La nouvelle qu’on n’avait pas envie d’apprendre – Adam & Logan

Il est 9 heures, on prend le petit déjeuner dans la salle à manger avec Olivia pendant que les jumeaux jouent dans leur parc. On est dimanche alors après on se préparera pour aller à l’église et aujourd’hui, c’est le dimanche du mois où on va manger chez les parents d’Adam. Parfois, on y va plus souvent, mais là, ça fait vraiment trois semaines qu’on n’y est pas allés et Olivia n’arrête pas de parler de papi et mamie qui lui manque.

Je regarde mon portable pour voir l’heure et savoir si on peut trainer encore et quand je vois que j’ai un message de Moïra, je reste bouche bée.

— Va jouer, mon cœur. Si t’as fini.

Olivia ne se bat pas, si elle peut éviter de finir son assiette, c’est toujours un plaisir.

— Putain, Moïra est à White Falls.

Je dis à Adam en lui montrant le message dans lequel elle m’annonce qu’elle revient s’installer ici et qu’elle aura le plaisir de nous voir à l’église tout à l’heure. J’hallucine.

Je n'ai même pas encore fini de boire mon thé quand Logan autorise Livie à se lever sans avoir fini son assiette. Ça m'étonne, mais je laisse faire. Et je comprends vite que c'est parce qu'il avait besoin de me parler sans qu'elle soit là, quand je l'entends prononcer le prénom de Moïra.

— Qu'est-ce qu'elle veux cette sombre conne ?

C'est pas son week-end, alors elle veux pas nous laisser tranquille. Je marmonne déjà dans mon esprit et c'est seulement quand je capte le bras de Logan sous mes yeux que je lis le message qu'elle lui a envoyé.

— C'est une blague ?

Je demande alors que j'ai le visage qui se ferme entièrement.

— Elle entends quoi par revenir vivre dans le coin ? Genre tout le temps ? Tous les jours ? Putain et pourquoi à tout à l'heure à l'église ? Elle va encore venir taper un scandale sur le parvis à la sortie ?

— J’en sais rien. J’ai lu le même message que toi, mon cœur.

Je récupère mon portable pour répondre à Moïra.

SMS de Logan à Moïra
Venir pour quoi ? C’est pas ton week-end.

SMS de Moïra à Logan
Je tiens à aller à la messe moi aussi. Tous les dimanches. Puisqu’Olivia aime ça, je veux m’impliquer.

Je lève les yeux vers Adam.

— Non mais elle veut aller à la messe. Tous les dimanches. Mais quelle conne, ma parole.

SMS de Logan à Moïra
Viens pas. Ou trouve toi une autre église.

SMS de Moïra à Logan
Pourquoi ?

SMS de Logan à Moïra
Commence pas à m’énerver.

SMS de Moïra à Logan
De toute façon, c’est décidé. Je viens. T’as aucun droit de m’en empêcher.

SMS de Logan à Moïra
Mais putain t’es vraiment une gamine. Tu penses que tu vas faire quoi ? T’installer avec nous ? Faire copain-copain avec mon mari, sa famille et sa communauté entière ? Tu cherches quoi, là ? À t’humilier ? T’as pas intérêt à venir, Moïra.

SMS de Moïra à Logan
Sinon quoi ?

Je repose mon portable pour éviter de péter un cable. Je tremble de partout tellement les nerfs me sont montés en deux secondes. Elle a le don pour me pousser à bout, c’est insupportable.

— Elle va venir pour assister à la messe. Elle se fout vraiment de ma gueule.

Je regarde Logan s'énerver sur son portable et à chaque phrase qu'il balance dans les airs, j'ai un peu plus envie de crever. Je ne sais même pas s'il le dit pour m'informer où se décharger, mais je crois plutôt bien comprendre ce qu'il se passe au fur et à mesure que je les vois se répondre. Ça m'emmerde déjà suffisamment qu'ils se parlent pour Livie, alors quand elle n'est pas impliqué, c'est encore pire.

— J'ai forcément mal compris, non ?

Je demande, en priant Dieu que ce ne soit pas aujourd'hui qu'il me l'envoie, sa pire punition pour le fait d'être gay.

