Comme un roc - Adam & les jumeaux.

— Et après tu dis que t'es pas parfait ?

Je finis de mettre dans la penderie mes derniers vêtements et je viens entourer sa taille.

— Entouré de toi et de mes bouquins je me sentirais chez moi, tu sais. Je bosserais pour la fac attablé ici, je souris en pointant le bureau du doigt. Je ferais à manger dans notre cuisine, je te regarderais travailler dans notre bureau, on fera l'amour dans notre chambre et... Oh bon sang !

J'ai un éclair de lucidité et je sais comment je pourrais me sentir chez moi jusqu'au bout des ongles.

— Tu crois qu'on peut se faire un potager ?

— Un potager ? Euh... bah ouais, ouais. Je suppose qu'on peut faire ça. Derrière le mobile-home, c'est le plus au fond du jardin donc...

Un potager. Il n'y a que lui pour vouloir ça et ça le rend encore plus attendrissant. Je crois qu'il n'y a rien que je lui refuserai.

— Mais j'y connais rien donc... je te laisserai faire.

D'ailleurs, j'ai une idée de cadeau et j'ai hâte d'aller lui acheter ça.

— Laisse moi donc faire ! Je vais nous faire de tout ! On va devenir auto suffisant avec moi limite.

Je rigole, parce que je vais adorer manger nos propres fruits et légumes et en faire toute sorte de plat.

— Dommage qu'un pommier mette des années à pousser, mon crumble aurait été encore meilleur avec des pommes de notre arbre !

— Eh bien... sur la propriété il y a des framboises et un cerisier... c’est déjà ça, non ?

J’annonce fièrement. J’ai hâte de goûter à tout ce qu’il va préparer.

— T’es fantastique, j’espère que tu le sais.

— Ça dépends. Je peux te séduire avec un crumble framboise ? Si oui, ça me va amplement.

Je hausse les épaules et rougis.

— Je veux un potager, y'a rien de fantastique là dedans, je bougonne. Mais je suppose que si tu me répètes des choses comme ça aussi souvent, je vais finir par y croire...

— Je pense que ça peut se négocier.

J’adore les framboises et tout ce qu’il prépare alors...

— Je t’aime. J’y peux rien si je trouve tout ce que tu fais fantastique. Je serais incapable d’avoir un potager moi. Et toi, non seulement t’en veux un, mais en plus je sais qu’on aura d’excellent légumes. Je serais capable de faire crever de soif un cactus alors....

— Et moi je serais incapable de redessiner entièrement une ancienne église pour la faire devenir un foyer convenable. Je serai incapable d'avoir l'idée de louer un mobile-home en attendant les travaux et encore moins capable de gérer de front ça et mes études.

Mon front vient se poser contre le sien et ça nous enveloppe dans un cocon.

— Je sais faire des choses et tu sais en faire d'autre, c'est tout. On n'a pas besoin de se rabaisser, parce qu'on sait qu'ensemble, c'est comme si on savait tout faire. T'es douée Max, pour tellement de choses. Tu as... Ce qui est en train de nous arriver c'est grâce à toi. Uniquement grâce à toi. Alors si y'a bien quelqu'un de fantastique entre nous deux, demande toi lequel c'est.

Je m’approche pour embrasser ses lèvres et le faire taire. Il est incapable d’accepter les compliments avec un merci. Je ne cherchais pas à entendre que j’étais quelqu’un de fantastique, je ne cherchais pas à ce qu’il énumère mes capacités alors que je suis tout à fait conscient de les avoir, mais je voulais simplement lui dire qu’il était génial. Et il n’accepte pas ça, d’être génial sans que quelqu’un d’autre le soit plus que lui.

— Arrête ça, d’accord ?

Je caresse tendrement son visage du dos de ma main.

— Quand je te fais des compliments, arrête de surenchérir avec ce que tu penses de moi, ok ? C’est pas ce que je cherche. Quand je te dis quelque chose, je ne cherche pas un « toi aussi ». Je te le dis parce que je le pense, c’est tout.

Je couvre son visage de baisers jusqu’à ce qu’il rigole.

