Mieux vaut tard que jamais. — Logan & Adam

J’ouvre difficilement les yeux, il fait nuit et j’ai l’impression d’être dans du coton. J’ai la bouche pateuse, les membres endoloris et la gorge tellement sèche que j’ai du mal à déglutir.

C’est flou mais, à priori, je sais où je suis et pourquoi. Je ne comprends juste pas pourquoi il fait nuit. Je tends le bras pour appeler une infirmière et dans la minute qui suit, ils arrivent à trois et m’explique la situation brièvement : l’opération, le chirurgien absent, l’oublie de compresse, le coma artificiel et Adam. Adam qui était là tout le temps. Adam qui a attendu toute la journée que je me réveille et qui a dû partir à la fin des visites.

Ils m’ont dit qu’ils lui téléphonaient pour le prévenir. Alors j’attends parce que je sais qu’il va arriver.

Logan n'était toujours pas réveillé lorsque les visites se sont terminées. À mon grand étonnement, je n'ai même pas pleuré en quittant l'hôpital et j'ai passé la soirée à la maison. Marie, Chris et les filles étaient là aussi, ça m'a fait du bien d'être entouré de tout le monde. Je passais mon temps à regarder mon portable, dans l'espoir d'un appel du personnel infirmier, mais rien.

Alors je suis rentré chez Logan, retrouver Pandore, et j'ai attendu. J'attends encore. Je somnole par ci par là, avec une émission à la con en fond et la sonnerie de mon téléphone au maximum.

Il fait nuit noire depuis longtemps lorsqu'il sonne enfin et je n'hésite pas une seule seconde avant de répondre. C'est bref, ça va droit au but et je suis presque déjà en bas de l'immeuble quand ils raccrochent en me disant que vu les circonstances, je peux venir malgré l'heure tardive. Il n'y a personne sur la route alors j'y arrive rapidement et je crois que les gens de l'accueil le savaient.

— Je suis le compagnon de Monsieur Wheeler, il s'est réveillé et on vient de m'appeler !

On m'autorise rapidement à passer et sans demander mon reste, je me dirige vers la 105. Je vais retrouver mon Logan. Vivant. Et réveillé.

Je somnole, d’après l’infirmière ce sont les médicaments, mais je ne veux pas me rendormir avant qu’Adam arrive. Je veux être sûr qu’il est là, que tout ça est réel et que je ne suis pas encore seul.

Quand il ouvre la porte, je ne me redresse pas car j’ai décidé de bien écouter et de ne pas bouger. J’ai envie de me remettre vite, j’en ai marre de cette convalescence à la con.

— Hey.

Je lui adresse un sourire fatigué. Je suis complètement HS mais mon regard est certainement illuminé par sa présence.

— Oh putain mais qu’est-ce que t’as ? Qu’est-ce qu’il t’es arrivé ? Tout va bien ?

Cette fois-ci, je me redresse doucement parce que je vois qu’il a des points de suture et un presque cocard.

Je suis plus fragile que le plus fragile des hommes. De l'entendre me parler me fait monter les larmes aux yeux et je lui souris avec tellement d'amour que je suis certain que tout l'hôpital pourrait rayonner avec moi.

Je m'approche de lui et appuie sans forcer sur son épaule, pour qu'il s'allonge de nouveau. Sans attendre, je viens déposer un baiser sur son front.

— C'est rien t'inquiète pas. J'ai juste dis bonjour au carrelage.

Je rigole, avant de passer une main dans ses cheveux.

— Ça va Chéri ? T'as pas trop mal ?

— Hey..

Je ronchonne avant d’attraper son menton pour embrasser ses lèvres. Nan mais qu’est-ce que c’est que ce baiser chaste.

— Ça va. Je suis tellement gavé d’anti-douleur que je sens rien. Apparemment j’ai quand même bien eu le temps de me reposer. Au moins, ça ne s’est pas réinfecté.

Je lui souris. Il est bien là. Il était là tous les jours.

— Pourquoi t’as dit bonjour au carrelage ? Comment t’es tombé ? T’as mal ?

Il grogne et je trouve ça absolument adorable. Je profite de son baiser non sans sentir une flamme s'allumer dans mon ventre.

— Tu m'as beaucoup manqué...

Je souris, l'embrasse à mon tour et m'assoie enfin sur le lit à ses côtés. Je touche mon front, ça me fais encore un malade chien.

— La douleur est supportable quand j'y touche pas, c'est juste pour dormir que c'est chiant.

Mais comme j'ai pas beaucoup dormi depuis...

— J'ai fais un petit malaise il y a quelques jours. Ils t'ont dit quoi, à propos de l'opération ?

Je ne veux pas lui balancer de but en blanc ce qu'il en est sans savoir ce qu'ils ont déjà eu le temps de lui dire.

— Moi j’ai eu l’impression de te quitter seulement ce matin alors...

