Help me leave behind some reasons to be missed.

Je hoche la tête.

— D’accord, je peux aller te chercher quelque chose, si tu veux. Sauf si tu préfères rentrer chez toi. Enfin, on fait comme tu veux.

Je regarde ailleurs.

— Je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Est-ce que tu dois rentrer ?

Je secoue la tête.

— Non, non. Je ne dois pas rentré.

Mes parents ne savent même pas que je suis sorti, en fait. Mais de toute façon, c’est trop tard, je suis là.

— Tu veux manger où ?

Je crois que j'ai envie qu'on passe une journée rien que tous les deux. Ça fait longtemps et il me manque et de savoir qu'il va partir, ça accentue ce manque.

— Loin de White Falls.

— Loin de...

Je fronce les sourcils.

— Bah... si tu veux, oui. Mais tu vas pas conduire, là.

— Non, mais toi tu peux.

J'ai besoin de changer d'air.

— Oui, c’est vrai. Je peux..

Je le regarde un moment sans rien dire ; il a une sale tête et pourtant, il est magnifique.

— Alors euh.. on y va ?

Il me dévisage et je crois que pour la première je réalise qu'il me regarde différemment. Je ne me sens pas rougir.

- Je...

Je me racle la gorge.

- Je vais juste me rincer la bouche avant.

Je disparais dans la salle de bain. J'ai un arrière gout horrible et désagréable. Je rince comme je peux. J'espère que ça passera en mangeant. J'essaie de m'arranger un peu mais j'ai une salle gueule. Je reviens 5 minutes plus tard.

- Tu es prêt toi ?

Quand il se met à rougir, je baisse les yeux parce que j’ai l’impression que c’est de ma faute. Comme s’il avait remarqué mon regard. Il disparaît dans la salle de bain et, quand il revient, je me lève tout de suite.

— Non, non. Je suis prêt. On peut y aller.

On quitte l'hôtel et c'est lui qui paie, je n'ai presque rien sur moi, tout juste de quoi nous payer un petit déjeuner. La lumière du jour me fait encore plus mal à la tête. J'attrape les lunettes de soleil qui trainent sur le tableau de bord et quand il me demande où on va, je hausse les épaules.

— Où tu vas quand tu en as marre d'être ici ?

Je hausse les épaules.

— Bah... je quitte pas White Falls parce que... j’ai pas de voiture.

Je rigole un peu.

— Choisis.

— Winters ?

C'est à une heure de route, ma dernière compétition de natation s'est passée là-bas et de ce que j'en ai vu, c'est une ville encore plus petite que White Falls.

— Hm... si tu veux. Mais j’ai plus de batterie sur mon portable donc on va devoir se passer du GPS. Indique-moi la route.

Une heure sans bouffer, c’est un peu cruel, mais bon. Si c’est ce qu’il veut alors on y va.

Je lui indique la route et on arrive environ 45 minutes plus tard. On s'arrête dans un dîner. L'odeur de friture me retourne le ventre, mais je sais que manger me fera du bien. On regarde les menus.

On s’installe et je crois que j’ai pas trop faim. J’ai l’impression d’être sans cesse préoccupé. On prend le temps de regarder et quand la serveuse arrive, je commande un simple muffin et un verre de jus de pommes.

Je commande des pancakes et un thé au lait. En attendant que la serveuse ramène nos plats, je joue avec la salière en me mordant la lèvre. J'hésite à me lancer, mais je finis par le faire.

— Je ne me rappelle presque pas de cette nuit...

Le silence est assez pensant et quand je le vois hésiter à prendre la parole, je me sens immédiatement mal à l'aise. C'est encore pire quand il me dit qu'il ne se souvient pas de cette nuit.

— Bah... t'as beaucoup bu et comme t'étais pas bien, je t'ai porté sur mon dos et on est allé à l'hôtel. Je t'ai simplement retiré tes chaussures et toi, tu as retiré ton pantalon tout seul. Puis t'as vomi et tu t'es couché ensuite. J'ai pas profité de toi.

Je ne sais pas pourquoi j'ai éprouvé le besoin de le préciser.

— J'ai dormi sur les couettes, comme tu fais chez moi.

J'ai fait ce qu'il fait depuis toujours : me tenir à l'écart de sa zone de confort. Parce que j'ai compris ces derniers temps que je n'y avais pas ma place.

J'écarquille les yeux quand il précise qu'il n'a pas profité de moi.

— Tu penses que c'est ça qui m'inquiétait ? Que tu aies pu profiter de moi ? Je n'ai pas pensé à ça une seule seconde.

— Ok.

Je marmonne sans trop oser le regarder.

— J'ai préféré le dire, c'est tout. T'étais pas très bien, mais tu t'es vite endormi. Je suis resté à côté, comme tu me l'as demandé.

Ça me fait de la peine qu'il ait ressenti le besoin de préciser quelque chose comme ça, car j'ai jamais rien fait ou sous-entendu qui pourrait lui faire penser que j'ai peur de lui. Ou les prêter des ce genres d'intentions. La serveuse arrive et dépose nos assiettes, je la regarde s'éloigner.

— Je n'avais pas de couverture.

— Hein ?

Je demande, en fronçant les sourcils. Je ne sais pas si j'ai mal entendu ou pas compris.

Je regarde toujours la serveuse.

— Quand j'étais petit, chez moi je n'avais pas de couverture.

Je repose mes yeux sur lui.

— C'est pour ça que je ne dors pas sous ta couette, même avec Darcy, je ne me couvre jamais.

Mais chez moi, t'en avais. Voilà ce que je pense et que je ne dis pas. J'ai pas envie d'excuses parce qu'elles n'ont pas de valeur à mes yeux. Je n'ai même pas envie de les entendre d'ailleurs, parce que ça signifie que je le connais toujours moins que ce que j'imaginais. Je suis un ami minable et je comprends très bien qu'il ne puisse pas me voir comme je le vois. S'il est plus proche de Jenny, s'il dort sous ses putains de couvertures à elle, c'est parce qu'il y a une foutue raison.

— Je suis désolé.

Quand il s'excuse je détourne les yeux, voilà pourquoi je ne lui ai pas dit avant, ou je ne lui dis pas certaines choses, c'est parce que je ne supporte pas cette pitié que je peux voir dans ses yeux.

— Y'a pire.

— Ouais, c'est clair. Mais bon, y a mieux.

J'attrape mon muffin et je commence à le dépiauter pour le manger ; il est bon, c'est déjà ça.