— Peu importe ce qu’il s’est passé pendant trois ans, peut-être que t’as pas reçu beaucoup de compliments et que tu t’es convaincu qu’il y avait mieux ailleurs, mais maintenant, ça suffit. Si je te dis que tu es beau, tu es beau. Je ne cherche pas à évaluer mon degré de beauté en te faisant un compliment. Compris ?

Je demande avec un doux sourire.

C'est difficile à accepter. Déjà parce que je n'ai aucune confiance en moi et que je ne vois pas ce qu'il peut me trouver... Parce que j'ai grandis dans une famille où on a beau s'aimer très fort, les compliments c'est pas trop notre truc, c'est déjà à peine si on se dit qu'on s'aime. Et puis... Parce que je sors d'une pseudo relation où non seulement les compliments ne pleuvaient pas, mais dans laquelle en plus on s'est moqué de moi du début à la fin.

Les larmes me montent aux yeux sans que je ne puisse rien y faire.

— J'essaie tu sais, mais c'est dur parfois de... T'es là, à tout faire pour nous, pour qu'on soit heureux et... Ça me touche que rien n'ai changé depuis trois. Ça me touche de t'entendre me dire tout ça, alors que j'ai pas plus accepté qu'au lycée que je pouvais être quelqu'un d'important pour d'autres gens. Pour toi...

J'essuie mes yeux avant que les larmes ne coulent, et je l'embrasse doucement.

— Je t'aime bordel...

Je réponds à son baiser alors que mes bras l'emprisonnent, comme pour le protéger un peu du monde extérieur, et je pense sincèrement qu'on aurait pu se montrer à quel point on s'aimait d'une toute autre manière si Edouard n'avait pas claqué la porte de la maison en braillant.

— Nan mais c'est mort en ville aujourd'hui ! Putain, ils sont où les jeunes ?

Je me sépare d'Adam à contre coeur et je dépose un baiser sur son front.

— Ils décuvent de la veille, il est trop tôt pour sortir.

Je réponds alors que ma main se glisse dans celle d'Adam pour qu'on rejoigne l'entrée.

— Tu t'es calmé ?, je demande en souriant.
— Ouais, ouais. Qu'est-ce qu'on mange ce soir ? Hey au fait, je dors où, là ?
— Les banquettes du salon sont aussi un lit.
— Putain tu déconnes ?
— Non.
— Mais vous vous levez avec les poules, vous !

Je rigole alors qu'il va ouvrir le frigo pour fouiller à l'intérieur.

— Des avocats et des tomates cerises ? Mais t'as fait quoi à mon frère toi ? Oh putain, du céleri rémoulade, mais qu'est-ce que c'est que cette merde ??

Je suis obligé de rire quand j'entends Édouard gueuler en fouillant dans le frigo.

— On appelle ça des légumes. Mais cherche pas, c'est trop raffiné pour toi !

Puis je lève les yeux au ciel en me rendant compte que c'est juste parce que j'en ai voulu que c'est ici, parce que Max non plus c'est pas son truc.

— Max il n'a pas le choix, parce que j'en mets dans tout ce que je cuisine alors... Et je vais même me servir des tomates pour les pâtes bolo de ce soir !

Je resserre mes doigts entre ceux de Max et je lui souris sincèrement. J'ai retenu qu'Edouard aimait ça et je veux leur prouver que je peux aussi passer au dessus de ma colère. Même s'il n'est pas prêt de revoir mon frère pour autant, petit con.

Je me retiens de rire quand il se retourne de manière théâtrale à l’entente des tomates cerises mise dans son plat préféré.

— Nan mais... attends là, tu vas pas mettre des vraies tomates quand même ?
— Il va faire une sauce maison et ce sera la meilleure que t’as jamais mangé.
— Ah ouais bah j’attends de voir, en fait ! Je suis outré là.

Je lève les yeux au ciel alors qu’il se dirige vers la banquette avec la télécommande pour allumer la télévision. Je remercie discrètement Adam de faire un pas vers mon frère. Ça compte pour moi.

— T’as pas le câble ?
— Non...
— Nan mais... c’est le camping là. Tu vas l’avoir quand ?
— Je l’aurais pas.

Il hausse un sourcil, comme s’il était choqué.