— Elle compte pas vraiment venir à l'église ? Pas dans notre église, je veux dire ? Encore moins tous les dimanche ?

— Bah si, apparemment c’est ce qu’elle compte faire.

Je dis dans un soupir. Je m’en veux parce que j’ai conscience que c’est de ma faute et en même temps... j’y peux rien si mon ex est tarée.

— Très bien.

Je me lève en ramassant le plateau et en attrapant ma tasse au passage.

— Ce serait stupide de priver Livie parce qu'elle adore ça, alors t'as qu'à aller à l'église avec elle. Moi je vais rester ici, à garder les jumeaux. C'est hors de question que j'aille là-bas, la voir faire sa pimbêche et venir se frotter à nous parce que Livie est sa fille.

— Commence pas à me gonfler, Adam.

Je réponds du tac-o-tac.

— Tu viens. Les jumeaux aussi. Tout le monde vient et on va manger chez tes parents.

— Les jumeaux t'accompagnent si tu veux, mais moi je ne viendrais pas. J'ai pas envie de voir sa gueule, pas envie de devoir être poli avec elle et encore moins envie d'avoir affaire à elle dans un lieu Saint. C'est pas étique avec ce que je vais penser d'elle pendant toute la messe.

Je soupire en allant porter tout ce que j'ai dans les mains dans la cuisine.

— Tu rigole là ? Qu’est-ce que tu me fais ? Tu t’en fous d’elle ! Tu vas pas te priver pour rien alors qu’on va juste se mettre à l’autre bout et ne pas lui adresser la parole.

— Pour rien ?

Je rigole de dans la cuisine.

— Mais tu la connais pas encore ? T'as vraiment cru qu'elle allait rester loin de nous, sans nous regarder ou nous adresser un seul mot ?

Je pouffe.

— Enfin, à moi elle m'en adressera aucun, mais à Olivia et toi c'est autre chose. Elle me fera chier jusque dans ma tombe celle là !

— Bien sûr qu’elle va rester loin parce que j’ai pas envie qu’elle soit proche. Après je vais pas empêcher Olivia de dire bonjour à sa mère si elle en a envie, faut pas abuser non plus. Alors arrête de jouer au con. T’as intérêt de venir.

— Oui c'est vrai que par le passé elle nous a prouvé qu'elle écoutait ce que tu disais.

Je réponds en levant les yeux au ciel. Si y'avait qu'aujourd'hui qu'elle venait, je me ferai violence et je bougerais mon cul. Mais le simple fait de penser au fait qu'elle souhaite être là toutes les semaines, ça me mets dans un état horrible. J'ai pas envie qu'elle rentre comme ça dans nos vies et qu'elle finisse par s'y installer. Parce que c'est exactement ce qu'elle cherche à faire.

Comme d’habitude, il tourne autour du pot avec son putain de sarcasme de merde et je sais déjà que c’est foutu.

— Donc tu fais le gamin et tu viens pas ?

— Je ne viens pas parce que je n'ai pas envie de la voir. Ça n'a rien à voir avec le fait d'être un gamin !

Je m'exclame. Il me reste dingue quand il dit ça, parce qu'il sait pertinemment que c'est quelque chose qui m'atteint.

— Changer de trottoir parce qu'on croise Maximilien dans la rue c'est tout à fait mature, mais pas vouloir aller voir Moïra faire son spectacle à l'église pendant une heure ça l'est pas ?

Je lâche un rire nerveux.

— Le différence entre ces deux situations c’est que toi t’étais content de le voir et que si on ne changeait pas de trottoir, t’irais le saluer et prendre des putains de nouvelles alors que moi, j’vais pas lui parler et j’en n’ai rien à foutre. Puis on n’a passé le mariage de ma sœur avec Max. C’est même plus une excuse valable, maintenant. Alors t’sais quoi, va bien te faire foutre. Reste ici. T’expliqueras à tes parents pourquoi on vient pas, Olivia et moi.

Je soupire avant de me lever pour débarrasser ma table et celle d’Olivia.

— Encore une fois tu montres à tout le monde que t’en n’as rien à foutre. Quand on a fait construire la maison, je suis resté à côté de toi pour montrer que j’étais là et qu’il n’y avait pas de place à prendre. Mais toi, t’es toujours aussi gamin.

