Missing — Logan & Adam

Quand je pose mes yeux sur ma montre, il est 19 h 30. Je ne sais absolument pas ce que je fous dans un parc. C’est troublant. Il fait froid, en plus.

Quand je me relève, un sac en forme de nounours tombe par terre. Putain, qu’est–ce que c’est que ça ? Je le ramasse et je rentre. J’en ai pour une demi-heure. Je suis incapable de mettre la main sur mon portable. Fais chier.

Je rentre à la maison et j’entends pleurer. Je ne crois pas qu’il était convenu qu’on garde les jumelles.

— Adam ! C’est moi.

L’espace d’une seconde, je me sens perdu. La maison ne ressemble pas à ce dont je me souviens. Je mélange tout. Quand je rentre dans la salle de bain après avoir suivi le bruit, je le retrouve en train de se débattre avec deux bébés. L’un qui chouine sur le sol, l’autre dans l’eau.

— C’est qui ? Ça va ? J’ai mal au crane, j’étais au parc là, je sais même pas pourquoi. Je suis gelé.

Je vois qu’il fait la tête.

— Je suis en retard ? Je crois que j’ai perdu mon portable. Pourquoi tu gardes des bébés ? Ils sont à qui ?

Logan rentre comme une fleur avec je ne sais même plus combien de temps de retard et de là-haut, j'en soupire d'avance. C'est pas tant qu'ils rentrent tard qui m'agace, c'est que j'ai essayé de les joindre plusieurs fois sans succès et que l'inquiétude a failli prendre le dessus.

Lorsqu'il arrive dans la salle de bain et qu'il tente de blaguer, j'ai envie de lui dire que ce n'est pas le moment, mais Arthur et Blanche se sont allier pour piailler tous les deux, alors je reporte rapidement mon attention sur eux, sans lui répondre. Qu'il aille aider Olivia à se déshabiller.

Mais quand j'entends la suite de sa phrase, c'est comme si j'avais un électrochoc. Je me retourne vers lui et en un regard, je comprends qu'il ne rigole pas. Ça a recommencé. Et le pire, c'est pas qu'il soit incapable de se souvenir de nos enfants. Le pire, c'est de comprendre qu'il ne rigolait pas en n'ayant aucun souvenir du pourquoi il était au parc.

— T'es rentré tout seul là mon coeur ?

Je demande, le coeur au bord des lèvres.

— Bah... ouais ?

Je fronce les sourcils.

— J’me sens pas bien. C’est bizarre.

Puis il pâlit d’un coup et ça me fait peur. Et forcément, ça m’énerve parce qu’il ne répond pas à mes questions. Il en pose d’autre. Putain.

— Mais quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Tu fais quoi là ? Nounou ? T’as arrêté tes études ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Plus il pose des questions et plus je peux voir que sa mémoire s'est arrêtée il y a longtemps. Je voudrais m’asseoir, parler avec lui, prendre le temps de tout lui rappeler, mais je ne peux pas. On ne peut pas, parce qu'on a un enfant seul dans un parc et ça me retourne l'estomac.

— J'ai terminé mes études y'a plus d'un an Logan. Et ça, ce sont nos enfants, à nous. Arthur et Blanche.

C'est bref, j'ai pas le temps d'extrapoler et j'en suis désolé pour lui.

— Je voudrais que tu m'écoutes et que tu essaies de rester aussi calme que va l'exiger la situation, ok ?

Je lui demande tout en récupérant Arthur dans le bain et en le séchant. Plus vite les jumeaux seront dans leur lit, plus vite on pourra réfléchir en circonstance.

— Nos enfants ?

Je lache un rire nerveux. Il se fout de ma gueule ou quoi ?

— Calme de quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

— Papa !!!

Comme pour approuver son interrogation sans que je n'ai à parler, Blanche s'échappe de derrière moi et lui court dans les jambes. Je n'ai pas peur de sa réaction, je sais qu'il sait s'y prendre au fond de lui. Mais j'ai peur de celle qui va suivre. S'il se souvient de moi, il se souvient de Livie. Il sait pertinemment qui elle est.

— T'étais pas tout seul au parc, vous étiez sorti vous promenez Livie et toi. On a sa garde à temps plein depuis plusieurs mois. Mais là, on doit vraiment la chercher, ok ? Et en paniquant, on n'y arrivera...

L’espace d’un instant, je deviens complètement muet. Je ne sais pas combien de temps ça dure mais le double choc ne passe pas. Cette petite fille adorable qui m’appelle papa, la garde de Livie. Le parc. Je le regarde sans savoir quoi répondre parce que je ne serais jamais parti seul avec elle. C’est impossible. Jamais je n’aurais fait ça.

— Mais non, on n’a pas sa garde. On n’a pas d’enfant. Tu fais quoi ? T’essaie de me rendre dingue ? C’est une blague ? C’est pas drôle.