Je dis en riant un peu. Je déteste cette sensation de passer à côté de ma vie sans le décider moi-même. Mais je suis là, j’ai perdu moins de temps que la dernière fois et Adam est là.

— Un malaise ? Oui, oui, ils m’ont tout raconté. Un malaise de quoi ? Tu t’es fait ausculter ? Qu’est-ce qu’il y a ?

J’attrape sa main pour la caresser tendrement.

Je ris à sa suite, mais s'il savait tout ce que j'ai pu vivre en quelques jours, moi. Ne serait-ce qu'avec Edouard...

— Calme toi, tu vois bien que ça va !

Je caresse sa main tendrement, alors que je vois qu'il est complètement naze.

— Disons que quand tu es descendu te faire opérer, entre mon stress et le changement de chirurgien, j'étais dans tous mes états et je suis un peu monté en pression. Heureusement que Gabriel était là sans déconner.

Il a dû me prendre pour un barge, où se dire que j'allais péter un boulon à un moment donné.

— Quand j'ai su pour la compresse, j'ai cru que ça pourrait pas être pire. Et puis, elle a dit qu'ils te mettaient dans le coma et là... Je me suis réveillé deux heures plus tard dans un lit d'hôpital et toi, t'étais déjà remonté de la salle de réveil. Mais ça va. J'ai juste des points et toi, tu es là.

Je lui adresse un sourire tendre parce que c’est tout lui. Il sait rendre les choses encore plus dramatique qu’elles ne le sont déjà.

— Maintenant que je suis réveillé, faudra que tu te reposes, d’accord ? T’as vraiment pas l’air bien.

Je l’attire à moi pour embrasser ses lèvres à plusieurs reprises. Il est là, bien réel. Il ne réalise pas ce que ça signifie pour moi.

— Je vais être hospitalisé encore cinq jours, comme ils m’ont réouvert.. C’est beaucoup plus long mais au moins je ne me lèverai pas et l’injection n’en sera que plus efficace. Je sais que si je rentre, je vais marcher et être moins vigilant. Ça ira pour toi ?

Je n’aime pas trop le savoir seul, sans raison particulière d’aîleurs. Mais j’aimerais mieux être avec lui.

Cinq jours c'est long, mais ce n'est rien si c'est pour sa guérison. Et cinq jours tout en pouvant lui parler, c'est tout à fait autre chose que trois jours de coma.

— Tu es réveillé maintenant, je vais pouvoir dormir sur mes deux oreilles.

Et c'est vrai, rien n'est plus vrai. Ce sera ma première nuit de sommeil sans crainte depuis un moment. Et j'ai hâte qu'il rentre, pour être paisible même. Dormir dans ses bras de nouveau.

— Et je vais survivre cinq jours de plus tout seul, ne t'en fais pas. J'ai pas encore mis le feu à ton appartement et Pandore est toujours aussi mignonne. J'ai même rempli les placards, ceux de bouffes et... J'ai peut-être apporté quelques affaires à moi en plus. Des fringues, mais pas que.

Je lui adresse un sourire tendre parce que ça me fait plaisir de savoir qu’il s’approprie les lieux. Il se sent chez lui, même quand je ne suis pas là.

— Quoi donc ?

— J'ai beaucoup beaucoup lu ces derniers jours, alors j'ai amené tout un tas de bouquin, parce que j'en avais marre de tomber à cours au beau milieu de la nuit...

Je grimace doucement, parce que le tas va quand même du pied du lit à au dessus de sa table de chevet, mais bon.

— Oh et j'ai aussi ramené mes dossiers pour l'association et mon stage de premier semestre. Alors j'ai rangé tout évidemment, mais quand je sors un des deux, j'envahis vite l'endroit où je suis. Mais je mets pas le bordel, promis ! Quand tu vas rentrer, tout va être propre et ton infirmier personnel sera là pour que tu te rétablisse le mieux possible !

Je viens embrasser ses lèvres avec un sourire et je me sens heureux. Heureux de l'avoir et de l'aimer. Et d'être aimé.

Je lui souris avec fierté.

— Tu vois le petit bureau qui est installé dans l’angle derrière la télé ? Tu peux le vider et t’y installer. Y a pas grand chose, il faut juste que tu réunissent mes papiers de compta dans un même endroit. Mais tout est déjà rangé.

C’est l’un des seuls trucs que Moïra n’a pas balancé.

— Tous les placards au-dessus son vide, ce sera plus confortable pour toi parce qu’à mon avis, on n’est pas prêts de quitter les lieux.

J'aime bien qu'ils disent ''on'', ça fait penser à l'avenir et à nous deux. Ça laisse entendre plein de choses et ce sont des choses que j'aime bien.

— Je regarderai ça alors, merci.

Mon sourire doit en dire beaucoup, tout comme mon regard.

— Mais tu vas peut-être pouvoir quitter l'appartement de tes parents plus vite que tu ne le crois, on risque de ne pas devoir attendre dix ans pour trouver un endroit à nous deux !

