Plouf GABRIEL & AUSTIN

Je secoue la tête.

— T’es fatigué ?

Je sais que ce n'est pas vrai, je suis son meilleur ami depuis toujours, je le connais mais je ne dis rien.

— J'ai un peu faim... on peut faire des sandwichs ?

Je sais que ce n'est pas vrai, je suis son meilleur ami depuis toujours, je le connais mais je ne dis rien.

— J'ai un peu faim... on peut faire des sandwichs ?

— D’accord, oui. Je vais faire ça.

Je souris.

— Allonge-toi, je vais nous préparer des plateaux repas.

— On peut faire tous les deux.

Je ne veux pas être assisté, et je ne veux pas qu'il pense que je l'utilise.

Je secoue la tête.

— Non, non. Tu viens de rentrer. Laisse-moi prendre soin de toi, un peu. J’pouvais jamais faire ça avant.

Je hoche la tête et je vais m'installer dans le lit. Quand il rapporte les sandwichs je le remercie. Je ne me rappelle pas du reste de la soirée, je crois que je me suis endormi en mangeant.

*******
Ça fait presque une semaine maintenant que je suis rentré de l'hôpital, je ne montre rien de ce que je ressens, mais intérieurement j'ai l'impression de m'enfoncer. Je me renferme sur moi-même, j'en ai conscience. Je crois que Darcy sent que ça ne va pas car elle est sage, tout le temps. Le seul moment où je me sens à peu près apaisé, c'est le soir, quand Gabriel me prend dans ses bras avant de dormir. Aujourd'hui on m'a retiré les bandages, j'ai le bras gauche toujours immobilisé mais seulement par un harnet. Darcy dort déjà quand il me rejoint. Je sais qu'il n'a pas mangé car Madeleine et lui sont toujours fâchés. J'essaie de lui préparer un repas, les pâtes sont en train de cuire, je mets la table.

Le temps n’a jamais été aussi long que cette semaine. Austin ne parle pas, il est là sans vraiment l’être et j’assiste à sa chute en étant le pire petit ami de tous les temps. Tout ce que je dis ou fais ne change rien, il ne va pas bien, il ne dit rien et je suis nul. Jenny aurait su quoi faire.

Quand je descends le rejoindre, il fait à manger. Je m’approche et je dépose un baiser sur sa tempe.

— Qu’est-ce qu’on mange ?

Je ne lui demande pas s’il a besoin d’aide, il m’envoie chier régulièrement.

— Des pâtes à la bolognaise.

Quand c'est prêt on s'installe sur le bar, en face l'un de l'autre, au début on mange en silence, mais je prends la parole parce que c'est important pour moi de lui dire.

— J'ai pris rendez-vous avec psychologue.

On n’a rien à se dire, comme presque tous les jours. Ça m’étouffe et ça me donne envie de mourir. Mais je reste avec lui tant qu’il ne me demande pas de partir. Je m’apprête à le remercier parce que c’est bon quand il prend la parole. Ça me choque presque de l’entendre.

— C’est vrai..? Tu es décidé ?

Je hoche la tête, je joue plus avec ma fourchette que je ne mange.

— Je suis désolé pour cette semaine.

Car j'ai conscience que ce n'est pas facile pour lui, j'ai besoin d'aide, je m'en rends compte.

Il ne réponds pas. Comme toujours en ce moment. Il est dans ses pensées et il répond souvent à côté – s'il répond.

— Désolé de quoi ?

Je baisse les yeux sur mes pâtes.

— D'être comme ça, en ce moment.

Je les relève vers lui.

— Avant, quand je ne vivais pas ici, c'était plus facile d'aller mal.

— Oh..

J’attrape sa main.

— C’est moi qui suis désolé. Je suis complètement nul, je sais pas comment t’aider.

Je regarde sa main qui prend la mienne.

— Tu n'es pas nul.

Je lie mes doigts aux siens.

— Ouais bah.. un peu quand même. J’peux pas t’aider, rien. J’te vois sombrer et je suis là. Y a aucune parole réconfortante que t’aurais envie d’entendre.

— Dans quel état tu serais si tu étais à ma place ?

Je hausse les épaules.

— Bah.. je sais pas. J’en sais rien.

Je sais pas ce que c’est que d’être doué en quelque chose alors j’arrive pas à me mettre à sa place. Puis on n’a pas le même caractère. Moi aussi, j’ai tout perdu à cause de ce bracelet, mais j’ai rebondi et trouvé des solutions. Lui, il ne fait pas ça. J’ai tout mis dans ma relation avec Austin pendant des années et quand je lui ai dit que j’étais amoureux, il m’a rejeté, il s’est moqué et j’ai voulu mourir. Je ne voulais plus exister. J’affiche un air embêté.

— J’aurais plus envie d’être là. Désolé.

Il me fait comprendre par cette phrase que je sers à rien. Que rien ne le réconforte et ça me fait de la peine. Il me demande d’être à sa place pour comprendre et j’ai honte.

— Peut-être que Jenny pourrait t’aider... elle est sportive et elle était avec toi pendant trois ans. Moi je sais pas. Je sais pas quoi te dire et je sers à rien.

Je sens qu'il est perdu, quand il me parle de Jenny je fronce les sourcils. Je n'ai pas pensé à elle une seule seconde.

— Je n'ai pas besoin de Jenny. Tu sais,

Je regarde autour de moi.

— Le seul moment où je me sens mieux, c'est quand je suis dans tes bras le soir.

— Ah bon ? C’est quand je dors ? Quand je me tais, c’est ça ? La journée je te saoule ? Je peux me taire, tu sais. J’te jure.

Je dis rapidement.

— Tu vas pas me quitter parce que je suis trop nul ?

— Quoi ? Non, non.

Je resserre mes doigts sur les siens.

— Je ne veux surtout pas te perdre, tu ne parles pas trop, au contraire. C'est juste que le soir quand tu me tiens dans tes bras, j'arrive à ne plus penser et ça me fait du bien.

Ça me soulage de l’entendre.

— D’accord. Alors on termine vite de manger pour aller se coucher, alors.

Un vingtaine de minutes plus tard, on est allongés dans mon lit, Balthazar dans son panier à côté.

— Tu n'es pas nul en tant que petit ami, au contraire.

— Ah ouais, tu trouves ?

Je caresse tendrement ses cheveux.

— T’es mon vrai premier petit ami. J’ai aucune référence alors j’en sais rien. Je me remets en question tout le temps, on sait jamais.

Je hoche la tête.

— Je réalise que si on était restés amis, je n'aurais peut être pas supporté de te voir avec une autre personne.