J'ai peur du choc, mais en réalité, c'est encore pire que s'il avait paniqué. Sa protection, c'est de penser que je mens. Et ça me fends le coeur au moins autant que la disparition de Livie m'effraie.

— J'oserais pas rire de ça Logan, je sais que tu le sais.

Je réponds avec un sourire forcé.

— Tu peux t'occuper des jumeaux tu crois ?

Je demande, les larmes aux yeux. J'essaie de lutter pour nous deux, mais c'est dur.

— Faut vraiment que j'aille là-bas, peut-être qu'elle est encore en train de jouer, qu'elle a pas fait attention. On sait jamais...

— Je l’aurais pas laissé toute seule, Adam ! Franchement comment j’aurais pu faire ça ?

Il me parle de m’occuper des jumeaux comme si c’était les miens alors que j’ai soi-disant perdu ma fille au parc, mais quel genre d’inconscient il est.

— Et j’en fais quoi ? Je vais les perdre eux aussi ?

Je fouille dans mes poches.

— J’ai pas mon téléphone. Je l’ai plus, je sais pas, j’avais juste... un sac. J’avais un sac nounours.

J’arrive pas à me souvenir mais ce que dit Adam semble être vrai et ça m’effraie. J’ai laissé ma fille au parc.

— J’ai pas mon portable.

J’arrête pas de le répéter parce que j’ai l’impression que c’est important.

— Je l’ai pas. Je sais qu’on me l’a pas volé. Je veux pas rester tout seul avec eux. Je sais même pas vraiment en quelle année on est, je peux pas rester avec eux. Faut que t’appelle quelqu’un. T’as ton portable ? Appelle mon portable.

— C'est pas ta faute Logan, c'était pas voulu ou conscient ! On savait que ça pouvait arriver, on espérait juste que ce serait jamais le cas...

Je réponds la gorge serrée, alors qu'il s'emporte sur moi pour faire passer ce qu'il ne contrôle et ne comprends sans doute pas.

— Il est peut-être resté au parc !

Et j'espère, je prie en continue pendant une demie seconde avant de sortir mon portable de ma poche et de rapidement appeler le portable de Logan

Ça décroche dans la seconde.

— Ah bah enfin !! J’arrête pas de t’appeler ! C’est Romie ! Livie est avec nous. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Elle a dit qu’elle était toute seule au parc et que quand ça arrive il faut aller à l’église. Il est où Logan ?

— Oh merci Seigneur !

J'ai des larmes qui m'échappent, mais je les essuie rapidement pour ne pas inquiéter Logan. Je monte le son, pour qu'il puisse entendre que ça va.

— Il est avec moi, on est tous à la maison. Il va bien, juste un... Passage à vide.

Je soupire doucement, alors que même les enfants ont arrêté de crier.

— Tu peux garder Livie encore un peu ? On habille les enfants et on arrive. Tous les quatre ! On va pas vous déranger longtemps. Merci Romie !

Je précise, même si elle aurait pu ne pas être à l'église. Mais elle y était et je ne veux pas penser à autre chose.

Je l’écoute et quand il conclut, j’en ai un haut-le-cœur.

— Romie ? C’est qui Romie ? Quelle Romie ? Moi je vais nulle part.

— Romie ta soeur !

Je réponds du tac-o-tac, sans doute en manquant un peu de tact.

— Elle est sortie de prison, elle a vécue ici un peu, maintenant elle vit surtout chez son mec. Edouard, Edouard le frère de Max ?

C'est long et il est toujours incapable de retrouver pied à la réalité. J'attrape sa main avec tendresse, avant d'embrasser sa joue.

— J'ai besoin de toi Logan, s'il te plaît. Je te demande juste de monter en voiture avec moi et de me suivre. T'as confiance en moi, pas vrai ?

Je refuse de le laisser tout seul, je n'en ai clairement pas la force.

Y a tellement d’informations que j’ai l’impression de perdre pied. J’arrive pas à comprendre ce qu’il se passe et j’ai l’impression de devenir fou. C’est horrible. Il prend ma main et c’est le geste de trop parce que j’ai pas envie qu’il me touche. Parce parce que je lui suis hostile mais parce que j’ai honte. Ma gorge se serre et les larmes me montent aux yeux.

— Oui.

Je murmure. Oui, j’ai confiance en lui. Mais j’ai pas envie de sortir. Je peux pas. Pas pour aller chercher ma fille que j’ai abandonné dans un parc. Pas pour voir ma sœur que j’ai pas vu depuis une éternité, si c’est pour qu’elle me voit comme ça. J’ai trop honte. J’ai abandonné ma fille.

— Je peux pas.

Une larme m’échappe et je l’essuie rapidement. Y a ces bébés avec nous et je sais vraiment où on est. Ça m’effraie et j’y arrive pas.

