De deux à trois - Luke & Max

— Je lâche pas prise. C’est notre bébé. Mais ça va me rassurer que tu sois là. Lui aussi. À deux c’est tellement plus rassurant.

Axel arrive rapidement et il s’installe sur la partie du canapé où il peut étaler ses jambes. Doudou, couverture de la maison, t-shirt de papa, il s’enfouit sous son bazar avant de nous regarder en souriant.

— On peut mettre Dragons ?

Surprise. Mais Astrid lui manque beaucoup et il aime bien entendre son prénom. Sans parler que c’est son dessin animé préféré.

— Bien sûr.
— Demain je veux appeler tonton pour dire merci car je n’ai pas eu peur grâce à la chanson !

— Je disais pas ça dans ce sens là Max. Plutôt dans le sens où tu vas pouvoir me parler, et laisser aller un peu tout ce que tu as sur le coeur et les épaules.

Et si ses cernes sont égaux à ce qu’il a vécu, j’imagine même pas ce qu’ils ont pu traverser.

— Quelle chanson ?

Je demande, comme si je n’avais pas entendu leur conversation. Axel vient s’asseoir sur nous, sans laisser le temps à Max de descendre de sur mes genoux, et il m’explique tout.

— Il est génial ce tonton ! Quand on rentrera faudra aller lui faire un énorme câlin !
— Oui un gros câlin !

Il mime avec ses bras, avant de se blottir contre nous.

— On mets le film alors ?
— Oui mon coeur, installe toi bien et on le lance !

Avec la journée qu’on a passé, il lutte vraiment fort une grosse demi-heure et puis il tombe d’un coup. Il s’est roulé en boule contre Luke et ça me fait sourire.

— J’espère que cette nuit il va bien dormir. Parce qu’il est quand même fatigué, du coup.

Je dis dans un soupir.

— Y a pas une nuit où il ne s’est pas passé quelque chose. Il s’est mis à crier plusieurs fois, à pleurer. Le premier soir il était terrorisé. J’ai mis un temps fou à le réveiller. Mais cette nuit...

Ma gorge se serre immédiatement et j’ai les larmes aux yeux.

— Je me suis assoupi... je sais pas, une heure. J’ai bien vu qu’il était pas serein de se coucher hier. Sans papy et mamie dans la maison... je sais pas tellement de quoi il a peur mais j’essaie quand même de le rassurer. Quand je me suis réveillé, il n’était plus là. Je l’ai cherché partout, j’ai retourné l’appartement. Pendant plus d’une je l’appelais... j’ai vérifié qu’il n’avait pas pu sortir par la porte d’entrée. J’étais tellement désemparé, j’te jure. Je l’ai retrouvé dans le panier à linge sale. Je sais même pas comment il est arrivé là.

Rien que de repenser au soulagement que j’ai éprouvé en le trouvant là, je me remets à pleurer.

— Je suis resté dans le salon avec lui, je me suis endormi là. Toi t’es arrivé. Il avait allumé la télé quand j’ai ouvert les yeux, il regardait un dessin animé.

Max est désemparé et chacune de ses phrases me fait réaliser un peu plus à quel point en effet, il a vécu un cauchemar. C’est notre fils et on l’aime plus que tout, mais c’est tellement dur et terrifiant de le voir dans ces états là.

— Pourquoi tu m’a pas appelé ? Je t’aurais aidé, je sais pas. Mon coeur...

Je soupire et je me déplace légèrement pour pouvoir le prendre entièrement dans mes bras. Je le serre contre moi et j’embrasse sa joue tendrement.

— Je suis désolé de pas avoir réalisé. Je savais que ça pouvait arriver, mais j’imaginais quelques cris et quelques pleurs, rien de plus. Est-ce que tu crois qu’il est somnambule ? Ou qu’il s’est réveillé en étant terrifié ?

J’imagine même pas ce que Max a du vivre, de devoir le chercher comme ça. Avoir Keziah au téléphone et l’aider à chercher Adriel c’était dur, mais on pouvait être rationnels. La... Je sais pas comment Max a fait pour ne pas peter un plomb.

— Je vous lâche plus. Tu seras plus tout seul pour gérer ça mon coeur, on est tous les trois de nouveau. Ça va aller...

