerais savoir quoi lui dire, mais ça me fait du bien de la voir.

Je lui prépare son thé et je vais m’asseoir avec lui. Je ne m’attendais pas à ce qu’il vienne. Heureusement que c’est rangé. Je prends le muffin et je mords dedans ; il est tellement bon.

— T’en veux un peu ?

Je secoue la tête et bois une gorgée de thé à la place.

— Je suis désolé d'être venu sans prévenir, je voulais prendre de tes nouvelles.

Surtout après la façon dont je suis parti l'autre soir.

— Tu peux venir quand tu veux.

Je réponds tout de suite.

— Je finis à 13 heures alors... puis... ça me fait plaisir. Comment tu vas ?

Je demande, sincèrement intéressée.

Je la remercie d'un hochement de tête quand elle me dit que je peux venir quand je veux.

— Tu travailles ?

Je ne demande pas seulement pour éviter sa question, mais parce que ça m'intéresse.

— Ouais. Au supermarché. Je remets en rayon. Je suis du matin. C’est un peu nul mais bon... au moins je peux payer mon loyer.

Je souris faiblement.

— Si tu cherches un boulot, on manque de personnel, d’ailleurs.

J’ai cru comprendre qu’il venait d’arriver.

— Ce n'est pas nul. Tu t'assumes entière toute seule et c'est très bien.

Je bois une autre gorgée de thé.

— Merci, mais ce n'est pas nécéssaire pour l'instant.

Je vais bientôt avoir besoin de travailler, je le sais, mais j'ai conscience aussi que je n'en suis pas capable physiquement pour l'instant.

C’est loin de mon avenir de danseuse mais bon...

— Merci. Personne me l’a jamais dit.

Je lui souris.

— Si jamais tu as besoin, tu sais que je peux t’aider. Où est-ce que tu vis en ce moment ?

— Dans un motel à la sortie de la ville. Ça me convient.

Je ne veux pas qu'elle me propose encore une fois de venir ici, et encore moins qu'elle s'y sente obligée. Elle ne me regarde pas avec pitié, comparé à Gabriel et son connard de mec et ça me fait du bien. C'est moins dur d'être en sa présence, je sais que l'on a pas beaucoup parlé, mais je n'ai pas le sentiment qu'elle compte me juger.

— Je ne pensais pas te revoir en revenant ici.

— Oh... je pense qu’entre temps t’aurais trouvé mieux. C’est toujours ok, si tu veux venir ici. Ça couperait le loyer en deux. Et ça me ferait de la compagnie.

Je dis avec un petit sourire. En fait... c’est fou mais le retrouver me fait tellement de bien que je m’en contenterai presque pour être heureuse.

— Alors que moi j’espérais t’y retrouver.

Je suppose qu’il est revenu pour Gabriel. Je ne m’y suis jamais vraiment faite parce que je sais comment Austin doit être aimé et qu’il n’y a que moi qui le sait mieux mais.... je ne suis pas aussi géniale que Gabriel. Je le sais.

Je sais que c'est contradictoire mais j'ai encore besoin d'être seul, je ne peux pas accepter sa proposition. Je l'observe plusieurs secondes.

— Pourquoi ?

Je ne comprends pas comment après tout ce temps, elle pense encore à moi. Ni pourquoi, surtout vu comment s'est passé la dernière fois que l'on s'est vu il y a plusieurs années.

Je hausse les épaules.

— J’en sais rien. Quand j’ai appris pour ta soeur, j’ai voulu revenir un peu... c’était compliqué, en fait. Quand mon père est décédé, j’ai réalisé que c’est avec toi que j’avais envie d’être. Tu me manquais beaucoup. Je suis heureuse que tu sois rentré.

— Tu es la première personne à me dire ça.

Je m'en veux vraiment de ne pas avoir été là pour la mort de son père. Si je n'étais pas parti, malgré nos différents, je l'aurais su et j'aurais été là pour elle. Je ne l'aurais pas laissé traverser cette épreuve toute seule.

— C'est trop indiscret, si je te demande ce qu'il s'est passé avec ta mère ?

Je hausse les épaules.

— Je sais pas trop. On s’est beaucoup disputées sur les dernières semaines de mon père. Puis y a eu des histoires avec le frère de mon père au niveau de l’héritage. Un jour on s’est disputées à cause d’un programme télé et elle m’a demandé de partir. Je crois que c’était la goutte d’eau. J’en sais rien. On s’est plus jamais parlées.

— Je comprends, si ça se passait aussi mal tu as bien de fait de partir.

C'est tellement loin de la vie qui était prévue pour elle, de la vie qu'elle mérite d'avoir. Et quelque part je l'admire, car elle a réussi à se relever.

— Ton oncle, celui que j'ai déjà rencontré ?

Et que je n'avais pas aimé parce qu'il était hautain et condescendant.

— Ouais. Et pour une fois, j’étais de son côté.

Je soupire.

— Mais bon, c’est derrière moi maintenant. Ça faisait une éternité que je n’avais pas parlé de ça.

Je termine le muffin et je me serre un verre d’eau.

— Ça fait deux ans que tu es seule ?

C'est plus fort que moi, je ne peux pas m'empêcher de demander car je m'inquiète pour elle.

— Plus ou moins, oui. Je ne sais plus trop, je ne compte pas les jours...

Je lui souris avec bienveillance. J’ai toujours été très seule depuis qu’il est parti avec Gabriel. Ça s’est un peu aggravé quand mon père est mort mais je suppose qu’on s’habitue à tout.

— Et toi, alors ? Où tu étais ? Tu as voyagé ?

Instinctivement je rabats mes manches jusqu'à mes doigts, autour de la tasse.

— J'étais en Europe.

Je ne sais pas si on peut réellement appeler ça voyager, je travaillais et quand j'avais le sentiment d'étouffer je partais dans un autre pays.

Instinctivement je rabats mes manches jusqu'à mes doigts, autour de la tasse.

— J'étais en Europe.

Je ne sais pas si on peut réellement appeler ça voyager, je travaillais et quand j'avais le sentiment d'étouffer je partais dans un autre pays.

— En Europe ?

Je souris ; on y est déjà alors je suppose que ce n’était pas trop compliqué de voyager.

— T’as été où ? Où est-ce que tu t’es senti le mieux ?