Un endroit à nous deux. Ça me mets dans un de ces états !

Je fronce les sourcils.

— Personnellement, je n’ai pas une thune et je ne compte pas faire un procès à Moïra, ce sera lui accorder trop d’attention. T’as gagné au loto ??

Pour que je gagne, il faudrait que je joue. Et c'est ce que je vais faire, tiens, bonne idée ! Sait-on jamais. Je penserai à remercier Logan plus tard pour l'idée.

— Dans les faits actuels, il faudrait attendre un peu. Avec le dossier béton que je suis en train de monter, je compte bien intégrer une grande maison d'édition pour mon stage. Et tu me connais, je ne compte pas partir de là-bas sans leur avoir montrer que m'embaucher après mon master serait un plus pour eux. Mais bref ! Ca, c'est dans plus d'un an, alors on a encore un peu de temps.

J'ai déjà pensé à tout ça, non seulement parce que je veux réussir, mais aussi parce que j'ai envie de nous offrir la vie qu'on mérite Logan et moi. Travailler chez les meilleurs ce serait non seulement qualitatif, mais ça m'apporterait un salaire nettement au dessus d'une maison lambda. Si je veux, je le peux. Mais en attendant...

— Par contre, y'a un autre procès que tu pourrais attenter et celui-là, crois-moi qu'il te permettrait non seulement de te refaire, mais aussi de profiter de ta convalescence et bien plus sans avoir à t'inquiéter.

Mes doigts se referment sur les siens et je caresse sa main avec amour. J'ai eu tellement peur de le perdre, en vérité, mais maintenant qu'il est là, je n'ai pas envie de laisser passer la chance que pourrait lui offrir ce malheur.

— Ils ont oublié une compresse avant de refermer Logan. Ils auraient pu te paralyser, voire pire. L'hôpital est en tort, entièrement en tort, et je ne suis pas certain qu'il faudrait bien longtemps pour qu'une plainte prenne de l'ampleur. Si tu vois ce que je veux dire.

J'ai envie de me battre pour lui et pour nous, mais j'ai aussi conscience qu'il est le seul décisionnaire et que je suivrais ce que lui souhaite.

— Après bien sûr, c'est toi qui vois ! Je te forcerai jamais à rien et je peux brûler tout ce que j'ai déja regardé et enregistré si tu ne souhaites pas faire cela. Mais dors un peu, repose toi, et penses-y quand ça ira mieux. C'est ça le plus important, pas le reste.

Son ambition est toujours là et ça me soulage parce qu’il est promis à un grand avenir. Ça me rend fier aussi.

— Tu vas y arriver.

Je lui glisse quand même avant qu’il ne poursuive.

— Si tu te sens de gérer ça, et que ça ne nous fait pas perdre d’argent, alors oui. Je te suis sans problème. Mais on en parlera mieux plus tard.

Je suis vraiment crevé alors j’accepte volontier quand il me dit de me reposer.

— Tu devrais rentrer, chaton. Te reposer. Et tu reviendras à la première heure demain, d’accord ? Avec une brioche.

Je dis avec un sourire fatigué.

Le seul argent que ça pourrait nous faire perdre, c'est si l'hôpital conteste et qu'on a besoin d'un avocat. Si jamais on doit en arriver là, on repensera à la façon de voir les choses. Mais la direction a l'air plutôt encline à accepter son erreur, alors j'ai bon espoir. Au pire, peut-être que Logan ou ma mère aurait un contact avec lequel on pourrait négocier un peu.

— J'ai vraiment hâte que tu rentres... Même si cette nuit tu risques de ne pas trop me manquer. Je suis tellement fatigué et soulagé, que je vais surement tomber comme une masse. Mais je serai là pour ta brioche, n'aie crainte !

Je souris, alors qu'on baille doucement presque en même temps. C'est le moment de se quitter de nouveau, sans aucune doute.

— Si jamais t'as besoin de quoique ce soit demain avant que j'arrive, demande Alexis, elle prendra encore mieux soin de toi que les autres infirmières. Et c'est la seule dont je ne suis pas jaloux.

J'ajoute en rigolant.

— Alexis, c’est noté.

Je crois qu’en plus elle s’est déjà pas mal occupée de moi pendant mon coma. Je lui fais signe de s’approcher pour l’embrasser avant de le libérer.

— À demain, chaton. Prends un taxi si tu es trop fatigué.

— Ça va aller, t'inquiète pas.

J'emprisonne ses lèvres encore une fois, encore un peu, avant de me décider et de me lever. C'est dur.

— À demain, repose toi surtout.

Je lui vole un dernier baiser.

— Je t'aime.

— Moi aussi, je t’aime.

Je prends tout de même le temps de répondre parce que je trouve que c’est important. Avant je n’exprimais rien, mais au nom de quoi ? J’aurais pu mourir et Adam n’aurait jamais su que je l’aimais. C’était complètement idiot.

— Envoie-moi un message quand t’es rentré. À demain.