Idée (pas) de génie. — Gabriel & Austin

Une semaine depuis qu'on a discuté avec Gabriel. Ça va mieux mais ce n'est plus comme avant, il met une distance entre nous que je ne supporte pas. Je n'arrive pas à lui en vouloir, je crois que c'est sa façon de se préserver. Notre relation d'avant me manque. Bien entendu je n'ai pas parlé de tout ça à Jenny. En réalité j'ai à peine eu le temps de la voir cette semaine, c'est les vacances et j'ai réussi à garder mon poste au magasin, le patron a compris, je travaille même à temps plein et le soir je m'entraine à la piscine, on passe des sélections ce week-end.

Je veux retrouver notre relation d'avant avec Gabriel et je crois que j'ai la solution. 23H, je me faufile par la fenêtre, je n'ai pas pu rentrer à temps pour le dîner. Même passer par sa fenêtre mais manquait.

J'enjambe la fenêtre avec un grand sourire.

— Hey.

Je retire mes chaussures avant de m'assoir en tailleur sur le lit.

— Ça a été la soirée ?

— J'ai beaucoup réfléchi à- enfin tu sais, à nous, à ce que tu ressens.

Je m'installe mieux.

— Et j'ai eu une idée.

Je secoue la tête.

— Non.

Je secoue encore une fois la tête.

— Non, je suis sérieux Gabi. On est amis depuis l'enfance, imagine que tu ne ressens rien en m'embrassant ? Tout pourrait redevenir comme avant. Tu réaliserais que c'était juste l'attrait de l'impossible. Et me dis pas que t'as jamais été attirait par tout ce que tu n'as pas le droit d'avoir.

— Putain, t'es pénible.

Je m'agace.

— On a une chance de peut être arranger les choses et tu la refuses.

— Putain mais...

Son comportement me fait tellement mal que je ne comprends même pas ce qui m'attire encore chez lui. Il est là et je rêve qu'il agisse avec moi comme il le fait avec sa petite amie, mais moi j'suis traité comme une simple merde. Juste parce qu'il n'est pas foutu d'admettre que les choses ne vont pas dans son sens, il me traite comme de la merde. Mais c'est vrai que c'est tout moi, ce qu'il décrit. Moi j'veux que ce que je peux pas avoir, je suis en crise d'ado permanente et j'ai toujours envie de faire l'inverse de ce que je dois faire.

Alors j'me penche vers lui et je colle mes lèvres aux siennes parce que c'est ce qu'il veut et même si c'est bref, tout ce que je ressens, c'est de la honte et du dégoût pour moi. Moi qui embrasse mon meilleur ami juste parce que j'suis confus dans ce que je ressens, moi qui embrasse le petit frère que mon grand frère n'a jamais eu parce que j'suis dégueulasse et complètement cinglé. L'embrasser, ça me dégoûte, mais pas de lui, juste de moi. Parce que ça me renvoie une image insoutenable de ma propre personnalité. Je ne suis pas normal et tout le monde le souligne. Même mon pédé de frère. Tout le monde.

Quand je prends mes distances, j'ai les larmes aux yeux et c'est vraiment difficile de ne pas pleurer.

— Voilà. J'ai détesté. J'espère que ça te convient.

Mon coeur est tellement serré que j'ai du mal à soutenir son regard.

Je crois qu'il ne réalise pas à quel point cette situation est douloureuse pour moi aussi. J'essaie de la gérer comme je peux, et j'ai l'impression de me planter à chaque fois. Et ce soir encore plus. Pourtant sans que je m'y attende, il se penche vers moi et pose, ou plutôt colle, ses lèvres aux miennes. Mon coeur rate un battement, je crois que c'est la surprise. Mais quand il se recule et que je vois les larmes dans ses yeux, je ne réfléchis pas, c'est à mon tour de me pencher pour poser mes lèvres sur les siennes, comme pour le consoler.

Il se recule, et c'est là que je réalise mon geste. Il parle et moi je me décompose. Totalement. Ça m'a semblé tellement naturel sur le moment que j'ai du mal à retrouver mes esprits.

— Je voulais pas te blesser.

C'est tout ce que j'arrive à bafouiller en regardant autour de moi. Je ne me sens pas bien, comme si j'étouffais. Je me relève. Il me parle de Polly.

— Je suis désolé, je veux juste que tu sois heureux.

Je cherche la sortie mais mon cerveau n'arrive pas à choisir entre la porte et la fenêtre.

Je hoche la tête en cherchant mes chaussures.

— Je pensais que c'était une bonne idée, c'était débile. Excuse moi.

J'ai la gorge serrée et l'idée qu'il ait eu les larmes aux yeux par ma faute me retourne le ventre. C'était jamais arrivé avant, je ne pensais pas que je risquais de le blesser. Je n'ai pas réalisé. Je me revois me pencher pour l'embrasser. Putain elles sont où ces foutues chaussures.

Quand je trouve mes chaussures, il se lève, me les prends des mains et les balance par la fenêtre. Je regarde plusieurs secondes l'endroit par lequel elles ont disparues.

— Non.

J'avais plus rien à faire. J'ai un peu de mal à tout réaliser et tout assimiler.

J'ai vraiment eu le reflex de vouloir l'embrasser, il a balancé mes chaussures par la fenêtre. Je n'ai qu'une envie c'est de fuir, sauter par la fenêtre, comme mes chaussures. Mais il fait un pas vers moi, et je ne peux pas le repousser, pas maintenant. Alors je hoche la tête. On descend se préparer nos bols de céréales avant de remonter et de s'installer. Je n'arrive pas à me concentrer sur le film, mais plus je retourne tout ce qu'il s'est passé dans ma tête, plus j'arrive à dédramatiser. Il ne s'est rien passé, ce n'était rien du tout. J'ai l'impression que lui non plus ne regarde pas réellement le film.

— Alors Polly ?

Je jette un oeil en coin à son portable, il n'arrête pas de vibrer.

— Tu en as envie ?