Bahamas — Famille Saint-Clair

Y a deux jours, j’ai complètement péter un câble au travail. Apparemment, c’était le rendez-vous des mères chiantes et des pères qui pensent que mes études de médecine sont moins utiles que leur suggestion de merde.

Donc après un bon gros connard où j’ai dû prendre sur moi pour ne pas lui mettre un coup de boule, mon ordinateur a planté et j’ai littéralement pété un câble. J’ai tout retourné, j’ai pleuré. J’ai fait annuler tous mes rendez-vous. Je n’arrivais pas du tout à me calmer alors j’ai appeler Matthew et il est descendu avec Aria pour me la coller dans les bras juste quelques secondes. Et je me suis calmé.

J’ai dit que j’en avais marre de ce métier de merde, que les gens sont tous des ingrats, et j’ai dit que j’en avais marre de cette ville, que j’ai même pas envie de fêter Noël en famille parce que j’en ai marre de faire des efforts tout le temps, que j’ai trop la pression et que je peux jamais respirer dans ma vie.

Comme j’ai commencé à pleurer encore et que j’ai eu l’impression d’être submergé, que j’ai redit que j’avais plus envie d’être là... Matthew m’a pris au mot : on n’est plus à White Falls, on est aux Bahamas. J’ai grave pleuré dans l’avion parce que j’ai dit qu’on allait rater Noël et il m’a rassuré ; on prend dix jours pour nous avant les fêtes. Je me repose, on est tous les trois et on va être contents de passer les fêtes en famille.

J’ai le meilleur mari de tout l’univers. Je le sais.

Du coup, on est dans un hôtel de fou. Petite plage privée et accès direct depuis notre bungalow. C’est la première fois qu’Aria va à la mer et elle est vraiment très contente. C’est tout ce qui compte.

On attend Matthew qui se change avant qu’on aille à la mer et je surveille Aria qui essaie d’attraper un coquillage. Ça fait plusieurs jours qu’elle se tient debout et qu’on croit qu’elle va marcher mais c’est uniquement des faux espoir. Alors quand elle fait un pas, puis deux, j’écarquille les yeux en grand.

— MATTIE ELLE MARCHE J’TE JURE VIENS VOIR !!!!!!

Aria me regarde un peu paniquer mais je lui fais un grand sourire.

— Viens mon cœur ! Viens me voir ! MATTIE !!!

Gabriel a littéralement pété un plomb sur la vie en début de semaine et j’ai pas laissé ça traîner. Je refuse de laisser traîner une fois de plus mon mari quand il va aussi mal, je sais ce que ça peut donner. Et puis avant Noël, il est toujours dans un état de nerf à faire peur. On croirait qu’il joue sa vie à chaque fois et qu’il arrive plus à respirer. Les Bahamas il avait envie d’y venir, c’était le bon moment je crois.

On est arrivé depuis seulement quelques heures et c’est déjà le jour et la nuit. Il s’est lâché dans l’avion et la, on va pouvoir profiter d’un autre air. Quand il rentrera, il sera tellement heureux de retrouver sa famille qu’il oubliera qu’il a stressé. C’est pour ça qu’on rentre le 24 au midi et pas avant.

Aria et lui sont déjà au bord de l’eau. Je les observe du coup de l’œil en me changeant. Mais il suffit que je baisse le regard trois secondes de trop pour entendre Gabriel hurler mon prénom. J’ai une seconde de panique, avant de déchiffrer ce qu’il dit.

— NON MAIS TU DECONNES !

Je sors à poil avec mon short à la main, mais je vais sûrement pas rater ça pour l’enfiler.

— Mon grand bébé d’amour !

Elle fait un pas vers Gabriel, puis deux, et j’ai carrément le vide qui explose. Je suis tellement fière d’elle !!

On est comme deux cons à l’encourager et elle est tellement fière qu’elle vacille jusqu’à moi et je la prends dans mes bras pour lui faire un énorme câlin.

— Tu verras, c’est encore plus facile sur le sol normal !

Là, c’est du sable mouillé donc relativement dur, mais c’est encore différent d’un parquet. C’est trop une aventurière ! Je me tourne vers Matthew et je suis accroupi mais je ne m’attendais pas à voir sa bite aussi près de mon visage.