Je balance tout dans l’évier.

— Olivia, va t’habiller. Y a maman qui vient à l’église ce matin.
— Mais je vais pas avec elle ? Je reste là ?
— Oui, mon ange. Tu restes là. Mais maman sera là pour te faire un coucou.
— OUAIIIIIIIIIIIIIIIIIIS !!!!!!!!!

Elle vient me courir dans les jambes pour me faire un câlin.

— MA MAMAN VA VENIR !! MOI J’AI UNE MAMAN ET PAS VOUUUUS !!
— OLIVIA QU’EST-CE QU’ON A DIT ?!
— Oups. Pardon les jumeaux.

Elle souffle avant de courir à l’étage pour se préparer.

— Tu vois, ça c’est l’un de nos enfants heureux de voir sa mère. Alors si c’est ton petit confort qui passe en premier. Si c’est pas moi qui passe en premier, mais tu remarqueras que j’ai l’habitude, et si c’est même pas les gosses... quoi que c’est peut-être parce que c’est Olivia ? Elle ressemble à sa mère, la pauvre. Enfin bref, si c’est pas nous en premier, mais toi, on n’est pas sur la même longueur d’ondes et d’après ton prêtre, t’as pas ta place à l’église.

Ça m'agace qu'il soit incapable de comprendre mon point de vue, mais bon, j'ai l'habitude. Alors je l'écoute me dire une énième fois que Max et Moïra c'est différent, alors que je ne vois pas du tout où elle est, la putain de différence.

— Mais ça n'a rien à voir ! Max était là parce qu'on le lui a demandé, il n'a pas...

J'ai même pas le temps de terminer qu'il appelle Olivia et je sais que c'est mort, qu'il ne va plus rien écouter. Et forcément, elle, elle est ravie de la voir sa mère. Est-ce que je suis une mauvaise personne parce que je la déteste ? Je ne crois pas.

Mais par contre, quand j'entends les mots de Logan, je comprends qu'il la voit, lui, la mauvaise personne en moi.

— J'ai vraiment entendu ce que tu viens de dire ?

Je demande, une boule dans l'estomac.

— Mais va te faire foutre ! Tu m'as déjà vu faire une différence entre Livie et les jumeaux ? Non ! Non parce que je les aime tous les trois. J'ai jamais mise Olivia de côté sous prétexte que sa mère est la plus grande connasse du coin ! Je me démène comme je peux, pour agir avec les trois et leur accorder le même temps, tout en travaillant comme un dingue et en faisant attention à toi...

Je soupire, les larmes aux yeux.

— Putain mais on en est là ? A chaque dispute tu me cracheras que je t'accordais plus d'attention et que tu trouves que ça évolue pas ? C'est vraiment que tu retiens des dernières semaines ? Qu'on est toujours dans la même situation ?

Je demande, avec rancœur.

— Je prends note qu'on peut ressortir tout ce sur quoi on a fait des efforts un jour, dans une dispute ! Alors je vais pas oublier de te dire que si tu m'avais pas quitté pour cette pute ou que si t'avais pas passé un an à me sauter en me faisant croire que t'allais la quitter un jour, t'aurais pas eu à changer de trottoir en voyant Max !

— Tu comprends rien. C’est pas de différence entre eux dont je parle. Mais vas-y, va dire à Olivia pourquoi tu viens pas à l’église alors qu’elle a 6 ans et qu’elle, elle l’aime sa mère. Va lui dire que c’est une connasse, une « pute ». Va lui expliquer pourquoi vous êtes en guerre. Parce que t’as raison, elle mérite de s’en rendre compte.

Je lève les yeux au ciel quand il va chercher un dossier d’il y a des années. Il ne se rend pas compte ce que c’est que d’être délaissé parce que ça ne lui est jamais arrivé. Il ne sait pas le vide et la remise en question que ça peut créer. Je n’ai pas confiance en moi. Je ne comprends même pas ce qu’il fout avec moi, et il continue de me montrer qu’il n’a pas envie de se battre pour garder sa place. J’ai beau lui expliquer, il n’écoute pas et il part en couille tout seul. Ça me peine tellement que ça me calme.

