Summer Time - Adam & Logan

Je termine de le servir avant de me retourne pour embrasser ses lèvres.

— Allez, à table.

Quand il se détache de moi, je ne peux pas m’empecher de sourire.

— T’as pas plus large comme t-shirt ?

— Maintenant que tu le dis, j'ai pas bien regardé.

Je lui envoie un bisou tout en m'asseyant.

— Faut dire que y'a à peine un quart de mes fringues, alors je mets ce que je peux en fouillant dans les tiennes.

Mes épaules se lèvent innocemment.

— Décidément, rien que pour ça, et juste pour ça, il nous faudrait cette maison !

Je souris. C’est vrai que là, ça devient compliqué pour nous, mais surtout pour lui. Moi, la moitié de mes fringues est partie à la poubelle, l’autre stocké dans un carton qu’on avait mis dans un coin de ma chambre d’hôpital. Rien que d’y repenser, j’en ai mal au ventre. Je me suis réveillé avec un carton. Plus de maison, de voiture, de femme et d’enfant. Plus rien. Juste un carton avec quelques fringues et quelques souvenirs. J’ai récuperé quelques trucs au boulot et j’avais pas mal de choses ici grâce à Adam. Mais bon, j’ai quand même tout perdu. Ce qui me fait le plus chier au niveau matériel, c’est mon ordinateur ; il contenait toutes les photos de ma fille.

— Bon appétit.

Je dis distraitement, en commençant à manger.

D'un seul coup, Logan part ailleurs. Je le vois s'éloigner dans ses pensées, sans trop savoir jusqu'où il a pu aller alors qu'on parlait seulement de fringues.

— Chéri ? Ça va... ?

Je demande en commençant a manger aussi.

— Hm, hm.

Je lui adresse un pâle sourire.

— Je pense à Livie, c’est tout.

Elle me manque, c’est presque invivable. Mais depuis qu’elle m’a appelé Logan, j’ai vraiment du mal à la rappeler. C’était trop douloureux de l’entendre me parler comme si j’étais un étranger et simplement parce qu’elle y était forcée. Je n’ai pas du tout envie d’être ce père qui abandonne aussi facilement parce qu’elle mérite que je me batte pour elle, mais je viens certainement d’acheter une maison où elle n’a pas sa place et ça me bouffe. Moïra n’est vraiment qu’une sale conne.

— J’ai besoin de m’aérer la tête, je pense.

Je dis en reposant ma fourchette.

Je grimace, le cœur pincé. Je n'ose même pas imaginer a quel point ça doit être dur pour lui de ne pas pouvoir voir Olivia et de ne pas oser l'appeler, par peur qu'elle l'appelle de nouveau par son prénom.

— Vas-y, je m'occupe de ça et je te le mets de côté pour si t'as faim dans la soirée.

Je lui offre un petit sourire, même si je sais qu'il ne lui offrira en rien le réconfort d'avoir son enfant avec lui. Je le connais et je sais qu'il va préférer être seul pour l'instant, pour se libérer de tout ça.

Je le remercie d'un bref signe de tête et sans plus rien ajouter, je pars enfiler mes baskets avant de sortir. Je cours pour faire le vide parce que c'est le seul moyen que je connais qui m'aide à ne penser à rien. Je cours jusqu'à en avoir mal aux muscles, jusqu'à être trop fatigué pour avoir mal et pour réfléchir. Quand la peine est passée, que je suis parvenu à l'enfouir à nouveau, je m'autorise à rentrer. Je jette un oeil à ma montre ; ça fait un peu plus de deux heures que je suis parti. Merde.

Je monte les marches quatre à quatre et quand je rentre, Adam est installé dans le canapé, un livre à la main. Je sais qu'il a à peine lu, et je m'en veux un peu de lui avoir causer du soucis.

— Désolé, j'ai pas vu le temps passé.

Je suis en nage, brûlant de l'effort que je viens de faire.

— Je vais prendre une douche, je fais vite.

Je lui envoie un baiser car il n'a certainement pas envie d'être plein de transpiration.

— Ça va mieux, ne t'inquiète pas.

Je lui dis quand même, alors que je me déshabille.