— Mais tu rigoles là ? Mais vous faites quoi de vos soirées ?
— Bah... on parle, on lit, on fait des jeux de société, on regarde des DVDs...

Inutile de lui dire qu’on fait l’amour, mais ça nous occupe pas mal aussi.

— Vous avez 70 ans ?
— Mais t’es chiant quoi, merde. On n’a pas le câble et on l’aura pas. Si y a rien à la télé, on sort.
— Pour faire quoi ?
— Mais j’en sais rien moi ! On va au cinéma, au restaurant ! On a des tas de choses à se dire alors on parle ! La télévision c’est pas LE truc indispensable dans une maison. D’ailleurs ça tue les relations de couple parce que regarder la télé tout le temps ça coupe la communication. Un plateau télé de temps en temps c’est chouette, mais c’est chouette parce que c’est exceptionnel.

Ed me dévisage comme si j’étais un extraterrestre. Pourtant, il devait se rendre compte que je ne regardais pas tant que ça la télévision ? Ou alors il avait l’impression que je ne faisais pas vraiment mes devoirs ?

— C’est tellement bizarre.
— Nous on est sur la même longueur d’ondes. C’est suffisant.
— Mais je crois que je vais aller dormir à l’hôtel, en fait. Y a plus de chaînes et le lit sera meilleure.
— Eh bah casse-toi !
— Oh, mais le prend pas comme ça !
— Mais tu me fais chier, d’accord ? Tu m’emmerdes. Ici t’es pas chez toi ou chez les parents. T’es chez Adam et moi. Si ça te plaît pas, tu vas voir ailleurs et puis c’est tout !

Il est toujours en train de me faire perdre patience, c’est insupportable.

J'ai envie de rire, parce que la situation me renvoie chez moi. Ou chez mes parents... Quoique, officiellement, c'est encore chez moi aussi. Gabriel et Édouard sont deux gros emmerdeurs et c'est Max et moi qui en faisons les frais, évidemment.

— Non mais sinon on te file le lit, y'a pas de souci. Tu seras pas réveillé demain matin comme ça.

Je ne sais pas lequel de Max ou d'Édouard est le plus choqué de ma proposition.

— Par contre y'a pas la télé, donc tu pourras même pas mettre de DVD ou Netflix. Et puis j'espère que t'auras pas envie de pisser pendant la nuit, parce qu'on sait jamais sur quoi tu pourrais tomber en passant par la pièce où dormira un couple tout juste retrouvé et qui a encore du mal à contenir son désir.

— Parce que t’as cru que si j’allais dans la chambre je prenais pas la télé ? Vous la regardez pas de toute façon. Puis mon frère il fera rien s’il a peur que j’entende.

Il dit en se marrant alors que je le fusille du regard.

— Bah quoi, c’est vrai non ? Ça te gênerait pas toi, que je vous entende gémir, là ?
— La ferme Ed, t’es insupportable. Laisse-le tranquille.

Il ronchonne et j’ai vraiment hâte d’être à ce soir, quand on sera au lit et que je ne pourrais plus l’entendre.

— C'est pas moi qu'il veux faire chier là, t'en as conscience ? je chuchote à l'oreille de Max en embrassant sa tempe.

Edouard sait où piquer pour que son frère perdre patience et c'est dingue de voir à quel point Maximilien peut être totalement différent quand son jumeau est dans les parages.

J'acquiesce et je le laisse passer ses bras autour de moi pour me faire un câlin. L'attitude de mon frère me contrarie et je suis déjà fatigué qu'il soit là. Quand on est chez mes parents, je n'ai qu'à aller dans ma chambre pour ne plus l'entendre, mais, ici, il est chez moi. Je suis obligé de le supporter tout le temps.

— Je viens d'avoir une idée.

Je glisse à Adam avant d'embrasser ses lèvres.

— Pour la maison. Faut que j'aille dessiner ça, ok ?

Je disparais directement dans mon bureau et je sors ce dont j'ai besoin pour tracer mon croquis. Hors de question qu'on n'ait pas de chambre d'ami. Ou du moins, d'endroit où on puisse dégager mon frère quand il viendra chez nous.