J’ouvre la bouche pour lui hurler que j’ai quitté Moïra pour lui et que j’ai eu un accident avant de pouvoir lui dire à quel point j’étais désolé de l’avoir traité comme ça, mais aucun son ne sort. Ça s’étrangle dans ma gorge alors je ravale mes paroles. J’en ai tellement mal au ventre que je n’ai pas envie de m’énerver.

— Ce que je retiens c’est que tu seras pas là aujourd’hui. C’est tout.

— C'est tout ? Tu retiens que j'ai pas envie de la voir, mais pas que j'ai peur que le cercle vicieux recommence et qu'en revenant vivre dans le coin, elle réussisse à te faire succomber de nouveau ?

Je demande, alors qu'il ne prends la peine de répondre à rien, ou presque.

— Tu viens de m'avouer mot pour mot que tu te sentais toujours aussi mis de côté dans notre couple, alors que je m'en mords encore les doigts que tu ai ressentir ça un jour, et je devrais sauter de joie que ton ex revienne vu le contexte de votre histoire ?

Je soupire, partagé entre la peine et le dégoût. Voilà tout ce que ressent mon mari à propos de notre couple, même quand je crois être redevenu moi-même.

— Elle est venue dans cette maison, dans l'ancienne et j'ai rien dit. Pour Livie, justement. Pour qu'elle puisse voir sa mère. Mais là elle vient pas seulement voir sa fille Logan, elle vient juste s'amuser de foutre le bordel dans nos vies et elle y arrive déjà. Venir à l'église, alors qu'elle sait pertinemment à quel point ça compte pour nous, c'est comme si elle achetait sa maison en face de la notre et que chaque matin je devais la voir te dire bonjour en me rappelant qu'elle t'as eu avant moi et que grâce à Livie, vous aurez toujours un lien. Mais ouais, je suis égoïste d'avoir peur d'elle et d'être jaloux.

Et sans attendre qu'il me répondre, je pars vers votre chambre et claque la porte en y entrant.

Il ne termine même pas la discussion. Il claque la porte et je prends quand même le temps d’aller la réouvrir.

— Le truc c’est que, moi, je n’ai jamais été amoureux d’elle et que je l’ai quitté pour toi. Un peu différent de ce qu’il s’est passé avec Max.

Je lui rappelle. Heureusement qu’il a quelqu’un maintenant.

— T’es pas dispensé de surveiller les enfants. Même quand t’es énervé.

Je rentre pour m’habiller rapidement et quand je suis prêt, je n’attends pas qu’il soit l’heure de partir pour demander à Olivia de mettre ses chaussures, parce qu’on part que tous les deux, et au moment de passer la porte, seul avec elle, je me rappelle que je suis nul et que je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas sortir seul avec elle. Pas si Moïra est là et qu’elle risque d’être au courant que je peux abandonner notre fille dans un parc à n’importe quel moment. J’ai tellement la haine que j’ai envie de chialer.

— On n’y va pas ?
— Je peux pas sortir tout seul avec toi, mon ange.
— Si jamais tu m’oublies ?
— Oui.
— Tu pourrais prendre un baby-sitter pour toi, papa.

J’affiche un pâle sourire.

— Ouais, je vais y songer.

Je réfléchis quelques secondes avant de prendre mon portable pour téléphoner à Edouard. Ma sœur n’a pas le permis et je n’ai pas du tout envie d’impliquer la famille d’Adam là-dedans.

— Papa... sinon, on va pas à l’église...
— C’est vrai ? T’es sûre ? Sinon j’appelle Edouard pour qu’il nous emmène.

Elle hausse les épaules.

— C’est pas grave, papa.

Je vois bien qu’elle est vraiment déçue et qu’elle prend sur elle tout ça parce qu’elle a un père infirme. Ça me retourne l’estomac à tel point que j’en ai les larmes aux yeux.

— J’appelle Edouard. Et pour les autres semaines on s’arrangera mieux. Avec mamie peut-être.