Logan est parti depuis presque deux heures et si dans les faits ce n'est pas grave et que je comprends tout a fait qu'il veuille évacuer son mal-être en allant courir, c'est la première fois depuis son accident qu'il part aussi longtemps. J'espère qu'il ne s'est pas fait mal et qu'il n'est pas tombé ou assis je ne sais où, incapable de se redresser...

J'essaie de me plonger dans mon livre, tout en me fixant une heure a partir de laquelle j'essaie de le joindre. C'est seulement une dizaine de minutes plus tard qu'il rentre, tempré de sueur et ça me rassure de le voir là. Encore plus quand il me dit que ça va mieux, une fois rentré dans la salle de bain.

— Tu veux que je te prépare un petit truc pendant que tu te douches ? Un café ? Un chocolat chaud avec plein de chamallows et d'amour ?

J’entre dans la douche et je fais couler l’eau.

— Un thé, bébé. Merci !

Je fais vite et je réalise que c’est vraiment agréable de pouvoir tout faire tout seul à nouveau. Quand je sors, je me sèche et je traverse le salon pour aller chercher un caleçon que j’enfile rapidement.

— Je pense que je vais appeler Moïra demain. Je vais lui proposer de me laisser Olivia avant la reprise de l’école. Si elle ne veux pas, alors j’irais me renseigner auprès des affaires familiales. Enfin.. seulement si tu me suis. C’est ma fille mais si je me bats pour obtenir une garde partagée, il faut que tu sois d’accord d’endosser le rôle de beau-père.

"Beau-père". C'est un mot rempli de responsabilités et auquel je n'avais jamais songé. C'est flippant, un peu. Parce que je suis encore un gamin et que je n'ai aucune idée de la façon dont me comporter avec mes semblables. Et je m'en rends compte avec tellement d'évidence, actuellement, que je me demande comment Max et moi on aurait pu gérer un enfant.

Mais malgré la peur, une autre évidence s'impose à moi : le bonheur de Logan. Sa fille est sûrement la chose la plus précieuse qu'il possède et si je dois prendre des responsabilités pour leur bonheur à tous les deux, je saute à pieds joints sans me retourner.

— Je te suis.

Je souris, alors qu'il est en train de venir me rejoindre dans la cuisine, ou je prépare nos thés.

— T'as raison de ne pas te laisser faire Chéri. C'est ta fille autant que la sienne, t'as pas à être puni simplement parce l'ego de Moïra est plus gros que son cul. Et si tu dois passer par les affaires familiales, je te soutiendrais tout autant.

Quand il me soutient, je crois que c’est la plus belle des preuves d’amour qu’il puisse me faire. Ça m’emeut et je m’approche pour embrasser ses lèvres le plus tendrement du monde.

— Si on a la maison, elle n’aura aucune excuse valable pour ne pas me la confier.

— On va avoir cette maison.

Je murmure en répondant à son baiser.

— Ça ne peut pas être une coïncidence que tu trouves la force de te battre pour ta fille le jour où on fait une offre pour une maison qui a une chambre pour l'accueillir elle aussi. C'est forcément un signe qu'on nous envoie.

Je souris en levant les yeux vers le ciel.

— Tu seras pas tout seul Logan. Ni pour revoir Olivia, ni pour demander la garde et encore moins après. Je ne sais pas comment m'y prendre, mais je ferai tout pour que ça se passe bien entre nous trois.

Quand il me dit qu’il estime qu’on a une chambre pour Olivia, ça me touche vraiment. Même si on a pour projet d’avoir une petite fille, je suis sûre qu’elles seront ravie de partager leur chambre.

— Je serais là pour te guider dans ton rôle, si jamais tu as besoin.

Je lui assure.

— Merci pour tout.

— Il y a de fortes chances que j'en ai besoin. L'avoir gardé un soir pendant une heure est un tantinet différent de ce qui va arriver.

Je souris, enchanté. J'aime voir la force de conviction dans les yeux de Logan et actuellement, je sais que la seule chose qui lui manque pour être vraiment heureux, c'est sa fille.

— Ne me remercie pas. Je ne serai pas digne de toi si je refusais une chose aussi essentielle à ta vie et aussi évidente.

— J’entends bien, oui. Mais tu pourrais ne pas être prêt.

Je lui adresse un sourire bienveillant.

— Parler de bébé, c’est facile. Mais en avoir un, c’est différent. Surtout quand ce n’est pas le sien. On est un couple, on veut fonder une famille alors on prend les décisions à deux.

