Missing — Logan & Adam

— Y a rien à dire. Je suis fatigué. J’ai jamais été aussi fatigué. J’arrive plus à me concentrer. Je veux juste dormir et faire une pause.

J’assume plus d’être un mauvais père.

Qu'est-ce que je peux répondre à ça... ? Je sais qu'il doit se repasser en boucle ce qu'il s'est passé ce soir, mais comment essayer de lui faire oublier s'il ne m'en dis pas plus...

— Si jamais tu changes d'avis, tu sais où me trouver.

Je souris doucement, mais il ne me regarde même pas. Je file rapidement dans la salle de bain et quand j'en ressors il est déjà couché, dos à ma place.

— Je t'aime Logan. Ça changera jamais rien...

Je glisse sans être sûr qu'il l'entende, alors que je passe quand même un bras autour de sa taille pour le serrer contre moi.

Quand il vient se coucher, je me laisse aller contre lui volontiers. Je suis épuisé, mais je n’arrive pas à dormir.

— Je ne sais pas ce qu’il se passe. C’est pas comme d’habitude. Je suis encore dans le flou.

Quand il réponds à mon étreinte en se laissant aller, j'embrasse sa tempe tendrement. Ça lui fait peur autant qu'à nous tous...

— Demain j'appelle au boulot pour prévenir que je ne peux pas venir. Je vais prétexter une journée enfant malade.

Je le berce contre moi, instinctivement.

— Et nous, on va voir ton médecin. Et s'il nous réponds la même chose que d'habitude, on lui demandera de nous diriger vers quelqu'un d'autre.

J'ai envie de croire que Romie peut avoir raisonner qu'un autre médecin pourrait changer la donne.

— Enfant malade ?

Même lui a honte d’avoir un mari plus ou moins handicapé.je soupire tristement ; je crois que je suis blessé.

— Ne prends pas de journée pour ça. C’est rien. Je téléphonerai demain matin. Ça évitera à quiconque de se déplacer.

Je me détache de lui pour atteindre ma table de chevet et prendre mes médicaments. Quand je me recouche, je ne retourne pas me blottir contre lui.

— Logan ?

J'appelle alors qu'il me lâche subitement et qu'il s'éloigne de moi après avoir pris ses médicaments.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Je demande, incompréhensif.

— Je voulais juste venir avec toi, et pas te laisser tout seul. Si t'as pas envie que je vienne, je comprendrais. Tu peux me le dire...

— C’est pas ça, Adam. Je comprends que t’as pas tellement envie de dire à tes collègues que ton mari débloque. Mais je préfère que tu gardes les excuses que tu leur donnes pour toi. Surtout aujourd’hui, j’ai déjà assez honte sans que je ne comprenne que toi aussi.

— Que tu comprennes que j'ai honte de toi ?

Je demande, toujours sans comprendre ce qu'il veux dire.

— Mais où t'as vu que j'avais honte de toi, d'être ton mari ou... Qu'est-ce que j'en ai à foutre de mes collègues ? Ceux avec qui je m'entends bien savent que t'as eu un accident et que t'as certaines séquelles. Les autres je m'en fous comme de l'an 40.

Je me relève dans le lit, espérant qu'il daignera me regarder pour poursuivre la conversation.

— J'ai dis quelque chose qui fallait pas ? Parce que là, je comprends pas.

— Alors pourquoi tu dis que tu prends ta journée pour un enfant malade ?

Je soupire.

— C’est bon Adam. Je m’en fous, moi aussi. J’appellerai.

— Pour être sûr que le connard du standard m'accorde ma journée et fasse pas passer ça pour un abandon de poste !

Je réponds. C'est tellement évident à mon sens que je ne me suis pas dis une seconde que le problème pouvait venir de ça.

— Parce que si j'appelle la matin même en disant que j'accompagne mon mari a l'hôpital, j'ai de un pas envie qu'il me demande pourquoi avec sa curiosité malsaine et de deux encore moins envie qu'il me réponde qu'il s'en fout et qu'il m'attends à l'heure prévue.

Je me rapproche de lui sans attendre. Je manque d'un tact évident et je ne m'en rends même pas compte. Je suis vraiment con...

— C'est pas de la honte mon cœur. C'est juste que c'est la seule excuse valable légalement qui m'est venue en tête. Je suis désolé, je voulais pas te blesser.

— Je suis fatigué. Garde tes journées pour quand les enfants sont malades. J’ai plus envie d’en parler, de toute façon.

On irait voir le médecin pour lui dire quoi ? Que j’ai oublié ma fille dans un parc et que je ne savais plus que j’avais des jumeaux ? Ça ferait tâche sur mon dossier. J’en ai ras-le-bol de tout ça. Plus ça va, moins je me supporte. Quand c’est pas mon corps qui me lâche, c’est ma tête.

J'ai une fois de plus parler sans réfléchir et alors qu'il semblait vouloir s'ouvrir, il se referme. Je m'en veux, mais j'ai signé pour le meilleur et pour le pire, et je resterai à ses côtés chaque jour. Même si parfois ça fait mal, même si parfois c'est difficile. L'amour que j'éprouve pour lui me porte beaucoup plus qu'il le croit.