Elle se jette dans mes jambes pour me faire un énorme câlin. Edouard répond rapidement et même s’il n’y comprend rien certainement parce qu’il sort du lit, il me répond « on arrive ». Ça me fait sourire. Jamais l’un sans l’autre, ces deux-là.

— On va les attendre dans le canapé.

Même si j'en avais envie, il me serait impossible de faire comme si je n'avais pas entendu. Ça me retourne l'estomac, pour Livie, pour Logan et pour nous tous. Ça ne devrait pas arriver, parce que la baby-sitter dont parle Livie, ça devrait être moi d'une certaine manière. La personne toujours là, à leurs côtés, à prendre soin d'eux et à faire attention.

J'en veux énormément à Logan, et j'ai une peine immense à l'idée que notre couple aille toujours aussi mal. Je pensais qu'on allait mieux, que nos quelques jours à Paris nous avaient fait du bien eux aussi, mais c'est pas le cas et l'apprendre comme ça, ça fait un mal de chien.

Pourtant, je suis fou amoureux de lui et je ne peux pas rester ici et ne rien faire. Je sais qu'il va soit m'ignorer, soit m'envoyer chier, mais l'amour ça prends le pas sur la fierté et l'appréhension. Aussi peu d'attention qu'il trouve que je lui porte... Et aussi fort que je puisse haïr Moïra. J'espère que je suis capable de l'affronter, pour mon mari et ma fille...

— Salut vous !

Je souris quand je sors de la chambre et que les jumeaux s'exclament. Je ne peux pas parler franchement devant Livie, elle comprends maintenant, alors je cherche une excuse en un temps record.

— Je pouvais pas venir à l'église parce que j'avais beaucoup de travail, mais mon chef vient de m'appeler et ça peut attendre demain. Donc les jumeaux et moi on peut vous accompagner si vous voulez !

Quand Adam débarque l’air de rien, je suis pris d’une envie de pleurer extrêmement violente. Mais je ravale mes larmes et la boule dans ma gorge parce que c’est tellement dur de le voir revenir simplement parce qu’il a pitié que j’en ai des vertiges.

— YES ! Moi je préfère quand on y va tous ensemble !!

Elle se lève pour aller chercher les chaussures des jumeaux.

— J’ai fait lever Edouard et Romie alors c’est bon. Je veux pas de ta pitié.

Déjà il me réponds, c'est plus que j'en espérais.

— C'est pas de la pitié Logan. C'est de la prise de conscience. C'est à moi d'être là-bas avec toi, avec vous... Pas à Édouard et Romie. Je t'ai promis que je te laisserais pas tomber, alors j'ai vraiment pas envie de briser cette promesse.

— Ouais. Mais si c’est seulement quand t’as mauvaise conscience, c’est pas la peine. Là j’ai pas du tout envie de gérer ça. J’y avais même pas pensé avant de devoir passer la porte et si t’avais pas entendu, t’y aurais même pas pensé.

Je soupire.

— Je sais que ça va beaucoup mieux entre nous et les efforts que tu fais, je les vois. Les choses sont rentrées dans l’ordre entre nous alors t’as pas besoin de faire semblant. Aujourd’hui, t’as pas envie d’être là. Alors te force pas. C’est pas utile. Romie et Edouard seront là. Je vais dire à tes parents que t’avais du travail, si c’est l’excuse que tu veux donner. Mais ne viens pas simplement parce que t’as une prise de conscience déclencher par la culpabilité. J’me sens déjà assez comme une merde comme ça. J’ai pas envie de rappeler Edouard pour lui dire que finalement tu peux venir et passer pour un con. On ira à pied jusque chez tes parents avec Gabriel ou alors peut-être que t’aurais fini de travailler et que tu seras là à la fin de la messe. J’en sais rien. Mais là, j’ai vraiment pas envie de te voir. Je t’aime pas moins. J’ai juste pas envie de me sentir assisté comme une merde parce que t’as pitié. Même si c’est pas pour ça, moi c’est ce que je ressens. J’espère simplement que t’accordera pas autant d’importance à Moïra la semaine prochaine. Sinon c’est elle qui emmènera Olivia tous les dimanches.

Edouard m’appelle alors je me lève. Ils sont devant la maison.

— Livie, on y va. Fais un bisou à Papou et aux jumeaux !