— Putain mais t’es sérieux ? J’suis à deux doigts de me la prendre dans le nez ! Mets ton short là !

J’ai ameuté toute la Terre en hurlant alors, pour peu qu’on ait des voisins qui mattent, tout le monde aura vu sa bite. J’y crois pas.

— T’es une guerriere mon coeur !

Je couine quand elle atterri dans les les bras de Gabriel !

— C’est bon c’est pas comme si tu l’avais jamais vu d’aussi prêt ! Ni comme si tu l’avais jamais eu dans le nez !

Je rigole en levant les yeux au ciel. Je prends quand même le temps d’enfiler mon short et une fois que c’est fait, je m’accroupis aussi pour faire plein de bisous à Aria. Elle éclate de rire. J’adore tellement ce son, j’aurais jamais cru que c’était aussi fort.

— Nan mais d’accord, par contre va pas traumatiser notre fille avec ton anaconda là. Puis en plus, j’ai pas envie qu’on te matte là. Ça fait cinq minutes qu’on est arrivés et tout le monde a déjà vu ta bite.

Je cale Aria entre nous pour qu’il lui puisse lui faire un câlin, mais elle s’enfuit à quatre pattes pour aller attraper du sable et le jeter en l’air. Et elle se marre.

— Elle est trop belle. Premiers pas à Hawaï, c’est un truc de ouf, un peu, nan ?

Je rigole en comprenant c’est quoi le vrai problème et je lui vole un long baiser. Il dira pas à haute voix qu’il est jaloux, mais on sait tous les deux que c’est le cas.

— T’en fais pas. Personne le verra d’aussi prêt que toi, mon anaconda !

Aria rigole en se roulant dans le sable et ça fait vraiment du bien de se sentir aussi détendu. De sentir Gabriel détendu aussi.

— Je pense qu’elle pourra se la peter à l’école plus tard ! J’espère qu’elle foutra la rage à toutes les petasses qui se croiront mieux qu’elle. Personne aura sa classe, ça se voit déjà !

— Ouais bah quand même.

Je me blottis contre lui et je l’oblige à mettre ses bras autour de ma taille. Voilà. C’est mon mari.

— Personne se croira au dessus. Par contre j’ai pas non plus envie qu’elle ressemble à mes nièces qui ont été trop mise sur un piédestal. C’est mort. Donc on la calmera si elle décolle trop, ok ?

— J’espère que t’as raison.

D’ici là on sera peut-être redevenu une famille tranquille, mais aujourd’hui y’a des millions de gens qui suivent notre vie et je ne voudrais pas qu’Aria en paie le prix quand elle sera plus grande. Si elle ressemble à Gabou, on sera sauvés.

— Non mais y’a croire en elle et savoir ce qu’elle vaux, et se croire au dessus de tout le monde. Tes nièces elles savent pas faire la différence entre le bien et le mal à l’évidence, c’est pas comme ça qu’on va élever Aria.

Et c’est déjà pas comme ça qu’on fait.

— On notera que Blanche, Arthur et Livie sont nos neveux et nièces, mais que les jumelles ce sont seulement les tiennes. Ça veux dire tellement de choses... C’est dommage.

Je fais remarquer en l’obligeant à s’asseoir entre mes jambes.

— Et que t’es le parrain du troisième... et d’ailleurs je vais t’avouer que j’ai toujours trouvé ça hyper déplacé. T’étais à peine mon mec, j’étais encore en train de pas savoir ce que je voulais dans la vie et puis tu t’étais auto présenté à ma famille. Et elle, elle faisait comme si on était en couple depuis quinze ans, qu’elle te connaissait depuis tout ce temps et elle t’a choisi en parrain. N’importe quoi.

Je dis dans un soupir.

— Elle te connaissait pas, si ça se trouve je t’aurais largué. Si c’était pas encore une question de fric, ça !

— Bah je te l’ai pas dis à cette époque là parce que je voulais pas passer pour un ingrat, et surtout pas que tu me dégages alors que j’arrivais à peine à ce que t’acceptes de dîner avec moi !