Et je l’espère de tout mon coeur, parce que si Axel semble oublier ce qu’il s’est passé une fois debout, c’est loin d’être notre cas et ça joue aussi beaucoup sur notre santé.

— Tu mérites tout l’or du monde pour ce que tu as traversé sans te plaindre. T’es épuisé et apeuré, mais tu tiens bon. J’espère que t’es très fier du papa que tu es...

Axel ne pouvait pas rêver mieux.

— Je sais pas... je me dis que c’était une crise de somnambulisme parce que je l’ai pas entendu du tout...

Je me blottis volontiers contre lui.

— Je pouvais pas imaginer que ça se passerait comme ça... il a encore un équilibre précaire et il a besoin de nous deux. Je te demande pas grand chose parce que je sais que ton travail est important et je comprends ça... mais les vacances... enfin j’aimerais bien que tu sois là, à l’avenir.

— Il est pas plus important que vous. Si j’avais pu imaginer ça moi aussi, je sais pas comment je m’y serais pris mais j’aurais été là.

Pour lui comme pour Axel.

— Je serais avec vous maintenant. Je vous laisserais plus partir tous seuls tous les deux, je te le promets. On ira tous les trois, en famille.

A LA ca c’est plutôt bien passé, parce qu’on était tous les trois. J’ai été idiot de penser que tout irait bien, en lui enlevant tous ses repères.

— Tu nous as vraiment manqué...

Je dis en embrassant ses lèvres.

— Et pas que la nuit, dans toutes les activités qu’on faisait...

— On s’est bien rattrapés aujourd’hui. Et on a encore demain aussi pour en profiter. Maintenant on se lâche plus.

Je souris contre ses lèvres.

— Cinq jours c’est horriblement long, sans vous. La maison était vide. Et même si Titoune m’a jamais vraiment laissé tout seul... J’ai besoin de vous dans ma vie, tous les jours, pour être heureux.

— T’as pas idée à quel point je suis reconnaissant d’avoir fondé ma famille avec toi.

Moi aussi, j’ai besoin d’eux tous les jours, je m’en suis rendu compte.

— On va se coucher ? Je vais pas tenir beaucoup plus.

— J’ai bien fait de rien lâcher et d’être ton cavalier pour le mariage de Romie et Eddie, c’est la meilleure chose que j’ai fais de ma vie.

Je souris avec tendresse.

— On notera d’ailleurs que la première fois qu’on s’est vu, c’était dans cet appartement. Et aujourd’hui regarde où on en est.

J’arrive pas à croire qu’on ai fait tout ce chemin, j’ai l’impression que c’était hier.

— On y va ! Je vais essayer de pas trop réveiller Axel.

Je suis heureux avec lui, il n’a pas idée à quel point il m’a sorti du fond du gouffre.

— On a encore beaucoup de choses à vivre.

Mais c’est mieux si on est en forme pour les vivre. Je me lève doucement et je le laisse se charger d’Axel. Il bronche à peine et quand il est camouflé avec son doudou et son t-shirt entre nous, je vois à son visage qu’il est bien.

— Je sais pas si t’as vu son nouveau doudou d’ailleurs : un t-shirt à toi.

— J’ai vu ça oui.

Je rigole avec tendresse.

— Comment il a trouvé ça ? Tu l’avais pris dans la valise ?

J’aurais remarqué s’il l’avait eu à la maison, non ?

— J’ai cru que c’était mon t-shirt blanc et en fait pas du tout. Ça flottait quand je l’ai mis.

Je dis avec un sourire.

— Du coup, il l’a pris pour lui parce que tu lui manquais. Bon courage pour le récupérer.

— Tu devais être trop mignon dedans !

Je souris en lui volant un baiser.

— J’imagine que je pourrais me racheter un t shirt blanc et que je vais lui laisser celui là. Je vais pas lui voler un de ces doudous quand même.

Je caresse ses cheveux avec tendresse, en espérant vraiment fort que sa nuit soit plus calme que les dernières.

— Il va être bien entre nous. Et puis... au moins on sait qu’on peut surtout pas le laisser dormir chez papy et mamie..