Même si elle n’y comprend plus rien, elle s’execute et elle sort en courant pour rejoindre la voiture.

Ils partent tous les deux, tous les quatre même, et ça me serre le ventre si fort que je suis incapable de me concentrer sur autre chose. Je m'occupe des jumeaux, je leur donne le bain et une fois qu'ils sont prêts, je les laisse jouer dans le salon, moi en caleçon sur le canapé. Je pense à plein de choses, à Logan, à Moïra, à l'église. Ça fait combien de temps que j'ai pas râté la messe ? Une éternité. Et je me sens mal que ce soit le cas aujourd'hui parce qu'une fois de plus, Moïra gagne sur moi.

Je pleure tout seul comme un con, pendant un moment, content que les enfants soient trop petits pour réellement comprendre ce qu'il en est. J'ai rien de plus cher au monde que ma famille. Rien. Et si je sais que les Saint-Clair seront toujours présents, parfois je suis terrifié à l'idée que je puisse devenir un souvenir pour les Wheeler...

Alors je ne sais pas comment, mais je sais ce que j'ai à faire. Et c'est pas de laisser Moïra re séduire MON mari et faire sa pute devant MES proches.

— On file rejoindre papa et Livie !

Arthur et Blanche ne comprennent rien, mais c'est pas grave. J'enfile des fringues, j'essaie de pas ressembler au pouilleux du dimanche et je file comme l'éclair, en attachant le jumeaux dans la voiture. J'ai pas le temps pour le vélo. Il est peut-être même déjà trop tard pour les rattraper à la sortie de la messe.

Quand on arrive à l’église, Romie et Edouard ne s’attarde pas. Apparemment, c’est pas leur truc... Ils me font sourire, tous les deux. Toujours ensemble, toujours en train de rire et faire les cons. Je crois qu’au fond j’envie même leur unité. Au moins aujourd’hui.

Quand on descend, Moïra nous repère en une seconde malgré le monde et elle s’approche de nous. Livie lui saute dessus pour lui faire un câlin et je les laisse parler alors que Madeleine et Paul nous rejoigne.

Au moment d’entrer, j’appelle Olivia et elle revient comme une fusée pour sauter dans les bras de Paul. Puis quand elle voit Gabriel, elle change de bras en deux secondes.

— On s’assoit devant en famille. Entre nous.

Je précise à Moïra. Elle affiche un air sincèrement triste et quand j’ai presque de la peine, je me rapelle qu’elle m’a laissé crever à l’hôpital, qu’elle a vendu notre maison et pris ma fille. Là, je me sens mieux. Me dire qu’Adam craint que je retourne avec elle me retourne l’estomac parce qu’il oublie ce qu’elle a fait et pourquoi j’ai coupé les ponts.

Quand on sort, on discute un peu avec Marie et Chris sur le parvis, les filles jouent toutes les trois. Moïra s’approche et je ne la présente même pas, elle ne le mérite pas.

— Tu dis au revoir à maman ? Elle va rentrer chez elle. Tu la verras le week-end prochain.
— À ce sujet, je me suis dit que comme j’habitais ici...
— Si tu veux faire des changements, tu passes par ton avocat. Là je suis avec ma famille, on a autre chose à faire que parler de ça.

Elle se tait et tant mieux. Elle se contente de faire un bisou à Olivia puis elle s’en va.

— Mais c’est pour ça qu’Adam est pas là, en fait ? Quelle couille molle celui-là !
— Gabriel !
— C’est bon, on n’est même plus dans l’église bon sang !
— Je regrette le temps ou j’aurais pu te faire manger du poivre pour avoir dit ça !
— Mais tu l’as fait la semaine dernière, à table !

Madeleine se met à rire et Gabriel lève les yeux au ciel. Je crois que leur relation s’est améliorée depuis qu’ils ne vivent plus ensemble.

— Tu nous accompagnes sur le retour ?
— Yes. Au cas où tu perdes la boule ?
— Mais Gabriel !
— Ça va, Madeleine. Vaut mieux en rire.
— Franchement mais je ne sais pas qui t’as élevé toi ! On se rejoint à la maison alors ?
— Oui ! A tout à l’heure.