Je la vois cette larme sur sa joue et ça me brise le coeur. Si c'est dur pour moi de le voir ainsi, je n'ose jamais imaginer ce qui lui peut ressentir d'être dans un tel flou.

— Tu veux que je leur demande s'il peuvent la déposer ici ?

Je demande, pas sûr de ce dont il ne se sent pas capable.

— J'ai pas envie de te laisser tout seul mon Coeur...

— Je veux voir personne d’autre.

J’ai laissé Livie dans un parc. Ça tourne en boucle dans ma tête et j’arrête pas de regarder ces bébés et je m’en souviens pas. C’est même pas un souvenir bloqué, c’est juste pas un souvenir. J’ai su rentrer ici mais je ne reconnais pas la maison.

— Ça me fait peur.

Ma respiration s’accelère, mon cœur s’emballe. J’ai mal au ventre et l’espace d’une seconde, j’ai l’impression de tomber dans le vide. Mon cœur me remonte dans la gorge et j’ai juste le temps de me pencher au-dessus des toilettes que je vomis tout ce que j’ai. J’entends plus rien, j’ai comme des acouphènes, c’est insupportable.

— J'arrive !

Je réagis aussi vite que possible. J'attrape Arthur et je tends la main à Blanche, qui l'attrape en deux temps trois mouvements. Rapidement, je les amène dans leur chambre et je bénis qu'on ai encore un parc dans cette pièce. Je leur donne des jouets, je leur mets un peu de musique et je leur fait un énorme bisou.

— Papou et papa reviennent vite. On ne fait pas de bêtises, ok ?

Ils rigolent tous les deux en faisant oui de la tête et je leur souris avant de quitter la pièce. On est au pied, au moindre bruit je pourrais être là. En attendant c'est Logan qui a besoin de moi et dès que je regagne la salle de bain, je mouille une serviette avant de m'assoeir à côté de lui.

— Logan ?

Je demande en tentant de passer ma main dans son dos, prêt à me reculer si c'est trop pour lui.

Je me laisse tomber contre lui. Il est mon seul point de repère dans tout ce merdier.

— Trop de lumière...

Je marmonne. Je le lache pas pour autant alors il pose une serviette sur mon visage et ça me soulage. J’ai moins mal au crâne. Comme après un orage, tout est plus clair. J’entends les jumeaux babiller et je me souviens à quel point je les aime.

— Je suis là.

Je dis à Adam, toujours caché sous ma serviette. Quand je réalise vraiment ce qu’il s’est passé, je pleure sans aucune retenue. Je suis incapable de protéger mes propres enfants.

Quand il fond en larmes, mon ventre se tord douloureusement et je le serre contre moi sans doute plus fort que je ne l'ai jamais fait.

— Je te lâche pas mon Cœur. T'es pas tout seul. Tout va bien, tout le monde va bien.

J'embrasse doucement son crâne, juste pour qu'il sente cette tendresse un instant, et qu'il sache que je ne le déteste pas. Au contraire.

Je me raccroche à lui comme jamais parce que j’ai peur qu’il’parte, qu’il me déteste. Qu’il m’envoie à l’asile. Livie n’a rien mais ça aurait pu être grave. Je mets un moment à me calmee et quand je suis fatigué, j’arrête lentement de pleurer.

— Je vais aller me coucher. Je peux pas aller la chercher. J’y arriverais pas.

— Je vais y aller ne t'en fais pas. Et je prends Arthur et Blanche avec moi si tu veux.

Je laisse entendre. Comme ça, si jamais il veux les avoir près de lui pour ne pas être seul, il peut me le dire. À la maison, ils ne risquent rien.

— Elle ne t'en veux pas Logan, elle n'a certainement même pas vraiment compris ce qu'il se passait. Elle joue avec Tata Romie, comme si de rien n'était.

Je tiens à le préciser, qu'il ne s'en veuille pas. J'embrasse sa tempe et je glisse ma main dans la sienne.

— Et je t'en veux pas non plus, je ne serai pas là sinon.

Je souris doucement en me levant, pour l'inciter à me suivre.

— Moi je m’en veux.

J’aimerais rester avec les jumeaux pour les couvrir de câlins et ne pas rester seul mais j’ai pas confiance en moi.

— Je suis désolé.

D’être aussi nul, de ne oas l’aider. De mettre nos enfants en danger.

— C'est pas de ta faute Logan, t'y peux rien.

Je soupire en le gardant contre moi.

— On sait tous les deux que tu préfèrerais que ça n'arrive jamais. Mais Livie est partie à l'église. Et elle avait ton portable. Elle a su se débrouiller toute seule parce que tu as su anticiper, au cas où ça arrivait.

Je retire la serviette doucement avant de venir caresser son visage.

— Elle va bien.

Je réponds simplement. C’est tout ce qui compte. J’ai envie qu’il aille la chercher autant que je ne veux pas qu’il me laisse. C’est difficile.