I don't like to be on my own. — Austin & Gabriel

Je secoue la tête et me retourne vers lui.

— Je ne veux pas faire du monopalme, ce n'est pas ma discipline.

Ce n'est pas ce que je veux faire, ce n'est pas ce que j'aime.

— D'accord.

Je passe une main dans mes cheveux, je suis un peu confus parce que j'ai du mal à comprendre ce qu'il veut.

— Je ne sais pas quoi te dire, mon coeur. Tu ne peux pas nager dans ta discipline.

— Ça n'a pas d'importance. Je trouverai autre chose.

— Quoi ?

J'ai l'impression qu'il se ferme complètement et ça me fait tout drôle.

— Je ne sais pas.

C'est faux, je sais parfaitement : la natation. Je ne chercherai rien d'autre, c'est la seule chose que je sais faire, si je ne nage plus, je ne suis plus rien.

— Je ne veux pas changer de kiné.

— T'es sérieux ? Mais ton kiné il est pas spécialisé dans ce genre de blessure là ! C'est hyper important pour que tu te remettes bien !

Puis je crois que son kiné c'est l'ex de mon frère alors c'est encore pire.

— C'est le seul en qui j'ai confiance.

Je soupire.

— Bah ok, t'en fais qu'à ta tête et puis voilà. Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?

Mais au fond, ça me fout en rogne parce que j'ai l'impression d'être impuissant.

— Mais si jamais tu te blesses plus, hein ?

Je secoue la tête.

- Je n'ai plus envie d'en parler.

À l'intérieur de moi j'ai l'impression d'étouffer. Cette bourse sportive c'etait ma seule chance de faire des études universitaires. Maintenant je me retrouve sans rien. Je n'arrive même pas à me sentir en colère. J'essaie juste d'encaisser.

- Hier soir j'ai trié tous mes cours de l'an dernier qui pourraient t'aider.

La conversation est terminée et je pense que c’est une mauvaise chose. Mais je crois qu’on ne sait pas communiquer tous les deux alors...

— Merci.

Je me retiens de lui dire qu’il a perdu son temps parce qu’aucune université ne me prendra jamais, maintenant. Mais bon. J’ai trop de retard en tout et je n’ai même plus d´objectif. Je me se’s exactement comme avant la Colombie : nul et inutile. Sauf que, cette fois-ci, je ne peux pas m’enfui.

— Je regarderai ça quand je serai tout seul.

Je m'approche de lui et prends sa main.

- Ne fais pas ça s'il te plaît.

Je regarde sa main autour de la mienne, sans vraiment comprendre.

— Faire quoi ?

— Baisser les bras.

De ma libre je caresse son visage.

— Tu peux toujours devenir médecin.

Si mon père a réussi à briser mon rêve, je ne le laisserai pas gâcher le sien.

Je hausse les épaules. Les procédures pour que je puisse quand même devenir médecin sont compliquées et je sais que je vaux pas le coup.

— T’as l’emploi du temps ?

Je hoche la tête et je le lui donne, je lui explique tout ce qu'on aura comme cours et ceux qui sont optionnels.

— Moi j'ai choisi art plastique et la photographie.

— Ah oui ? Ça existe ça ? Je savais même pas. Moi aussi je dois choisir ? Je vais prendre comme toi. Enfin... non, c’est pas obligatoire ? Je me vois pas faire de l’art plastique.

— Aucune n'est obligatoire, mais comme je te disais pour ton dossier, plus il y en aura mieux ce sera. En plus de ton bénévolat je veux dire.

Je souris.

— C'est dommage, j'aurais bien aimé que tu sois là en art plastique, on aurait pu travailler sur les projets ensemble. L'année dernière je me souviens qu'il fallait reproduire un pont, celui de notre choix, avec les matériaux de notre choix mais pas acheté dans le commerce.

— Ah oui ?

Je sais que je suis en train de me faire avoir parce que je suis amoureux, qu'il me manipule sans aucun scrupule, mais je n'ai carrément pas de volonté.

— Bon bah je vais m'inscrire aussi, alors.

J'ai conscience que c'est un peu une manipulation, c'est pour son bien. De lui même il ne le ferait pas, et plus son dossier sera lourd, plus il aura de chance d'être accepté en médecine. Je passe mes bras autour de sa taille.

- Et pour la photographie ?

Je me blottis contre lui et je fais un bisou dans son cou.

— Oui, aussi. Pour pouvoir prendre des photos parfaites de toi. Ou de tous les recoins de ma chambre en attendant que le temps passe plus vite. Je m'inscris où tu veux.

Je caresse tendrement ses cheveux dans sa nuque.

— Ça peut être un bon sujet à travailler, et ça intéresserait les facs.

— Comment je tuais le temps quand j'étais en assignation à résidence ? Ouais j'suis sûr qu'ils seront fans.

Je dis en riant. Je passe un bras autour de sa taille pour entièrement être contre lui.

— Y a des jours où tu finis tard... je vais péter des plombs.

— C'est à peu près ça, comment tu l'as vécu, ce que tu as ressenti, comment tu as tenu le coup. C'est arrivé à peu d'étudiants.

Il se blottit entièrement contre moi. Je soupire en pensant à ce que j'ai ressenti au lycée tout à l'heure.

— Ça va être long sans toi aussi.

— C'est vrai ? Mais t'as tes amis pourtant...

Moi, dans cette classe, je connaitrais personne étant donné que je redouble.

Je hausse les épaules.

- Je suppose.

Je m'entends bien avec tout le monde, c'est vrai. Mais avec le recul je réalise que je m'étais enfermé dans ma relation avec Jenny. Et je crois que je recommence avec Gabriel, car c'est avec lui que j'ai envie d'être au lycée.