Très facile à dire, en effet. J'étais pas prêt à en avoir un il y a quelque mois, je le sais maintenant. Et Max non plus. Je m'en veux moins d'avoir brisé ses rêves, maintenant que j'en ai conscience.

— Je ne sais pas comment je peux en être aussi sûr, mais je le suis. Sans doute parce que je sais que tu seras là.

Avec Logan, tout est différent. Tout est naturel et évident. Tout est enveloppé d'un amour tellement fort et sincère, que je ne suis même pas terrifié. J'ai peur de mal m'y prendre avec Olivia dans un rôle que je ne connais pas, mais je n'ai aucune crainte d'avoir à endosser ce rôle qu'il veux me donner dans la vie de son enfant. C'est un gage de confiance et d'estime tellement énorme... Sans doute la plus belle preuve d'amour qu'il m'a offerte à ce jour.

— C'est nouveau pour moi, de prendre les décisions à deux. Je me rends compte grâce à toi que c'est pas vraiment comme ça que j'ai vécu pendant un an. Là je suis investi à tes côtés, pour nous. T'es pas le décisionnaire et moi le suiveur, on réfléchis à deux et je me sens... Estimé. Et aimé.

Je lui adresse un sourire bienveillant. Il n’y a qu’à voir d’où on est parti pour réaliser à quel point ce que l’on ressent l’un pour l’autre est authentique et fort. Avant, seul ma fille comptait et aujourd’hui Adam a une place toute aussi importante. Savoir qu’il s’en rend compte me fait plaisir parce que je sais qu’il a du mal à prendre confiance en lui.

— J’espère que tu aimes ça parce que c’est comme ça qu’on va fonctionner pour les décisions importantes. Ce n’est pas parce que je suis le plus âgé que j’ai toujours raison ou que je suis seul à prendre les décisions. Pour moi c’est normal de te demander ton avis sur l’endroit où on va vivre ou n’importe quelle autre chose qui peut avoir un impact sur ta vie ou notre vie de couple. Même si t’es un peu mon bébé, j’vais te traiter comme un adulte et comme mon conjoint. Parce que c’est ce que tu es.

— Ton conjoint...

Je répète ça à haute voix, comme pour m'approprier le mot et être sûr qu'il est bien réel. J'embrasse Logan, un sourire niais et des yeux tout brillant. Je le sens.

— C'est pas une question d'être plus âgé que moi tu sais... Max l'était pas, et pourtant, y'a rien qui n'a jamais été fait à deux. Ne serait-ce que le fait qu'il ai acheté une maison pour nous sans m'en parler ou qu'il m'ai demandé en mariage devant mes parents un mois après nos retrouvailles. J'avais pas de contrôle sur notre couple et encore moins celui de ma vie et je m'en rends compte maintenant. Je ne veux pas reproduire ça avec toi parce que...

Je réfléchis une seconde à la façon dont tourner ma phrase et j'ai honte. J'ai honte parce qu'Edouard me l'a hurlé dessus et qu'il n'avait pas tort, sauf que l'avouer à haute voix est plus méchant encore que ce qui n'y paraît.

— Parce que c'est avec toi que j'ai envie d'être. T'es pas là parce que celui que j'aime est parti, mais parce que depuis que je te connais, c'est avec toi que j'ai envie de faire ma vie. Et on va la faire. Et je te promets qu'on va tout faire pour qu'Olivia en fasse partie, de notre vie.

Quand il me dit qu’il n’avait pas de contrôle sur les décisions prises dans son couple, ça me fait de la peine, mais ça ne m’étonne qu’à moitié. Adam a besoin d’être rassuré, il a besoin d’être guidé et c’est facile de prendre des décisions à sa place. Mais je ne veux pas qu’il se réveille un jour en réalisant qu’il n’a pas la vie qu’il voulait. Je ne suis pas assez prétentieux pour prétendre savoir tout ce qui est bien pour lui. Ça ne se passe pas comme ça dans un couple, puisqu’on est deux.

— Je ne te laisserai pas reproduire ça, de toute façon. T’es pas ma propriété. C’est pas à moi de décider de ce que tu veux ou non.

Je lui souris.

— Ça n’empêche pas que je suis possessif, jaloux et protecteur, mais t’es quand même une partie essentielle de notre couple alors bon.. j’veux bien t’écouter de temps en temps...