On s’était déjà posé la question mais là c’est non. Pour l’instant c’est sa chambre ou nous. Et puis c’est tout.

— Ah non là en effet, c’est pas quelque chose à faire. Et je pense qu’on va devoir recréer un climat de confiance avant qu’il accepte d’aller seul chez mon frère ou le tien. Il aurait peur qu’on vienne pas le récupérer...

Même avec Tommy je ne suis pas sûr qu’il soit prêt. Faut qu’un de nous soit là, au cas où.

— Tu crois que c’est ça ?

J’y avais pas pensé mais ça semble évident quand il le dit.

— Tu crois qu’il pensait que t’allais pas revenir ou que j’allais le laisser ici ?

— Ça pourrait, oui. Sa mère le laissait parfois des journées entières enfermé dans un placard où dans une pièce. Chaque nouvel endroit c’était synonyme de nouvelles tortures, physiques ou psychologiques.

Ça me rends dingue d’imaginer qu’il a passé quatre ans de sa vie à subir ça.

— C’est inconscient, mais j’imagine que lorsqu’il se retrouve dans un nouvel endroit, dans lequel il a pas confiance, il doit se dire qu’on va finir par l’y laisser tout seul... Je pensais pas que c’était encore aussi présent, mais ça semble pas impossible que ce soit ça.

Il est encore traumatisé de ce qu’il a vécu. Même s’il va mieux, il reste forcément des traces...

— Mon ptit coeur...

Je caresse son visage avec tendresse.

— On va lui montrer qu’on l’abandonnera jamais. Mais t’as raison, ça doit être ça. Tu crois qu’il nous faudrait un endroit à nous ici ?

— On lui prouve déjà tous les jours. Il a confiance en nous. Mais la nuit, c’est là où toutes ses peurs ressortent...

On l’aime plus que tout, on l’abandonnera jamais ça c’est une certitude.

— Ici à Paris ?

C’est une question rhétorique. J’ai très bien compris ce qu’il voulait.

— C’est pas une mauvaise idée ! D’avoir son chez lui ici, avec sa chambre, ses repères et ses jouets ça l’aiderait. Et puis, pour son papa aussi ça pourrait être sympa d’avoir un endroit à lui en France.

Je souris à Max avec tendresse.

— Un petit appartement, quelque chose de simple dans Paris où il se sentira bien. Pourquoi pas un loft avec une mezzanine ? Mais petit, tu vois ? Un petit cocon qui le rassurerait.

On pourrait venir plus souvent certain week-end. J’aimerais bien qu’il soit en confiance et qu’il s’épanouisse encore plus.

— En tout cas, là, il a l’air serein dans son sommeil.

— Quand on vient ici c’est jamais vraiment pour être à la maison de toute façon, donc oui un petit nid ça nous suffirait. La mezzanine c’est bien, quoiqu’il se passe on serait toujours tous les trois en communication constante. Ça l’aiderait !

Et ça nous permettrait à nous aussi d’être plus serein.

— Ton frère doit avoir des contacts dans le coin, non ? Peut-être l’agence avec laquelle ils ont acheté l’appartement avec Romie !

— On va se pencher là-dessus.

J’adore qu’on soit toujours sur la même longueur d’ondes. C’est tellement important pour moi.

— Merci pour cette journée, en tout cas. Je savais pas que tu te débrouillais aussi bien sur des patins à glace, c’était charmant.

— C’est pas parce qu’on est mariés que j’aime pas séduire mon mari en le surprenant encore un peu de temps en temps.

Je souris tendrement en attrapant sa main.

— Merci de pas m’en vouloir. Tu le pourrais et tu serais en droit de le faire.

Je secoue la tête.

— Non, j’ai aucun droit de t’en vouloir. T’es pas un père ou un mari absent... la preuve aujourd’hui. T’es investi et bienveillant et je me sens aimé et en sécurité avec toi. C’est aussi pour ton ambition et ta carrière que je t’admire. Je comprends que ça compte et je serais idiot d’être fier de ton poste mais de te reprocher ton investissement. Mais je crois qu’on a compris tous les deux que c’était important de se déconnecter de temps en temps. J’aurais pu insister, moi aussi. T’es là et on sait ce qu’on ne doit plus faire. C’est le principal, non ?