Je rigole en embrassant sa joue..

— Mais je suis pas stupide et j’ai très bien comprit pourquoi c’était. Ce qui est fou, c’est que c’était aussi très égoïste de sa part. Parce que j’aurais pu croire que si t’acceptais enfin de me donner un peu plus de chance c’était juste pour ma thune toi aussi. Et aujourd’hui on n’aurait pas cette vie là.

— Franchement... je sais pas ce qu’elle avait en tête mais j’aurais dû te dire de dire non. Parfois j’y pense et c’est complètement stupide. On n’est pas obligé d’accepter ce rôle et dire « non, on se connaît à peine et le fait que tu me confierais ton gosse quand même m’effraie de ouf » n’aurait pas été de trop. Hey ! Aria ! Ça c’est non !

Manger le sable, c’est pas la meilleure idée qu’elle peut avoir. Elle aime pas trop qu’on dise non, mais là, elle n’a pas envie de pleurer pour autant. Tant mieux.

— En tout cas, ma sœur est stupide. Et savoir qu’elle sera là pour Noël, ça me stresse un peu. Je sais qu’on a parlé et qu’elle s’est excusée mais bon... ce sera la première fois qu’elle voit Aria. Si jamais elle fait une réflexion...?

Ça me fout directement un coup de stress.

— Bah si elle fait une réflexion, ce sera qu’elle n’a vraiment rien comprit. Et si c’est le cas, soit elle part, soit on le fait.

Et étant donné les rapports de tout le monde avec elle depuis plusieurs mois, depuis toujours pour certains, je pense pas qu’on lui laisserait passer la moindre erreur.

— Mais je pense qu’il y ai à s’inquiéter. Elle s’est excusée et vu la fierté qu’elle a l’air d’avoir, c’est qu’elle a vraiment comprit ses erreurs et qu’elle ne compte pas les recommencer. Elle a une chance de se rattraper à vos yeux et je la pense pas suffisamment bête pour tout gâcher.

Si c’est le cas, ce sera définitivement terminé pour moi. Notre fille vivra pas dans cette ambiance et avec cet entourage la. Et Gabriel n’a pas besoin de stresser ainsi toute sa vie, il lui suffit de parler de ça pour se crisper de nouveau.

— Ouais. Ça va aller... t’es là de toute façon.

Je ne suis plus seul.

— Merci pour les vacances. J’aurais jamais été jusque fin décembre dans cet état. Et désolé d’avoir complètement pété un cable. Encore.

— Evidemment.

Je ne le laisserais pas tomber et encore moins affronter ça seul.

— Tant que tu me tapes pas et que tu t’en prends qu’à ton bureau ça me va. Comme ça après je suis le mari sympa qui t’emmène en vacances et ça me fait plaisir. On est à peine arrivé et t’es déjà tellement détendu. J’aime bien quand tu laches prises comme ça.

Ça le rends encore plus beau, de n’être emmerdé par rien.

Je me sens tout de suite coupable.

— Désolé si je t’ai déjà tapé quand je pète un plomb. C’est pas volontaire, j’te jure.

— Mais tu m’as jamais tapé mon Bébé ! Tu t’en souviendrais parce que t’aurais volé en retour crois-moi.

Je réponds en le serrant contre moi.

— Justement, je dis que je préfère que tu t’en prennes à ton bureau, plutôt que dans un coup de nerf tu t’en prennes à moi. Les dégâts matériel ça se répare. Ça m’arrive aussi de jeter mon portable contre un mur quand j’suis en colère.

— J’ai eu peur, j’ai cru que je l’avais fait...

Je me tourne pour embrasser ses lèvres à plusieurs reprises avant de m’accrocher à son cou pour un énorme câlin.

— Je t’aime à en crever. Vraiment vraiment hyper fort. Ça me fait mal parfois.

Je murmure à son oreille avant de me détacher de lui pour lui sourire.

— On va se baigner ? Première fois à la mer pour notre bébé qui marche toute seule !

— Je comprends, ça m’arrive aussi parfois. Et depuis qu’Aria est avec nous ça arrive encore plus souvent qu’avant. J’ai deux amours dans ma vie, c’est énorme.