Je dis en riant un peu.

— Merci pour Olivia. Je crois que ça me soulage vraiment parce que j’ai pas eu l’impression de faire grand chose pour elle ces derniers temps, mais j’avais pas le choix, jamais j’aurais pu aller la voir ou l’accueillir et je ne veux pas lui parler au téléphone alors que Moïra est derrière.

— Merci de m'accorder autant de crédit, je me sens mieux maintenant que je sais que t'acceptes de m'écouter un peu...

Je rigole en enroulant mes bras autour de lui. Malgré tout, j'espère qu'il décèle toute la partie de moi qui le remercie sincèrement.

— Tu sais, si t'as besoin d'aller là-bas à un moment, tu peux le faire Chéri. Moi je peux gérer ici tout ce qui est du ressort de l'agent immobilier, des papiers et du reste. Je pourrais survivre sans toi quelques jours, si je sais que c'est pour la bonne cause et pour Olivia.

Je secoue la tête.

— Je vais faire les choses bien et n’irais là-bas que si j’y suis invité par écrit. Je n’ai absolument pas confiance en Moïra.

Je lui rends son câlin avant de l’aider à emporter nos thés sur la table basse.

— Quand est-ce que tu reprends les cours exactement ?

C'est une sombre conne à laquelle je ferais bien manger des cailloux. Logan a raison de vouloir faire ça bien et de prendre toutes les précautions nécessaires, on ne sait jamais ce qu'elle pourrait faire.

— Je donnerais beaucoup pour voir sa tête le jour où elle saura qui est ton conjoint. Qu'elle se rappelle qui elle a menacé de ne plus approcher sa famille, même pas erreur.

Je me souviens de la honte que j'ai ressenti ce jour là, sûrement la plus intense de toute ma vie. De tous ces regards sur moi, de ce que les gens ont dû penser, du regard de Moïra et même de celui de Max... Je lui en voudrais toute ma vie d'avoir agi ainsi. On ne lave pas son linge sale en public, encore moins quand on est mère de famille et qu'on est censé être responsable.

Heureusement pour moi, je ne suis plus à la fac.

— Le second lundi de septembre. Dans une grosse quinzaine de jours. J'espère qu'on aura eu des nouvelles de la maison avant !

Je soupire en m'asseyant dans le canapé, attendant que Logan fasse de même pour me caler sur lui.

Je souris.

— Je pense que je ne lui dirais rien, jusqu’à ce qu’elle entende de la bouche d’Olivia qu’elle a un beau-père génial. En plus t’es le tonton des jumelles. C’est la classe, un peu. Comment elles s’appellent déjà ?

Je m’assois et le laisse s’installer contre moi.

— Il avait l’air de dire qu’il aurait vite la réponse... la maison était vide donc à priori, si c’est oui, ça peut aller très vite.

— Salomé et Sephora. Mes petits anges. J'avais oublié qu'elles se connaissaient ! Ce serait géniales qu'elles puissent se revoir !

Je souris, attendri.

— Il faut y croire alors, j'y crois pour dix. On a un dossier complet et solide, y'a pas de raison pour que ça ne passe pas.

Je me blotti contre Logan, ma tasse en main, alors que je me laisse assaillir par le doute.

— Imagine que je ne sache pas m'y prendre et qu'elle m'aime pas ?

Salomé et Séphora. Je note. C’est biblique aussi, je crois. Ils sont tous raccord, c’est vraiment mignon. J’attrape ma tasse et j’acquiesce. J’y crois vraiment, je sais qu’on va nous appeler.

— Pourquoi tu ne saurais pas t’y prendre ? Tu t’en sors bien avec tes nièces, non ? Vois la relation comme ça au début, c’est avec le temps que tu pourras vraiment prendre ta place de beau-père. Ça se construit.

Je lui souris.

— Puis à mon avis, t’as aucun soucis à te faire parce que tu ne prends pas la place de sa mère, t’es juste un papa en plus.

Mais si Moïra rencontre quelqu’un, il prendrait ma place à ses yeux, et ça pourrait être compliqué. Je sais que cette histoire de prénom n’était qu’une fausse note. C’est ma fille, j’ai un lien fort avec elle, il est hors de question que Moïra y change quoi que ce soit.