— Repose toi alors...

Même si je sais que je serai là, demain. Il est hors de question qu'il reste tout seul dans son état.

— T'es quelqu'un de bien mon cœur, et t'es un bon père, quoique t'en penses.

Je murmure en embrassant sa joue et en revenant contre lui malgré tout.

— Arrête, Adam.

Je dis dans un soupir.

— Ça n’a rien à voir avec le fait d’être un bon père ou d’être quelqu’un de bien. Tu le sais très bien. Je fais de mon mieux, comme toi, comme n’importe quel parent. Je suppose qu’on est de bons parents, oui. Mais je suis dangereux pour les enfants et c’est complètement différent.

C'est affreux, mais qu'est-ce que je peux répondre à ça ? Dans les faits, c'est vrai. Si Olivia n'était pas debrouillarde, si Romie n'avait pas été là ou pire, si un malade était tombé sur Livie...

— On va essayer de combler tout ça, ensemble.

C'est un piètre réconfort je suppose, c'est même sûrement nul...

— C'est Romie qui m'a conseillé d'aller voir quelqu'un d'autre. Peut-être qu'elle a raison. Et que si on va jusqu'à Londres, on aura un avis différent. Qu'est-ce qu'on a à perdre ?

— Du temps et de l’argent qu’on n’a pas. Fais pas comme si tout ça c’était gratuit ou que ça n’emputait pas ton salaire de devoir poser des journées sans soldes à longueur de temps. Y a rien à combler. Je resterai plus tout seul avec les enfants. C’est tout.

— Et donc parce que ça coûte de l'argent je dois te regarder aller mal et rien dire ? Le temps on peut se permettre de le perdre !

Je soupire.

— Putain et puis je m'en fous si on doit dépenser de l'argent pour ta santé ! Je vends même un de mes reins s'il le faut ! On ira manger à la banque alimentaire de la paroisse et je ramènerais le triple de boulot à la maison si ça peut permettre la moindre petite chose !

Parce qu'à ce compte là, on n'a pas de quoi payer une nounou non plus Et si ma mère est adorable, elle tiendra deux semaines à garder les trois enfants, mais pas deux mois, voire plus. Il peut pas se priver des enfants à cause de ça.

— Mais j’vais pas te laisser te sacrifier, en fait. Personne n’ira à la banque alimentaire et tu vas pas travailler comme un chien inutilement.

Qu’est-ce qu’il se ferait moins chier si j’étais mort. Putain, ça commence à me gonfler. Ça me fout en colère d’être dans cet état. D’être un poids. Et plus il insiste, plus ça me gonfle.

— Je vais pas mal. Tu peux juste pas me faire confiance avec les enfants. Arrête maintenant,

— Donc j'ai juste à fermer ma gueule et à te regarder ne pas aller mal ?

Je demande en soupirant. C'est pas vraiment l'idée que je me fais du mariage, mais je tourne sept fois ma langue dans ma bouche avant de le cracher. Ça partirait en vrille sinon, et c'est pas vraiment pas le jour.

— A demain alors. Passe une bonne nuit mon cœur.

Je réponds en embrassant sa joue et en abandonnant la conversation. Si c'est pour qu'il s'énerve, ça ne sert à rien.

— Je t'aime.

— Putain mais arrête ! Arrête d’être gentil, quoi ! Merde ! Putain Adam mais j’ai oublié Olivia au parc, bordel de merde ! Tu réalises ou pas ? Elle aurait pu se faire renverser par une voiture ! Se faire kidnapper, se faire agresser parce qu’elle avait mon portable à la main ! Mais ça te fout pas en colère, toi ? Genre ta réponse c’est changeons de médecin, bonne nuit et je t’aime ? Putain mais comment tu peux faire comme si de rien n’était ? Hein ?

Je me redresse dans le lit.

— Comment tu peux me dire que tu m’aimes, putain ? Mais si j’avais laissé les jumeaux ? Hein ? Les jumeaux qui ne savent pas aller à l’église, si c’était eux, t’aurais eu la même réaction ? C’est ça ? Bonne nuit et je t’aime ? Mais t’aimes quoi, ce soir ? Franchement ? Y a quoi à aimer ? Et je veux pas de compliments sur moi ou je sais pas quoi d’autre. Putain j’ai oublié ma fille au parc et si Moïra l’apprenait je perdrais la garde.

— Mais tu t'attendais à quoi ? Qu'est-ce que tu voulais que je te dise ?

Je m'assois à sa suite.