Je souris en le retenant pour l’embrasser encore une fois.

— Arrête ! Je suis trop fier ! Faut qu’on essaie de la filmer pour l’envoyer à nos parents ! Et à ton frère ! Et à Romie et Eddie ! Le monde entier en fait !

Je rigole en me levant, un bras toujours accroché autour de Gabi.

— Vas y, je prends mon portable j’ai mis la coque qui va dans l’eau que y avait dans la chambre. Elle passait sur mon portable ! Tu peux le mettre autour du coup en plus.

Je me lève difficilement et j’allume la vidéo.

— Tu donnes la main à papa, mon ange ? Vous allez aller mettre les pieds dans l’eau.

— On va avoir des vidéos digne de ce nom !

Je souris tendrement en l’aidant à se relever. Je le lâche pour aller retrouver Aria et je me sens tout autant à ma place.

— On va toucher l’eau mon coeur, tu viens ?

Elle essaie quelques pas accrochée à moi, puis quand j’essaie de la lâcher elle en fait encore quelques uns et je crie encore plus fort que la première fois.

— Tu filmes notre championne la ?

Je demande à Gabriel, des étoiles dans les yeux.

— OUI J’AI FILMÉ !

On est tellement surexcité que je filme aussi Aria qui bouffe le sable et se prenant la pelle du siècle et on éclate de rire.

— Merde ! Ça va ?

Elle se relève à quatre pattes en rigolant donc apparemment, ça va. Mais elle s’accroche tout de suite à la jambe de Mattie.

— Il va te donner la main pour aller dans l’eau, t’inquiète pas.

Heureusement que c’est une casse-cou.

Si j’ai compris une chose avec Gabriel qui m’aide dans mon rôle de parent, c’est que je ne dois pas m’inquiéter de tout et rien. C’est si moi je panique qu’Aria va paniquer et même si ça a été compliqué au début, le naturel revient au galop. On est un couple casse cou, on a une fille qui l’est et tant mieux pour tout le monde. On explose de rire en la regardant s’éclater.

— Donne la main à papa.

Elle se détache de mon mollet juste pour me donner la main et on se rapproche de l’eau doucement. On y va à son rythme, en douceur. Le bruit l’intrigue, les vagues aussi et quand l’eau monte jusqu’a nous et nous touche, elle se mets à crier. C’est à moitié de la surprise, à moitié du rire et quand elle relève ses yeux rieurs vers moi je fonds.

— Viens avec nous mon coeur ! J’t’assure tu veux pas rater ça !

Je les filmes tous les deux et j’en ai des étoiles dans les yeux. Personne ne peut imagine la fierté et l’amour que je ressens maintenant. C’est infini.

— J’arrive.

Je coupe la vidéo et je passe le téléphone autour de mon cou et je cours jusqu’à eux pour prendre l’autre main d’Aria.

— T’es prête à sauter par-dessus les vagues ? Allez ! Fonce !

Quand une vague arrive, on la soulève et elle rit aux éclats. Heureusement que l’eau n’est pas trop froide.

L’eau l’éclabousse complètement mais elle s’en fout. Elle semble vivre sa meilleure vie et je crois que nous aussi, on vit la notre. J’adore mes neveux, et je pensais que ça me préparait, mais je crois que personne ne peut comprendre ce qu’on ressent en tant que parents sans l’avoir vécu. C’est magique.

— Papa aussi il saute les vagues ?

Je demande en lâchant sa main pour lui montrer. Elle secoue vivement la tête et je me jette dans l’eau comme un bouffon. Je ressors la tête de l’eau en l’arrosant et j’en profite pour éclabousser Gabriel au passage.

— Whoaaaaarrr !!

On se prend plein d’eau dans la tronche et Aria s’empresse d’en balancer dans tous les sens. Au moins dans ce bain-là, on ne va pas lui râler dessus parce qu’elle noie la salle de bain.

— Mattie, tu la prends deux minutes ? Je vais aller chercher sa bouée pour qu’on aille dans l’eau tous les trois.

On pensait qu’elle aurait peut-être un peu peur aujourd’hui, mais apparemment pas du tout. Donc autant qu’on aille nager tous les trois.