— Que j'ai eu peur qu'elle se fasse choper par un pédophile, qu'elle ai un accident ou qu'elle se soit évaporée dans la nature ? Que pendant un quart de seconde j'ai eu envie de te foutre la tête dans la bain des jumeaux ? Que j'ai failli me vomir dessus cent fois à la simple idée d'appeler les flics, parce qu'ils auraient non seulement donné la garde de Livie à Moïra, mais qu'ils auraient surement aussi foutu Arthur et Blanche dans un foyer ? Tu crois que je suis inconscient à ce point là et que je me rends pas compte de ce qu'il s'est passé ? Tu t'es pas aussi dit que j'avais eu peur pour toi ? Je sais même pas comment t'as fais pour rentrer à la maison, t'aurais pu aller n'importe où et jamais te souvenir de quoique ce soit et je l'aurais jamais su !

Je hausse la voix, parce qu'il me prends pour un débile alors que j'essaie d'agir comme un adulte responsable depuis trois putain d'heure et que ça devient franchement dur qu'il passe ses nerfs sur moi.

— Merde mais ça aurait changé quoi que je te dise ce que tu sais déjà ? J'ai eu peur, et là tu me fais chier à encore faire comme si j'avais douze ans, mais je suis pas en colère contre toi ! Evidemment que je t'aime, c'est ça l'amour ! C'est aussi ça ma vision du mariage ! C'est pas de ta faute putain ! C'est pas comme si t'avais négligée Olivia et que tu t'étais tiré parce que t'avais plus important à faire ! Si demain je devais perdre la vue, j'espère bien que tu m'incriminerais pas et que ce serait toi, celui qui me soutiendrait !

— Mais personne ne mettra les jumeaux dans un foyer parce qu’ils ont un parent sain d’esprit qui gagne bien sa vie.

Je dis dans un soupir.

— Nan mais franchement Adam, tu te sens pas soulagé, là ? C’est pas mieux de dire tout ce que tu penses plutôt que de le garder pour toi ? Moi non plus, c’est pas ma vision du mariage, toutes cette mascarade dans le but de ne pas me blesser comme si j’étais un gosse ! Dans ma vision du mariage on communique et on s’exprime parce que sinon, on n’est plus un couple et on s’éloigne.

Puis on connaît bien, ça. On en sort à peine.

— Et me dit pas que c’est pas de la négligence quand tu sais très bien que ça en est. Si j’étais un putain d’inconnu tu dirais que c’est honteux parce que c’est le cas. Un aveugle serait bien plus prudent que moi parce qu’il a toute sa tête ! Si j’oublie les gamins dans leur bain, un jour ? Tu me les laisserais un après-midi à les surveiller alors qu’ils jouent dans la piscine ? Qu’on fait de la cuisine ? Sachant que ça peut m’arriver n’importe quand ? Sachant que j’ai abandonné Olivia au parc ?

Quand il me dit qu'on n'est plus un couple et qu'on s'éloigne si on ne communique plus, ça me pique à vif. On sort tout juste d'une crise qui aurait pu être fatale à notre mariage et c'est la dernière chose que je souhaite.

— J'ai pas agi comme si t'étais un gosse. Je pense simplement que y'a des choses dont tu as conscience et sur lesquelles tu dois bien assez t'en vouloir pour que j'en rajoute une couche. J'ai pas envie que tu te renfermes en te disant que je t'aime plus parce que tu as fait quelque chose d'horrible, alors que c'est pas le cas.

Je soupire.

— Oui c'est dangereux, non je te laisserais pas retourner tout seul avec les enfants au parc demain. Mais j'ai pas non plus envie qu'à cause de ça, vous perdiez des choses qui vous sont chères. A eux comme à toi.

Et quitte à y être, quitte à devoir communiquer, autant tout dire.

— Et j'ai pas non plus envie que tu refasses une dépression à cause de tout ça, de te voir te détruire de nouveau et d'être incapable d'agir et de te venir en aide...

— Mais ça n’empêche pas que t’as le droit de me dire que t’as eu peur ou que t’as le droit de pleurer devant moi ! Je vois tes yeux, je vois ton comportement. Je te demande pas de me dire que je suis un abruti ou un nul. Mais d’exprimer ce que tu ressens et de partager ça avec moi parce que ce que tu ressens, ça me concerne aussi.

Je soupire.

— J’en ai assez des faux semblants. Tu t’exprimes jamais, Adam. Me dire que tu m’aimes et me tenir à l’écart de tout le reste, c’est pas ce dont j’ai envie. Tu peux pas faire comme si tout allait bien tout en pensant que ça m’ira.

Les larmes me montent aux yeux. Je n'essaie pas de les retenir.

— Je suis désolé...

Je souffle en essayant de retenir mes larmes.

— J'essaie d'agir comme un adulte responsable, comme un père de famille et comme un mari. Mais c'est toujours soit trop, soit pas assez. J'ai pas envie que tu me vois comme le gamin de vingt ans que je suis, qui lâche prise ou qui est effrayé au moindre obstacle...

— T’es un adulte responsable, mon bébé. Mais tu comptes faire comment si tu ne me dis rien ? Moi aussi, j’ai peur. Et je me sens comme une merde. C’est insupportable. Mais c’est encore plus insupportable de te voir prétendre que tout va bien alors que c’est pas le cas.